La revue des revues. Un récent rapport propose d’étendre les compétences de l’Agence nationale pour le renouvellement urbain – focalisée depuis 2003 sur les zones urbaines sensibles – à tous les territoires « en déprise », qu’ils soient urbains, ruraux, périphériques ou « en risque climatique ». Cela donne une excellente raison de plonger dans le dernier numéro de la revue Mouvements consacré aux « politiques des territoires délaissés ».
Après la crise de 2008, les inégalités territoriales sont reparties à la hausse. Les métropoles ont mieux amorti la crise, quand d’autres espaces, plus reculés – les « left behind places », « aree interne », « espania vaciada », « Abgehängte Regionen » – ont davantage souffert. En France, le géographe Christophe Guilluy a consacré un livre, La France périphérique (Flammarion, 2014), à ces villes moyennes et à ces zones rurales éloignées de l’emploi. « Une catégorie fourre-tout, fondée sur des bricolages statistiques qui ne résistent pas à l’examen scientifique », recadre l’éditorial de cette revue sociale, culturelle et politique, résolument ancrée à gauche, qui cherche précisément « à dépasser les oppositions binaires » du débat public. Et à combattre cette idée selon laquelle ces territoires, parce que l’Etat déverserait des milliards pour les banlieues, seraient « les terrains privilégiés de la montée du ressentiment et se révéleraient particulièrement perméables aux populismes, en particulier de droite ».
Logique de croissance à tout prix
Tous ces espaces ont pour point commun de subir « de plein fouet le retrait conjoint du capital et de l’Etat ». Evidemment, la politique de délaissement ne s’exerce pas de la même manière dans le bassin minier que dans les rues de Sakani, à Lagos, au Nigeria. A Datong, ville de Chine de l’intérieur, 3,3 millions d’habitants, les projets urbains ont été stoppés net pour des raisons financières et juridiques, laissant des familles au milieu des décombres, qui n’ont d’autre choix que d’attendre, raconte la chercheuse Judith Audin. En s’attardant dans une des cités du nord de Marseille, le sociologue Charles Reveillere décortique une politique du « laisser-pourrir » qui aboutit à la nécessité de démolir.
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