COMPTES RENDUS 489
Michel Vovelle, La Chute de la monarchie 1787-1792 ; Marc Bou- LoiSEAU, La République jacobine. 10 août 1792-9 thermidor an II ; Denis Woronoff, La République bourgeoise. De Thermidor à Brumaire, 1794-1799, Nouvelle histoire de la France volumes 1 et 3, Paris, Editions du Seuil, 1972, 287, 288 et 250 p.
Ce petit livre inaugure une nouvelle collection qui, en seize volumes, se propose de retracer l'histoire de la France depuis bientôt deux siècles. Il se recommande par une information étendue et une bonne connaissance des controverses récentes sur la Révolution française. Plus que le récit des événements, bien connus dans l'ensemble, ce sont les développements traitant de ce que l'on appelait jadis de la civilisation qui retiendront l'attention. On signalera tout les pages consacrées au roi, à la cour et au pouvoir, à la pratique religieuse, à la symbolique révolutionnaire, à ce que M. Vovelle appelle les butoirs : France ignorante ou France hostile au nouvel ordre de choses. Mais l'essentiel reste bien les deux révolutions, celle de 1789 et celle de 1792.
L'exposé des faits commence en 1786-1787, avec l'échec des réformes de Calonne. Ainsi faisaient Albert Mathiez et Georges Lefebvre. Pierre Caron, par contre, s'en tenait à la date de 1789. Quoi qu'il en soit, la question se pose inévitablement : pouvait-on faire l'économie d'une révolution ? Il y avait en France tous les éléments pour faire cette économie, comme il y avait tous les éléments pour faire la Alors ? A partir de quand les processus deviennent-ils irréversibles ? M. Vovelle insiste sur la période critique du 5 mai au 6 octobre 1789. Il voit bien l'importance de la séance du 23 juin et du programme royal, qui est tout autre chose qu'un expédient temporaire et auquel Louis XVI s'est référé à plusieurs reprises comme exprimant ses intentions. Mais le roi aurait pu ne pas céder le 27 juin, comme il aurait pu résister (et sans doute l'emporter) le 14 juillet. C'est le 6 octobre qui marque sa capitulation. Dans quelle mesure celle-ci est-elle liée à ce qui reste mystérieux, l'effacement des intendants ? En tout cas il s'agit bien, de la part du roi, d'un repli tactique. D'où la vanité des discussions sur la duplicité de Louis XVI, sur son manque de sincérité. Pouvait-il, en conscience, admettre la diminution d'un pouvoir qu'il tenait de ses ancêtres et de Dieu, et dont il se considérait comme comptable envers eux ? « II n'y a point en France d'autorité supérieure à la Loi. Le roi ne règne que par elle » : la formule était, pour Louis XVI, inacceptable, il il n'aurait pu y adhérer qu'en reniant ses devoirs de souverain. La constitution civile de clergé ne fera qu'aggraver les scrupules du roi, bien antérieurs.
M. Vovelle aborde la fameuse question du dérapage de la révolution en 1791. D'après lui, il y aurait eu plutôt une âpreté plus grande due principalement à l'application de la constitution civile et aux troubles religieux qu'elle entraîna. Il aurait pu se référer à une étude publiée par Dauphin-Meunier dans son livre Autour de Mirabeau (1925). Ces quelques pages, intitulées « Le premier pas de la Terreur », mettent en lumière l'importance des séances des Jacobins du 23 au 28 février 1791, dans une atmosphère particulièrement trouble : craintes éveillées par l'intention prêtée à Monsieur de quitter Paris, par le départ de Mesdames Tantes, par l'activité (supposée ?) du Club monarchique, par la marche d'habitants du Faubourg Saint-Antoine sur le donjon de Vincennes pendant que se aux Tuileries de prétendus « chevaliers du poignard », par l'altercation enfin, au sein de l'Assemblée, entre Mirabeau et le triumvirat dans la discussion d'une loi contre les émigrés. Tous ces faits composent une atmosphère de peur, qui s'apaisera momentanément, mais qui n'en est pas moins révélatrice d'un changement de climat. Dans cette agitation la part de la religion est considérable. On a depuis longtemps souligné l'erreur commise par les constituants. Mais pouvaient-ils ne pas toucher aux questions religieuses ? Dans ces conditions, l'aggravation était presque inévitable, sans qu'on puisse parler d'un véritable dérapage.
Si l'on tient néanmoins à l'expression, comment ne pas attacher une très grande importance aux événements extérieurs ? Nous savons que l'entrevue de Leopold II