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La chronique « poches et poètes » de François Angelier : André Gide, Christian Dotremont et Victor Hugo

Le journal des lectures en poche du journaliste.

Publié le 01 mars 2025 à 16h00 Temps de Lecture 2 min.

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« Découvrons Henri Michaux », d’André Gide, préface de Jean-Claude Perrier, 1001 Nuits, 56 p., 5 €.

« Les Grandes Choses. Anthologie poétique, 1940-1979 », de Christian Dotremont, édité par Michel Sicard, postface d’Yves Bonnefoy, « Poésie/Gallimard », 416 p., 12,30 €.

« Ce que c’est que l’exil », de Victor Hugo, Folio, « Sagesses », 96 p., 4 €.

« Mon but est de le faire un peu connaître à ceux qui seront dignes de l’aimer. » Celui qui publie ces mots chez Gallimard, sur « un méchant papier jaunâtre, émouvant », en juillet 1941, a 74 ans et recevra le prix Nobel de littérature six ans plus tard. Il se nomme André Gide. Celui qu’il projette de faire découvrir et aimer en a lui 41. C’est un Belge de Namur qui, depuis 1923, a publié des livres qu’on lit assez peu à Vichy : récits de voyage comme Ecuador ou Un barbare en Asie, récits de dévoyage des certitudes et habitudes intérieurs tels Qui je fus, Mes propriétés, La nuit remue, récits d’incursion tels Au pays de la magie ou Voyage en Grande Garabagne. Henri Michaux (1899-1984) est son nom.

Après Jammes, Conrad, Camus ou Sartre, Gide, qui adore miser gros sur de parfaits méconnus, projette de consacrer à son ami, le 21 mai, à l’Hôtel Ruhl de Nice, un exercice d’admiration. Mais son statut de pourrisseur de la jeunesse et d’apôtre de « l’esprit de jouissance » fait que la Légion française des combattants menace incursion et perturbation. La conférence est annulée, on rembourse, mais on publie vite. Découvrons Henri Michaux, texte tout aussi singulier que son sujet : Gide, en proie à une sorte d’empressement joyeux, ébloui et captivé, nous précède dans « l’espace du dedans » comme dans le laboratoire d’un alchimiste dont il brandit cornues et bocaux au nez du visiteur. Invoquant « la fantaisie visionnaire de Michaux », épris de ses « phantasmes flottants », il prend la juste mesure, lui l’amateur de Chopin et de Virgile, de ce fiévreux séisme poétique : « Il excelle à nous faire sentir intuitivement aussi bien l’étrangeté des choses naturelles que le naturel des choses étranges. » « Méfions-nous, messieurs, prévient-il, de ces petites choses qui n’ont l’air de rien, encore que jaillies du fond de l’âme. » « Nous souhaitons que ce petit livre ait le maximum d’écho », écrit, en clôture de sa préface, Jean-Claude Perrier. Souhait partagé pour ce rare moment où les mésaventures de la ferveur vont de pair avec le courage intellectuel.

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