Emmanuel Tjibaou était l’invité du journal télévisé de NC la 1ère, dimanche 15 juin. Le député de la deuxième circonscription et président de l'Union calédonienne y a réaffirmé les attentes du Front, critiqué le flou autour du "projet nouveau" évoqué par l’Élysée, insisté sur l’urgence économique, et plaidé pour une réconciliation fondée sur la vérité et la reconnaissance du rôle central de la jeunesse.
Une libération perçue comme un signe d’apaisement
Pour Emmanuel Tjibaou, la décision de la cour d’appel de Paris, le 12 juin, de remettre en liberté Christian Tein et quatre autres militants de la CCAT, constitue "un signe d’apaisement". "L’instruction poursuit son cours. On a toujours dénoncé le fait que les incarcérations n’avaient pas lieu d’être. [...] Aujourd’hui, trois juges se sont prononcés pour leur libération." Le président de l’UC appelle néanmoins à la prudence et à la responsabilité. Il estime que cette décision permet aussi de restaurer un cadre plus serein : "beaucoup se sont portés en juge au moment du 13 mai, parce qu’il y avait de la colère. Aujourd’hui, la parole, elle est posée comme une parole de justice". Il évoque un "moment important" dans une histoire judiciaire où, selon lui, "le traitement des affaires rattachées au combat politique du FLNKS a souffert de beaucoup de travers".
Ce qu’on attend aujourd’hui, c’est surtout une clarification de l’objet de notre prochain rendez-vous avec l’État.
Emmanuel Tjibaou
Christian Tein, le FLNKS et les conditions du dialogue
Interrogé sur une éventuelle présence de Christian Tein à la table des discussions, Emmanuel Tjibaou se montre clair. "Le FLNKS s’est prononcé en congrès pour demander à ce que le président soit présent à la table des négociations."
Mais il précise que cette demande dépend désormais du déroulement de la procédure judiciaire. "L’instruction n’est pas terminée. Il y a des modalités que Christian Tein doit évaluer avec sa défense." Alors que des responsables loyalistes jugent sa participation inacceptable, le député répond sans polémique : "ce n’est pas moi qui fais les invitations. Je ne vais pas commenter". Il rappelle que ces choix relèvent du bureau politique du FLNKS et que, dans l’immédiat, "ce qu’on attend aujourd’hui, c’est surtout une clarification de l’objet de notre prochain rendez-vous avec l’État".
Des annonces, mais toujours pas de cap
Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron évoque un "projet nouveau" pour la Nouvelle-Calédonie. Mais pour Emmanuel Tjibaou, le flou domine. "On a beaucoup d’éléments d’annonce, mais on ne sait ni le contenu, ni le format, ni l’objet."Le député affirme avoir saisi les services de l’Élysée et du ministère de l’Outre-mer sans obtenir de réponse précise. Le FLNKS, lui, continue de s’appuyer sur le socle posé depuis plusieurs mois par Manuel Valls. "Ce n’est pas le projet du ministre, c’est le projet porté par l’État. [...] C’est à partir de cette base que la majorité des parties prenantes autour de la table a accepté de discuter", précise-t-il en réponse à une partie des non-indépendantistes qui tente d'opposer le ministre des Outre-mer au chef de l'Etat sur le dossier calédonien.
Emmanuel Tjibaou met en garde contre une méthode devenue illisible : "on a fait gouvernement Castex, Borne, Attal, Barnier… Chaque fois, on change de format, de partenaires. [...] Même si le conclave n’a pas abouti, il a permis aux gens de continuer à discuter. Il faut garder ces principes-là."
Notre crainte, c’est que la motion de censure entraîne la chute du gouvernement [national]. Or ici, on a besoin d’avancer.
Emmanuel Tjibaou
Stabilité politique et urgence économique
Pour le député, "la priorité, c’est d’apporter des éléments de stabilité" aux Calédoniens. La conclusion d’un accord politique conditionne, selon lui, la relance économique.
Il alerte aussi sur les conséquences d’une crise nationale. "Notre crainte, c’est que la motion de censure entraîne la chute du gouvernement [national]. Or ici, on a besoin d’avancer." Il dit avoir interpellé les parlementaires sur le risque que les Outre-mer soient une nouvelle fois relégués au second plan.
L'élu indépendantiste évoque les discussions en cours avec l’Agence française de développement et les retards accumulés sur le déploiement du prêt garanti par l’État. "Là aussi, on a une responsabilité, mais elle est partagée avec l’État", souligne-t-il. Pour lui, seule la signature d’un accord nouveau pourra ouvrir la voie à "une réforme structurelle" et une "indépendance viable".
Ce 13 mai, on a été rattrapés par notre jeunesse.
Emmanuel Tjibaou
Vérité, réconciliation et appel à la jeunesse
En réponse à Emmanuel Macron, qui avait évoqué la nécessité d'un chemin du pardon, en juillet 2023, il estime que "la réconciliation, ça n’a de sens que si c’est aussi empreint de vérité". À ce titre, le président de l'Union calédonienne insiste sur la nécessité de faire toute la lumière sur les événements de mai 2024. "Ce 13 mai, on a été rattrapés par notre jeunesse", observe-t-il.
Emmanuel Tjibaou invite à ne pas réduire cette crise à une lecture uniquement judiciaire ou sécuritaire. Le président de l’UC voit dans la vérité un préalable au pardon évoqué par le président de la République. "Le pardon est nécessaire, inévitable, mais pour ça, il faut regarder la vérité en face." Il estime enfin que le rôle de la jeunesse dans ce processus est central. "Elle est au cœur même du projet de société." Et conclut : "si on veut se réconcilier, il faut s’engager, sortir des ornières et avoir le courage de la vérité".