Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Sophia Rosenfeld, historienne : « Notre conception moderne de la liberté est calquée sur le modèle consumériste »

L’universitaire américaine explique, dans un entretien au « Monde », comment une certaine vision individualiste de la liberté, entendue comme la capacité de faire des choix pour soi-même, est aujourd’hui instrumentalisée par des acteurs politiques aux visées autoritaristes.

Propos recueillis par 

Publié le 04 février 2025 à 05h45

Temps de Lecture 6 min.

Read in English

Article réservé aux abonnés

Spécialiste de l’histoire des idées, l’historienne américaine Sophia Rosenfeld publie The Age of Choice : A History of Freedom in Modern Life (« L’ère du choix : une histoire de la liberté à l’âge moderne », Princeton University Press, non traduit). En s’appuyant sur le travail présenté dans cet ouvrage, la chercheuse livre une réflexion sur la conception dominante de la liberté et ses implications politiques contemporaines.

Votre nouveau livre part d’un constat : dans le monde occidental, la liberté est généralement réduite à la liberté de choix. Vous appelez cette conception « la liberté-comme-choix », qu’entendez-vous par là ?

Le sens actuel du mot « liberté », en particulier aux Etats-Unis, tend effectivement à la représenter comme la capacité de choisir. Aujourd’hui, la sensation de liberté s’éprouve dans une expérience spécifique : celle de pouvoir faire des choix pour soi-même parmi un ensemble d’options – partir en vacances ici ou là, acheter ce pull-ci ou ce pull-là, voter pour ce candidat-ci ou ce candidat-là.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette conception de la liberté est très contemporaine. Dans le passé, en Occident, la liberté a pu être envisagée comme le fait de faire bon usage de sa volonté pour rester dans le droit chemin. L’allégorie du choix herculéen était utilisée au début de l’époque moderne pour expliquer ce principe : Hercule, déchiré entre deux femmes, l’une représentant la vertu et l’autre le vice, atteint une forme de liberté en décidant de suivre la première malgré les tentations de la seconde – c’est-à-dire en choisissant consciemment de vivre selon des principes moraux. La conception contemporaine de la liberté, calquée sur le modèle du choix consumériste ou du vote démocratique et étendue à toutes les sphères de la vie, est donc un développement moderne.

Comment cette conception a-t-elle émergé ?

Si l’on met côte à côte tous les grands théoriciens de la liberté, d’Emmanuel Kant à John Stuart Mill puis John Rawls, on peut repérer une évolution du rôle accordé au choix dans l’histoire de la pensée libérale. Mais ces théorisations n’auraient pas eu un tel écho si elles n’avaient pas été précédées par des changements concrets dans le cadre de vie et les pratiques sociales des gens ordinaires, qui ont progressivement donné un caractère d’évidence à cette vision de la liberté comme choix.

Il vous reste 76.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.