Jurisprudence : Logiciel
Cour d’appel de Paris Pôle 1, 4ème chambre Arrêt du 12 mars 2010
Julien B. / Amarile
logiciel
FAITS ET PROCEDURE
Vu l’ordonnance prononcée le 12 juin 2009 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, qui a donné mainlevée de la saisie contrefaçon réalisée le 7 mai 2009 dans les locaux de la société Amarile et portant sur le logiciel 1120200 contenu dans la Logibox, ordonné la restitution sans délai à la société Amarile de l’ensemble des copies des données informatiques réalisées par l’huissier de justice, rejeté la demande de production de documents comptables effectuée par Julien B. et condamné celui-ci aux dépens ;
Vu l’appel interjeté de cette ordonnance le 17 juin 2009 par Monsieur Julien B., qui, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 décembre 2009, soutient que Monsieur Arnaud B. exploite à son seul profit de façon déloyale au sein de la société Amarile un logiciel qu’ils ont conçu en commun, que ce logiciel a été référencé mais non déposé auprès de l’agence de la protection des programmes, que la saisie contrefaçon a été exécutée en conformité avec les dispositions de l’article L332-4 du code de la propriété intellectuelle, en correspondance avec la pratique habituelle et n’est susceptible d’entraîner aucune conséquence irréparable pour la société Amarile, que l’autorisation donnée à l’huissier de procéder à une copie du logiciel n’était pas subordonnée à une description détaillée préalable du logiciel, que l’huissier n’a procédé à aucune saisie réelle, que les différentes versions du logiciel lui ont été remises spontanément par Monsieur Arnaud B. et qu’il n’a pas procédé à un nombre de copies supérieur à celui autorisé par l’ordonnance du 30 avril 2009 et demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance déférée,
– ordonner la restitution, sous astreinte de 1000 € par jours de retard, des copies des différentes versions des logiciels copiées par l’huissier et restituées à la société Amarile le 7 juillet 2009,
– ordonner que cette restitution intervienne entre les mains du greffe de la 3ème chambre 1ère section du TGI de Paris,
– constater que la société Amarile a fait ouvrir les scellés contenant l’ensemble des données saisies au cours de la saisie contrefaçon du 7 mai 2009 et que ces données ont pu être manipulées en dehors de tout contrôle,
– condamner la société Amarile, outre aux dépens, à lui verser la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du CPC ;
Vu les conclusions signifiées le 5 novembre 2009 par la société Amarile, qui précise que le logiciel qui a fait l’objet d’un dépôt sous le numéro 06-220001-000 n’est pas exploité par elle, qu’elle exploite un logiciel AmarileEditor, qui est totalement différent du précèdent, fait valoir que l’ordonnance du 30 avril 2009 n’a pas autorisé Monsieur Julien B. à faire procéder à une saisie réelle, que l’huissier instrumentaire n’a procédé à aucune des descriptions requises par cette décision, puisque l’ordonnance n’autorisait que la copie en deux exemplaires des données informatiques décrites, que l’huissier, qui a réalisé au moins cinq copies et a procédé à la saisie de logiciels non visés par l’ordonnance, est ainsi allé au delà des termes de l’ordonnance sans pouvoir constater de contrefaçon ou de similitude, que si l’huissier avait procédé à la description requise, celle-ci aurait permis de mettre en évidence que le logiciel Amarileditor 2008 n’était pas similaire du logiciel Amarile 1.0.0, que la restitution a été incomplète et prie la cour de confirmer la mainlevée de la saisie contrefaçon du 7 mai 2009 ainsi que la restitution de l’ensemble des codes sources, fichiers exécutables appréhendes par maître Albou et de condamner Monsieur Julien B. aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 8000 € en application de l’article 700 du CPC ;
DISCUSSION
Considérant que le premier juge a relevé que l’huissier de justice chargé d’effectuer la saisie contrefaçon ne s’était livré à aucune description des différents logiciels copiés, puisqu’il s’était borné à indiquer la taille des fichiers par leur nombre d’octets, alors que la description des données informatiques constituait un préalable à leur copie selon les termes de l’ordonnance du 30 avril 2009 ayant autorisé la saisie ; que pour ordonner la main-levée de la saisie contrefaçon, il a ainsi retenu que cette saisie n’avait pas été effectuée conformément aux termes de l’ordonnance du 30 avril 2009 ;
Considérant que l’article L332-4 du code de la propriété intellectuelle dispose :
En matière de logiciels et de bases de données, la saisie-contrefaçon est exécutée en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de grande instance. Le président autorise, s’il y a lieu, la saisie réelle.
L’huissier instrumentaire ou le commissaire de police peut être assisté d’un expert désigné par le requérant.
A défaut d’assignation ou de citation dans la quinzaine de la saisie, la saisie contrefaçon est nulle.
En outre, les commissaires de police sont tenus, à la demande de tout titulaire de droits sur un logiciel ou sur une base de données, d’opérer une saisie-description du logiciel ou de la base de données contrefaisants, saisie-description, qui peut se concrétiser par une copie ;
Qu’en l’espèce, la saisie-contrefaçon ayant été judiciairement autorisée, il appartenait à l’huissier instrumentaire de se conformer aux dispositions de l’ordonnance l’ayant autorisée ;
Que l’ordonnance ainsi rendue à la requête de Monsieur Julien B. l’autorisait à faire procéder par un huissier de son choix à la description détaillée du logiciel contenu dans la logibox n° 06-220001, des fichiers, codes sources, visuels, exécutables, fonctionnalités, structures et autres du logiciel exploité par Monsieur Arnaud B. dans toutes les versions et du site internet www.Amarile.fr, constituant la contrefaçon du logiciel Amarile et à la copie en deux exemplaires des données informatiques décrites, ce qui implique que la description du logiciel devait être effectuée préalablement à la copie des données informatiques, comme l’a relevé le premier juge, également signataire de l’ordonnance du 30 avril 2009 et Monsieur Julien B. n’est pas fondée à prétendre que l’huissier instrumentaire pouvait tout aussi bien procéder à la description des données informatiques ou procéder à leur copie ;
Que contrairement à ce qui est soutenu par l’appelant, cette exigence posée par le délégataire du président du tribunal, qui a autorisé la saisie contrefaçon, ne se heurte à aucune disposition de l’article L 332-4 précité, notamment celle prévoyant que la saisie-description, opérée hors autorisation de justice par un commissaire de police à la demande d’un titulaire de droits sur un logiciel, peut se concrétiser par une copie ;
Considérant que Monsieur Julien B. ne démontre par aucun élément que la description des données informatiques par l’huissier instrumentaire, avant que celui-ci en prenne copie, était impossible ; qu’il est d’ailleurs mal venu à exciper d’une telle impossibilité, alors que l’ordonnance ayant autorisé la saisie a repris les termes mêmes de la requête présentée par son conseil au délégataire du président du tribunal, hormis deux paragraphes relatifs à l’autorisation d’opérer une saisie-réelle, laquelle a été refusée par le magistrat saisi ;
Qu’en outre, même si la valeur probante de ce document est relative, la note technique établie à la demande de la société Amarile par Monsieur S., expert judiciaire, à la suite de l’ouverture des scellés contenant les données informatiques copiées et restituées en exécution de l’ordonnance entreprise, fait ressortir que la description des fichiers, en les regroupant par type de présentation et par année, était possible, ce d’autant plus que l’huissier instrumentaire était assisté d’un expert informatique ;
Qu’au surplus et en tout état de cause, l’huissier chargé d’opérer la saisie était autorisé à procéder à la copie des données informatiques en deux exemplaires, l’un des deux devant être déposé au greffe du tribunal, mais non à effectuer ensuite en son cabinet au moins quatre copies supplémentaires sur CD Rom, copies qui ont été ensuite restituées en exécution de l’ordonnance déférée, comme cela ressort également de la note de Monsieur S., qui a mis en évidence que le contenu de ces quatre CD Rom était identique, ce qui n’est pas contesté par l’appelant ;
Qu’à cet égard, l’affirmation de principe de Monsieur Julien B., selon laquelle les copies ainsi faites par cet huissier seraient justifiées par la nécessité de respecter les normes déontologiques et les obligations attachées à son statut, n’est pas sérieusement étayée ;
Qu’en procédant ainsi, l’huissier instrumentaire a excédé les limites de l’autorisation qui lui était donnée et, ce faisant, aggravé le risque d’atteinte à la confidentialité des données informatiques copiées ;
Qu’en conséquence et, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres arguments invoqués par la société Amarile, l’ordonnance prononçant la main-levée de la saisie doit être confirmée et Monsieur Julien B. doit être débouté de ses demandes ;
Considérant que Monsieur Julien B., qui est débouté des fins de son recours supportera les dépens d’appel, sera débouté de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du CPC et condamné en outre à verser à la société Amarile la somme de 5000 € sur le même fondement ;
DECISION
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
. Confirme l’ordonnance déférée,
. Déboute Monsieur Julien B. de ses demandes,
. Le condamne à payer à la société Amarile la somme de 5000 € en application de l’article 700 du CPC,
. Le condamne aux dépens d’appel.
La cour : M. Jacques Laylavoix (président), M. David Peyron et Mme Catherine Bouscant (conseillers)
Avocats : Me Muriel Antoine-Lalance, Me Mathieu Berguig
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