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Aliénor d'Aquitaine. Portée et limites du genre biographique. À propos d'un livre récent

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Fait partie d'un numéro thématique : La médiévistique au XXe siècle. Bilan et perspectives.
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234 CAHIERS DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, 48, 2005 M. AURELL, C. GÎRBEA, M.-A. DE MASCUREAU

II est ordonné en deux parties. La première présente le fil chronologique de la vie d'Aliénor. La seconde examine quatre questions controversées autour du personnage: l'affaire d'Antioche, l'amour courtois, le pouvoir et le patronage littéraire et artistique de la reine ainsi que le monde arthurien. Cette seconde partie est passionnante. Elle présente une vision très nuancée et, à notre avis, juste du rôle d'Aliénor d'Aquitaine dans le mécénat littéraire; la reine est ainsi explicitement impliquée dans la rédaction de six ouvrages. Bien que dernièrement contesté, le rôle des femmes dans la littérature est actif au XIIe s., comme le prouvent, entre autres, les lectrices de Geoffroi de Monmouth, proches de Robert de Gloucester, auprès duquel le jeune Henri II fit une grande partie de son éducation. Tout au plus nous permettons-nous d'ajouter que l'attribution d'une dédicace à Aliénor dans le Roman de Brut (p. 406) se trouve seulement dans l'un des deux plus anciens manuscrits de Layamon, « Cotton Caligula », qui est certes supérieur et plus proche de l'original que « Cotton Otho » qui ne mentionne pas la reine; elle n'apparaît cependant dans aucun des nombreux prologues conservés de l'original anglo-normand. Aussi probable paraît l'intervention d'Aliénor pour que Fontevraud devienne la nécropole dynastique: non seulement elle a décidé de l'emplacement de la dernière demeure d'Henri II (f 1189) qui aurait préféré reposer à Grandmont en Limousin, mais aussi une étude récente prouve qu'elle aurait pu commanditer son propre gisant de son vivant à l'instar d'Henri de Champagne, mort en 11812. Les remarques sur la nature du pouvoir de la reine qui « s'exerce de façon indirecte » et de son « activité politique constante » en Aquitaine semblent aussi pertinentes (p. 389-394).

Même émaillée de quelques questionnements, la première partie est indiscutablement événementielle. Elle n'en présente pas moins l'intérêt de préciser avec rigueur quelques problèmes d'érudition. Ainsi, grâce à ce livre, la mort en 1186 de Geoffroi de Bretagne des suites de la blessure subie au cours d'un tournoi, accident occulté par la plupart des chroniqueurs qui avancent une fièvre estivale, n'est plus à discuter: Roger de Howden utilise, en effet, pour la décrire des expressions empruntées à la condamnation des tournois par le concile de Latran de 1179, et on voit mal comment elles pourraient s'appliquer de façon si péjorative à un membre de la famille royale (p. 184-185). Jean Flori manie ailleurs de façon remarquable ce chroniqueur, montrant le double discours qu'il tient dans ses Gestes et dans sa Chronique, écrits respectivement avant et après la mort d'Henri II (p. 175 et 183). Il est aussi précis pour le lieu du décès d'Aliénor à Poitiers, et non pas à Fontevraud, corrigeant une idée largement répandue chez les spécialistes de la question (p. 284-285). Aussi utile et neuf est le récit de la répudiation d'Éléonore de Blois-Cham- pagne par le sénéchal Raoul de Vermandois, de son union avec Pétronille, sœur de la reine, et des conflits qui s'ensuivent (p. 59-64). L'A. démontre que si, après la déclaration de la nullité de son premier mariage, Aliénor n'a pas amené avec elle ses deux filles, ce n'est pas par indifférence envers elles, comme le voulaient Jean Markale et Edmond-René Labande3, mais parce que « les enfants "appartiennent" au père » qui les utilise au profit des stratégies matrimoniales de sa maison (p. 81 et 451, n. 2)4. De même, le peu probable transport de l'argent de la rançon de Richard Cœur de Lion depuis l'Angleterre est bien argumenté (p. 469, n. 45). L'analyse sur la signification symbolique et politique des cérémonies d'intronisation ducale de Richard, « des manifestes d'indépendance à l'égard du royaume de France, mais aussi du roi Plantagenêt », est excellente (p. 134). L'importance politique de l'adoubement de Richard par Louis VII en 1173 est aussi bien démontrée: « en "faisant chevalier" le jeune Richard, le roi de France lui reconnaît peut-être son droit à user des armes en guerrier d'élite [...], mais plus encore son droit à agir en tant que maître de son domaine, l'Aquitaine, dont il a été investi » (p. 149). De même, la question du mariage d'Isabelle d'Angoulême et de Jean sans Terre ainsi que les causes réelles de la révolte de 1202 sont traitées avec rigueur (p. 272-274). Les exemples pourraient être multipliés de ces précisions chronologiques ou érudites qui apportent beaucoup.

2. X. Dectot, «Les tombeaux des comtes de Champagne», Bulletin monumental, 2004-1, cité par A. Erlande-Bran- denburg, « Le gisant d'Aliénor d'Aquitaine », dans Aliénor d'Aquitaine, dir. M. Aurell, Nantes, 2004 (Hors série, 303 Arts, recherches et créations), p. 174-179.

3. En dépit de cette critique de détail, Jean Flori écrit avec justesse au sujet de l'article d'E.-R. Labande, « Pour une image véridique d'Aliénor d'Aquitaine », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1952, p. 175-234 : « l'étude très dense de cet historien demeure encore à bien des égards, malgré quelques faiblesses que nous mentionnerons en temps utile, la meilleure introduction à l'étude du personnage d'Aliénor et à son rôle politique», p. 445, n. 29. L'étude d'Edmond-René Labande vient d'être publiée sous forme de livre avec des commentaires et compléments de M. Aurell et M.-A. de Mascureau aux éditions Geste de Poitiers.

4. L'histoire de Marie de Montpellier, répudiée à la même époque par le comte de Comminges, corrobore ce point de vue, M. AURELL, Les noces du comte. Mariage et pouvoir en Catalogne (785-1213), Paris, 1995, p. 430 et 444.

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