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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 27 mars 1998
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 27 mars 1998

L'Oréal, Parfums Guy Laroche, The Polo Lauren Company, Cacharel et Ralph Lauren / PLD Enterprises

commerce électronique - concurrence déloyale - contrefaçon de marque - vente en ligne

Faits

Les sociétés « L’OREAL », « PARFUMS GUY LAROCHE » et « THE LAUREN COMPANY PLC » sont titulaires des marques respectivement :

1) « ANAIS ANAIS » n° 1 655 375 exploitée pour désigner des produits de parfumerie commercialisés par la société CACHAREL,
2) « DRAKAR NOIR » n° 1 369 413 pour la désignation des mêmes produits,
3) « POLO » n° 1 898 32 pour désigner également et notamment les produits cosmétiques,
4) « POLO SPORT » n° 94.549.529.

Ces sociétés ont fait constater que, sur le réseau Internet, la société « PLD ENTERPRISES » offrait des produits cosmétiques en faisant référence aux marques précitées, par le serveur de la société SIKANET – serveur hébergé par la société RAPIDSITE.

Le nom du domaine est « IRESOURCES.com ».

En exécution d’une commande passée, Maître SEGUR constata le 6 juin 1997, la livraison de flacons dénommés « DAKOTA » emballés dans des boîtes portant la mention « our version of « DRAKAR NOIR » accompagnés de plaquettes publicitaires.

Celle-ci offrait également à la vente des eaux de toilette dénommées « Fleur de Paris » avec sur l’emballage et le flacon la mention « our version of ANAIS ANAIS »,
« YATCH CLUB » avec la mention « our version of POLO »
« RACING CLUB » avec la mention « our version of POLO SPORT ».

Le 10 juillet 1997, l’huissier constatait que l’offre à la vente de ces produits était faite sur le réseau Internet au prix de 8,95 $ soit environ 54 F le flacon.

Estimant que ces faits constituent à la fois des actes de contrefaçon de leurs marques mais aussi de concurrence déloyale caractérisés par la vente à un coût dérisoire d’une « version » des eaux de toilette considérées, les sociétés « L’OREAL », « PARFUMS GUY LAROCHE », « THE POLO LAUREN COMPANY PLC », « PARFUMS CACHAREL » et « PARFUMS RALPH LAUREN » ont alors, par acte des 16 septembre 1997, fait assigner à jour fixe les sociétés PLD Enterprises, SIKANET, RAPIDSITE inc, pour voir condamner la Société PLD outre aux mesures d’interdiction et de publication d’usage, à verser les sommes suivantes :

– 1,5 million de francs à la société L’OREAL,
– 1 million de francs à la société PARFUMS GUY LAROCHE,
– 2 millions de francs à la société THE POLO LAUREN COMPANY,

en réparation du préjudice causés par les actes de contrefaçon de marque,

– 5 millions de francs à la société PARFUMS GUY LAROCHE,
– 3 millions de francs à la société RALPH LAUREN,
– 4 millions de francs à la société CACHAREL,

en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale.

Elles sollicitent également la condamnation solidaire des sociétés SIKANET et RAPIDSITE au paiement desdites sommes, le versement d’une somme de 100 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile (NCPC), et l’exécution provisoire de la présente décision.

Appelées à l’audience du 31 octobre 1996, le tribunal, en raison du court délai séparant l’assignation de la date d’audience et de l’absence de précision sur les modalités de la délivrance de certaines assignations, a renvoyé l’affaire à l’audience du 11 février 1998.

Par conclusions du 29 janvier 1998, les demanderesses se sont désistées de leur action dirigée contre la société RAPIDSITE, laquelle a conclu en faisant connaître qu’elle acquiescait à ce désistement.

Discussion

Attendu que la société PLD Enterprises a été régulièrement assignée dans les formes de l’article 684 du Nouveau Code de Procédure Civile, aux Etats-Unis d’Amérique, 635 Llano TX 78643 (TEXAS) ; que l’accusé de réception de la lettre recommandée est revenu signé et porte la date du 29 septembre 1997 ;

Attendu qu’en revanche aucun document ne vient attester que la société SIKANET a eu connaissance de l’acte qui lui était destiné ;

Qu’en conséquence et en application de l’article 479 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle ne peut pas être considérée comme ayant été régulièrement appelée dans la cause ;

Attendu enfin qu’il sera donné acte aux sociétés demanderesses du désistement de leur action dirigée contre la société RAPIDSITE ;

Sur la contrefaçon de marque

Attendu que les seules marques invoquées dans les écritures sont les marques dénominatives suivantes :

– ANAIS ANAIS n° 1 655 375
– DRAKAR NOIR n° 1 369 413
– POLO n° 1 898 32
– POLO SPORT n° 94/549 529

Attendu que ces marques ont été déposées pour la désignation de produits cosmétiques ;

Attendu qu’il ressort du constat dressé le 10 juillet 1997, par Maître Didier SEGUR, que sur le réseau Internet, il est possible d’accéder à l’aide d’un moteur de recherche dénommé ALTAVISTA, aux pages intitulées « Discount Fine Jewelry » puis aux rubriques « MEN’S COLOGNE’S et « WOMEN’S COLOGNE » ;

Que l’huissier a alors pu constater qu’il était aisé de passer commande desdits produits en éditant un bon de commande dénommé « ORDER FORM » ;

Que celui-ci est établi à l’en-tête de la société PLD Enterprises P.O. BOX 635 Llano TX 78643 ;

Attendu que les pages éditées, jointes en annexes du procès-verbal, montrent que sous les rubriques « MEN’S COLOGNE’S et « WOMEN’S COLOGNE » sont proposées à la vente les eaux de toilette suivantes avec les mentions précisées comme suit :

« YATCH CLUB, our version of POLO,
DAKOTA, our version of DRAKAR NOIR,
RACING CLUB, our version of POLO SPORT,
FLEUR DE PARIS, our version of ANAIS ANAIS ».

Attendu que ces mêmes référencements se retrouvent sur le bon de commande ;

Attendu que les demanderesses ont par ailleurs fait constater par Maître SEGUR la livraison par la société PLD Enterprises d’un ensemble de flacons reproduisant sur les flacons comme sur les emballages les mêmes références aux marques dénominatives invoquées ;

Attendu que l’utilisation de ces marques a été effectuée sans le consentement de leur titulaire ; que l’article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle prohibe tout usage d’une marque, sauf autorisation du propriétaire, même avec l’adjonction des termes « genre, imitation ou méthode… » ;

Que l’usage des marques litigieuses n’était à l’évidence pas commandé par une référence nécessaire pour indiquer la destination du produit ;

Qu’ainsi la reproduction à l’identique des marques invoquées pour désigner des produits identiques à ceux désignés lors de leur enregistrement, sur le site internet (catalogue et bon de commande) mais aussi sur les flacons et leur emballage, livrés en France, constituent des actes de contrefaçon qui engage la responsabilité de la société PLD laquelle propose à la vente et vend lesdits produits sous les marques contrefaisantes ;

Sur les actes de concurrence déloyale

Attendu que les demanderesses font également état d’actes de concurrence déloyale qu’elles ne font reposer que sur la présentation des eaux de toilette litigieuses comme étant la réplique des leurs et sur leur prix de vente au public particulièrement bas ;

Attendu cependant qu’il appartient aux titulaires et exploitants des marques de préciser dans quelle mesure les actes qu’ils entendent incriminer sont distincts de ceux déjà incriminés au titre de la contrefaçon ;

Attendu qu’il leur incombe par exemple de préciser en quoi le flaconnage des eaux de toilette est réalisé dans une présentation évocatrice des produits qu’ils commercialisent ; que cette démonstration n’est pas apportée en l’espèce ;

Attendu, en revanche, qu’il est constant que les eaux de toilette litigieuses sont proposées à la vente à des prix inférieurs de plus de la moitié au prix auquel sont commercialisées les leurs ;

Que la présentation sur le tableau de référence et sur le catalogue de la marque de leurs eaux de toilette avec l’affichage d’un prix de vente bien inférieur, constitue en l’espèce un acte distinct de la contrefaçon, caractérisant une concurrence déloyale dont les demanderesses sont bien fondées à solliciter la réparation ;

Sur les mesures réparatrices

Attendu qu’il sera fait droit aux mesures d’interdiction et de publication sollicitées dans les termes du dispositif ci-après ;

Sur l’exécution provisoire et l’article 700 du N.C.P.C.

Attendu que l’exécution provisoire accompagnera la mesure d’interdiction ; qu’elle accompagnera également la condamnation au paiement des dommages et intérêts mais seulement dans la limite de 50 % de leur montant ;

Qu’il n’est pas inéquitable de condamner la défenderesse à verser aux demanderesses la somme globale de 12 000 F en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Décision

Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

.Constate qu’il n’est pas établi que la société SIKANET ait eu connaissance de l’acte introductif d’instance et qu’elle ne peut donc être considérée comme ayant été appelée dans la cause.

.Donne acte aux demanderesses de leur désistement d’action à l’encontre de la société de droit américain RAPIDSITE. Déclare ce désistement parfait, chacune des parties conservant la charge de ses frais et dépens.

.Dit que la société de droit américain PLD Enterprises en offrant à la vente et en vendant des eaux de toilette, reproduisant sur leur flacon, leur emballage, les catalogues de présentation et les bons de commande, les marques dénominatives « ANAIS ANAIS » n° 1 655 375, « DRAKAR NOIR » n° 1 369 413, « POLO » n° 1 898 32, « POLO SPORT » n° 94 549 529, dont sont titulaires les sociétés, respectivement L’OREAL, PARFUMS GUY LAROCHE et THE POLO LAUREN COMPANY PLC, a commis des actes de contrefaçon desdites marques.

.Dit qu’elle a en outre commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des Sociétés PARFUMS CACHAREL, PARFUMS GUY LAROCHE et PARFUMS RALPH LAUREN. En conséquence, lui interdit la poursuite de tels actes sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision.

Ordonne l’exécution provisoire de cette mesure.

La condamne par ailleurs à verser les sommes suivantes :

– QUATRE VINGT MILLE FRANCS (80 000 F) à la société L’OREAL en réparation de l’atteinte à sa marque,
– CENT VINGT MILLE FRANCS (120 000 F) à la société CACHAREL en réparation des actes de concurrence déloyale,
– DEUX CENT MILLE FRANCS (200 000 F) à la société PARFUMS GUY LAROCHE à titre de dommages et intérêts,
– CENT MILLE FRANCS (100 000 F) à la société THE POLO LAUREN COMPANY en réparation de l’atteinte de sa marque,
– CENT TRENTE MILLE FRANCS (130 000 F) à la société PARFUMS RALPH LAUREN en rréparation des actes de concurrence déloyale.

Dit que l’exécution provisoire assortira cette condamnation, mais à concurrence de la moitié des montants indiqués.

Autorise les demanderesses à faire publier le présent dispositif, aux frais de la société PLD Enterprises dans la limite de
60 000 F, dans 3 journaux ou revues de leur choix.

Condamne la société PLD Enterprises à verser en outre la somme de DOUZE MILLE FRANCS (12 000 F) du chef de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens qui seront distraits au profit de Maître ITEANU, Avocat.

Le tribunal : M. Alain Girardet (vice-président), Dominique Saint Schroeder (premier juge) et Pascale Beaudonnet (juge).Monique Bringard (greffier).

Avocats : Me Olivier Iteanu – Philippe Agulhon

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.