
« Contrechamp » (Transit), d’Edith Bruck, traduit de l’italien par René de Ceccatty, Seuil, 142 p., 18 €, numérique 13 €.
Peut-on restituer, sous forme de fiction, ce que furent les camps de la mort nazis ? A cette question, souvent posée, des livres et des films ont apporté des réponses plus ou moins satisfaisantes, sans mettre en scène l’interrogation elle-même. Rien de tel avec Contrechamp, étonnant roman d’Edith Bruck qui aborde frontalement la problématique de la représentation, de ses impasses et donc du rapport à la vérité. Dans cet ouvrage publié en 1978 et traduit pour la première fois en français, l’écrivaine et réalisatrice italienne part du tournage, bien réel, de l’un des premiers films sur les camps d’extermination pour l’envelopper à son tour de fiction, de trouble et de colère.
Le résultat ressemble à un emboîtement de poupées russes, dont il faut d’abord démonter le mécanisme. Née hongroise en 1931, Edith Steinschreiber a été déportée avec sa famille à Auschwitz, en 1944, puis transférée à Dachau, Christianstadt et Bergen Belsen, avant d’être délivrée par les Alliés. Très vite, elle se marie, part en Israël, court d’un divorce à l’autre – Bruck est le nom de son fugitif troisième époux –, puis finit par se fixer en Italie. C’est là que paraît, en 1959, le récit de son expérience concentrationnaire, sous le titre Chi ti ama cosi (Qui t’aime ainsi, Kimé, 2017). Et c’est là aussi qu’elle est recrutée par le réalisateur Gillo Pontecorvo comme conseillère pour son film Kapo, tourné en Yougoslavie.
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