Le procureur de la République de Pau a reçu, jeudi 27 février, à huis clos des victimes de violences à Notre-Dame de Bétharram, près d’une semaine après la mise en examen pour viols d’un ex-surveillant de cet établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques.
« Nous exhortons la congrégation des pères de Jésus-de-Bétharram à sortir de leur mutisme et à plaider coupables, afin de reconnaître l’entièreté de leurs responsabilités pour les agissements criminels de leurs prêtres, ainsi que de leurs préposés laïcs, agissant sous leur entière autorité », a déclaré le porte-parole du collectif des victimes de violences physiques et sexuelles à Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), Alain Esquerre, après cette rencontre.
« Un corpus de 40 nouvelles plaintes, dont 18 portant sur des faits de nature sexuelle » devait être remis au parquet avant la rencontre, avait-il précisé plus tôt à l’Agence France-Presse (AFP). Parmi ces nouvelles victimes, « nombreuses sont celles qui vivent à l’étranger », selon M. Esquerre, qui cite l’Irlande, le Mexique, l’Australie ou la Suisse.
Un surveillant et trois nouveaux prêtres visés
Trois nouveaux prêtres sont visés. Un ancien surveillant, placé en garde à vue la semaine dernière mais relâché pour cause de prescription, est de nouveau cité, selon le porte-parole du collectif. Cet homme né en 1955, surnommé « Cheval » par les élèves en référence à la chevalière qu’il utilisait pour les frapper, « est parti en 1990 de Bétharram ». « Ce sont donc encore des faits prescrits, mais on va continuer à les marteler, peut-être que cela fera évoluer le législateur », a ajouté M. Esquerre.
La semaine dernière, un prêtre né en 1931 avait également été placé en garde à vue puis relâché pour prescription des faits. Seul un ancien surveillant, né en 1965, a été mis en examen, pour viols et agressions sexuelles, et placé en détention provisoire. Les huit autres hommes mis en cause jusqu’ici pour des violences sexuelles à Bétharram sont morts, avait précisé vendredi dernier le procureur.
Après l’ouverture d’une information judiciaire, M. Esquerre s’était félicité « d’être enfin entendu par la justice » et avait exhorté les anciens élèves ayant pu subir des violences à se manifester dans ce dossier « tentaculaire ». Près d’une semaine plus tard, « ça arrive de partout. La prise de conscience est en train de s’opérer. C’est cataclysmique, vertigineux », dit-il.
Des collectifs d’anciens élèves disant avoir subi des violences physiques et sexuelles dans d’autres établissements privés situés dans les Landes, les Pyrénées-Atlantiques ou encore les Hautes-Pyrénées fleurissent sur les réseaux sociaux ces derniers jours.
Jeudi, Alain Esquerre compte insister auprès du procureur de Pau, Rodolphe Jarry, sur « l’importance d’inclure l’institution Bétharram dans l’information judiciaire, pour interroger les responsabilités de l’établissement », longtemps réservé aux garçons, avec son pensionnat connu dans toute la région pour ses méthodes autoritaires.
Demande qu’un ex-surveillant soit démis de ses fonctions de maire
Lors d’une action symbolique jeudi à Jarret (Hautes-Pyrénées), l’association de défense des enfants victimes d’incestes et de violences sexuelles Mouv’Enfants a réclamé que le maire de la commune, Ange Mur, ancien surveillant de Notre-Dame de Bétharram, soit démis de ses fonctions.
Le maire de Jarret a affirmé la semaine dernière sur TF1 avoir frappé des élèves à Notre-Dame de Bétharram lorsqu’il y était surveillant entre 1979 et 1981. « Quand je frappais, je frappais (…) En début d’année, il fallait en distribuer quelques-unes, puis après c’était tout, je n’avais pas besoin d’en redistribuer », avait-il dit. L’évêque de Tarbes et de Lourdes, Jean-Marc Micas, l’a ensuite suspendu de ses fonctions de diacre en raison de son implication « dans le dossier de l’institution Notre-Dame de Bétharram, pour des faits de violence sur des élèves ».
Devant la petite mairie, jeudi, quatre membres de l’association ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Ici le maire est au-dessus des lois », « Ici le maire est un tortionnaire » ou encore « Pour les victimes, la peine est imprescriptible ». Ils avaient déployé tout au long de l’édifice un faux ruban de scène de crime frappé « Police technique et scientifique » devant le portrait du maire, ainsi qu’une soutane noire, des chapelets et d’autres banderoles proclamant « Stop au déni » et « Soutien aux victimes de Bétharram », ont constaté des journalistes de l’AFP.
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