Mener Des Parties de Jeu de Role 2016 Collectif PDF
Mener Des Parties de Jeu de Role 2016 Collectif PDF
Olivier Caïra est sociologue et narratologue. Il travaille sur les industries de diver-
tissement et la théorie de la fiction. Il a notamment écrit Jeux de rôle : les forges de la
fiction et dirigé avec Jérôme Larré Jouer avec l’histoire. Il a également collaboré avec
les XII Singes sur la gamme Adventure Party et sur les recueils de scénarios 6 cauchemars
contemporains et 6 trésors légendaires.
Coralie David a collaboré à la publication d’une centaine d’ouvrages, principalement
pour les comptes de Black Book Éditions (JdR) et de Mnémos (romans). En parallèle,
elle a écrit une thèse intitulée Jeux de rôle sur table : l’intercréativité de la fiction littéraire
qui lui a permis d’obtenir un doctorat en littérature comparée. Coralie est désormais
une des deux têtes de Lapin Marteau.
Sébastien Delfino a illustré quelques jeux de rôles (Te deum pour un massacre,
Nightprowler 2, etc.), écrit pour des fanzines et des magazines (MJ-zine, Di6dent, Casus
Belli), conçu des systèmes de jeux (récemment celui de D3). Il anime aujourd’hui
le podcast Les Carnets ludographiques au sein de Radio Rôliste.
Fabien Deneuville est concepteur et éditeur de jeux de rôle depuis 2010. Il est l’auteur
d’un autre recueil de conseils pour MJ : La Bible du meneur de jeu. Il mène régulière-
ment des actions pour faire connaître notre loisir, notamment en bibliothèques, en
médiathèques et auprès d’autres institutions. Son engagement associatif lui a également
permis d’exercer le rôle de président de la Fédération française de jeu de rôle.
Nicolas Dessaux a publié deux jeux basés sur deux éditions précédentes du plus
ancien des jeux de rôles : Épées & Sorcellerie et Aventures fantastiques, ainsi qu’un
moteur de jeu minimaliste, Searchers of the Unknown, dont sont issues plusieurs publi-
cations récentes d’autres auteurs (La Lune et les Douze Lotus, Coureurs d’orage, Tempora
Mutantur, etc.). Il a également publié Résistances irakiennes (L’Échappée, 2007) et
Jeanne de Constantinople, comtesse de Flandre et de Hainaut (Somogy, 2010).
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Romain d’Huissier travaille dans le milieu du jeu de rôle depuis une quinzaine
d’années. Ayant fait ses premières armes dans le cadre de jeux et suppléments amateurs,
il a depuis œuvré sur de nombreuses gammes et écrit pour le compte de divers maga-
zines spécialisés. Étant écrivain, il a également publié plusieurs romans et nouvelles.
Jean-Philippe Jaworski est auteur de jeu de rôle, nouvelliste et romancier. Il a publié
du jeu de rôle historique (Te Deum pour un massacre) et des romans de fantasy dont les
sources d’inspiration sont ludiques et historiques (Gagner la guerre, Rois du monde).
Alexandre « Kobayashi » Jeannette est le créateur des Livres de l’Ours, label sous
lequel il publie ses propres jeux de rôle (Tranchons & Traquons, 10.000, Shell Shock,
etc.), ainsi que des traductions de jeux anglo-saxons (Barbarians of Lemuria, Sword &
Wizardry). Il est également auteur de comics à paraître sous le label Thumb Breakers.
Ancien contributeur du Site de l’Elfe Noir, Alexis Lamiable a fondé la micro-entreprise
d’édition Electric Goat et traduit le jeu Psi*Run. En parallèle, il exerce ses talents de
game designer au travers de divers concours de création rôliste.
Jérôme « Brand » Larré a participé à l’écriture ou à la conception de plus d’une
cinquantaine de jeux et suppléments, en France ou à l’étranger (C.O.P.S., Fiasco, Qin,
Ryuutama, Tenga, etc.). Très engagé dans la théorie rôliste, il contribue à de nombreux
événements favorisant la création : tables rondes, ateliers d’écriture, concours de
création, etc. Jérôme est une des deux têtes de Lapin Marteau.
En plus d’une activité dans la presse rôliste qui dure depuis 1987 et embrasse les quatre
incarnations de Casus Belli, Tristan Lhomme a collaboré à l’écriture, la traduction et/
ou la publication d’une cinquantaine de jeux de rôle et de suppléments pour des éditeurs
aussi divers que Siroz et Multisim, sans compter quelques excursions dans le jeu vidéo et la
littérature. Il est l’auteur d’environ cent cinquante scénarios pour une quarantaine de jeux.
Thomas Munier est l’auteur de jeux et de suppléments prenant place dans la forêt
de Millevaux (Inflorenza, Millevaux Sombre) et dans des rêves (Marins de Bretagne,
S’échapper des faubourgs, Dragonfly Motel). Il anime Outsider, un blog sur l’énergie
créative et les univers artisanaux. Il aime aussi les collages à la Prévert, les musiques
sombres, le cinéma, la littérature mindfuck et les petits chats.
Auteur depuis le siècle dernier (Archipels, Star Drakkar, Lanfeust), Eric Nieudan
a profité de son exil en terre celte pour se guérir du jeu de rôle et écrire des romans.
Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il rechute. Aujourd’hui, il joue plus qu’il ne maîtrise
et il maîtrise plus qu’il ne produit. Récemment, il a combiné ses passions ludiques
pour créer un story game ambiance old school, White Books.
Isabelle Périer a participé à la conception et à l’écriture de nombreux ouvrages pour
le compte d’éditeurs comme Multisim (Nephilim, Agone), Mnémos (Velin Carminae).
En tant qu’universitaire, elle a axé ses recherches autour des cultures de l’imaginaire et
notamment du jeu de rôle. Elle est co-rédactrice en chef de JDR Magazine et travaille
aujourd’hui au sein du Département des Sombres Projets (Wasteland, Mournblade).
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Gregory Pogorzelski a traduit Apocalypse World et Dungeon World en français.
Il met occasionnellement à jour son blog Du bruit derrière le paravent, où il émet
des opinions sur la meilleure façon de faire semblant d’être un elfe. Il aime parler
conception de jeux avec des mots comme « émergence », « boucles de rétroaction » ou
« affordance », mais ne mord pas.
Thomas Robert aime à répéter qu’il est l’imposteur du groupe. Rôliste expérimenté,
il a roulé sa bosse dans des domaines aussi variés que l’organisation de conventions,
principalement comme scénariste, ou l’administration du Grog. Même s’il ne se consi-
dère pas comme un auteur, il a eu l’occasion d’écrire pour des jeux comme Vermine ou
Mousquetaires de l’ombre, ainsi que pour le magazine Casus Belli.
Pierre Rosenthal a été le rédacteur en chef adjoint de la première formule de Casus
Belli. Il a créé les jeux de rôle Simulacres et Athanor. Enfin, il a dirigé Le Manuel
pratique du jeu de rôle, hors-série n° 25 de Casus Belli en 1999.
Stéphane « StephLong » Treille est auteur et relecteur de jeux de rôle. Il a plus
particulièrement travaillé sur Qin Shaolin & Wudang et La Brigade chimérique.
Notice
Abréviations utilisées
Background
Pour des raisons de clarté, ce terme sera uniquement utilisé dans son sens d’historique
d’un personnage, et pas dans le sens d’univers de jeu.
Informations bibliographiques
Sauf cas spécifiques, la première édition en version originale est toujours privilégiée.
Les références bibliographiques sont données une fois par jeu. Lorsqu’elles comprennent
plus de dix auteurs, le nombre de noms cités est limité à cinq et la mention « et autres »
est ajoutée.
Vous l’aurez sans doute remarqué, mais, sans l’imposer aux autres auteurs, nous avons
pris le parti de féminiser systématiquement le terme de « joueur » en « joueuse ». Nous
sommes conscients que cela n’est pas ce à quoi nous enjoint la grammaire et que
cela ne semble pas naturel pour la plupart d’entre nous. Certains nous ont même confié
se sentir exclus par ce choix. Toutefois, nous l’avons fait à dessein. La première raison,
certes moins importante, est que cela permet de distinguer sans effort les joueuses,
quel que soit leur genre, d’un éventuel meneur ou des personnages. La seconde est que
nous pensons qu’en tant qu’éditeur, surtout d’ouvrages théoriques, nous avons notre
(tout petit) rôle à jouer sur l’image que se renvoie notre propre communauté et sur la
façon dont elle traite certains de ses membres. En d’autres termes, c’est justement parce
que cela « râpe » que nous pensons que c’est important de le faire. Quoi qu’il en soit,
rassurez-vous, on s’y habitue rapidement. Après tout, nous n’avons féminisé qu’un seul
mot, et cela ne concerne que quelques articles…
INTRODUCTION :
Décider de sa pratique
•
Coralie David & Jérôme Larré
Sortir de l’auberge
C
ommençons ce recueil par une confession : chez Lapin Marteau, on aime
le JdR et on est fier d’être rôliste. Nous ne sommes ni les premiers, ni les der-
niers, ni même les plus fervents, mais nous sommes intimement convaincus
que notre loisir mérite bien plus d’égards que nous ne lui en accordons d’habitude.
Peu importe qu’il s’agisse d’un art ou pas, qu’il soit d’ambiance, tactique, à autorité
partagée, old school ou autre : depuis quarante ans, nous sommes des millions à nous
y adonner ou à nous y être adonnés. Tous ensemble, nous avons multiplié les types
de jeux disponibles, découvert des façons plus ou moins efficaces de les créer, appris
de nos erreurs, acquis de l’expérience, érigé certaines œuvres en classiques, diversifié
nos pratiques, dressé des barbelés parfois, mais nous avons plus souvent construit des
passerelles et des chemins de traverse. Bref, nous avons progressé et, ce faisant, nous
avons généré collectivement une grande quantité de connaissances liées à notre loisir.
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Selon la perspective que l’on choisit d’adopter, on peut leur donner bien des noms :
culture, théorie, etc. Aucun de ces termes n’est vraiment faux. Ce qui compte, c’est
que ce savoir est indubitablement une richesse. Et en tant que tel, il soulève de
nombreuses questions : comment le conserve-t-on ? Comment le développe-t-on ?
Comment en facilite-t-on l’accès ? Comment le transforme-t-on en quelque chose
d’autre ? Comment l’évalue-t-on ?
Certaines de ces problématiques dépassent de loin le cadre de notre loisir et trouvent
des échos dans divers domaines dont on ferait bien de s’inspirer (médias récents, autres
formes ludiques, etc.). D’autres sont cruellement spécifiques. Par exemple, le jeu vidéo
et le JdR partagent tous deux le risque très concret de perdre de nombreux savoir-faire
avec la disparition de leurs pionniers, mais l’histoire du second est bien moins connue
que celle du premier et ses publications originelles bien souvent fantasmées, voire
mythifiées, sans que grand monde ne fasse l’effort de revenir aux textes originaux.
De la même façon, on peut constater dans les pays francophones au moins, une vraie
défiance – voire un tabou – de la communauté rôliste vis-à-vis de la théorie. Cela ne
veut surtout pas dire qu’il ne se passe rien. Au contraire, podcasts, blogs, forums et autres
magazines sont extrêmement dynamiques. Toutefois, le traumatisme des chasses aux
sorcières des années 1990 a laissé bien des traces. Ainsi, dans nos travaux précédents
comme lorsque nous avons cherché à réaliser ce recueil, nous avons été confrontés
à nombre de joueuses1, meneurs ou auteurs dont nous connaissions le talent et qui
avaient de vraies réticences à partager leur savoir-faire, non pas par manque de géné-
rosité, mais par peur de passer pour des donneurs de leçons se prenant un peu trop au
sérieux. Comme s’ils n’étaient pas légitimes. Comme si je le JdR dans son ensemble
ne l’était pas non plus2. Là encore, les choses changent, mais il est troublant de voir
l’hostilité de certaines joueuses à l’idée qu’il puisse exister une théorie rôliste alors
même que des auteurs de leurs jeux favoris comme Graeme Davis, Frank Mentzer ou
Christopher Klug 3 nous ont expliqué être ravis, eux, de cette évolution.
Or, comme nous vous le disions, nous sommes fiers d’être rôlistes. Nous croyons
non seulement que l’activité qui nous rassemble est parfaitement légitime à générer
sa propre théorie, mais que cette dernière va l’aider en retour à continuer à évoluer et
à procurer plus de plaisir à ceux qui la pratiquent. Très probablement, cela se fera de
diverses façons : en permettant de communiquer au travers d’un langage plus précis
que celui auquel on est habitué, en posant de nouvelles questions qui nous forceront
sans cesse à revoir ce que l’on tient pour acquis et qui, en retour, constitueront autant
de défis lancés aux concepteurs qui voudront bien les relever, en suggérant de nouvelles
façons de pratiquer notre loisir et de profiter davantage d’un corpus déjà vertigineux,
mais où beaucoup de propositions finissent parfois par se ressembler, etc.
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C’est pour toutes ces raisons que nous avons voulu donner naissance à une collection
dédiée à ces problématiques, Sortir de l’auberge ; pour ne pas se contenter d’une théorie
qui parle des rôlistes de façon détachée et lointaine comme s’il s’agissait d’animaux
étranges ; pour installer une autre théorie, plus respectueuse, qui s’adresse à eux comme
à des adultes et qui puisse, directement ou indirectement, être mise en pratique autour
d’une table de jeu. Mener des parties de jeu de rôle est le premier ouvrage de cette collection.
Maîtriser sa pratique
Comment bien jouer ? Cette question n’est guère populaire dans la communauté
rôliste : elle semble impliquer une compétition échevelée et des querelles interminables
1. Dont nous reconnaissons et apprécions les qualités, ayant l’occasion d’ailleurs de nous exprimer via
ces supports (http://wwww.tartofrez.com et Casus Belli) et d’y publier des conseils ou autres articles
théoriques à destination des rôlistes.
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qui ne se marieraient guère à la convivialité que la plupart d’entre nous attendent
d’une partie. Pourtant, elle est non seulement cruciale, mais c’est aussi une des seules
questions sur lesquelles nous revenons en permanence. Plus encore, elle est le point
de mire de presque toutes ces connaissances que nous avons acquises sur notre loisir,
et ces dernières ne semblent avoir été développées que pour répondre à cette question.
En effet, quand on s’y attarde, lorsque l’on partage des astuces sur la meilleure façon
d’optimiser un personnage ou sur la musique à utiliser en partie, on discute de com-
ment bien jouer. Lorsque l’on écrit un jeu, on ne fait rien d’autre que transmettre aux
joueuses une façon plus ou moins intéressante de le faire. Quand on se met d’accord
sur le fameux « contrat social », en traçant une ligne entre les comportements que l’on
juge acceptables et ceux qui ne le sont pas, on définit ce que veut dire « bien jouer »
pour notre groupe. Même lorsque l’on décrit ce qui se passe autour d’une table ou que
l’on réfléchit aux phénomènes qui font que l’on s’amuse ou pas, cela ne devient réel
lement intéressant que si cela nous aide à en profiter davantage, et donc, à mieux jouer.
Cela ne veut pas dire que déterminer une manière de bien jouer ne suscite pas de
problèmes. Tout dépend de ce que l’on entend par « bien » : les soucis ne commencent
vraiment que lorsque l’on tente de figer le sens de ce terme ou de s’approprier le droit
de décider de ce qui peut être considéré comme tel. Et ce, même avec les meilleures
des intentions… Pour vous en convaincre, il vous suffit de prendre la plupart des
qualités que l’on attend en général d’une bonne rôliste : connaissance des règles ou
de l’univers, capacité d’interprétation, prise d’initiative, écoute, etc. Vous trouverez
toujours un archétype de joueuse exécrable qui correspondra à un mauvais dosage de
cette qualité : respectivement intégriste des règles ou de l’univers, joueuse qui cabotine
et tire la couverture à elle, qui monopolise l’attention du meneur, sentorette1, etc.
Et cela, sans même parler du fait qu’il soit impossible de définir exactement quand ces
qualités deviennent des défauts : ce qui est encouragé dans un jeu ou avec un groupe
donné devient haïssable ailleurs.
De notre point de vue, il existe de très nombreuses façons de bien jouer. Beaucoup
plus que ne le montrent la plupart des typologies auxquelles nous avons été confrontés.
Toutefois, nous sommes convaincus qu’il existe une vertu cardinale qui distingue
la rôliste expérimentée de la novice : l’autonomie. Ou, autrement dit, la capacité à
moduler sa façon de jouer selon ses envies, de tenir les rênes de sa propre pratique.
En effet, nous pensons qu’il est important de s’éloigner du mythe simpliste et toxique
selon lequel une joueuse n’aurait qu’un style de jeu ou serait condamnée à appartenir à
telle ou telle catégorie et à vouloir toujours jouer de la même façon. Au contraire, nous
souhaitons valoriser, bien avant les qualités d’interprétation ou la connaissance d’un
univers, la capacité à prendre du recul sur sa propre pratique pour choisir délibérément
sa manière de jouer et adapter son comportement en fonction.
1. Surnom donné par Croc (INS/MV, Bitume, etc.) aux joueuses particulièrement inactives ou inexpressives.
Ces dernières peuvent toutefois apprécier une partie bien au-delà de ce que leur apparente inactivité
le laisse penser de prime abord.
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Pour faire une analogie facile, cela revient à dire que, pour nous, l’on ne devient pas
un conducteur expérimenté lorsque l’on arrive à se rendre à destination sans encombre,
que ce soit pour la première ou pour la millième fois, mais lorsque l’on commence
à ne plus avoir besoin d’y penser et que l’on peut se concentrer sur la façon dont on
souhaite s’y rendre : vite, prudemment, en économisant son essence, sans réveiller son
passager, en profitant du paysage, pas avant la fin de son disque favori, sans semer
la voiture qui nous suit, etc.
C’est pour cela que, même si ce livre est effectivement conçu pour vous aider à amé-
liorer votre pratique du JdR, même s’il fait quatre cents pages, nous n’allons essayer à
aucun moment de vous expliquer ce qui est « bien » ou pas. Pas une fois. Nous allons
vous conseiller ou vous déconseiller de faire des choses, parfois avec zèle, mais cela ne
sera jamais parce que ces dernières sont intrinsèquement bonnes ou mauvaises (peu
de choses le sont quand on parle de JdR), mais parce que ce seront des outils plus ou
moins adaptés à vos objectifs. En fait, nous allons surtout utiliser ces pages pour vous
donner tout le nécessaire afin que vous puissiez décider de vous-même ce que signifie
« bien jouer », et jouer en fonction. Vous pouvez bien entendu lire le livre d’une traite,
mais tout a été fait afin que vous puissiez le découvrir de façon autonome, picorer
chaque chapitre en fonction de vos points forts et de vos faiblesses, à votre rythme, et
y revenir à un autre moment de votre vie de rôliste si vous le souhaitez. Vous pouvez
ainsi essayer de compléter votre style, mais également d’en changer, de vous adapter
à un jeu donné, voire de sortir volontairement de votre zone de confort pour expéri-
menter de nouvelles façons de jouer au sein d’une activité dans laquelle vous pensiez
peut-être ne plus avoir grand-chose à découvrir.
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les plaisirs. Ils sont conçus pour traiter de chaque compétence dans son ensemble,
associant théorie et astuces pratiques. Ils ont été écrits par des auteurs, meneurs ou
joueuses dont nous admirons assez le travail ou le savoir-faire pour leur demander de
venir les partager avec vous. Nous avons également pris garde à solliciter des inter-
venants aux profils variés, à la fois en termes de générations, mais aussi d’horizons
ludiques et de jeux pratiqués. Vous trouverez la liste des auteurs ainsi qu’une rapide
notice biographique les concernant en début d’ouvrage.
La liste suivante vous permettra de vous faire une meilleure idée de ces articles.
Une fois cet avant-propos terminé, les quatre premiers concernent donc la préparation
de la partie. Ils évoquent principalement les questions liées au fait de rassembler
les joueuses et à la scénarisation.
• Organiser des parties, le b.a.-ba : Fabien Deneuville y détaille les difficultés
logistiques et les diverses décisions à prendre pour réunir ses joueuses et s’organiser
concrètement. Cet article se concentre davantage sur l’organisation du jeu que sur les
aspects ludiques eux-mêmes, mais ce livre aurait été incomplet sans cet élément aussi
capital que souvent négligé.
• Créer un scénario : Tristan Lhomme donne certaines de ses astuces concernant
cet autre aspect essentiel de la préparation de parties. Plus encore, en allant de l’idée
initiale à la réalisation finale, il y présente la méthode qu’il utilise pour rédiger ses
scénarios destinés à la publication, ainsi qu’une dizaine d’outils et d’angles d’approche
permettant de ciseler ses propres aventures.
• Adapter une œuvre pour en faire un scénario : Isabelle Périer explique comment
s’inspirer de sa série ou de son roman préféré pour les adapter à une campagne de JdR,
qu’il s’agisse de reprendre quelques éléments de décor ou, de façon beaucoup plus
ambitieuse, une intrigue entière. Un soin particulier est apporté aux problématiques
liées à la fidélité à l’œuvre originale et à l’implication des personnages.
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• Construire un donjon, une méthode aléatoire : Éric Nieudan présente sa
méthode pour construire non seulement un labyrinthe que les aventuriers se char-
geront de mettre consciencieusement à sac, mais surtout un véritable morceau
d’univers avec sa géographie, ses habitants, ses factions, etc. Cette routine de
création procédurale permet également de compléter ou modifier un donjon déjà
existant en cours de jeu.
La seconde section du recueil regroupe sept articles qui approfondissent les bases de
l’animation de partie. Ils constituent le cœur de cet ouvrage et développent chacun
une compétence essentielle pour la majorité des meneurs.
• Enseigner un jeu : Thomas Robert évoque les difficultés à transmettre aux
joueuses à la fois l’essentiel de l’univers d’un jeu et de ses règles, mais aussi ce qui lui
donne sa personnalité et le distingue de tous ceux qui traînent sur vos étagères. Ceci
passe par la réalisation d’une synthèse de ses points incontournables, mais aussi par la
création des personnages ou d’un scénario adapté à la découverte.
• Décrire : Sébastien Delfino dresse un panorama de techniques et de principes
permettant d’améliorer ses descriptions et de s’en servir à la fois pour installer une
ambiance, faire passer des informations-clés ou même moduler le rythme de la partie.
Loin de les réduire à de courts monologues, cet article explique comment les rendre
interactives et en faire des éléments de jeu à part entière.
• Improviser : Alexandre Jeannette détaille les bases d’une improvisation
utilisée à la fois pour dynamiser une partie et pour permettre aux imaginaires des
joueuses et du meneur de s’enrichir mutuellement. Il y est notamment question de
préparation, mais aussi de savoir réagir à certains événements-clés qui ne manque-
ront pas de se produire.
• Incarner des PNJ : Jean-Philippe Jaworski développe l’essentiel de ce qu’il
y a à savoir pour peupler ses parties de PNJ mémorables, en intégrant aussi bien
leur conception que leur interprétation. Traitant des simples figurants comme des
personnages plus épais, il fournit des outils pour les rendre uniques et cohérents, que
ce soit au travers de leur façon de parler, de leurs noms ou de leurs moyens d’action.
• Dompter la linéarité : Jérôme Larré propose de s’attarder sur les notions de
linéarité et de dirigisme pour comprendre ce qui les différencie, mais aussi pour savoir
comment les aborder autour d’une table de jeu, que ce soit pour les limiter ou en tirer
profit. Vient ensuite une série d’astuces pour modifier un scénario de façon à régler
au mieux la liberté qu’il propose ou pour corriger le tir en cours de partie.
• Animer les combats : Romain d’Huissier présente les principaux types d’affron-
tements ainsi que leurs fonctions narratives. Il s’agit de profiter de leurs spécificités
et de leurs similarités souvent mésestimées avec les scènes plus classiques. Il y explique
notamment comment se servir des scènes de combat pour faire avancer l’histoire
et développer les personnages.
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• Animer les scènes spéciales : dans cet article écrit à six mains, Thomas Munier,
Coralie David et Jérôme Larré passent en revue une douzaine de types de scènes géné-
ralement peu traitées, voire oubliées, par la plupart des JdR et donc particulièrement
difficiles à animer. Ce texte propose conseils et outils pour se les réapproprier et réussir
à en faire des temps forts des parties, au lieu de les évacuer en quelques mots.
La troisième section du recueil regroupe également sept articles, mais ceux-ci portent
sur les techniques avancées d’animation de partie. Moins cruciales que les précédentes,
elles n’en seront pas moins extrêmement utiles pour la plupart des meneurs qui y
trouveront de multiples réponses à certaines difficultés récurrentes.
• Commencer : Jérôme Larré explore les différentes façons de lancer la première
scène d’une séance. Il y aborde les points suivants : ce qu’elle doit dévoiler ou pas,
sa mise en jeu et la façon dont elle peut susciter un intérêt qui durera toute la partie.
Cet article montre également les fonctions d’une telle entrée en matière et propose
plusieurs outils pour réussir à démarrer sur les chapeaux de roue.
• Rassembler & Diviser : Coralie David présente un grand nombre de techniques
permettant de souder un groupe ou, au contraire, de tendre les relations entre ses
membres. Il s’agit aussi bien d’expliquer pourquoi ils sont réunis au même endroit
que de leur trouver une motivation commune, une raison de rester ensemble malgré
l’adversité ou de ne pas couper les ponts quand la situation se complique.
• Rendre les choses personnelles : Gregory Pogorzelski propose une liste d’astuces
pour faire tourner l’essentiel de l’intrigue et des événements de la partie autour des per-
sonnages des joueuses et ainsi éviter de leur donner l’impression que ces derniers sont
interchangeables. Cet article se compose de conseils généraux, puis d’une méthode
destinée à créer un méchant et un plan machiavélique à leur mesure.
• Créer des émotions particulières : Jérôme Larré évoque les problématiques liées
au fait de jouer spécifiquement de façon à encourager certaines émotions ciblées,
et ce que cela peut apporter ou enlever à la partie. Ces considérations sont prolongées
par des conseils pour provoquer des émotions complexes à partir d’autres, beaucoup
plus simples à obtenir.
• Faire plaisir aux joueurs : dans cet entretien, Pierre Rosenthal parle de techniques
qu’il utilise depuis une trentaine d’années pour maintenir l’intérêt de ses joueurs dans
ses campagnes. Celles-ci tournent principalement autour des notions de récompense
et de frustration, et de la manière dont il faut les utiliser en jeu pour donner aux
joueuses exactement ce qu’elles souhaitent.
• Jouer en musique : Stéphane Treille aborde l’essentiel des questions à se poser
lorsque l’on veut se servir de la musique dans ses parties. Il y fait mention des pièges à
éviter, du type de support à privilégier, de moyens pour trouver des morceaux intéres-
sants ou pour les organiser, mais surtout des diverses causes et manières de les utiliser
en jeu. Des playlists par genre, types de scène ou univers viennent compléter cet article.
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• Passer du scénario à la campagne : Olivier Caïra présente la méthode QESOM
destinée à créer des suites à un scénario qui n’était initialement pas prévu pour cela.
Elle permet d’imaginer une campagne en se concentrant sur les questions restées
en suspens, puis en sélectionnant quelques paramètres triés sur le volet et, enfin,
en faisant la part belle aux intrigues personnalisées et au principe d’écriture flottante.
La quatrième section ne se compose que de quatre articles, mais ceux-ci ont princi-
palement pour objectif de varier les plaisirs. Ils proposent essentiellement des pratiques
alternatives ou très spécifiques, qu’il est généralement difficile à mettre en place sur
chaque jeu ou partie. Toutefois, ces dernières offrent des expériences qu’il serait dom-
mage de ne pas tenter.
• Jouer avec les aides de jeu : Alexis Lamiable partage son expérience sur ces
accessoires, qu’il s’agisse de leur réalisation concrète ou de les utiliser au sein de sa
partie afin de renforcer l’immersion, faire passer une information ou créer un jeu dans
le jeu. Cet article se concentre essentiellement sur trois types d’aides de jeu : les lettres,
les coupures de journaux et les plans.
• Jouer à distance : Éric Nieudan fait un état des lieux de tout ce qu’il y a à savoir
pour faire ses premières parties en tant que MJ virtuel. Il y est surtout question du
choix des logiciels et des configurations disponibles, de celle de monsieur Tout-le-
Monde qui veut juste s’y essayer à celle du futur spécialiste qui n’hésite pas à multiplier
les programmes spécifiques pour profiter de tout le confort possible.
• Jouer old school : Nicolas Dessaux brosse un portrait des principes fondateurs
de l’Old School Renaissance et de diverses manières de les utiliser pour récréer les
sensations d’une partie à l’ancienne, y compris avec des jeux beaucoup plus récents.
Chacun pourra choisir ceux qui l’intéressent le plus et les panacher de façon à obtenir
la façon de jouer qui lui semble la plus intéressante.
• Partager la narration : Jérôme Larré présente des techniques de narration
partagée et explique comment les intégrer de façon indolore et progressive lors de vos
parties, même si vous jouez à des jeux qui n’ont a priori pas été prévus pour cela. Ces
astuces peuvent aussi bien porter sur le fait de laisser les joueuses rajouter des éléments
à l’univers de jeu, décider de l’évolution d’une situation ou même des différentes
manières de cadrer une scène.
La conclusion de ce recueil, Continuer à s’améliorer, propose enfin quelques pistes
pour aller plus loin et trouver d’autres façons de poursuivre son évolution tout au long
de sa « carrière » de meneur.
Bonne lecture !
ORGANISER
I
La préparation
E
n JdR comme dans beaucoup de loisirs, les conditions dans lesquelles se déroule
la partie jouent un rôle non négligeable dans le succès ou l’échec de celle-ci. Cela
peut sembler trivial, mais bien penser l’organisation de la partie permet de se
libérer l’esprit des aspects logistiques et de mener en se concentrant sur le déroulé
et l’animation du scénario. Mais plus encore, une organisation exceptionnelle peut
vraiment faire la différence. En expérimentant un peu sur le format de la partie, il est
possible de sortir du carcan habituel pour proposer une expérience différente aux joueurs.
L’espace de jeu
Le format le plus simple et le plus classique consiste à jouer autour d’une table.
Rien d’exceptionnel, donc, mais ce n’est pas la configuration la plus courante
sans raison : les joueurs sont attentifs, concentrés, tournés vers le MJ. Le fait de
s’installer à la table permet de « ritualiser » le démarrage de la partie : le MJ sort
son écran, les joueurs s’installent avec leur feuille de personnage, c’est le signal
du départ vers un autre univers.
Quelques autres configurations sont également envisageables :
• assis, de façon désordonnée, sur un canapé et des poufs dans un salon. On
perd en efficacité ce que l’on gagne en confort : les joueurs sont moins concentrés, vont
avoir plus tendance à se disperser, ou si l’heure avance, à s’endormir. Cela dit, si l’univers
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intègre ce genre d’ambiance, par exemple s’il s’agit d’un jeu oriental fantastique inspiré
des Mille et une Nuits (Capharnaüm1, etc.), installer les joueurs sur un tapis et des cous-
sins sera parfaitement dans le ton (mais en logeant tout le monde à la même enseigne) ;
• une table haute et des tabourets. Cela peut aussi faire l’affaire, mais c’est moins
confortable sur la durée et il faut également s’assurer que dans cette configuration
« bar », il y aura suffisamment de place devant soi pour étaler à la fois les feuilles de
personnage, les dés, l’écran, les papiers du MJ, etc.
Concernant la table, vaut-il mieux une table ronde ou une table carrée ?
Si les chevaliers du roi Arthur ont pu avoir ce débat, il n’est pas forcément utile
dans votre cas. L’essentiel est que la table soit suffisamment grande pour que chaque
joueur puisse poser devant soi sa feuille de personnage, ses dés, ses crayons et qu’il reste
suffisamment de place pour que le MJ puisse mettre son écran, son scénario et son
matériel derrière. Idéalement, il faudrait encore avoir l’espace nécessaire pour ajouter
de la décoration, ou pour dessiner un plan sur une feuille de papier.
Le lieu
Pour pouvoir jouer dans de bonnes conditions, il faut un endroit adéquat. L’idéal
est de disposer d’une pièce spécifique, où il n’y aura que les joueurs et le MJ, où vous
ne serez pas dérangé et où vous n’importunerez personne. Avoir à portée de main
une commande pour faire varier l’intensité lumineuse dans la pièce de jeu est un luxe
assez agréable. Cela permet d’éviter d’utiliser des bougies et de tamiser l’ambiance si
nécessaire, notamment pour créer une atmosphère plus mystérieuse.
L’endroit doit être calme et aussi insonorisé que possible, car les parties sont souvent
très bruyantes. Vous pouvez passer de la musique2, et les joueurs ont parfois des échanges
passionnés. Évitez donc autant que possible les bruits ambiants, la télévision en fond
sonore, les allées et venues incessantes des colocataires… (Au contraire, proposez-leur de
jouer avec vous) et tout ce qui pourrait vous fâcher avec vos voisins. Si vous avez la chance
d’avoir un espace privé pour recevoir vos parties, prenez soin du voisinage et des éventuels
cohabitants pour vous assurer que vous pourrez par la suite encore disposer d’un tel lieu.
Sinon, vous pouvez aussi alterner et accueillir la séance à tour de rôle. Ce n’est
pas l’idéal car la partie perdra en ritualisation, mais cela permet parfois d’éviter des
problèmes de voisinage. N’oubliez pas d’anticiper également, si vous en avez besoin,
la présence de prises électriques (pour brancher des lumières, diffuser de la musique,
etc.). Après, il vous revient de fixer le degré de sophistication et le nombre d’accessoires
nécessaires pour vos parties.
1. B ardas Raphaël, Cedelle François, C oppet Pierre, C ourdesses Boris, D’H uissier Romain et autres,
Capharnaüm, Le 7 éme Cercle, Anglet, 2007.
2. Au sujet de la musique, consultez également l’article « Jouer en musique », p. 297.
18
ORGANISER
Trouver un lieu pour jouer
Si ni vous ni vos amis ne disposez d’un lieu où jouer, il va vous falloir redoubler de créa-
tivité pour trouver un endroit où organiser vos parties, voire pour stocker votre matériel.
• le foyer étudiant. Si vous êtes à l’université ou au lycée, vous avez très probable-
ment accès à des locaux mis à disposition pour les activités des étudiants, vous devriez
pouvoir donc en bénéficier en passant par les bonnes voies administratives ;
• le bar. Si de tels lieux dédiés aux geeks et rôlistes de tous poils commencent petit à
petit à apparaître, ils sont en général rares. S’installer dans un café pendant des heures,
à faire du bruit, vous vaudra sans doute le regard noir du propriétaire des lieux. Pour
vous en sortir au mieux, faites-vous plutôt discrets, mettez-vous à une table en retrait
et n’oubliez pas de renouveler fréquemment vos consommations (toutes les heures ou
toutes les deux heures) ;
Les accessoires
En plus des éventuels éléments de lumière ou de sonorisation, on peut se poser la
question des accessoires pour agrémenter la partie. Évidemment, nous ne sommes pas
dans un grandeur nature, donc cela ne sert à rien de trop investir. Néanmoins, il reste
possible de rehausser l’expérience de jeu à moindres frais. Évoquons tout d’abord ce
que l’on appellerait communément la « décoration de table ». En plus de l’écran de jeu,
on peut imaginer quelques petits éléments pour ajouter un peu de cachet à l’ensemble.
Bougies, crânes factices, perles, tissus, bougeoirs, parchemins, cartes anciennes, tout
peut être utilisé pour renforcer l’ambiance autour de la table.
19
Vous trouverez par exemple :
• en bazars et boutiques de décoration : des bougies chauffe-plats, des lanternes
(lampes-tempêtes factices), des accessoires insolites, de l’encens, etc. ;
• en boutiques de mercerie et autres activités manuelles : perles, tissus, etc. ;
• en boutiques de farces et attrapes : faux crânes, faux sang, etc.
L’idéal est de pouvoir s’adapter à l’univers dans lequel la partie va être jouée. On peut
même être encore plus vicieux en camouflant dans cette décoration un indice pour le
scénario. Cependant, c’est une idée à double tranchant : prévenez les joueurs d’une
manière ou d’une autre que des indices peuvent également se cacher dans la décora-
tion, sinon ils pourraient interpréter cette dissimulation comme un coup bas. Ensuite,
il est également possible d’imaginer que certains accessoires soient utilisés pendant le
déroulé de la partie, à tel ou tel moment-clé du scénario. On parle ici d’accessoires
ad hoc : ils peuvent prendre la forme d’un objet trouvé par les personnages, que les
joueurs se passent de main en main. Mieux vaut mettre un minimum de temps à les
préparer : bien souvent, nos amis les GNistes (joueurs pratiquant le JdR grandeur
nature) ont développé des techniques pour fabriquer facilement des accessoires1. En
parcourant leurs sites et leurs forums, on peut donc trouver de nombreuses astuces
simples à mettre en œuvre pour obtenir des accessoires2 et des effets spéciaux (parche-
mins, liqueurs, fumée – en faisant bien attention sur ce dernier point à respecter les
conditions de sécurité nécessaires). À vous de voir, pendant la préparation du scénario,
le ou les accessoires qui favoriseraient l’immersion.
Le timing
C’est le point-clé dans l’organisation de la partie, et souvent le plus critique. Avec
l’âge, il est de moins en moins facile de trouver le temps de jouer, surtout de façon
régulière. Il faut veiller à choisir un rythme de jeu et une fréquence qui conviennent
à tous. Si l’on part du principe que la plupart des gens ont des horaires de bureau,
travaillent ou étudient la semaine, cela ne laisse que peu de possibilités pour vos
séances de jeu. Une des clés pour réussir à trouver le bon rythme consiste à ritualiser
au maximum les séances : toujours la même heure, toujours le même jour, toujours le
même lieu. Par exemple, « tous les mardis soirs de 20 h à 23 h ». Ou bien « le deuxième
dimanche du mois, de 15 h à 18 h ». Si vous n’avez pas une certaine régularité dans
l’organisation, vous aurez beaucoup de mal à fidéliser vos joueurs. Après, il faut aussi
savoir ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Si vous comptez faire un one shot3,
1. À l’heure où nous écrivons ces lignes, on peut en voir quelques exemples sur des sites comme www.
creavapeur.com ou www.trollcalibur.com.
2. Au sujet des accessoires, consultez également l’article « Jouer avec les aides de jeu », p. 331.
3. Scénario n’appelant pas de suite et qui ne s’inscrit pas dans un ensemble narratif plus large,
comme une campagne.
20
ORGANISER
ce n’est pas la question. Si par contre vous voulez vous lancer dans une campagne,
discutez rapidement avec eux de la régularité des parties, du rythme que vous pouvez
adopter et de votre ambition pour l’ensemble. Se lancer dans une campagne de vingt-
cinq séances avec un groupe avec lequel vous jouez une fois tous les deux mois vous
prendra plus de quatre ans : épique, certes, mais vous avez très peu de chances de la ter-
miner, surtout avec tous les joueurs d’origine… Sur un tel laps de temps, il est possible
qu’un ou plusieurs d’entre eux déménagent, se retrouvent contraints d’arrêter pour des
raisons familiales, etc. En général, essayez de prévoir une durée d’environ six mois à un
an (voire une année scolaire) : sur cette période, il y a de bonnes chances que le groupe
reste stable. Ainsi, pour une campagne aux séances mensuelles, il est raisonnable d’en
prévoir une dizaine, pour une partie ayant lieu une fois tous les deux mois, cinq à six
séances devraient suffire, et pour un jeu toutes les semaines, on peut viser plus large,
de vingt à quarante séances. Mais attention à l’épuisement et à la lassitude des joueurs
à ce rythme, surtout si vous jouez toujours au même jeu. Pour éviter ce phénomène,
vous pouvez parfois intégrer un « interlude » pour jouer à un autre jeu ou incarner des
personnages différents dans votre univers de prédilection (cela cassera la routine, tout
en donnant un autre point de vue sur la campagne).
Dans le cas où vous n’arriveriez pas à vous organiser selon un créneau horaire régu-
lier, vous serez contraints de vous arranger de séance en séance au gré des disponibilités
de chacun. C’est la solution la plus souple pour tout le monde mais, contrairement à
l’option du créneau régulier, elle implique presque toujours une fréquence de parties
bien moindre. Toujours est-il que si vous n’avez pas le choix, les outils de planification
de rendez-vous sont très utiles (par Internet ou par applications mobiles : Doodle ou
SurveyMonkey), même si, fondamentalement, rien ne vaut le fait de venir jouer avec
son agenda et de prendre cinq minutes à la fin d’une séance pour planifier la prochaine.
Le repas
Une partie dure souvent plusieurs heures, et déborde régulièrement sur les heures de
repas. Se pose donc assez vite la question de la nourriture ou du grignotage pendant
la partie. Si vous jouez en soirée, faut-il manger avant, pendant ou après la partie ?
N’oubliez pas d’en discuter : si vous vous donnez rendez-vous et que la moitié des
joueurs arrive en vous demandant de commander des pizzas, vous allez perdre un
temps précieux. Surtout si vous, vous avez déjà mangé. Si vous donnez rendez-vous
aux joueurs avant de dîner, cela veut dire que vous aurez un peu de temps pour discuter
de tout et de rien avant le démarrage de la partie, ce qui pourra aussi satisfaire les
appétences sociales de votre groupe. Dans ce cas, il faut bien sûr prévoir trente minutes
à une heure dans le timing de votre soirée. Manger en pleine partie n’est en général pas
très pratique : vous allez salir les feuilles de personnages, les livres, le matériel de jeu,
etc. Là aussi, les choses sont différentes si vous avez la possibilité d’avoir un menu bien
dans le thème, qui puisse correspondre à une scène de repas ou de campement en jeu.
21
Pour éviter de perdre du temps, vous pouvez :
• anticiper la commande de pizzas (commandez avant que les joueurs arrivent,
demandez-leur leur préférence, utilisez des menus « favoris ») ;
• demander à chacun d’amener sa nourriture, ou de quoi partager avec
le reste du groupe.
Sinon, plus classiquement, vous pouvez prévoir de quoi grignoter plutôt qu’un vrai
repas. À noter que c’est tout de même moins intéressant diététiquement parlant, car
vos joueurs et vous aurez tendance à manger beaucoup plus qu’autour d’un vrai repas.
À vous de voir, ensuite, si vous voulez partir dans la malbouffe classique chips et coca,
ou si vous essayez de choisir des aliments plus sains comme des fruits, des dips de
légumes, un mélange de céréales, d’amandes et de fruits secs… Tout dépend de votre
groupe et de vos envies. Voici une recette facile de houmous à proposer à vos joueurs.
La recette est très simple : prenez tous les ingrédients, mélangez tout dans un mixer puis
servez avec du pain pita ou des crackers nature.
L’engagement
Si vous jouez en campagne, vous aurez besoin de joueurs réguliers et engagés.
Au-delà des conseils déjà donnés dans la partie timing, il existe des solutions pour
éviter les désistements, les séances reportées faute de monde ou les sagas qui auraient
pu être épiques si on en avait dépassé le premier tiers. Vous pouvez par exemple vous
arranger pour avoir en permanence beaucoup de participants à la campagne (plus
de cinq PJ). Cela peut être compliqué à gérer si tout le monde est présent, mais cela
permet aussi d’éviter d’annuler la séance si un ou deux joueurs ne peuvent pas venir.
22
ORGANISER
Vous composerez certes toujours avec les personnages absents, mais la partie pourra
tout de même avoir lieu.
Si vous voulez anticiper ce genre de problèmes, utilisez la technique du « bus ».
Demandez-vous combien de vos personnages pourraient passer sous un bus sans mettre
en péril le déroulement de la campagne ? Au-delà du nombre de joueurs, cela pose la
question des personnages dans l’intrigue de la campagne : combien sont essentiels ?
Y a-t-il un personnage qui soit absolument indispensable au déroulé de la campagne ?
Si les réponses sont « beaucoup » et « oui », alors vous avez du souci à vous faire et
risquez d’avoir beaucoup de mal à gérer les absences.
Dans l’idéal, essayez de structurer vos parties afin que tout le monde puisse passer
sous le bus pour ne dépendre de personne. Il faudra donc prévoir des intrigues autour
de l’ensemble des personnages, et pas uniquement un ou deux1. Ainsi, même si cer-
tains joueurs sont absents, vous n’aurez pas à annuler la séance.
Enfin, pour maintenir leur intérêt, vous pouvez aussi utiliser des techniques clas-
siques : le cliffhanger (vous terminez la séance sur une question qui trouvera sa réponse
dans la suivante) ou le teaser (le petit message ou la petite phrase qui, envoyé aux
joueurs, leur donnera envie de savoir ce qu’il implique).
1. Note des éditeurs : si vous n’avez pas peur de devoir gérer les absences de vos joueurs, les intrigues
personnelles peuvent également avoir de l’intérêt. Voir les articles « Rendre les choses personnelles »
p. 261 et « Passer du scénario à la campagne » p. 325.
23
Certaines boutiques organisent elles-mêmes des démonstrations ou des soirées
régulières, souvent également avec l’aide d’une association ;
• vous rendant en convention près de chez vous : les associations locales sont
souvent impliquées dans leur organisation et c’est l’occasion de nouer des contacts
et de rencontrer des joueurs ;
• cherchant sur Internet les coordonnées d’associations près de chez vous, qui
tiennent souvent un forum ou un site par le biais duquel vous pouvez les contacter.
24
ORGANISER
être allergiques aux univers médiévaux : adaptez-vous et proposez plusieurs univers.
L’Antiquité, les jeux historiques, le polar, le steampunk, autant de thèmes qui peuvent
aider à séduire un public plus classique. Il vaut mieux essayer de tâter le terrain le plus
tôt possible auprès de vos futurs joueurs : quels univers aiment-ils ? Au cinéma, en
série TV, dans les romans ? Servez-vous-en pour leur proposer une expérience qui aura
d’autant plus de chances de les intéresser.
Cernez leurs attentes, notamment en termes de créativité et de besoin de prendre
le contrôle sur la narration. Des joueurs très inventifs peuvent vouloir créer leur per-
sonnage. Attention dans ce cas à bien anticiper la durée de cette étape et à éviter
d’assommer des novices en commençant par un jeu à la fois technique et complexe.
De plus, il vous faudra peut-être raccourcir le scénario en fonction, car le temps total
que peut vous consacrer votre audience restera sans doute le même.
Demandez-vous également si vos joueurs attendent ou non de pouvoir intervenir
dans la création de l’histoire et à quel point vous êtes prêt à partager la narration.
Certains préféreront un meneur très dirigiste qui les prendra par la main, quitte à
n’intervenir que très peu sur le déroulé de l’histoire. D’autres voudront davantage
d’autorité sur la fiction. Adoptez alors un style d’animation adapté ou choisissez un
jeu dont les règles leur laissent davantage de liberté pour prendre le contrôle de la
narration. Cela ne fera que rendre la partie plus agréable pour tout le monde.
25
plusieurs mini-parties courtes et plusieurs scènes indépendantes afin de constituer
un scénario. Vous pouvez y parvenir grâce à un scénario qui se déroule dans un
lieu unique ou met en scène un voyage. Le bon format consiste à poser un cadre de
présentation global du scénario, pour ensuite enchaîner les scènes à l’intérieur de ce
cadre. Imaginons un scénario où les PJ sont l’escorte d’une caravane marchande. Les
différentes scènes correspondent à des rencontres sur la route : tantôt des contreban-
diers, tantôt un esclandre entre commerçants, tantôt une créature fantastique. Vous
pouvez ainsi enchaîner des scènes ultra-courtes de quinze à vingt minutes sans la
moindre difficulté ;
• la partie multi-tables : pour un changement encore plus radical, vous pouvez
essayer de faire une séance multi-tables. Prévoyez un scénario pensé pour deux groupes,
comme ceux permettant de jouer des corps expéditionnaires qui vont explorer soit
en concurrence, soit en collaboration, le même lieu, mais avec deux points de départ
différents. En général, la principale difficulté de ce type de scénario consiste à gérer
les interactions entre les deux groupes.
Plusieurs solutions sont alors possibles :
* si vous jouez dans la même pièce que l’autre groupe, vous pouvez
convenir d’un signal visuel avec l’autre meneur pour l’avertir du moment où vous
passez à une scène où les deux groupes peuvent se croiser ;
* autre option, si vous n’êtes pas dans la même pièce (ce qui est plus
simple à gérer et induit plus de suspense), vous pouvez communiquer par chat ou
SMS pour prévenir l’autre meneur.
L’idée est de définir à l’avance les moments où les deux groupes peuvent interagir
et la manière dont ils le font : est-ce que la rencontre sera hostile ? Prendra-t-elle la
forme d’une négociation ? Sont-ils sur un pied d’égalité ? Devront-ils collaborer ?
À l’issue de la rencontre, des personnages peuvent-ils passer d’un groupe à l’autre ?
Dans quelles conditions ? Peuvent-ils repartir sur l’autre table ? Être pris en otage ?
Toutes ces questions sont autant de points d’accroche qu’il faut définir à l’avance ;
• la partie contre la montre : dernier format atypique qui peut marquer vos
joueurs, le jeu en temps limité. Dans ce cas aussi, il vaut mieux prévoir un scénario
adapté et une façon de symboliser le temps qui passe (chronomètre, bougie, horloge,
etc.) de façon visible, afin de mettre la pression aux joueurs. N’oubliez pas de prévoir
du temps pour les scènes classiques, les interactions et les combats (qui sont souvent
plus longs à gérer par la mécanique de jeu1). Il faudra également faire un choix dans
ce type de scénario : joue-t-on en temps de jeu ou en temps réel ? Dans le premier
cas, il ne faut jamais toucher au chronomètre. L’avantage est que les joueurs ressentent
davantage la pression, mais l’effet est moins saisissant. Dans le second cas, il faut
ajuster le chronomètre selon les choix des joueurs : si par exemple les personnages
26
ORGANISER
décident de voyager, il faut décompter le temps exact du voyage du chronomètre.
C’est plus logique, mais les joueurs ressentiront moins la pression du temps, puisque
le décompte est modifiable à souhait par le meneur. Les joueurs se doutent bien que les
dernières secondes du compte à rebours auront lieu dans la dernière scène du scénario.
Par contre, pour un scénario en huis clos, sans voyage, il est tout à fait possible de jouer
en temps réel, l’impact n’en sera que plus fort.
Conclusion
Paradoxalement, il n’a jamais été aussi facile d’entrer en contact avec d’autres
joueurs, mais nos rythmes de vie nous laissent de moins en moins de temps pour
jouer pendant plusieurs heures autour d’une table. Une organisation efficace et un
peu de souplesse permettront de réussir à pratiquer notre passion de façon régulière,
mais rien ne sera possible sans la volonté délibérée de donner la priorité au JdR
et d’y investir le temps nécessaire.
Fiche de synthèse
L’espace de jeu
Le lieu
Critères importants :
• pièce spécifique et consacrée à la partie ;
• avoir de quoi faire varier la luminosité (commande, bougies) ;
• endroit insonorisé et calme.
Lieux potentiels :
• chez le MJ ou l’un des joueurs avec possibilités d’alternance ;
• salle associative ou municipale ;
• foyer étudiant ;
• bar ;
• extérieur (aire de pique-nique, parc, etc.)
Les accessoires
Décoration de table :
• en bazars et boutiques de décoration : des bougies chauffe-plats, des lanternes
(lampes-tempêtes factices), des accessoires insolites, de l’encens, etc. ;
• en boutiques de mercerie et autres activités manuelles : perles, tissus, etc. ;
• en boutiques de farces et attrapes : faux crânes, faux sang, etc.
28
ORGANISER
Le timing
Ritualiser au maximum les séances : toujours la même heure, toujours le même jour,
toujours le même lieu.
Avoir une idée globale des disponibilités des joueurs, pour être le plus flexible possible.
Le repas
Discutez-en avant (pour éviter que certains aient mangé et pas d’autres, qu’il faille
commander une pizza en catastrophe, etc.).
Configurations possibles.
• Manger avant la partie :
* avantage : satisfait les appétences sociales du groupe ;
* inconvénient : on perd du temps sur la partie.
• Manger pendant la partie :
* avantages : on commence à jouer rapidement, peut être cohérent avec
la partie et l’ambiance ;
* inconvénient : pas pratique.
• Grignotage :
* avantages : pas cher, prend peu de temps de préparation (voir houmous) ;
* inconvénient : moins intéressant diététiquement parlant.
L’engagement
S’arranger pour avoir en permanence beaucoup de participants à la campagne (plus de cinq PJ) :
• inconvénient : cela peut être compliqué à gérer si tout le monde est présent ;
• avantage : cela permet de maintenir la séance si un ou deux joueurs ne peuvent
pas venir.
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Utiliser la technique du bus :
• avantage : la campagne ne dépend d’aucun PJ en particulier ;
• inconvénient : il faut prévoir des intrigues autour de l’ensemble des personnages.
Utiliser le cliffhanger ou le teaser pour maintenir l’intérêt des joueurs d’une séance à l’autre.
Se renseigner sur les goûts et les profils des joueurs pour s’y adapter (préférences dans
d’autres médias, habitués de la culture geek ou pas, particulièrement créatifs ou pas, etc.)
Faire jouer un scénario simple de durée moyenne (1 h 30 à 2 h) : situation initiale dynamique,
scène de repos ou de transition, scène finale de résolution plus épique.
La partie en extérieur.
La partie ultra-courte.
La partie multi-tables.
P
endant un long moment, j’ai pensé que cet article traiterait de la manière
d’« écrire un scénario ». Mauvaise approche, car « écrire » attire l’attention sur
la partie rédactionnelle de la création d’un scénario. Or, le véritable travail se fait
en amont. Si vous vous êtes convenablement préparé, l’écriture proprement dite suivra
une route déjà tracée. Et pourtant, comme nous le verrons plus loin, elle peut encore
vous réserver des surprises.
La conception
La conception de votre scénario commence très longtemps en amont, et s’arrête au
moment où vous vous attelez à la mise en forme de votre histoire (voir p. 47).
Étape n° 1 : le germe
Ne parlons pas encore d’intrigues, d’ambiance, de scènes ou de PNJ. Nous n’en
sommes pas là. Pour l’heure, vous n’avez qu’une feuille blanche et l’envie de la remplir.
Voici trois méthodes pour jeter les bases de votre scénario. Selon votre manière de
réfléchir, elles peuvent être employées ensemble ou séparément. Ce que vous produirez
lors de cette étape ne restera peut-être pas, mais vous servira de fondation pour des
développements ultérieurs.
31
Technique n° 1 : les associations
Notez le premier mot qui vous passe par la tête. Puis deux autres, liés ou non aux
précédents. Si vous n’avez pas d’idées, prenez un dictionnaire et ouvrez-le au hasard,
trois fois. Si vous n’êtes pas content de l’un des mots, cherchez ses synonymes jusqu’à
obtenir un résultat qui vous convienne. Que vous suggèrent-ils ?
Exemple : je pense à « cimetière ». Cela me suggère « fossoyeur ». Le troisième mot,
tiré au hasard, est « démarcation ». Après avoir envisagé une histoire de cimetière situé
de part et d’autre d’une frontière, qui pourrait servir à la contrebande, je décide de passer
à autre chose. Qu’est-ce qu’une démarcation ? Une limite. Quelle est la limite que trace
un cimetière ? Celle entre la vie et la mort. Il y aura des morts-vivants au menu.
32
disponible (pendant un trajet en transports en commun, en faisant la vaisselle ou en
jardinant). Pensez-y avant de vous endormir et en vous réveillant.
SCÉNARIO
L’exercice devrait produire de fructueuses associations d’idées. Certaines sont évidentes :
un documentaire sur telle région française vous fournit un cadre. D’autres sont juste
logiques : à force de penser à un cimetière, le mot « épidémie » vous vient tout naturel-
lement. Certaines, souvent les meilleures, arrivent directement de votre inconscient :
vous vous réveillez en pensant au médecin de famille qui vous soignait quand vous
étiez petit, et bon sang, il a une tête de fossoyeur !
Notez tout cela en vrac, au fur et à mesure que les pensées arrivent. Là encore, vous
aurez du déchet lors des étapes suivantes.
La prise de notes est une activité très personnelle.
Je procède de la façon suivante :
1. j’ai toujours sous la main un carnet ou un cahier à spirale, dont on peut
arracher les pages ;
2. je gribouille les idées au fur et à mesure qu’elles me viennent, sans ordre
particulier. Je barre et je rature, j’entoure les phrases importantes, je relie les trucs qui
me semblent « aller ensemble » par des flèches… et je me vide le cerveau en faisant
de petits dessins dans les marges ;
3. lorsque j’ai noirci quatre ou cinq pages, je les arrache du cahier et j’ouvre
un fichier texte ;
4. j’y recopie ce que j’ai écrit, en faisant un premier classement thématique som-
maire, qui consiste surtout à poser côte à côte les bouts reliés par des flèches ;
5. c’est lors de cette phase que des mentions cryptiques comme « foss. Haml. »
deviennent « Hamlet, scène du fossoyeur » ;
6. lorsque tous mes gribouillis sont transférés dans le fichier, je le retravaille
un peu en faisant des couper-coller. L’objectif est d’obtenir des blocs qui semblent
se répondre (parce qu’ils couvrent grosso modo les mêmes questions, ou parce qu’ils
abordent un thème identique sous différents angles). Incohérences et contradic-
tions sont non seulement utiles, mais désirables. Même si Y et X sont radicalement
incompatibles, vous pouvez encore vous servir des deux ;
7. ensuite, j’imprime le résultat en double interligne avec une marge large,
et en recto simple ;
8. et je recommence à gribouiller dessus. Lorsque la sortie imprimante n’est plus
lisible, je reviens à l’étape 4.
Répétez le processus autant de fois que nécessaire. Normalement, un ou deux cycles
suffisent amplement pour être prêt à passer à l’étape suivante.
33
Documentation
Parfois, une idée s’impose avec la force de l’évidence. Il faut que vous fassiez un scénario
où les joueurs seront confrontés à Al Capone ! En général, juste après, vous vous rendez
compte que votre subconscient a écrit un chèque que votre culture générale est inca-
pable d’encaisser. Comment était ce monsieur Capone dans la vie de tous les jours ?
Où vivait-il ? À quoi ressemblait son entourage ?
Si vous décidez de vous documenter, ce qui n’est jamais une obligation, vous devez vous
interroger, en fonction de vos besoins et du temps dont vous disposez, sur la profondeur
des sources auxquelles vous allez puiser.
• Entre deux eaux. Wikipédia est souvent un bon moyen d’inscrire les informations
« clichées » dans une perspective plus large, et propose fréquemment une bibliographie
un peu plus précise. Plus généralement, on trouve de tout sur Internet, de l’article hyper
pointu au franc n’importe quoi.
Après, reste à voir ce que vous voulez faire de tout cela. Que cherchez-vous, au fond ?
Que voulez-vous faire de ce Capone ? Un « parrain » archétypal qui fasse peur aux
personnages ? Le portrait plus nuancé d’un type sans scrupules et ivre de pouvoir, qui
s’inscrira dans l’arrière-plan de votre histoire ? Ou est-ce qu’au fond, Capone vous inté-
resse moins que Chicago, la Prohibition et la guerre des gangs ?
Tant que nous y sommes, faisons une digression rapide sur le « réalisme ». Un scénario
ne doit pas être un reflet du réel. Il doit s’inscrire dans la réalité du jeu, ce qui est bien
différent. Celle-ci partage de nombreux points communs avec « notre » réalité, mais
c’est une version épurée et orientée en fonction des thèmes du jeu et de ce que vous
voulez raconter dans votre scénario. Gardez cette idée en tête, elle conditionnera vos
recherches. Si vous sentez que les livres commencent à faire obstacle entre votre idée
et vous, jetez vos bouquins et reprenez votre bloc-notes !
34
Étape n° 3 : le cadre
Et maintenant, un bref retour au réel. Vous vous êtes engagé dans ce processus de
SCÉNARIO
création pour une raison précise, d’où découlent des contraintes. Il est temps de s’y
intéresser. Vous pensez n’avoir aucune contrainte ? Regardez mieux. Vous les avez
peut-être intégrées au point où elles vous semblent invisibles, mais elles sont là.
La première chose à faire est de distinguer les contraintes fortes des contraintes faibles. Les
premières sont impératives, les secondes aménageables. D’un projet à l’autre, elles peuvent
changer de catégorie. Voici ma liste-type, à vous d’organiser la vôtre selon vos besoins.
1. Davis Graeme, Dowd Tom, Greenberg Andrew, Rein.Hagen Mark, Stevens Lisa, Wieck Stephan, Wieck
Stewart, Vampire: the Masquerade, White Wolf, Stone Mountain, 1991.
2. Croc, Ranne G.E., Bloodlust, Asmodée Éditions Siroz, Villiers-le-Bâcle, 1991.
3. Gaudo Michel, Rohmer Guillaume, Maléfices, Jeux Descartes, Paris, 1985.
35
quinze jours d’intervalle. Demandez-vous de quoi ils ont envie. Veulent-ils quelque
chose de classique, dans le droit fil des exigences de l’univers, ou ont-ils envie de
jouer avec les codes, de casser les clichés et de vivre une expérience originale ? Leurs
attentes risquent d’entrer en conflit avec vos désirs. Ce n’est pas forcément grave,
mais c’est un élément à garder en tête. Faut-il les avertir ? Parfois… sauf si vous
recherchez un effet de surprise.
• Les types de personnages. Quelles que soient vos envies et celles des joueurs,
les personnages sont un autre élément de l’équation, qui préexiste souvent1. Si vous
avez envie d’une histoire courte et violente mais que les personnages ne sont pas armés
pour y faire face, cela vaut peut-être la peine d’attendre un peu que le groupe ait
évolué. Idem si vous avez envie de vous lancer dans quelque chose de compliqué
et de subtil avec des magiciens, alors que le groupe est essentiellement composé de
combattants. Cette contrainte est (un peu) moins pesante que les autres, parce que les
personnages se remplacent plus simplement que les joueurs.
À titre personnel…
Le rêve que je poursuis de scénario en scénario est de produire une création rigoureuse-
ment fidèle à l’univers mais qui bouleverse les attentes des joueurs. C’est mon obsession.
Quand vous aurez plusieurs scénarios derrière vous, reprenez-les et regardez si, par
hasard, vous n’en avez pas une, vous aussi.
La préparation
L’étape de conception est terminée. Vous avez une poignée de notes où apparaissent
des mots-clés, une image ou deux, peut-être l’esquisse d’un personnage, le tout relié
par des fils fragiles et incertains.
Il est temps d’en tirer une histoire. Reprenez vos notes et relisez-les, muni d’un
crayon (ou de plusieurs crayons de couleur).
36
Exemple :
• notre première collecte d’idées nous a donné un cimetière, des fossoyeurs,
SCÉNARIO
des morts-vivants, une ville médiévale en ruine, du brouillard, le Grand Ancien
Mordiggian et tout le bagage associé ;
• la période de maturation a produit un cadre possible dans le monde réel,
la notion d’épidémie et une trogne de fossoyeur ;
• avons-nous des contraintes ? L’objectif est d’écrire quelque chose de court,
jouable en une soirée. Est-ce un scénario pour L’Appel de Cthulhu1 ? Pour les besoins
de la démonstration, disons que oui.
Tous les journalistes vous le diront, dans toute situation et à tout moment, sept ques-
tions se posent.
• Qui ?
• Quoi ?
• Où ?
• Quand ?
• Comment ?
• Pourquoi ?
Ces questions s’appliquent à votre intrigue, mais aussi à chaque scène importante,
à chaque PNJ significatif, ou à chaque moment où les PJ font avancer l’action dans
des directions imprévues. Vous n’avez pas besoin de rédiger de longues réponses, mais
même une courte phrase aide à clarifier une situation.
Varier l’ordre des réponses aide à mettre l’accent sur tel ou tel aspect de la situation
(au bout du compte, savoir pourquoi Sauron veut l’Anneau est moins important que de
savoir comment il compte l’obtenir).
1. Chodak Yurek, Henderson Harry, Krank Charlie, Perrin Steve, Petersen Sandy, Stafford Greg, Tadashi
Ehara, Swenson Anders, Willis Lynn, Call of Cthulhu, Chaosium, Oakland, 1981. La version française
la plus récente est la septième, éditée en 2015 par Sans-Détour Éditions.
37
Qu’allez-vous faire de ces éléments ? Pour commencer, passons-les au prisme des
stéréotypes de L’Appel de Cthulhu. Cela donne « une secte de fossoyeurs, adorateurs de
Mordiggian, se prépare du fond de son cimetière à déclencher une épidémie. » C’est
fonctionnel, mais c’est assez banal. Peut-on faire mieux ? Et s’il n’y avait pas de secte ? Et
si les fossoyeurs endossaient le rôle central, celui des personnages-joueurs ? « Un groupe
de fossoyeurs travaillant au cimetière d’une petite ville souffre d’une étrange épidémie… »
C’est déjà plus intéressant, mais il nous manque un « pourquoi », nous n’avons pas
intégré le brouillard et nous ignorons tout des effets de l’épidémie.
• Changez d’approche aussi souvent que nécessaire. À chaque fois que vous établissez
un lien, testez-le avec un « et si… » Et si ce qui vit dans la crypte n’était pas maléfique ?
• Restez souple. Chacune des briques dont vous êtes en train de vous servir peut être
positionnée d’une multitude de manières, et si elle ne rentre pas, vous pouvez toujours
l’écarter… ou la placer en biais.
Nouvel essai :
« L’histoire prend place dans une petite ville. Depuis qu’un brouillard épais s’est
abattu sur le cimetière, les fossoyeurs souffrent d’une étrange maladie : ils se croient
encore dans la brume, et y aperçoivent des silhouettes anormales… »
Cela prend tournure, mais il manque encore un « pourquoi ». Mordiggian est-il dans
le coup, ou préférez-vous l’écarter au profit d’une autre cause ?
L’esquisse
Au bout de plusieurs essais, votre argument est le suivant : « l’histoire prend place dans
une grande ville. (Elle doit l’être, vous avez besoin de plusieurs fossoyeurs à plein temps.)
Depuis qu’un brouillard épais s’est abattu sur le cimetière, les fossoyeurs souffrent d’une
étrange maladie. Mélange d’hallucinations et de symptômes réels, elle contamine les
citadins. Certains la propagent activement, d’autres luttent contre elle. Elle trouve son
origine dans une crypte, dont l’habitant n’est pas aussi monstrueux qu’il y paraît… »
38
Outil : le sparring-partner
SCÉNARIO
Avez-vous une oreille complaisante dans votre entourage ? Une épouse, un frère, un ami
qui ne jouera pas votre scénario, mais qui est prêt à vous écouter ? Si oui, servez-vous-en.
Racontez-lui l’intrigue, parlez-lui de ce qui coince et demandez-lui son avis.
Le sparring-partner peut avoir une solution à proposer ou pas, elle peut être bonne ou non.
Si elle l’est, votre problème est résolu, si elle ne l’est pas, demandez-vous pourquoi, et voyez
si vous ne pouvez pas la transformer. Pour moi, cet exercice est presque toujours oral, mais
vous pouvez aussi trouver votre sparring-partner sur un forum ou échanger des mails avec lui.
Notez que l’avis du sparring-partner n’est pas ce qui compte le plus dans l’affaire. Cette
dure réalité est parfois difficile à faire accepter à votre complice du moment, qui s’éver-
tue à vous faire des suggestions que vous balayez souvent d’un revers de main. Ce qui
compte, c’est que vous verbalisiez les points qui vous posent problème. Très souvent,
cela suffit à faire apparaître des solutions, des pistes ou un changement de point de vue.
Du coup, votre interlocuteur n’a pas besoin d’être rôliste. En fait, il n’a même pas besoin
d’exister, vous pouvez entretenir un dialogue très fructueux avec vous-même si vous
n’avez personne d’autre sous la main.
Vous pouvez avoir recours à un sparring-partner, réel ou imaginaire, à toutes les étapes
du processus, de ses débuts à ses ultimes itérations.
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Outil d’ambiance : le film
Demandez-vous qui mettrait votre scénario en scène si c’était un film, et qui jouerait
dedans. Des noms vous viennent ? Poussez votre histoire dans cette direction.
Si vous associez notre histoire de fossoyeurs à Claude Chabrol, nous sommes dans
un drame psychologique, où tout se développera lentement et se rapportera, au
bout du compte, à des histoires de sexe, de pouvoir et d’argent dans la bonne
société locale. Le PNJ féminin central aura quelque chose d’Isabelle Huppert. Si le
nom qui vous vient est Quentin Tarantino, ce sera plus… rythmé, et Uma Thurman
occupera le premier rôle.
1. Scénario sans histoire écrite à l’avance. Le MJ a un environnement (lieux, PNJ, chronologie, etc.)
et réagit aux actions des joueurs. Ceux-ci se créent leurs propres objectifs.
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Au-delà de leur présence, qui n’est jamais difficile à mettre en place, ils ont besoin
d’une motivation pour s’impliquer dans l’histoire… et surtout, vous devez leur donner
des prises sur le déroulement des événements. Un scénario où le groupe affronte des
SCÉNARIO
adversaires impossibles à contrer parce que trop malins est aussi inintéressant qu’un
scénario où l’ennemi est idiot.
Obligez-vous aussi à penser loin en aval, en termes de résultat. Que peuvent obtenir
nos héros ? Et à quel prix ?
Exemple : en tant que fossoyeurs, nos héros sont aux premières loges pour voir la maladie
se propager. Elle les touche, eux et leurs proches, ce qui est la meilleure des raisons
pour avoir envie d’essayer de « faire quelque chose ». À l’autre bout de l’histoire,
ils pourront sans doute mettre un terme à la menace, mais le prix à payer sera élevé.
Et entre les deux, c’est encore un peu flou. Il faudra y revenir.
Si ça ne colle pas, attribuez « 0 ». Si ça colle moyennement, « + ». Si ça colle parfaitement, « ++ ».
Une fois que vous avez fait votre premier tour de table, reconsidérez le cas des personnages
qui sont à 0. Qu’est-ce qui pourrait les impliquer davantage ? Est-ce que vous n’avez pas,
dans leur histoire personnelle, un élément qui pourrait vous servir à imaginer une meilleure
implication ? S’il n’y a rien à faire, il ne vous reste plus qu’à trouver un autre point de départ
à votre histoire… ou à vous préparer à convaincre les joueurs de créer d’autres personnages.
Cette technique peut aussi servir à d’autres moments du développement, par exemple
lorsqu’il faut évaluer l’adéquation entre les personnages et leurs adversaires, ou la
somme d’informations dont ils disposent, sur le mode « ils auront résolu l’enquête
lorsqu’ils auront accumulé ++++. Chaque information vaut +, sauf celle-ci qui vaut ++. »
Rien ne vous oblige à vous en tenir à un barème aussi sommaire. J’ai connu des gens qui
évaluaient chaque élément de leur scénario sur vingt, et notaient au demi-point près…
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Exemple : notre groupe sera plus intéressant à jouer si vous introduisez un minimum
de conflit entre ses membres. Les fossoyeurs dépendent certainement de la mairie, et
donc d’un bureaucrate qu’ils peuvent apprécier ou non. Savoir que le curé, avec qui
ils travaillent au jour le jour, déteste le maire, qui les paye, aura certainement des
répercussions sur leur manière d’appréhender ces deux PNJ, par exemple.
Il est parfaitement possible de concevoir une trame de scénario sous forme de dia-
grammes relationnels. Personnellement, je ne m’en sers presque jamais, et je conseille
d’en faire un usage prudent et nuancé. Prudent, parce que tout le monde ne connaît
pas forcément tout le monde, et qu’à trop détailler, on finit par se priver de toute marge
d’improvisation. Nuancé, parce que ce genre de carte a tendance à figer les relations
dans des attitudes stéréotypées, toujours identiques.
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Cet angle s’avère particulièrement utile lorsque vous avez de nombreux groupes
et sous-groupes aux interactions complexes.
SCÉNARIO
Angle n° 6 : les descriptions
Votre scénario va se dérouler dans un nombre fini de lieux, et impliquer un nombre
fini de PNJ. Dans vos notes initiales, un simple emploi suffit « Machin, rôdeur douteux »,
mais avant de les présenter aux joueurs, vous devez les typer.
Vous voilà donc directeur de casting et responsable des décors. Pour les PNJ1,
attachez-vous en priorité à ce qui marquera les joueurs – un détail vestimentaire,
un tic de langage. Pour un bâtiment2, concentrez-vous sur l’idée que vous voulez
faire passer, que ce soit la claustrophobie, le délabrement, la richesse ou n’importe
quoi d’autre. Si vous optez pour la richesse, vous n’avez pas besoin de rédiger la
description, pièce par pièce, de ce vaste manoir : notez juste une demi-douzaine de
traits « riches », et placez-les dans vos descriptions au fur et à mesure de vos besoins
(cheminée en marbre, boiseries cirées, tapis d’Orient, portraits d’ancêtres, lampes
en bronze massif et cristal).
Notez que ces approches ne concernent que les descriptions, forcément superfi-
cielles. Vous risquez d’avoir besoin de bien plus, notamment de savoir comment tel
PNJ interagit avec le groupe, ou d’un plan du lieu. Ces besoins-là sont à traiter lors
de la création de l’intrigue.
• signes particuliers ;
• vêtements ;
• tics et manies.
43
Angle n° 7 : la chronologie
Réfléchissez aux faits et inscrivez-les dans le temps.
Que s’est-il passé avant la scène d’ouverture ? Qui a fait quoi parmi vos PNJ ?
S’ils ont un plan, se déroule-t-il comme prévu ou est-il en train d’échouer ? S’il marche,
a-t-il des effets inattendus ? Sont-ils en train d’improviser ? S’il y a plusieurs groupes,
quel est le timing de leurs actions ou de leurs réactions ? Et quelles seront les consé-
quences de tout cela du point de vue des personnages ? Que peuvent-ils apprendre ?
Quand vous aurez défriché tout cela, avancez : que se passera-t-il après la scène
d’ouverture ? Les PNJ vont de toute façon devoir s’adapter à un imprévu de taille :
les réactions du groupe. Mais au-delà de cela, que font-ils ?
Exemple : huit jours plus tôt, un collègue des personnages est descendu dans la crypte,
mettant en route toute la séquence d’événements. Quelle était sa motivation ? Avait-il
un complice ? Présente-t-il des symptômes, ou est-il un porteur sain ? Est-il seul dans
l’affaire ? Comment l’épidémie se propage-t-elle, avant et après la « prise d’antenne » ?
44
Angle n° 8 : l’histoire
C’est le cœur de votre réflexion, le moment où vous pensez « scènes et enchaî-
SCÉNARIO
nements ». Qu’est-ce qui déclenche l’implication des personnages ? Et ensuite, que
vont-ils faire ? À quoi ressemblent leurs interlocuteurs et leurs ennemis ?
Prenez une feuille de papier et posez-la dans le sens de la longueur. En partant de la
gauche, faites la liste des scènes qui vous semblent nécessaires en les reliant par des flèches.
Pour chaque scène, listez le lieu et les PNJ dont vous avez besoin, ainsi que le résultat
que vous souhaitez obtenir (qui ne sera pas forcément celui que vous obtiendrez).
Avec une autre couleur, tracez le cheminement des personnages dans l’histoire,
afin de vérifier qu’ils sont bien dans l’action, et pas à côté.
Au-dessus, tracez l’arc de tension : la majorité des scènes doit représenter une petite
escalade par rapport à la précédente, jusqu’au final, ou au moins rester au niveau de
la précédente. Si vous avez des baisses de régime, c’est un bon moyen de les repérer.
Notez que montée en tension n’est pas forcément synonyme de violence. Il existe
d’autres moyens de mettre la pression sur les personnages (un temps limité ou une
meilleure compréhension des enjeux, par exemple). Si vous placez des conflits inter-
médiaires, arrangez-vous pour qu’ils soient suivis de moments un peu plus calmes,
pendant lesquels la tension se stabilisera ou retombera légèrement.
Exemple : vous décidez que la scène d’ouverture sera la disparition d’un collègue
fossoyeur. Il était bizarre depuis quelques jours (un flash-back l’expliquera). Les per-
sonnages vont sans doute aller chez lui, bavarder avec sa femme. Elle tient des propos
décousus. Eux-mêmes commencent à avoir des hallucinations. La nuit, une brume
anormale flotte au-dessus du cimetière. Depuis quand ? Huit jours. Que s’est-il passé
cette nuit-là ? Un autre collègue a passé la nuit au cimetière, et il semblait hébété
quand ils l’ont retrouvé au petit matin. Il est temps de l’interroger. Son témoignage
les dirige vers la crypte et ce qui y rôde. À côté de tout ça, vous avez noté une scène
de « recherche en bibliothèque » sur l’histoire de la ville et celle du cimetière. Elle n’est
pas fléchée et peut se produire n’importe quand…
Avec un peu de pratique, vous arriverez vite à jouer le scénario avec un groupe imaginaire.
C’est un excellent moyen de lisser l’enchaînement des scènes, de détecter des incohé-
rences ou de repérer l’absence d’une information importante. C’est un bon moment pour
faire intervenir un sparring-partner, si vous en avez un sous la main.
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Outil global : est-ce utile ?
Pour tous ces angles, gardez toujours la notion d’utilité en tête. Écrire dix pages sur le
cimetière peut être tentant, mais est-ce que ça servira, et si oui, comment ? Le scénario
ne sera-t-il pas mieux servi par une demi-page de renseignements accessibles pendant
l’enquête ? Avez-vous vraiment besoin de partir de la naissance d’Igor le rôdeur et de
dérouler toute sa lamentable histoire ?
Le principal critère d’utilité n’est pas « je peux transmettre cette information aux person-
nages par ce canal », mais « si je transmets cette information, que peuvent-ils en faire ? »
Se concentrer sur l’utilité est un excellent moyen de se forcer à s’en tenir à l’essentiel.
• face à l’adversité. Si vous voulez commencer par un petit combat, libre à vous !
Dans ce cas, le propos n’est pas (encore ?) le mystère. Le fossoyeur sort de la pièce
complètement fou et tente de les démembrer ;
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La mise en forme
À moins d’avoir l’ambition d’être publié, vous écrivez pour vous. Le scénario que vous
SCÉNARIO
êtes en train de vous construire est un outil que vous pouvez personnaliser à l’infini.
Adaptez la méthode ci-dessous pour qu’elle réponde à vos besoins. Les scénarios du
commerce sont une source d’inspiration utile, mais si vous préférez noter chaque scène
sur une fiche bristol numérotée, ou vous repérer avec des codes de couleur, c’est parfait !
Le plan
• « Carcassez » votre histoire : notez chaque intertitre, chaque partie et chaque
sous-partie, ainsi que chaque bloc d’informations indépendant (ce qui, dans un scénario
du commerce, donne un encadré).
• Budgétez votre plan : assignez une valeur à chaque élément. Ce peut être
un nombre de signes ou de pages, un temps de jeu estimé ou un pourcentage de
la longueur totale « scène d’ouverture : 5 % du total », ou toute autre valeur qui
vous paraîtra pertinente.
Si vous pensez qu’il est inutile d’entrer dans le détail, affectez juste une valeur à
chaque grande partie, en vous réservant la possibilité de la ventiler dans les sous-parties
au fur et à mesure de votre progression.
Carcasse et budget sont juste des moyens de briser une grosse tâche intimidante
en plusieurs petites tâches gérables. Le résultat ne doit pas devenir une camisole
de force ! Comme tous les plans de bataille, celui-là ne résistera pas à la réalité : vous
serez certainement trop long à certains endroits, trop court à d’autres.
La rédaction
En théorie, vous n’avez plus qu’à mettre de la chair sur votre squelette, bloc par bloc,
en gardant un œil fixé sur le compteur de signes.
En pratique, c’est souvent le moment des surprises. Des liens inattendus entre cer-
taines parties apparaissent. D’autres, qui vous paraissaient évidents, ne fonctionnent
tout simplement pas. Des embranchements imprévus se matérialisent. Et puis, c’est le
moment où vous détaillez, or les détails sont importants.
Vos mots d’ordre doivent être :
• souplesse. Si une bonne idée vous vient, intégrez-la, même si elle bouscule
votre plan. Et même si vous n’en avez pas, n’hésitez jamais à bouleverser l’ordre dans
lequel vous présentez vos sous-parties, à rajouter un « Et si… » de dernière minute,
et ainsi de suite ;
• l’attention aux détails. Les mots sont importants. Si vous avez pré-rédigé des
descriptions, elles vous fournissent une base de travail, mais même les PNJ secondaires
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doivent être nommés plutôt que réduits à une simple fonction1. La femme du fos-
soyeur disparu ne s’appelle pas « femme de ». Sa vie est assez difficile pour que vous
ne la réduisiez pas à une simple silhouette ! Elle se nomme Enid, elle a la trentaine,
l’air fatigué et un peu de gris dans les cheveux.
Par ailleurs, c’est aussi lors de la rédaction que vous allez vous confronter à la tech-
nique. Les adversaires du groupe ont besoin de caractéristiques, et celles-ci méritent
d’être un peu travaillées, quitte à revenir sur le texte. Quelles sont leurs tactiques
préférées ? Leurs capacités ? Leurs éventuels sorts ? Qu’est-ce qui marquera le plus les
joueurs ? Être confrontés à un fossoyeur baveux brandissant une pelle, ou au même
dont la tête est enserrée dans une main de brume, et qui se sert d’une faucille argentée
à la lame ornée de runes ? (Ce qui soulève la question de savoir où il a trouvé cette
fichue faucille, et vous oblige à rajouter un paragraphe…)
Du sur mesure
Vous avez l’avantage de connaître les personnages de vos joueurs, et donc de savoir
quelles sont leurs forces et leurs faiblesses. Si le groupe compte d’excellents combattants,
quelques goules affamées ne pèseront pas lourd en face d’eux. En revanche, ils risquent
d’être vulnérables à la magie… Et bien sûr, s’ils sont mentalement fragiles, la découverte
de ce qui rôde dans la crypte risque de les détruire avant qu’ils aient eu le temps de com-
prendre que toute squameuse et gélatineuse qu’elle soit, cette chose n’est pas hostile.
Itérations
Votre premier jet est fini ? Excellent ! Mais le travail est-il terminé ? C’est moins sûr.
Donnez-vous une semaine, puis relisez votre scénario, un stylo rouge à la main, comme
si vous le découvriez pour la première fois. Vous aurez forcément des questions…
et des idées supplémentaires. Comblez les trous, intégrez vos nouvelles idées… Puis
laissez reposer et recommencez.
C’est aussi le moment des coupes. Ce n’est pas seulement une question de longueur,
l’utilité revient aussi au premier plan. Cette scène dont vous êtes si content, est-elle vraiment
nécessaire ou ralentit-elle l’action ? Cette autre ne risque-t-elle pas d’envoyer les person-
nages à la chasse au dahu ? L’élagage est parfois un crève-cœur, mais il est souvent nécessaire.
Normalement, vous devriez avoir résolu tous les problèmes en une paire de passes sup-
plémentaires. Si vous pensez qu’il vous faut encore juste une petite relecture, méfiez-vous,
vous êtes en train de devenir accro. Je ne plaisante pas, on peut se retrouver à réviser un
texte dix ou douze fois, pour l’améliorer encore et encore. Arrêtez ! La perfection n’est pas de
ce monde. À un moment donné, il faut savoir lâcher son bébé et voir s’il marche tout seul.
48
Est-ce terminé ? Pas tout à fait. Il vous reste une paire de détails à régler :
• les éléments « visibles par les joueurs », autrement dit les aides de jeu1,
SCÉNARIO
coupures de presse, etc., dont la rédaction est généralement une récréation amusante
(mais pas au point d’oublier que vous devez y transmettre des informations) ;
• les éléments de « préjeu » dont vous avez besoin et qui n’ont pas été couverts par
la rédaction proprement dite. Une liste de noms pour les PNJ à improviser sur le pouce ?
Un générateur aléatoire de symptômes pour notre épidémie ? Un aide-mémoire sur tel
aspect des règles qui vous pose problème ? C’est le moment de bricoler tous ces outils.
Outil : le bilan
Lorsque vous ferez votre première passe « à froid », reprenez vos notes. Gardez un œil
dessus lorsque vous relirez le scénario. Vous serez souvent surpris de ce qu’elles sont
devenues. Il y a de fortes chances pour que vous ayez écrit quelque chose de complète-
ment différent de ce que vous aviez en tête au départ. Vous risquez aussi de découvrir
que vous avez exploité une thématique complètement imprévue… qu’il est donc temps
de renforcer, ou de faire disparaître.
Savoir conclure
Quand un scénario est-il prêt ? La réponse varie de MJ en MJ. Pour moi, c’est quand
la date de rendu arrive. D’autres bouclent cinq minutes avant l’arrivée des joueurs, ou
considèrent que leur bébé est au point après l’avoir fait jouer dix fois en convention.
Peu importe, au fond, parce qu’il est temps de réfléchir au prochain !
Au fait…
Les exemples de développement qui accompagnent cet article ont été simplifiés pour les
besoins de la cause, mais ils sont tirés de notes réelles. Elles ont donné deux scénarios :
Les Maudits, dans Aventures effroyables2 et Ce crâne avait une langue et pouvait parler jadis,
dans le Recueil de mini-aventures3 pour Chroniques oubliées qui accompagne Anathazerïn4.
1. À ce sujet, consultez également l’article « Jouer avec les aides de jeu », p. 331.
2. Auribeau Philippe, Dorward Scott, Lhomme Tristan, Mason Mike, Tarapacki Samuel, Aventures effroyables,
Sans-Détour Éditions, Oyonnax, 2015.
3. Balandier Pierre, Berjoan Thomas, Bernasconi Laurent, Burckle David, Chattam Maxime et autres,
Recueil de mini-aventures, Black Book Éditions, Lyon, 2015.
4. Debelle Laurent, Bernasconi Laurent, Anathazerïn, le sang des premiers-nés, Black Book Éditions, Lyon, 2015.
Fiche de synthèse
La conception
La préparation
50
Ensuite, pour chaque élément :
• changez d’approche aussi souvent que nécessaire. À chaque fois que vous établis-
SCÉNARIO
sez un lien, testez-le avec un « et si… » ;
• examinez chaque élément plusieurs fois, et demandez-vous ce qui se passerait si…
• essayez d’être contre-intuitif sur au moins un ou deux éléments ;
• restez souple.
Souhaitez-vous donner davantage d’initiative aux joueurs, et donc bâtir un bac à sable à
intrigues multiples ? Si oui, quelle va être votre échelle de travail ?
Une fois que vous avez fait votre premier tour de table, reconsidérez le cas des personnages
qui sont à 0 et cherchez ce qui pourrait les impliquer davantage.
Quelles sont les prises des personnages sur le déroulement des événements ?
Pensez aux résultats. Que peuvent obtenir nos héros ? Et à quel prix ?
Si les PJ ne sont pas des prétirés, faites ce petit travail sur les PNJ.
51
Angle n° 6 : les descriptions
Les PNJ : attachez-vous à ce qui marquera les joueurs et synthétisez-les en une ou deux lignes :
• taille et poids (adjectifs significatifs) ;
• couleur des yeux et des cheveux, coiffure ;
• vêtements ;
• signes particuliers, tics et manies.
Lieux : concentrez-vous sur l’idée que vous voulez faire passer. Notez des traits et placez-les
dans vos descriptions au fur et à mesure de vos besoins.
Que se passera-t-il après la scène d’ouverture ? Comment les PNJ vont-ils réagir aux actions
des PJ, que font-ils ?
Pour chaque scène, listez le lieu et les PNJ dont vous avez besoin, ainsi que le résultat que
vous souhaitez obtenir.
Avec une autre couleur, tracez le cheminement des personnages dans l’histoire.
La mise en forme
Le plan
« Carcassez » votre histoire : notez chaque partie, titre et assimilés.
52
La rédaction
Vos mots d’ordre doivent être :
SCÉNARIO
• souplesse. Si une bonne idée vous vient, intégrez-la ;
• soin des détails. descriptions, noms des PNJ secondaires, etc.
Itérations
Donnez-vous une semaine et relisez votre scénario. Comblez les trous, intégrez vos
nouvelles idées… Puis laissez reposer et recommencez.
V
oilà, vous venez de fermer un bouquin génial, de passer deux heures incroyables
dans une salle de cinéma ou cinquante minutes haletantes devant votre écran de
TV à regarder un épisode inoubliable de votre série préférée. Comme vous avez
JdR dans une semaine et que c’est à votre tour de régaler vos amis avec une bonne partie,
vous avez décidé de sauter le pas et d’adapter ce que vous venez de lire ou de voir pour
votre prochaine séance. Et là, vous vous demandez comment vous allez vous y prendre…
Cet article est fait pour vous : il va essayer de cerner quelques méthodes et les
embûches à éviter afin de vous faire gagner du temps, de la sueur et toutes les boulettes
de papier que vous auriez sinon jetées à la corbeille.
Définir un cadre
La première chose à faire est de se poser quelques bonnes questions permettant
de définir le cadre dans lequel on veut faire ce travail d’adaptation.
55
• un ou des personnages pour en faire des PNJ marquants ;
• l’introduction de l’intrigue qui peut devenir une bonne amorce de scénario ;
• un enchaînement de péripéties particulièrement bien agencées afin de dyna-
miser un scénario qui s’annonce un peu mou ;
• un ou des décors afin de dresser un cadre marquant pour son scénario ;
• un objet original qui constituera un MacGuffin1 très convainquant…
Si vous ne souhaitez reprendre que certains éléments dispersés, vous trouverez dans
ce qui va suivre des outils pour vous aider à les adapter à votre scénario. Toutefois, cet
article est destiné en priorité à ceux ou celles qui souhaitent adapter une histoire dans
son ensemble.
1. Dans un scénario de film, un MacGuffin est un objet ou une personne recherché par la grande majorité
des protagonistes, et constitue donc un élément moteur de lʹhistoire, qui pousse les personnages à agir
et à interagir. Sa nature nʹa pas de réelle importance.
2. JdR conçu pour une seule et unique campagne. Anglicisme qui désigne les JdR au format « tout-en-un ».
56
l’intrigue1 à proprement parler, c’est-à-dire construire votre adaptation comme un
cadre avec lequel vos PJ vont pouvoir interagir librement.
ADAPTER
une fois adaptés, ne dépendront pas de la bonne volonté des joueurs mais bien du MJ
et des éléments qu’il contrôle. Vous resterez maître du déroulement de l’intrigue avec
laquelle interagissent les PJ, qu’ils modifieront mais dont ils ne seront pas les initiateurs.
En revanche, certaines histoires reposent principalement sur les motivations, les désirs
et les relations entre personnages. Ce type d’intrigue est beaucoup plus difficile à mettre
en scène autour d’une table de JdR pour deux raisons. La première est que le JdR,
comme ses sources d’inspiration, privilégie traditionnellement l’action, les péripéties,
les rebondissements, le combat, et qu’il est parfois difficile de faire sortir les joueurs de
ces représentations. La seconde est que ce type d’intrigue repose sur les joueurs et leurs
propres interactions, bien plus que sur leur interaction avec les éléments que le MJ
déploie. Votre travail va être de les aider à rendre leurs relations intéressantes pour que
l’histoire le soit. Mais vous ne pourrez intervenir que de façon beaucoup plus indirecte
par rapport à une trame classique. Les difficultés rencontrées dans ce type de scénario
redoublent s’il s’agit d’une adaptation : si l’alchimie entre les joueurs ne prend pas, vous
risquez de vous retrouver avec une histoire plate qui n’avance pas.
En outre, il est bon de vous demander si votre belle histoire est adaptée aux attentes
des joueurs. En effet, en adaptant un drame psychologique à une table surtout motivée
par la puissance de ses personnages, vous risquez de vous heurter à un mur. Et inver-
sement, adapter Speed pour une table d’amateurs de fantasy onirique semble être une
entreprise vouée à l’échec.
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paraît crucial, car vous ne pourrez sans doute pas tout conserver. Par exemple, il y aura
certainement des moments où vous devrez trancher : allez-vous laisser les personnages
découvrir l’univers de l’œuvre originale au fil de leurs pérégrinations, sacrifiant l’ef
ficacité de l’intrigue, ou au contraire forcer une scène-clé, quitte à donner l’impression
que leur terrain de jeu se limite au décor de votre série favorite ? Le fait de réfléchir
à l’avance à vos priorités vous aidera grandement dans votre travail de préparation
(par exemple dans le choix de votre type de scénario) et au cours de la partie.
Enfin, si votre intrigue suppose une longue durée, n’oubliez pas d’intégrer des éléments
montrant que le temps passe – par des intrigues secondaires par exemple – voire de recourir
à l’ellipse narrative, c’est-à-dire de passer sous silence des périodes plus ou moins longues.
1. Voir le System Reference Document sur le site de Wizards of the Coast : http://goo.gl/14pY
2. Jackson Steve, GURPS, Steve Jackson Games, Austin, 1986.
3. Charlton S.Coleman, Middle-Earth Role Playing, Iron Crown Enterprises, Charlottesville, 1984.
4. A ngula Amadio, M aggi Marco, M c D owall -T homas Dominic, N epitello Francesco, The One Ring,
Adventures over the Edge of the Wild, Cubicle 7, Oxford, 2011.
5. Costikyan Greg, Gorden Gregory, Slavicsek Bill, Star Wars, West End Games, Honesdale, 1987. La ver-
sion française la plus récente est Star Wars Edge of the Empire, éditée en France par Edge Entertainment.
6. Brannan Timothy S., Cairns Andrew, Chapman Paul, Fletcher Robert, Jurkat M. Alexander, Martijena
Carlos Jose, Wilber James, Wilber Marianne, Buffy the Vampire Slayer, Eden Studios, New York, 2002.
58
Rogue Trader1 s’adaptera beaucoup mieux à ce type d’intrigue (voyages spatiaux, pré-
sence de marchands, de mercenaires et de chasseurs de primes, rencontre avec des
xénos) que Dark Heresy2 où l’on incarne des agents de l’Inquisition. En outre, les
règles des jeux tirés de Warhammer 40K proposent une dynamique finalement peu
héroïque, assez différente de celle des Gardiens de la galaxie. Ainsi, il me faudra peut-
être légèrement bousculer le moteur de jeu (donner plus de points de destin ?) afin
d’arriver à mes fins.
ADAPTER
• Je veux adapter le roman La Vénus anatomique de Xavier Mauméjean dans
l’univers de Mournblade3. Ici, c’est surtout la trame principale qu’il faut retenir : créer
un humain (en l’occurrence, une humaine) artificiel(le) sous la direction d’un souve-
rain devenu fou. Toute la dimension mécaniste et rationnelle s’inscrit bien dans les
principes de la Loi (les Automata) et il est possible de reprendre une bonne partie
des personnages pour les transformer en PNJ hauts en couleur. Bien entendu, il faut
adapter le cadre et les détails de l’intrigue à l’univers de Moorcock.
• Je veux adapter Le Crépuscule des Elfes de Jean-Louis Fetjaine dans l’univers
de Fading Suns4 (mais quelle drôle d’idée !). Évidemment le travail est titanesque, mais
pas impossible : il faut transposer l’espace du roman pour le déplacer sur une planète
inconnue, ou encore sur plusieurs planètes (les royaumes des Elfes, des Humains,
des Monstres et des Nains font, après tout, de bonnes planètes distinctes), les races
féériques en races xénos (ce qui est somme toute assez aisé), les pouvoirs de chacun en
pouvoirs psys (encore facile), garder les artefacts et l’intrigue globale telle quelle.
Le problème de taille restant l’implication des PJ, mais nous y reviendrons p. 69.
Et donc, à l’issue de ce questionnement, peut-être arriverez-vous à la conclusion
qu’une telle adaptation est trop coûteuse en travail, et qu’il vaut mieux prélever certains
éléments de votre bonne histoire plutôt que de vouloir l’adapter dans son intégralité.
Peu importe, après tout, vous aurez déjà une bonne base pour écrire votre propre
scénario5 et de quoi amuser vos joueurs samedi prochain.
1. Barnes Owen, Bligh Alan, Boles Matt, French John, Hoare Andy et autres, Rogue Trader, Fantasy Flight
Games, Roseville, 2009.
2. Abnett Dan, Astleford Gary, B arnes Owen, F lack Kate, K enrick Andrew et autres, Dark Heresy,
Black Industries, 2008.
3. Attinost Benoît, Blanchard Vincent, Chansel Frédéric, Dumas-Pihou Julien, Gallot Stéphane, Jawad,
Périer Isabelle, Saura Ismaël, Terrier Martin, Mournblade, Département des Sombres Projets, 2012.
4. Bridges Bill, Greenberg Andrew, Hartshorn Jennifer, Hatch Robert, Howard Christopher, Inabinet
Samuel, Lemke Ian, Moore James A., Fading Suns, Holistic Design, Stone Mountain, 1996.
5. À ce sujet, consultez également l’article « Créer un scénario », p. 31.
59
aujourd’hui souvent dénoncé pour le peu de liberté qu’il laisse aux joueurs, le scénario
semi-ouvert, qui prévoit quelques scènes majeures mais donne aux joueurs une grande
liberté de mouvement entre celles-ci, également conspué pour ne permettre qu’une
liberté plus apparente que réelle, et le bac à sable. Outre les choix idéologiques propres
à chacun (les joueurs doivent-ils être libres, au risque de passer à côté de la partie ?
Faut-il les diriger pour leur faire vivre une histoire brillante dans laquelle ils n’auront
pas beaucoup de latitude pour agir1 ?), l’adaptation pose des questions concrètes et
pratiques auxquelles ces types de scénarios peuvent répondre.
• Le scénario de type linéaire a l’avantage de pouvoir « coller » au maximum
à l’œuvre source, au risque toutefois d’étouffer les joueurs par sa faible marge de
manœuvre. Il est néanmoins le bienvenu lorsqu’il s’agit de mettre en place une histoire
très tournée vers l’action, où il faut cadencer les mouvements des PJ et donner un
rythme soutenu à l’intrigue. C’est probablement la meilleure forme de scénario pour
des histoires de type Speed, où l’action et le rythme de la partie priment sur l’enquête
ou les relations entre personnages.
• Le scénario de type semi-ouvert est un choix judicieux pour l’adaptation,
dans le sens où il réserve une part de liberté aux joueurs tout en vous permettant de
garder les temps forts de l’intrigue source. On peut toutefois lui reprocher sa tendance
« illusionniste » : si les PJ vont de grande scène en grande scène, le cheminement entre
ces dernières, c’est-à-dire le moment où les joueurs ont le plus de choix, n’est-il pas
finalement sans importance ? Leur prétendue liberté n’est-elle pas un mensonge ?
Il est possible de pallier à l’illusionnisme en décidant que les joueurs peuvent, s’ils se
montrent astucieux, court-circuiter ces grandes scènes.
• Le scénario de type bac à sable est très plastique et offre une véritable liberté
aux joueurs, au risque de les voir passer à côté de l’intrigue, c’est-à-dire des événements
les plus importants. C’est bien évidemment celui qui aura le plus tendance à s’éloi-
gner de l’œuvre source, mais qui offre le plus d’espace pour que vos joueurs évoluent
dans le cadre qui leur est imparti. Il peut sembler difficile à mener car il réclame un
certain sens de l’improvisation. Toutefois, dans le cadre d’une adaptation, le MJ pos-
sède souvent une connaissance de l’histoire et de l’univers assez poussée pour pouvoir
improviser à son gré. Enfin, l’usage du bac à sable est conditionné par la définition
d’un cadre (le bac !), généralement spatial (une unité de lieu) : si ce cadre n’est pas
bien posé d’emblée, ou si l’intrigue de départ ne présuppose pas un cadre strict, les
joueurs vont probablement partir dans tous les sens et mettre le MJ dans une position
délicate d’improvisation totale. La ville est un cadre raisonnable de bac à sable, et c’est
souvent celui que se fixent les séries télévisées (Dexter, Person of Interest, NYPD, Penny
Dreadful, Buffy contre les vampires, etc.).
60
Analyser les éléments de notre histoire
Le cadre spatial
Le cadre spatial requiert donc une attention particulière. Il peut être assez limité,
surtout si vous avez choisi un scénario de type linéaire ou semi-ouvert et si vos PJ
doivent aller de lieu en lieu pour résoudre l’intrigue.
Quoi qu’il en soit, et à plus forte raison si vous avez choisi d’écrire un bac à sable,
ADAPTER
n’oubliez pas d’avoir une vision d’ensemble du théâtre des opérations. Dans un film
ou un roman, l’auteur ou le réalisateur peut se permettre de ne montrer que deux ou
trois maisons d’une ville et le comptoir du bar local. En JdR, les choses sont un peu
plus compliquées : n’oubliez jamais que vos PJ vont arpenter les lieux de l’intrigue, se
promener en ville, et qu’il vous faut donc imaginer un espace continu et explorable,
bien plus qu’une série de lieux distincts et discontinus. Inspirez-vous de l’œuvre de
départ, brodez et utilisez les éventuelles ressources de votre JdR ou de votre source :
plans de villes, settings1… N’hésitez pas non plus à meubler votre espace de lieux
inutiles et pittoresques, tout en restant dans le ton de l’œuvre d’origine : ils contribueront
à créer un effet de réalité propice à l’immersion des joueurs. Laissez également ceux-ci
meubler l’espace en cours de partie : leurs inventions vous permettront de souffler,
voire d’introduire des péripéties inattendues.
Bien entendu, vous pouvez – devez ! – utiliser votre œuvre source. S’il s’agit d’une
œuvre picturale ou audiovisuelle (BD, film, série), vous pouvez isoler quelques repré-
sentations des lieux (imprimées ou sur tablette), afin de bien donner à voir aux joueurs
ce que vous avez en tête, à condition que ces endroits s’intègrent de façon crédible
dans votre monde de JdR. Vous pouvez toutefois préférer en faire vous-même la des-
cription, afin de laisser la liberté à vos joueurs de s’en forger leur propre représentation.
De même, s’il s’agit d’une œuvre écrite (roman ou cycle romanesque), n’hésitez pas à
isoler quelques descriptions des lieux, voire à les réécrire pour les adapter à vos besoins.
Par exemple, les tables aléatoires ci-dessous essayent de faire ressortir quelques élé-
ments caractéristiques de l’ambiance du château de Port-Réal dans Le Trône de Fer.
Que ce soient les endroits, les personnages ou ce qu’ils sont en train de faire, ces
éléments ont été sélectionnés pour rester dans le ton des lieux tels qu’ils sont dépeints
dans l’œuvre source. L’aspect aléatoire permet de gagner du temps en cours de partie,
tout en variant les plaisirs et en gardant des éléments de surprise, même pour le MJ.
Tableau 1 : selon vos besoins durant la partie, tirez jusqu’à 5D12 pour générer un
personnage à la volée. Ainsi, un tirage de 1, 2, 3, 4 et 5 signifiera que vos personnages
vont rencontrer dame Alla de la maison Boulleau, une cliente assidue des établis
sements de Petyr Baelish qui espionne quelqu’un dans le septuaire royal. Pour savoir
1. En JdR, un setting est un cadre au sens large, un univers créé pour un jeu. Il peut prendre la forme dʹune
ville, dʹun pays, dʹun monde ou d’un multivers.
61
qui elle espionne, il suffit soit de refaire un tirage sur cette table, soit de vous servir du
tableau 2. En multipliant ces jets, vous devriez récréer facilement un nid de vipères
dans l’esprit du Trône de Fer.
Bâtard non
2 Aylin Boulleau Cherche La crypte
reconnu par le roi
Tour de la
Blanche Épée
4 Elinor Castelfoyer Espion de Varys Espionne
(résidence de la
Garde royale)
Horriblement Le septuaire
5 Esmerande Farring Garde
prude royal
Ne répond jamais
6 Gyles Grotte Intimide Les cuisines
aux questions
Phobie
8 Osfryd Potaunoir Médit Les jardins
d’un élément
Sait fabriquer
10 Sisane Rosby Quémande Les réserves
du feu grégeois
Sexualité
11 Trystan Tourbier Se vante Passage secret
malsaine
Salle du
12 Tyrek Velaryon Vénère R’hllor Trahit
Trône
62
Tableau 2 :
ADAPTER
3 Jaime Lannister Émissaires
Le cadre temporel
Dates
La date de l’intrigue importe souvent peu, sauf dans le cas d’une adaptation dans un
univers très connu, pour des questions de cohérence (est-ce que jouer à Achtung Cthulhu1
en dehors de la seconde guerre mondiale est une idée stupide ?). Toutefois, une date peut
présupposer un certain nombre d’éléments qui déterminent l’ambiance, voire les péripé-
ties, du scénario. Ainsi, certaines dates induisent un cadre particulier : Noël, Halloween,
les fêtes de Beltane…
Dans Les Dames du Lac de Marion Zimmer Bradley, Mordred ne
peut être conçu que parce qu’Arthur et Morgane célèbrent le rite du Roi cornu.
1. Birch Chris, Blewer David, Bund Alex, Charles Russ, Crossingham Adam, Hardy Lynne, Hite Kenneth,
Newton Sarah, Pook Matthew, Achtung Cthulhu, Sans-Détour Éditions, Oyonnax, 2014.
63
De plus, la date à laquelle se déroule une intrigue peut avoir une incidence sur
le climat, et donc sur les péripéties du scénario. Une histoire se déroulant en hiver
permet d’instaurer une ambiance froide, déserte voire glauque. La présence de neige
peut influer sur nombre de péripéties : accident de voiture, famine, lac gelé traversable
ou non…
Dans un épisode de Person of Interest, Reese prend conscience de sa solitude
mortifère car il est blessé et pris au piège dans sa voiture alors qu’il neige et que nul
ne peut le joindre. Il manque ainsi de mourir de froid et, une fois sauvé, change de
comportement. Il faut donc veiller à garder la date du scénario ou à la transposer afin
de conserver ces éléments importants pour l’intrigue.
Durée
Si, dans l’idéal, il faut conserver la durée de l’histoire source, vous devez garder à
l’esprit que certaines choses fonctionnent très mal en JdR. Il est assez difficile de jouer
des intrigues sur plusieurs semaines ou plusieurs mois sans se lancer dans une campagne
gigantesque. De plus, les joueurs ont tendance, lors des parties, à jouer des personnages
hyperactifs, qui ne mangent pas, ne dorment pas, ne prennent pas de vacances, ne se fati-
guent jamais et carburent dans le meilleur des cas à la caféine, voire aux amphétamines.
Ainsi, si votre intrigue suppose une longue durée, assurez-vous que les PJ aient toujours
quelque chose à faire – par des intrigues secondaires par exemple – ou de recourir à
l’ellipse, c’est-à-dire de passer sous silence des périodes plus ou moins longues.
Vous pouvez également ruser avec la temporalité de l’œuvre source. Soit vous rendez
l’intrigue plus « dense » en raccourcissant sa chronologie, dans des limites raison-
nables et vraisemblables : vous pouvez, comme Peter Jackson dans La Communauté de
l’Anneau pour le départ de Frodon, couper court aux atermoiements et aux longues
attentes ou encore ramasser une intrigue se déroulant sur plusieurs mois ou plusieurs
années en quelques jours comme dans le Troy de Wolfgang Petersen qui transforme
les dix ans de siège de Troie d’Homère en quelques jours, plus faciles à représenter au
cinéma. Soit, de manière élégante, vous choisissez un point d’entrée dans l’intrigue
au plus proche des péripéties en mettant en scène les événements importants du passé
lors de flash-back bien amenés comme dans Lost, par exemple. Le défaut de ce choix
est qu’il implique un certain dirigisme et une bonne volonté de la part des joueurs :
il est hors de question qu’ils se débarrassent, lors d’un flash-back, d’un PNJ encombrant
auquel ils viennent de parler longuement dans une scène du présent de narration.
Dans tous les cas, comme dans n’importe quel scénario, vous devez reconstituer
la chronologie des événements en insistant sur les actions et surtout les motivations
des PNJ, car ce sont ces motivations qui vont vous permettre de vous adapter aux
actions des PJ. Traditionnellement, elle indique par J le moment où les PJ com-
mencent à agir (le début du scénario) et se déploie en amont et en aval de ce point
de départ (J-1, J-2
; J+1, J+2
). Elle permet non seulement de répondre précisément
aux questions des joueurs, mais également de faire intervenir des événements ou des
adversaires en temps voulu.
64
L’intrigue
Pour bien maîtriser la structure de l’intrigue source, il est utile de se servir d’un outil
scolaire mais bien pratique : le schéma narratif. Celui-ci permet de distinguer :
• la situation de départ, à savoir la situation de l’univers avant que l’intrigue ne
commence. Elle peut être positive (un village en paix abritant une famille unie) ou négative
(un village ravagé par la peste et la famine dont les hommes viennent de partir à la guerre) ;
• l’élément perturbateur qui va faire démarrer l’intrigue et sans lequel il ne
ADAPTER
se passera rien (dans Dune, c’est le déménagement de la famille Atréides sur Arrakis
qui provoque toute la suite des événements). Il peut être le fait des PJ (dans l’une des
versions de la Géhenne de White Wolf, les PJ brisent la Mascarade à New York et
déclenchent la fin des temps) ou des PNJ (les Grands Anciens se réveillent, il va falloir
faire quelque chose pour gérer la situation) ;
• les péripéties, c’est-à-dire les rebondissements de l’intrigue. Vous pouvez les
lister intégralement ou n’en retenir que quelques-unes. Attention, certaines péripéties
de l’œuvre source dépendent de décisions que vont prendre les joueurs, elles sont donc
bien plus incertaines. Vous pouvez les conserver comme autant de péripéties possibles
mais non nécessaires ;
• l’élément de résolution qui devrait mettre fin à l’intrigue. Dans l’idéal (ou dans
un scénario ouvert), il n’est pas prévisible car il doit être le résultat de l’action des PJ.
Dans la pratique, les PJ ont souvent un éventail de choix qu’il est possible – mais
laborieux – d’anticiper. Et soyons honnêtes, les joueurs sont souvent beaucoup plus
créatifs que nous ne pouvons l’imaginer… Ainsi, s’il est bon que vous dégagiez l’élé-
ment de résolution de l’œuvre source, au moins pour avoir une idée de la manière
dont le scénario pourrait se terminer, ne perdez pas trop de temps sur cet élément qui,
globalement, ne dépend pas de vous ;
• la situation finale qui est liée à la résolution de l’intrigue par les PJ. Comme
l’élément précédent, elle ne dépend pas tant de vous que de vos joueurs. Vous pouvez
tenter de l’anticiper, en prenant exemple sur la situation finale de l’œuvre source, mais
il serait peu intéressant et peu motivant de vouloir l’imposer aux joueurs.
Gardez toujours en tête que vous ne pouvez agir que très indirectement sur les
éléments dépendant des PJ et qu’il ne faut donc pas s’y attacher mais les conserver
en vue d’une future utilisation.
Et, si vous adaptez l’intrigue à un univers dans lequel vous avez déjà vos habitudes,
n’oubliez pas de bien vérifier que les éléments que vous avez tirés de l’œuvre source
s’y intègrent bien. Si ce n’est pas le cas, l’idéal sera sans doute de les modifier afin de
conserver la cohérence de votre monde et d’éviter que vos joueurs ne fassent un rejet.
Vous pouvez également choisir de conserver ou non des scènes-clés de l’œuvre
source. N’hésitez pas alors à reprendre l’ambiance de celle-ci, ses éventuels effets de
mise en scène, en vous appuyant lorsque c’est possible sur les règles spécifiques de
65
poursuite, de combat ou de bataille. Il faut bien sûr que ces règles soient cohérentes
et pertinentes avec ce que vous souhaitez mettre en place. Par exemple, si vous voulez
faire jouer une bataille épique, assurez-vous que les règles permettent de le faire.
Pour donner de la consistance à vos PNJ lors de ces scènes-clés, vous pouvez égale-
ment reprendre des lignes de dialogue particulièrement bien écrites.
Et pensez à une éventuelle musique d’ambiance1, peut-être tirée de la B. O. du film
ou de la série dont vous vous inspirez.
Les PNJ
Une adaptation repose également sur la reprise des personnages de l’œuvre source
et sur leur transformation en PNJ.
Globalement, on peut distinguer trois types de PNJ2 :
• les PNJ figurants qui peuplent l’univers mais n’ont a priori aucune importance dans
l’intrigue. Il s’agit des clients de l’auberge ou des passants dans la rue. Même si votre œuvre
source regorge de figurants, ne les listez pas tous. Gardez les figurants les plus intéressants
et les plus intrigants pour peupler votre univers et aiguillonner vos PJ sur de fausses pistes ;
décrivez-les en deux ou trois lignes maximum en leur trouvant un titre générique composé
d’un nom et d’un adjectif (le commissaire bègue, la serveuse albinos, le chanteur manchot) ;
• les PNJ ressource qui sont surtout là pour transmettre des informations aux PJ
ou leur permettre de résoudre un problème ponctuel. Ils pourront éventuellement être
étoffés en cours de partie, en raison de l’importance que leur donneront vos joueurs.
Traitez-les comme des figurants mais rédigez bien la liste des informations qu’ils
peuvent fournir à vos PJ ou l’aide qu’ils peuvent leur apporter ;
• quelle est son apparence ? Et son « gimmick », c’est-à-dire son signe distinctif (objet,
phrase-clé, tic, obsession ; les gimmicks du docteur House résident dans sa méchanceté,
sa canne et son infirmité et sa phrase-choc, « Everybody lies ») ?
• quelle place a-t-il dans la société (sa race [elfe, nain, alien, etc.] ou sa nationalité,
son métier, sa famille, sa richesse) ? De la même manière, si votre jeu permet de coder
cet aspect, utilisez-le ;
66
• quelles sont ses motivations, à savoir ce qu’il veut et ce qu’il doit faire, sachant que
ces deux aspects peuvent être antagonistes ?
ADAPTER
compléter votre description.
• quel est son rôle dans l’intrigue (opposant ? adjuvant ? sujet ou objet ? destinateur
ou destinataire ? ambivalent ? évolutif ?) ?
• quel est son éventuel archétype (mentor, trickster, femme fatale, etc.) ?
• les PNJ importants qui ont un rôle dans l’intrigue. Ce sont ces derniers qu’il
faut détailler et coder en vous inspirant un maximum de votre œuvre source.
Par exemple, Cersei Lannister est une belle femme mince et noble, blonde et touchant
à la quarantaine (apparence). Elle est dévorée par l’amour du pouvoir et celui qu’elle porte
à ses enfants. Son opportunisme et sa cruauté peuvent être sans bornes, tout comme le
mépris qu’elle porte à l’ensemble de l’humanité (personnalité). C’est une Lannister, fille de
Tywin, sœur de Tyrion et Jaime, amante de ce dernier et veuve du roi Robert Baratheon
qu’elle a fait assassiner. Elle est désormais la reine mère (place dans la société). Elle connaît
bien la politique de son royaume mais maîtrise mal ce qui se passe du côté du Mur et par
delà les mers (savoir). Elle est elle-même assez faible mais possède un pouvoir tel qu’elle
peut faire arrêter et exécuter quasiment qui bon lui semble. Elle possède de grandes capa-
cités d’intrigante qu’elle met souvent à profit (pouvoir). Elle désire protéger ses enfants et
garder le pouvoir pour elle et sa famille. Elle aimerait être un homme et tente de s’imposer
dans la société patriarcale qui est la sienne. Elle doit tenir son rang et payer ses dettes,
comme tout bon Lannister (motivations). Le reste dépend
de votre intrigue !
Au cours de votre description des PNJ, peut-être vous rendrez-vous compte que certains
personnages sont en réalité inutiles : vous pouvez vous en passer, les conserver en tant
que simples figurants, ou au contraire leur donner du poids en les intégrant à l’intrigue.
De même, si l’envie vous prend d’ajouter des personnages, n’hésitez pas.
Enfin, si votre univers de départ comprend des PNJ intéressants ou récurrents qui
peuvent remplacer avantageusement certains personnages de l’œuvre source, utilisez-les :
vous gagnerez du temps tandis que votre univers et votre intrigue n’en seront que plus
cohérents et vraisemblables !
67
Deux problèmes épineux
1. JdR conçu pour une seule et unique campagne. Anglicisme qui désigne les JdR au format « tout-en-un »,
cʹest-à-dire qui nʹappellent pas lʹédition de suppléments.
2. Croc, Deleval Fabien, Salah Emmanuel, Sarfati Laurent, Twardowski Mathias, In Nomine Satanis, Magna
Veritas, Idéojeux, Paris, 1989.
3. Amirà Alexandre, Attinost Benoît, Beney Jean-François, Benoist Nicolas, Bousquet Charlotte et autres,
C.O.P.S., Asmodée Éditions Siroz, Buc, 2003.
4. Devernay Laurent, Guérin Rémi, Lapeyre Guillaume, City Hall, Roubaix, Ankama, 2014.
68
Rester trop fidèle à l’œuvre source
ADAPTER
plaisir de votre joueur, par exemple en modifiant l’intrigue de manière à ce que sa conclu-
sion reste incertaine pour l’initié et provoque la surprise. Ainsi, jouer dans l’univers du
Trône de Fer est une idée exaltante, notamment pour les fans. Mais en rejouer les intrigues
à l’identique manque de sel : pourquoi ne pas adopter un point de vue marginal sur ces
histoires rebattues ? Voire même les modifier subtilement afin d’étonner vos joueurs ?
La fidélité à l’œuvre source peut vous bloquer à deux moments : lors de la concep-
tion du scénario et lors de la partie.
La première tentation, lors de votre travail de préparation, c’est de ne rien changer, de ne
rien adapter. Pourquoi ? A priori, si vous vous lancez dans une adaptation d’un roman ou
d’un film en JdR, c’est que vous avez apprécié (adoré ?) l’œuvre. Alors pourquoi la modifier ?
D’une part, pour que les joueurs aient bien l’impression d’être en train de jouer un
scénario de JdR, et non pas de rejouer un film ou un roman. Il ne faut pas que votre
adaptation ait l’air… d’une adaptation. Si vous l’intégrez à l’une de vos campagnes, elle
doit devenir indissociable du reste de vos productions et de vos parties et ne pas faire
pièce rapportée dans l’univers de JdR ; il faut qu’elle s’y intègre et s’y adapte au mieux
afin d’en devenir un fragment à part entière. Ainsi vous éviterez l’impression de raccord,
voire pire, de faux raccord. D’autre part, le but est de faire mieux que l’œuvre de départ.
Ne restez pas trop humble devant votre source : si certains éléments de l’intrigue, un per-
sonnage, un décor, etc. vous semblent mal adaptés, faibles, bâclés, ou si vous avez juste
envie de faire autre chose, allez-y, améliorez l’histoire, modifiez-la, faites-vous plaisir.
La deuxième tentation peut surgir pendant la partie. En effet, cette histoire est si bien
ficelée, que laisser les PJ la modifier, voire la massacrer, serait un véritable gâchis ! Les voir
mettre votre ville à feu et à sang et tuer vos PNJ, quel crève-cœur ! Et cette ambiance
subtile, à la fois légère et énigmatique, quel chagrin de voir vos joueurs la mettre à mal
par leurs blagues douteuses ! Attention, donc ! Une partie de JdR est un espace d’expres-
sion : épousez le chaos de son déroulement et abandonnez la perfection de l’œuvre
source. Et si vous ne parvenez pas à vous faire une raison, si vous préférez la perfection
du roman ou du film, ne cherchez pas à l’utiliser pour jouer car vous ne parviendrez
pas à donner à vos joueurs la liberté et l’espace propices à une partie satisfaisante.
Acceptez l’exubérance de l’improvisation, acceptez d’être surpris par les joueurs. Même
si ce n’est pas toujours évident, vous allez vous aussi vous y retrouver. Après tout, le JdR
vous permet de prendre plaisir grâce à toutes vos créativités, la vôtre comme les leurs !
Fiche de synthèse
• Le one shot.
• Le burst.
• La campagne (faire un premier découpage par scénario).
• Le bac à sable.
• C’est une histoire concentrée sur l’action, où les joueurs sont contraints par
le temps : linéaire.
• C’est une histoire marquée par des temps forts, mais qui laisse une grande liberté
entre ces temps forts : semi-ouvert.
• C’est une histoire qui repose sur les libres interactions entre les PJ, le décor
et les PNJ : bac à sable.
70
Reconstituez le schéma narratif de l’intrigue :
• quelle est la situation de départ ?
• quel est l’élément perturbateur ?
• quelles sont les péripéties possibles ?
• quelles sont les situations finales potentielles ?
Pour les PNJ que vous voulez importer, répartissez-les dans les catégories suivantes
et répondez aux questions :
ADAPTER
• PNJ figurants : quels éléments d’ambiance ce figurant permet-il d’installer ?
Quelles informations me permet-il de faire passer sur l’univers ? Vers quelle
fausse piste peut-il diriger les PJ ? Comment les rencontre-t-il ?
• PNJ ressource : quelles informations donne-t-il aux PJ ? Comment les rencontre-t-il ?
A-t-il vocation à devenir récurrent ou pas ? Si oui, comment ?
• PNJ importants : quel est son rôle dans l’intrigue ? Comment rencontre-t-il les PJ ?
Est-il un opposant, un adjuvant, sujet, destinateur, destinataire, ambivalent, évolutif
dans ces positionnements ? Se classe-t-il dans un archétype célèbre (mentor,
trickster, femme fatale, etc.) ?
DONJON
•
Éric Nieudan
L
e donjon est un scénario bien particulier. C’est à la fois sa forme la plus
ancienne, et peut-être encore aujourd’hui la plus pratiquée. Explorer un
donjon, c’est souvent ce à quoi ressemble une partie de JdR dans l’imagi-
nation du non initié.
Après avoir montré qu’un donjon n’est pas qu’une suite de portes, de monstres et
de trésors, cet article présente une méthode semi-aléatoire de création de donjon pour
tous types d’univers. Vous déterminez les paramètres de départ, et laissez la procédure
créer les détails. Cette méthode vous fera gagner du temps en organisant à la fois
votre brainstorming et la structure de l’aventure. En intégrant le hasard, elle produit
des résultats plus surprenants que les idées que vous auriez pu avoir face à une page
blanche. Et si la « création procédurale » ne vous intéresse pas, cet article contient aussi
des conseils pour animer un donjon cohérent au sein d’une campagne.
73
Un donjon, pas un PMT1
Un donjon, c’est plus qu’une série de défis tactiques. Là, vous pensez à Diablo 2 ou à
Descent 3. S’en contenter en JdR, cela revient à se priver de beaucoup de choses ; un peu
comme si le seul jeu jouable avec un paquet de cartes était la bataille.
Pour concevoir un donjon intéressant, il faut l’imaginer comme un bac à sable,
un morceau d’univers avec sa géographie, ses habitants, ses factions, leurs problèmes,
etc. Il existe des contre-exemples, comme le donjon-piège (Le Labyrinthe de la mort4
ou Tomb of Horrors5). Je ne discuterai pas les mérites de ce type de scénario, ce n’est
pas ce que je cherche à émuler ici.
Un donjon, c’est un scénario géographique et non linéaire : l’histoire jouée dépend
des déplacements des personnages : entrer par la cour du château risque de déclencher
l’alarme mais permet d’apprendre ce que trame le seigneur félon, tandis que passer par
les geôles est plus discret – à condition de ne pas avoir peur du monstre des douves.
En fin de compte, un donjon n’est pas si différent d’un scénario traditionnel quand
celui-ci est présenté comme un organigramme.
Donjoniser l’extérieur
Il existe une forme d’organisation d’aventure en extérieur appelée pointcrawl, par
opposition au hexcrawl (l’exploration d’une région hexagone par hexagone, façon
Oltrée ! 6), elle-même dérivée du dungeoncrawl. Plutôt que de dessiner une carte,
on se contente de relier les zones de l’aventure par autant de traits qu’il existe de
moyens de passer de l’une à l’autre. On a ainsi une sorte de plan minimaliste plus
riche en informations : il peut montrer à la fois les passages souterrains ou aériens,
les portails magiques, etc. La place gagnée par rapport à une carte permet de résu-
mer les informations du scénario. Le donjon que vous allez concevoir ici peut être un
de ces pointcrawls : au lieu d’imaginer des salles, vous créerez des clairières, des bois,
des fermes en ruine et des ponts de lianes.
1. Expression péjorative désignant les aventures linéaires en donjon à la structure répétitive : le PJ passe
une porte, tue un monstre, récupère le trésor, et ainsi de suite.
2. Blizzard North, Diablo, Blizzard Entertainment, Irvine, 1997.
3. Wilson Kevin, Descent: Voyages dans les ténèbres (V. O. : Descent: Journeys in the Dark) Fantasy Flight
Games, Roseville, 2005, Edge Entertainment, Séville, 2011, pour la V. F.
4. Livingstone Ian, Le Labyrinthe de la mort (V. O. : Deathtrap Dungeon), coll. Folio Junior, Défis fantastiques,
Gallimard, Paris, 1984.
5. Gygax Gary, S1, Tomb of Horrors, T.S.R., Lake Geneva, 1978.
6. Grümph John, Oltrée !, John Doe, Jouy-le-Moutier, 2013.
74
10: Vault to Pyramid
Exemple de pointcrawl fabriqué avec DunGen,
un générateur graphique d’Ed Allen.
http://meta-studios.com/dg/dungen.html well
1: Chamber
window
3: Mausoleum natural ladder 6: Chapel
DONJON
8: Charnel house
overlooks
gateway
9: Shrine
4: Guard room
Préparation
Matériel requis
• Un jeu de cinquante-quatre cartes.
Le cadre
Avant de vous lancer dans la conception, vous avez besoin de savoir ce que vous avez
envie de créer. Un donjon n’est rien s’il n’est pas intégré dans un univers. Il faut qu’il corres-
ponde à la fois au monde dans lequel vous jouez et au système de règles que vous utilisez.
Mieux encore, il devrait avoir une place dans votre campagne, c’est-à-dire dans
l’histoire ou dans la géopolitique de la région. Un avant-poste en ruine a une histoire
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troublée ; les mines abandonnées où vit une tribu de gobelours sont le point de départ
de sanglants raids frontaliers. Pour peu que les personnages ne s’y aventurent pas par
hasard (et qui voudrait visiter des souterrains pleins de trucs prêts à vous bouffer
sans une bonne raison ?), ils devraient être capables d’obtenir des informations sur
l’objectif de leur quête.
Dans le même ordre d’idées, il est intéressant de se demander dès le départ quelles
sont les spécificités du donjon lui-même. L’avant-poste a été construit par un peuple
venu d’au-delà des étoiles ; la mine des gobelours est organisée autour d’un puits
central qui mène au monde souterrain. Une architecture, une histoire, une localisation
stratégique, etc. En résumé, tout ce qui fera que votre donjon deviendra davantage
qu’une simple mine de points d’expérience.
Ayez, à l’avance, une idée de l’identité des occupants du donjon. S’ils appar-
tiennent à plusieurs groupes, réfléchissez à ce qui les unit et à ce qui les divise.
L’arrivée des personnages viendra bouleverser l’écosystème du lieu. Qu’ils éliminent
un groupe ou s’allient avec un autre, les choses seront susceptibles de changer.
Peut-être aussi qu’à leur arrivée, la situation n’est pas stable. Les gobelours par-
tagent leur mine avec une sorcière humaine qui soigne leurs guerriers en échange
de leur protection, mais qui aimerait bien prendre la place de leur chef de guerre.
L’avant-poste est occupé par des pillards de l’autoroute, mais des disparitions noc-
turnes ont forcé les chasseurs du clan à s’aventurer dans les sous-sols. Profitant de
leur absence, les drones sauvages qui nichent dans les tours s’attaquent au camp
mal défendu à la surface.
Appuyez-vous sur votre campagne ou sur les suppléments d’univers du jeu auquel
vous jouez, mais vous pouvez aussi faire confiance au hasard. Les générateurs de scéna-
rios (que vous trouverez en ligne1, mais aussi dans des jeux comme Dragon de poche2)
sont d’excellents points de départ si vous n’avez pas beaucoup d’idées. Voyez ce qui
fonctionne le mieux avec votre façon de penser : un jeu de tarot divinatoire, une
poignée de Rory’s Story Cubes3, une balade sur Deviantart4 ou Pinterest5, une discussion
avec vos copains MJ des forums.
Faites-vous une idée générale avant de passer à la construction, mais ne vous noyez
pas dans les détails à ce stade. Vous aurez bien plus de matière pour peaufiner ces
aspects une fois le donjon décrit.
76
En ce qui concerne les motivations des personnages à visiter l’endroit, attendez
d’avoir fini pour décider, à moins bien sûr que vous ne construisiez le donjon pour
répondre à un besoin de votre campagne ou pour donner corps à un projet des héros.
Autrement, ayez confiance en votre imagination : vous aurez tout ce qu’il faut pour
motiver l’exploration une fois le donjon terminé. Je vous en reparlerai plus bas.
• De quel genre de donjon s’agit-il ? (Des égouts puants, un château maudit, une ville
pestiférée, une mine oubliée, une station spatiale…)
DONJON
• Comment s’intègre-t-il au monde alentour ? (Est-il fréquenté, réputé, craint,
convoité, honni ? Et par qui ?)
• Quel est son rôle dans la campagne ? (Doit-il révéler des informations aux person-
nages, leur fournir un objet, leur faire passer une épreuve ?)
• Quelle est son histoire ? (Qui occupait le donjon avant les habitants actuels ? Certaines
salles recèlent-elles des souvenirs oubliés, voire des trésors que les nouveaux venus n’ont
pas découverts ? Si le lieu a eu un usage différent autrefois, en quoi a-t-il changé ?)
• Qui sont ses occupants ? Qu’est-ce qui les unit ou les divise ?
• Quels sont les liens des habitants avec l’extérieur ? (Ont-ils des voisins, des
allégeances, des victimes dans la région ?)
Notez ce qui vous vient à l’esprit à la lumière de ce que vous savez de votre univers
et de votre campagne. Le reste viendra tout seul par la suite.
77
La table des occupants
Première étape dans la création de votre aventure : les habitants du donjon. Vous
allez créer une table qui s’organise comme ci-dessous.
Carte Valeur
As 1
Valet 11
Dame 12
Roi 13
Joker 13
78
Pas de panique, je vous explique la procédure dans quelques paragraphes. Pour
l’instant, concentrez-vous sur les rencontres de votre aventure. Remplissez la table
ci-dessus avec une série de créatures plus ou moins dangereuses et intéressantes.
Les catégories employées ont l’avantage de produire un donjon dont les salles ne pro-
posent pas systématiquement des situations hostiles. On discutera plus loin de la
façon dont il est possible de les modifier.
• Les habitants sont les occupants principaux du donjon. Ils ne sont pas forcé-
ment équipés pour combattre.
• Les gardes, en revanche, ont pour mission de défendre le lieu.
• Les sentinelles sont soit des gardes gradés, soit des créatures plus puissantes
au service du boss.
DONJON
• Les alliés potentiels peuvent être faibles et volontaires (comme des esclaves)
ou débrouillards mais vénaux (des mercenaires).
• Un habitant magique est un spécialiste de la magie, allié aux habitants
(un shaman gnoll par exemple).
• Les monstres errants sont soit alliés au boss, soit neutres (et potentiellement
une nuisance pour les habitants).
• La victime est une personne sans défense (marchand prisonnier, ambas-
sadeur sans rançon, prince en attente de mariage forcé) qui peut servir d’accroche
à la visite du donjon.
• L’habitant rebelle est un autre allié potentiel. Est-il à la tête d’une faction
opposée au boss, ou attend-il une occasion de se retourner contre lui ?
• Les visiteurs sont des étrangers au donjon. Ils peuvent s’opposer aux habitants,
représenter une opportunité, ou devenir une menace supplémentaire pour les héros.
• Le trompeur est destiné à mettre un peu de variété dans l’aventure. C’est
un vampire, un illusionniste ou un doppelgänger qui forcera les héros à utiliser
autre chose que leurs muscles.
• Le boss peut être l’occasion d’un affrontement épique comme dans un
jeu vidéo, ou engager les personnages dans une belle joute verbale, ou encore
s’échapper dès que les envahisseurs sont trop proches. Il peut prendre d’autres
formes qu’un monstre ou un PNJ : une énigme, un trésor, un portail vers les
plans extérieurs…
Les astérisques (*) indiquent les créatures uniques : on ne les trouve que dans
une seule salle du donjon.
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Le temple des Gouttes de rubis : les occupants
Table A. Occupants du donjon
2d6 + valeur Occupants
3-10 salle ou couloir vide
11-12 x pèlerins
13-14 x guerriers-panthères
15 statue d’or rouge et x esclaves
16 vestale écarlate et x guerriers-panthères
17 x/2 chauves-souris d’ombre
18 x/2 statues d’or rouge *
19 Lio Sarches, érudit malchanceux *
20 Lanara, vestale jalouse *
21 x explorateurs cupides *
22 élémentaire de sang *
23+ Pilar, prêtresse spectrale et x pèlerins *
Construire le donjon
80
Rencontres uniques : si vous obtenez un résultat marqué d’une * pour la deuxième
fois, considérez que vous avez tiré le résultat juste au-dessous (ou le suivant si vous
avez déjà placé la rencontre, et ainsi de suite jusqu’au boss). Si vous arrivez au bas du
tableau, choisissez le résultat qui vous plaît le plus. Les rencontres que vous n’avez pas
utilisées pourront servir de monstres errants, ou bien venir repeupler le donjon lors
d’une prochaine visite.
DONJON
♦ Défense : barricades, embuscade, surveillance…
4 sont aux ordres d’une force extérieure un objet magique ou une malédiction
81
Organiser le plan
Avec une carte et un lancer de dés, vous avez votre première pièce. Notez ce que
la pièce contient, sans entrer dans les détails. Les choses se mettront en place d’elles-
mêmes quand vous aurez quelques salles d’établies. Pour organiser votre donjon, vous
pouvez procéder de plusieurs manières.
Si vous avez assez de place, notez les détails de chaque salle ou passage sur un
Post-it fixé à la carte correspondante. Vous pourrez ainsi réorganiser le donjon
au fur et à mesure des tirages.
Si vous êtes pressé, ou que vous préparez un petit donjon, ou que vous êtes dans
le bus, vous pouvez dessiner directement les salles et prendre des notes à part.
Faites-le au crayon à papier, et attendez d’avoir toutes les salles avant de les relier
par des portes et des couloirs.
Vous pouvez aussi opter pour la méthode feu d’artifice, qui consiste à lancer
une poignée de cartes en l’air et à organiser le donjon en fonction de la façon
dont elles retombent. Ce n’est pas très efficace, mais vous aurez du succès si vous
le faites dans le bus.
L’écologie du donjon
Soyez logique en organisant vos salles les unes par rapport aux autres. S’ils ne l’ont
pas construit eux-mêmes, les habitants du lieu ont sans doute aménagé l’endroit au
mieux, quitte à bloquer des accès et à en faciliter d’autres. Par exemple, le garde-manger
des gobelours devrait être facilement accessible depuis leur salle commune. S’ils
doivent passer par le corridor aux Cauchemars à chaque fois qu’ils ont besoin d’un
cuissot de cheval, prenez le temps de réfléchir aux conséquences sur leur santé mentale
(et aux raisons qui font qu’ils n’entreposent pas leur nourriture ailleurs).
Certains passages sont certainement plus fréquentés que d’autres, et d’autres encore ont
peut-être été abandonnés. Notez tout cela, et servez-vous-en en partie pour donner des
indices à vos joueurs sur ce qui les attend (voir encadré page suivante). Si votre donjon
abrite plusieurs factions, il existe peut-être des zones contestées ou des barricades destinées
à empêcher les intrusions. Prenez tous ces facteurs en compte pour décider à la fois de la
façon dont votre donjon vit, mais aussi des activités et des objectifs de ses habitants.
Si le donjon comporte des pièges, décidez si ceux-ci ont été conçus et installés par les
occupants actuels, ou s’ils datent d’une époque antérieure – auquel cas il vous faudra
imaginer comment ils vivent avec. Les ont-ils désactivés, ou courent-ils quotidien
nement le risque de se faire percer de dards empoisonnés en allant aux latrines ? Cette
réflexion vous donnera une idée du niveau de sophistication des pièges du donjon. Du
rocher posé en équilibre à la sagaie façon Rambo jusqu’aux merveilleuses techniques de
Grimtooth le Vicieux, en passant par les antiques dispositifs runiques dont on a oublié
l’usage, les pièges sont aussi un moyen de donner du cachet à votre aventure.
82
En partie : indices, décisions et orientation
Choisir de prendre le couloir de gauche ou celui de droite, c’est le stade zéro de la décision
en JdR. Comme dans un scénario « ouvert », où les joueurs doivent décider de la marche
à suivre, calculer les risques et faire parfois des paris dangereux, il ne faut pas les laisser
choisir à l’aveuglette. Non seulement ce n’est pas très intéressant pour eux, mais dans
un donjon, un mauvais choix peut avoir des conséquences dramatiques. Si les joueurs
n’ont aucun moyen de deviner derrière quelle porte se trouve la sphère d’annihilation, ils
vont vite se lasser. Quand vous êtes derrière l’écran, ne lésinez pas sur les détails et les
indices : des traces de passage, des bruits, des odeurs, des courants d’air. Les gonds de
la porte sont-ils rouillés ou les a-t-on huilés récemment ? La bibliothèque est couverte
de poussière, sauf le tome IV de l’Encyclopedia Celestis. Pas la peine d’abuser des jets
DONJON
de perception, soit dit en passant. Tout comme un scénario d’enquête, un donjon c’est
avant tout un défi pour les joueurs : donnez-leur du grain à moudre et ne soyez jamais
avare d’informations1.
N’ayez pas peur de la difficulté. Même si vous jouez avec un système qui quantifie
le niveau de l’adversité pour que les personnages ne soient jamais dépassés, laissez la
cohérence vous guider. Un clan de gnolls aura dans sa salle commune plus de guerriers
que ne peut en affronter un groupe de héros de premier niveau. Expliquez bien aux
joueurs qu’ils ne sont pas toujours de taille à affronter tous les dangers de front et
qu’entrer en gueulant « initiative » n’est jamais la meilleure tactique. Ils seront bien
plus satisfaits de l’aventure s’ils ont triomphé grâce à leur intelligence que parce qu’ils
ont eu de la chance aux dés.
Ne négligez pas le boss : rappelez-vous que vous faites du JdR, où les possibilités
sont infinies. Votre rencontre finale n’a pas toujours pour but de mettre les joueurs à
rude épreuve en ponctionnant une ultime fois les ressources du groupe. Votre grand
méchant n’est peut-être même pas un combattant. Peut-être a-t-il un marché à proposer
à ces aventuriers qui sont parvenus jusqu’à lui sans déclencher les alarmes ? Votre boss
peut présenter un dilemme moral, ou avoir une valeur quelconque si on le garde en
vie. S’il s’agit d’un « maître du donjon » à l’ancienne, assurez-vous qu’il ait une bonne
raison d’être là, ainsi que des alliés, des ennemis et des objectifs.
L’entrée du donjon n’est pas forcément la première salle que vous avez tirée.
Placez-la à n’importe quelle extrémité de la carte – voire au milieu, si c’est un escalier
ou une trappe – tant que cela rend la visite intéressante. Sauf cas particulier, votre
complexe devrait avoir plusieurs points d’accès. D’une part parce que c’est plus pratique
pour ses habitants : ils peuvent avoir construit une sortie de secours, un passage qui
1. Pour enrichir vos descriptions avec des informations utiles, consultez également l’article « Décrire », p. 110.
83
sert pour le ravitaillement ou l’évacuation des ordures (c’est que c’est encombrant,
les os d’aventuriers !), ou encore une issue qui mène à une autre zone de la surface.
Et d’autre part, vous voulez récompenser les joueurs créatifs. Chaque point d’entrée
devrait présenter des avantages et des défis uniques : l’entrée principale n’est pas piégée,
mais elle est bien gardée. La grille d’aération permet d’éviter les patrouilles, mais il
faut escalader une falaise à pic pour y accéder. Même dans un donjon-piège, trouvez
des moyens de varier les accès. Si une pyramide n’a pas de sortie de secours, peut-être
qu’un tremblement de terre a ouvert un puits donnant sur un réseau de cavernes, ou
qu’un ver pourpre a creusé une galerie jusqu’aux sous-sols.
Salle 2 : 9 ♣ + 7, j’obtiens une vestale écarlate et sept guerriers-panthères, toujours dans
un endroit lié aux ressources. J’imagine que cette salle sera contiguë à la précédente.
Qu’est-ce qu’une prêtresse et son escorte viennent faire là ? Je me dis qu’il pourrait
y avoir un chantier d’excavation de la mine de pierres de sang, ou d’une partie plus
ancienne du temple, que la jungle aurait envahie. Si c’est le cas, il faudra ajouter quelques
pèlerins mis au travail.
Salle 3 : 7 ♥ + 7, il s’agit d’une salle de repos où se trouvent sept autres guerriers-panthères.
Peut-être leurs quartiers, ou la salle de culte où on se prépare à sacrifier l’explorateur ?
Salle 4 : joker + 6, pour un total de 19. Lio Sarches à nouveau, donc je décale à la rencontre
suivante : Lanara, la vestale jalouse. Je n’en sais pas plus sur la salle, et je décide que,
grâce à sa magie, Lanara s’est aventurée seule dans un labyrinthe de salles encombrées
de lianes aux fleurs mortelles. Le joker m’indique que cette rencontre pourra révéler un
secret du monde aux personnages. Sans doute Lanara a-t-elle découvert quelque chose
d’important dans les ruines, et c’est ce secret qui motivera sa trahison.
Salle 5 : V ♥ + 9, ce qui me donne 20. Lanara étant déjà présente, j’obtiens un groupe
de neuf explorateurs cupides dans un lieu dédié au repos : encore une salle de prière,
ou peut-être la cuisine du temple. Les explorateurs sont-ils ici à la recherche de Lio
Sarches, ou bien l’ont-ils planté là après avoir pillé l’entrepôt en salle 1 ? J’aime bien
cette idée et je note que Sarches s’est fait doubler par son guide et ses porteurs qui
l’ont vendu aux vestales.
84
Salle 6 : 2 ♠ + double 4 : cette salle dédiée à la guerre est vide, mais le double indique
qu’il s’y trouve un objet magique ou une malédiction. J’opte pour en faire une salle de
garde à l’entrée du temple, défendue par un sort de drain de sang. Comme je suis sympa,
je décide que la statuette qui sert de focus à ce sort peut en révéler la formule.
Dans ce petit donjon, je n’ai pas obtenu le boss. Peut-être la grande prêtresse n’a-t-elle
pas encore été réveillée ? Ou alors ce temple n’est qu’un avant-poste d’un complexe
plus étendu… C’est le moment de le décider. En attendant, j’ai les statues d’or rouge,
les chauves-souris d’ombre et l’élémentaire de sang sous le coude pour corser les
choses si besoin.
Du donjon à l’aventure
DONJON
Faire entrer la pièce dans le puzzle
Une fois vos salles dessinées et leurs habitants prêts à faire souffrir les envahisseurs,
prenez quelques minutes pour polir votre création. Comme expliqué au début de cet
article, rares sont les donjons qui existent en complète autarcie. Revenez sur les idées
que vous avez notées avant la construction, relisez les questions posées plus haut et
détaillez tout ce qui vous semble important.
Ajoutez un jardin et des voisins. Qu’il s’agisse d’une cité ou d’une lande désolée,
l’environnement du donjon est forcément affecté par les activités de ses habitants.
Si des gens ou des monstres vivent alentour, il est intéressant de se demander s’ils
évitent le lieu, ou au contraire s’ils interagissent avec lui. Ces détails sont susceptibles
de créer des péripéties pendant le trajet jusqu’au donjon.
Posez des allégeances. Si votre monde est en proie à des jeux de pouvoir, des luttes
religieuses ou une Guerre Désespérée Contre les Forces du MalTM, réfléchissez à la
façon dont les occupants du donjon s’y inscrivent. Les buts du boss coïncident proba-
blement avec ceux de tel ou tel groupe. Si cela lui confère des alliés, il a certainement
des ennemis susceptibles d’assister les personnages. Même si votre campagne n’a pas
une dimension géopolitique importante, un petit conflit d’intérêts pourra vous servir
pour de futures aventures.
Imaginez son histoire. Une autre façon d’ajouter de la profondeur à vos souterrains
est de vous pencher sur les événements du passé et la manière dont ceux-ci ont modifié
le donjon. Ces idées seront utiles aux personnages pendant l’approche et la préparation,
mais peut-être aussi durant l’exploration.
En fonction de ce que vous avez déterminé ci-dessus, n’hésitez pas à revenir sur les
détails du donjon. Changez les objectifs des créatures, adaptez les lieux, ajoutez un
traître ou un espion. Plus votre bousin sera cohérent, plus il sera vivant.
85
Le temple des Gouttes de rubis : intrigue
La construction de ce petit donjon m’a donné quelques idées dont je n’avais que les
embryons pendant la phase de préparation. Le temple n’est plus abandonné : un groupe
de vestales écarlates l’a investi avec ses guerriers-panthères. Elles cherchent à invoquer
le fantôme de Pilar pour s’emparer de ses secrets.
La nouvelle de la résurrection prochaine du temple des Gouttes de rubis a déjà fait le tour
de la région, et des pèlerins sont en route depuis les villages situés sur le fleuve proche.
Ceux qui ont atteint le temple sont forcés de travailler pour les vestales. Cependant,
tous les locaux ne voient pas le retour du culte du Meurtre d’un bon œil, et un conseil
d’anciens a engagé Lio Sarches pour découvrir ce qui se trame dans le temple. Celui-ci
a embauché des suivants parmi la population locale, sans se douter que son guide était
un assassin allié des vestales.
Si j’écrivais cette aventure pour une campagne, j’essaierais de relier les forces en
présence aux factions de mon monde. Des forces maléfiques ont-elles un intérêt à ce
que Pilar revienne d’entre les morts ? Est-ce que Lio Sarches est une ancienne connais-
sance d’un des héros ? Lanara est décrite comme jalouse, mais je n’ai pas décidé
de qui. Il est possible qu’elle souhaite s’approprier le pouvoir de Pilar plutôt que de la
réveiller (car elle est en réalité son arrière petite-fille et ne comprend pas pourquoi son
ancêtre devrait diriger le culte à sa place). Ce faisant, elle va contrarier les vœux de
sa hiérarchie dans la capitale…
Rumeurs et motivations
Enfin, si ce n’est pas déjà fait, trouvez une ou plusieurs bonnes raisons pour amener
vos héros à profiter du fruit de votre labeur. Vous pouvez organiser cela de bien des
manières. Moi, j’adore les tables de rumeurs à l’ancienne, c’est mon côté « vieux jeu ».
Je trouve qu’une liste de rumeurs est un excellent moyen de résumer les trames de
l’aventure. Si vous écrivez pour quelqu’un d’autre, il aura là un concentré d’informa-
tions qu’il pourra utiliser à son gré. Si le donjon est à votre seul usage, vous pourrez
transmettre aux joueurs des renseignements vitaux dès que l’occasion se présentera. Car
autant à l’extérieur, l’information c’est le pouvoir, mais dans un donjon, c’est la survie.
Une rumeur, on l’entend à la taverne ou chez l’armurier nain, mais aussi de la
bouche du marchand rencontré sur la route ou par-dessus les boucliers des nomades
méfiants qui n’ont pas voulu partager le bivouac. Vous pouvez prendre le temps de
réfléchir aux sources de chaque rumeur (encore un moyen de résumer des informa-
tions utiles pendant la partie sans écrire des pages) ou bien faire confiance à vos talents
86
d’improvisateur. Et si vous manquez de temps, faites juste quelques tirages et résumez
aux joueurs ce que leurs personnages ont appris avant de partir.
Les MJ retors aiment inclure de fausses rumeurs à leurs listes. Ne vous gênez pas
pour faire de même, à condition qu’il y ait toujours un fond de vérité ou qu’il soit
possible de vérifier les informations. Autrement, vous êtes plus qu’un MJ retors, vous
êtes injuste, et vous ne garderez pas vos joueurs bien longtemps.
DONJON
1. La grande prêtresse Pilar n’est pas morte. Elle règne sur une armée de morts-vivants
et attend son heure (faux – villages du fleuve, tavernes et relais).
2. Les sages d’un des villages sont opposés au retour de Pilar. Ils seraient prêts à payer
une fortune pour l’empêcher (colporteurs et voyageurs).
3. Un érudit a posé des questions sur la localisation du temple. Il s’est dit intéressé
par les pierres de sang qui faisaient autrefois la richesse du culte (grande bibliothèque,
sur la route).
4. Des villageois ont entrepris de retrouver la trace du temple. En chemin, ils sacrifient
l’un des leurs à chaque crépuscule (sur la route, villages du fleuve).
6. Les vestales écarlates ont offert une récompense à quiconque aurait des infor-
mations sur la localisation du temple (tavernes et marchés en ville).
Si j’ai le temps, je peux consacrer une partie de la première séance à la recherche d’infor-
mations, et une autre au voyage. Pour peu que les joueurs soient dégourdis, cette simple
liste peut générer quelques petites scènes intéressantes.
Hacker la méthode
87
peut-être le besoin de modifier un ou plusieurs tableaux pour refléter vos envies ou les
particularités de votre univers. Ne vous gênez surtout pas.
Par exemple, si le donjon que vous construisez est l’immeuble de recherche et
développement d’une zaïbatsu médicale, vous voudrez sans doute enlever toute
référence à la magie dans les tables A et C, remplacer « guerre » par « science » dans
le tableau B, et intégrer des événements tels qu’une inspection de sécurité ou un
exercice incendie dans la table D.
Génération à la volée
Rien ne vous empêche d’utiliser cette méthode en cours de jeu, pour ajouter une
pièce à un donjon existant. Remplissez la table des occupants au fur et à mesure des
besoins et d’après ce que vous savez de l’endroit.
Vous pouvez aussi vous la jouer funambule et concevoir l’ensemble du donjon
au fil de son exploration. Cela demande de bonnes capacités d’improvisation,
mais à MJ vaillant rien n’est impossible. Dans ce cas, vous n’aurez pas le temps
de dessiner le plan vous-même. Contentez-vous de décrire et laissez le dessin à un
cartographe désigné parmi les joueurs.
Une autre option est de partager la tâche avec les joueurs. Ils ont des idées et des
envies, et leurs personnages ont des connaissances sur leur monde, alors pourquoi ne
pas leur demander ? Pour quasi emprunter à Dungeon World1 : posez des questions à
propos du donjon et bâtissez l’aventure sur les réponses.
Au personnage qui connaît la jungle : quelle raison auraient les villageois des alentours
de se rendre en pèlerinage au temple ?
À celui qui trempe dans l’occulte : qu’as-tu lu sur la grande prêtresse du Meurtre qui te fait
penser qu’elle n’est pas vraiment morte ?
À quelqu’un qui fréquente les bas-fonds : comment as-tu entendu parler des vestales
écarlates, et pourquoi ont-elles mis un contrat sur ta tête ?
1. Koebel Adam, Latorra Sage, Dungeon World, Sage Kobold Productions, 2012.
88
Empruntez un donjon
Pour gagner du temps, vous pouvez utiliser cette procédure pour peupler un lieu
dont vous avez déjà le plan. Internet est rempli de cartes intéressantes, qu’elles viennent
de scénarios publiés ou qu’elles soient dessinées par les cartographes de talent qui
peuplent la blogosphère donjonneuse1. Vous pouvez aussi vous amuser à refondre un
donjon existant : gardez le plan, faites une liste de créatures en partant des rencontres
décrites et des éventuels monstres errants, mais servez-vous de la présente méthode
pour en faire une version différente. Et pourquoi ne pas pousser le vice jusqu’à ren-
voyer les personnages dans un donjon qu’ils ont déjà visité, mais des années plus tard
ou dans un univers parallèle ?
DONJON
Mes propres expériences comprennent quelques générateurs de donjons, de bacs à
sable et d’intrigues. J’en parle au fur et à mesure (ainsi que de celles d’autres fanatiques
de la création aléatoire) sur Google+ : cherchez la collection Procedural Worldbuilding
dans mon profil. Vous y trouverez notamment un PDF à remplir (en anglais) basé
sur cette méthode, mais en bien moins détaillé. À l’heure où j’écris ces lignes, j’ai
l’intention de faire un document à imprimer plus complet, dans la langue de Marcela-
Froideval, qui sera disponible sur le site de Lapin Marteau. Si vous créez un donjon
en vous servant de cette méthode (ou en la modifiant), n’hésitez pas à m’en parler !
Exemple de plan.
Source :
http://goo.gl/UeL51B
Méthode aléatoire
Habitants : occupants principaux qui ne sont pas forcément équipés pour combattre.
90
Visiteurs : étrangers qui peuvent s’opposer aux habitants, représenter une opportunité
ou devenir une menace supplémentaire.
DONJON
• Consultez la table C si vous tirez une figure.
1 sont morts. Tués par qui ou quoi ? un lien mystérieux avec le passé d’un héros
4 sont aux ordres d’une force extérieure un objet magique ou une malédiction
ENSEIGNER UN JEU
•
Thomas Robert
ENSEIGNER
T
out MJ est tôt ou tard confronté à l’envie de découvrir, et à celle de faire
découvrir de nouveaux horizons : cela peut être dû au désir d’essayer le
nouveau jeu qu’il vient de se procurer, à la lassitude des joueurs après la
énième campagne dans le même contexte, ou tout simplement pour commencer
à maîtriser. Autant de circonstances qui vont généralement pousser les meneurs à
vouloir s’approprier très vite un nouvel univers, et à trouver une manière de donner
à leurs joueurs le goût de s’y aventurer.
Or, la tâche n’est pas forcément simple. Entre la lecture du livre de base, la prépa-
ration d’un scénario, la création des personnages, même un MJ expérimenté peut
vite être débordé, ou même découragé. Ce n’est guère étonnant quand on pense que
la plupart d’entre eux jouent essentiellement à une poignée de jeux fétiches et qu’ils
sont donc potentiellement aussi perdus qu’un débutant lorsqu’ils en essaient d’autres.
L’objectif de cet article est de fournir quelques pistes afin de faciliter ce travail de pré-
paration, et quelques conseils sur les pièges à éviter lors de ce genre de parties. Même
si on part du principe que l’article s’adresse à un MJ découvrant un nouveau jeu peu
avant ses joueurs, certains conseils restent tout à fait valables pour un MJ qui souhaite
présenter une ancienne perle ou son jeu favori à une nouvelle table de joueurs.
Bien entendu, la problématique peut être très différente selon le jeu, le MJ et les
joueurs. Livre de règles de 500 ou 32 pages, contexte connu ou totalement original,
joueurs débutants ou aguerris, voilà autant de paramètres qui vont venir modifier
93
votre angle d’attaque. Cela dit, l’approche proposée ici se veut à peu près générique, et
l’article tentera de l’illustrer par des exemples concrets basés sur des jeux du commerce.
94
Exemples de thématiques
Jeux d’action et d’aventure : D&D, Earthdawn, Star Wars, Firefly1, Warhammer, L’Anneau
unique, Qin, Pavillon noir, etc.
Jeux d’intrigue ou « à storyline » : World of Darkness, C.O.P.S., L5A, Nephilim, Polaris,
Le Trône de Fer, Trinités4, etc.
Jeux d’ambiance : Within, Sombre, Vermine, Patient 13, Breaking the Ice5, etc.
Cette catégorisation est tout à fait arbitraire, et les exemples cités ne servent qu’à
illustrer le type de jeux qui peuvent se retrouver dans chaque genre. Toutefois, il est
entendu que la thématique par défaut d’un jeu n’a pas forcément de lien direct avec son
application réelle lors d’un scénario ou d’une campagne. Mais pour l’heure, il s’agit de
penser à la toute première partie avant d’envisager une campagne de longue haleine,
et pour une première séance, il est préférable de rester dans le canon que prévoit le jeu.
ENSEIGNER
(Re)Définir le genre
En plus de la thématique du jeu, il est essentiel de bien saisir à quel genre il appartient,
ou quel est celui qu’il tente de retranscrire. Chaque genre ou sous-genre véhicule des
codes et des habitudes avec lesquels il faudra vous familiariser. Mais si nombre d’univers,
tant en fantasy, en fantastique qu’en science-fiction, se ressemblent, ils dégagent aussi
une atmosphère et une saveur particulières. Il en est de même en JdR. De nombreux jeux
se ressemblent, sans être forcément interchangeables. Au moment d’en faire découvrir
un nouveau, il vous faut donc repérer les signes distinctifs et les particularités de
l’univers, au même titre que celles du système de jeu, afin de les restituer à vos joueurs.
Prenons le cas de l’heroic fantasy. Dans de nombreux univers de ce genre, le scénario
type pourrait avoir la forme suivante : les héros sont présents dans un lieu spécifique,
lorsqu’une menace apparaît. La population fait alors appel à eux pour contrer cette
menace, qu’il s’agisse d’une bande de gobelins ou de voleurs, d’un mage maléfique ou
encore d’une meute de loups sanguinaires. Imaginons maintenant des scénarios de
1. Banks Cam, Chalker Dave, Conway Brendan, Gilbert Dean, Leland Chris et autres, Firefly, Margaret
Weis Productions, Williams Bay, 2014.
2. Carman Shawn, Crow Steve, Fish Sean Michael, Flory B. D., Gearin Scott et autres, Spycraft, Alderac
Entertainment Group, Ontario, 2002.
3. Costikyan Greg, Gelber Daniel Seth, Goldberg Eric, Rolston Ken, Paranoia, West End Games, Honesdale, 1984.
4. Guéant Claude, Plasse Franck, Trinités, Les XII Singes, Saint-Didier-au-Mont-d’Or, 2006.
5. Care-Boss Emily, Breaking the Ice, Black and Green Games, Plainfield, 2005.
95
découverte reprenant un modèle similaire, mais qui cherchent à montrer les spécifi-
cités de quelques univers de fantasy bien connus.
Dark Sun1 propose un monde axé sur la survie dans un contexte désertique. Il est
donc possible de commencer le scénario dans un caravansérail, dans une oasis en
plein désert. La menace qui pèsera sur l’endroit est le tarissement de la source d’eau.
L’origine de cette menace est un groupe d’elfes qui ont été bannis et ont détourné
la source souterraine en employant une magie interdite.
Warhammer2 est un univers sombre et sordide, où les personnages débutent tout
en bas de l’échelle sociale et héroïque, et où les notions de Chaos et d’Ordre ont
bien plus d’importance que le Bien et le Mal. On peut donc imaginer un groupe de
personnages vivant dans les bas-fonds d’une cité de l’Empire. Le cimetière local a été
pillé et plusieurs tombes profanées. Le gardien du cimetière, une connaissance des per-
sonnages, leur demande d’élucider cette question et d’empêcher d’autres profanations.
La menace est celle d’un groupe de trafiquants de cadavres, mais la réelle origine des
dégradations est la faculté de médecine de la ville qui s’approvisionne ainsi en corps
afin de mener ses expériences et démonstrations.
Dernier exemple, Eberron3 a ceci de particulier qu’il accorde une grande importance,
dans la vie quotidienne, à la magie. Les personnages pourraient donc se trouver à bord
d’un navire aérien ou du train magique. La menace est celle d’agents d’une maison
concurrente qui cherchent à saboter le véhicule pour causer sa destruction. Aux per-
sonnages de contrarier leurs plans pour sauver leur vie et celles des autres passagers.
1. Brown Timothy, Denning Troy, Dark Sun, TSR, Lake Geneva, 1991.
2. Ansell Bryan, Bamba Jim, Davis Graeme, Gallagher Phil, Halliwell Richard, Johnson Jervis, Merrett
Alan, Priestley Richard, Vernon Paul, Warhammer Fantasy Role Play, Games Workshop, Nottingham, 1986.
3. Baker Keith, Decker Jesse, Donais Michael, Finch Andrew J., Slavicsek Bill, Wilson Wyatt James, Eberron,
Wizards of the Coast, Renton, 2004.
4. Babcock III L. Ross, Charrette Bob, Dowd Tom, Hume Paul, Lewis Sam, Weisman Jordan, Wylie Dave,
Shadowrun, Fasa Corporation, Chicago, 1989.
5. Maroy Renaud, Pavillon noir, Black Book Éditions, Lyon, 2004.
96
aussi bien être des héros « militaires » travaillant pour l’Alliance rebelle que des contre-
bandiers qui tentent tant bien que mal de faire fortune sur la Bordure extérieure.
Ces deux types de personnages impliqueront de jouer des parties très différentes,
et pourtant toutes deux parfaitement légitimes dans l’univers du jeu.
Votre rôle, avant la partie de découverte, est de définir avec exactitude l’approche
que vous souhaitez adopter au niveau des personnages, l’axe par lequel vous allez
faire découvrir le jeu à vos joueurs. Et à ce niveau, il ne faut pas forcément vous en
remettre au type de personnages fournis « par défaut » par le jeu. Il vous faut trouver
l’axe de découverte qui sera à la fois le plus efficace et le plus simple à mettre en œuvre,
en ménageant éventuellement un réel effet de surprise. Efficace, car il vous permettra de
montrer certains des aspects les plus représentatifs du jeu. Simple à mettre en œuvre,
car il doit vous laisser vous concentrer sur un aspect précis de l’univers et des règles,
sans avoir à les maîtriser dans leur ensemble dès le début.
Pour cela, il vous faut aller encore plus loin et définir également les objectifs des
personnages, ainsi que l’adversité : le type d’ennemis rencontrés, leurs motivations et
leurs moyens. Là encore, nul besoin de rentrer dans les détails, mais il vous faut une
idée générale du rôle des personnages dans l’histoire.
ENSEIGNER
Exemples d’axes de découverte : Vampire
Le jeu propose aux joueurs d’incarner une coterie secrète de vampires, généralement
mêlés aux intrigues d’un ou plusieurs vampires plus puissants. L’axe de découverte pour
ce type de jeu va souvent dépendre de l’expérience préalable de vos joueurs :
• avec des joueurs débutants, il peut être intéressant d’omettre la nature exacte
du jeu, de le présenter comme un jeu contemporain classique (en fabriquant éventuel
lement des feuilles de personnage simplifiées), et de proposer un scénario où les PJ
vivent leur transformation en vampires, la découverte de leur nouvelle condition et de
leurs nouveaux pouvoirs, mais aussi leur première intégration dans diverses intrigues
comme des luttes de pouvoir relativement simples impliquant leurs « géniteurs » ;
• avec un groupe de joueurs plus expérimentés, cette approche sera moins efficace.
Vous pourriez alors opter pour un angle différent, en leur faisant incarner le temps d’un
court scénario des vampires plus anciens dans une époque passée (Moyen Âge, xviiie
siècle, etc.) et résoudre une intrigue en laissant certains éléments en suspens. Ils crée-
raient alors leurs véritables personnages : de jeunes vampires du xxe siècle pris dans les
rets des conséquences de cette intrigue ancienne.
Dans le premier cas, l’axe de découverte est la genèse du vampire. Dans le second,
il concerne les conséquences de l’immortalité sur les luttes d’influence.
97
Exemples d’axes de découverte : Pavillon noir
Le jeu propose d’incarner un équipage pirate dans les Caraïbes du xviie ou xviiie siècle.
Il se veut assez réaliste, et le système de règles peut parfois être intimidant, surtout pour
une partie de découverte.
• Si par contre vous êtes à l’aise avec le système, pourquoi ne pas faire créer à vos
joueurs les officiers d’un navire corsaire ? Mais là encore, en chemin, tout ne se déroule
pas comme prévu, et les héros se rendent compte que leur capitaine est encore pire que
ceux qu’ils pourchassent…
À noter que dans les deux cas, l’axe de découverte est sensiblement le même : il s’agit de
la genèse d’un équipage pirate. Mais dans le premier cas, le scénario peut être géré en
maîtrisant simplement la mécanique de base et une partie des règles de combat. Dans le
second, il vous faudra en plus connaître celles sur la gestion de l’équipage et des navires.
98
Le scénario type se présente généralement sous la forme de quelques lignes au maxi-
mum, et tient en trois ou quatre scènes-clés. La majorité de ces scènes devraient natu-
rellement découler de la thématique principale du jeu. Pour chacune, tâchez d’isoler
les aspects importants de l’univers ou des règles qu’il vous faudra maîtriser. À titre de
« loi » approximative, un scénario type ne devrait pas faire appel à plus d’une ou deux
règles spécifiques, en plus de la mécanique principale. Idéalement, chacune devrait
être le prétexte à la prise en main d’un aspect du jeu, en débutant par une scène où
les joueurs pourront se familiariser avec les règles de base. Débuter par une scène plus
complexe, comme un combat, est généralement une mauvaise idée1. Ne voyez pas trop
grand. Si, après avoir défini le scénario type, vous vous rendez compte que vous faites
trop appel à des règles spécifiques, il est alors préférable d’envisager de couper certaines
scènes ou de les simplifier, ou bien encore de limiter les personnages disponibles.
De l’originalité et de l’ambition
Lorsque vous découvrez ou faites découvrir un jeu, ce n’est pas forcément le bon
moment pour proposer un scénario original ou alternatif. Vous pouvez bien sûr tout à
ENSEIGNER
fait privilégier la surprise à la découverte, notamment en partant des bases d’un jeu
connu, mais souvenez-vous que votre mission ici est avant tout de donner un aperçu
représentatif du jeu, et de vous permettre, ainsi qu’à vos joueurs, de prendre en main le
système et l’univers. Réservez plutôt l’originalité à des joueurs expérimentés.
Dans tous les cas, gardez en tête que votre objectif n’est pas de montrer toutes les
subtilités du jeu à vos joueurs, mais de leur permettre de le prendre en main et, éven-
tuellement, de donner envie d’en savoir davantage. Deux ou trois scènes intéressantes
et bien développées valent souvent mieux qu’un long scénario trop imposant.
99
et mis à disposition sur Internet, faites un résumé succinct du système sur une fiche
bristol ou dans un document texte. N’hésitez pas à y inscrire d’éventuelles références
aux pages où se trouve telle ou telle règle.
Là encore, ce qui importe n’est pas tant le détail que la vue d’ensemble : nul besoin de
s’attarder sur le bonus qui s’applique à chaque situation. C’est la mécanique générale
qui doit être au centre de votre attention, ainsi que les particularités qui font le
sel du système, s’il y en a. Ce sont quelques-unes de ces singularités que vous voudrez
présenter aux joueurs dans votre scénario d’introduction, en vous arrangeant pour les
mettre en avant. Nul besoin non plus d’être exhaustif : gardez bien en tête les scènes
de votre scénario, et concentrez-vous sur ce qui est nécessaire pour les faire jouer.
Un autre aspect essentiel d’une partie de découverte est de limiter le cadre de jeu au
minimum, afin de réduire la somme d’informations et de paramètres que les joueurs
– comme le MJ – doivent assimiler. Cela peut être fait de plusieurs manières : limiter
l’étendue géographique du scénario, le nombre de PNJ avec qui interagir, réutiliser
plusieurs fois le même décor, etc.
100
Lors de la séance elle-même, ne présentez le jeu que si c’est absolument nécessaire et
tenez-vous-en à l’essentiel. Là encore, soyez bref, idéalement une quinzaine de minutes.
Vos joueurs sont là pour jouer, et non pour écouter un exposé sur un univers imaginaire.
Il est aussi possible de concevoir ou d’adapter le scénario de découverte afin que
cette phase de présentation soit minimale, voire inexistante. Faites par exemple
correspondre les connaissances des personnages à celles des joueurs, ce qui permet
de justifier une phase de « découverte » et d’apprentissage par les PJ eux-mêmes :
ils peuvent être fraîchement débarqués, des enfants, amnésiques, etc.
Découverte in situ
Faire coïncider la découverte de l’univers par les personnages et les joueurs est une
méthode rarement originale, mais néanmoins efficace. Elle permet une mise en situation
plus rapide et une assimilation progressive du monde. Elle est particulièrement adaptée
pour les jeux d’ambiance, à mystères dans un contexte déjà familier, occultes contem-
porains, historiques se situant dans des périodes connues, etc. Cela dit, il est possible
de s’en inspirer pour bien d’autres univers.
ENSEIGNER
Avec l’axe de découverte de la genèse des vampires présenté auparavant, un MJ peut
simplement décrire l’univers de jeu comme notre propre monde contemporain. Ce même
axe peut être utilisé pour d’autres périodes historiques, par exemple en proposant de
jouer un groupe de chevaliers au temps des croisades pour du Vampire: the Dark Ages1.
Un autre exemple est le scénario Ardanyan’s Revenge pour Earthdawn2 : en présentant
un contexte de départ où les personnages débutent en étant complètement coupés du
monde, le MJ peut se contenter d’une version très partielle de la description de l’univers
et de l’historique. Le bénéfice est double : le MJ y gagne à la fois en temps de prépara-
tion et de mise en place, et les joueurs ne se sentent pas « écrasés » par le monde.
Reposez-vous toujours, lorsque cela est possible, sur ce qui est déjà connu de vos
joueurs : vous leur fournirez ainsi un cadre qui leur permettra paradoxalement d’expri-
mer le fruit de leur imagination avec plus de liberté.
1. Bridges Bill, Brucato Phil, Campbell Brian, Chase Trevor, Cliffe Ken et autres, Vampire: the Dark Ages,
White Wolf, Stone Mountain, 1996.
2. Babcock III L. Ross, Dowd Thomas A., Gorden Gregory, Kubasik Christopher, Lewis Sam, Mulvihill
Michael A., Prosperi Louis J., Weisman Jordan K., Earthdawn, Fasa Corporation, Chicago, 1993.
101
problématique, voire nocive. Pour une partie de découverte, vos joueurs n’ont probable-
ment pas envie de passer toute la séance à concevoir leurs personnages. Et même dans
le cas où vous débutez une campagne, ils apprécieront sans doute de créer leur alter ego
définitif après une première familiarisation, tant avec les règles qu’avec l’univers.
Plusieurs solutions s’offrent à vous, mais toutes tournent autour d’une même idée :
les personnages utilisés pendant une partie de découverte ne devraient pas être
conçus de la même manière que ceux d’une partie plus traditionnelle. Ils devraient
être plus simples à créer et à prendre en main, quitte à être plus archétypaux.
Une première solution est d’utiliser des prétirés. Cela implique plus de travail pour
le MJ, entraîne le risque que certains des personnages proposés ne plaisent pas aux
joueurs et qu’il y ait des frictions au moment du choix. Cependant, c’est la meilleure
solution pour débuter la partie au plus vite sans pour autant s’empêcher d’avoir des
personnages avec une certaine complexité. Le MJ peut par exemple glisser des pistes
ou des informations dans la présentation du personnage. Elles peuvent être liées à ses
connaissances spécifiques, à ses relations avec d’autres PJ ou PNJ, à des pistes ayant
trait au scénario, ou bien encore à certains points de règles spécifiques. Ces présenta-
tions du personnage et de l’univers peuvent même être réunies en un seul texte.
Les joueurs le lisent alors en début de partie et, après quelques minutes, tout le monde
est prêt à se lancer dans l’histoire.
Une autre possibilité est de choisir un processus de création simplifié, par exemple
en utilisant des archétypes. Il s’agit alors souvent d’avoir des « bases » de personnages
réduites à leur plus simple expression et ayant un rôle emblématique dans l’univers (le
hacker, le samouraï des rues, le rigger ou le ganger dans un jeu cyberpunk ; le pilote,
le chasseur de primes, le contrebandier ou le diplomate dans un jeu de space opera).
Il ne restera alors qu’à répartir quelques points pour personnaliser le PJ et le rendre
unique. De nombreux jeux proposent ce type de création. Quoi qu’il en soit, c’est une
méthode qui implique un travail minimal pour le MJ et prend peu de temps, ce qui
permet d’entrer dans la partie très rapidement. Toutefois, elle donne généralement des
groupes très disparates, difficiles à mettre en scène ou à intégrer de façon crédible dans
le cadre du scénario.
Enfin, certains jeux et scénarios fournissent une méthode totalement différente,
et commencent sans création technique des personnages. Le MJ propose alors aux
joueurs de faire quelques choix essentiels qui leur permettront d’en définir les éléments
principaux. Ce n’est qu’en cours de partie qu’ils déterminent les capacités réelles et
les compétences de leurs personnages. Ainsi, les joueurs peuvent disposer d’un pool
(réserve) de points à répartir, et n’attribuent ces points que lorsque la situation l’exige.
Cela demande au MJ de créer des situations suffisamment différentes pour que le scé-
nario présente encore un certain « challenge ». Mais cela permet, du côté des joueurs,
d’utiliser la partie de découverte pour apprendre les rouages du système et créer un
102
alter ego en conséquence. Un jeu comme Hystoire de fou1 poussait cette approche à son
maximum, en faisant de cette création décalée une des bases du système.
En cours de partie
Une fois la partie lancée, le plaisir de la découverte devrait prendre le pas sur le reste.
Comme lors d’une séance normale, c’est à vous de maintenir le rythme, de susciter
ENSEIGNER
l’intérêt des joueurs et de permettre au scénario de se dérouler tout en les laissant
s’exprimer. Une partie de découverte présente toutefois certaines particularités.
Premièrement, lorsque la situation s’y prête, il ne faut pas hésiter à faire quelques
rares et courtes parenthèses afin de signaler ou d’expliquer un élément particulier.
Il est bien plus aisé, pour les joueurs, d’apprendre un point de règle lorsqu’il est
présenté en situation. L’objectif reste de découvrir ce que le jeu a d’intéressant ou
d’original. Préférez donc deux ou trois digressions de ce genre en cours de partie
à une grosse explication avant celle-ci. Si le découpage du scénario en scènes a
été fait pour refléter certains aspects de l’univers ou du système, ces parenthèses
s’intercaleront naturellement.
D’autre part, il est paradoxalement déconseillé de vous référer aux règles ou aux sup-
pléments. Si vous découvrez également le jeu, les joueurs savent que vous ne maîtrisez
pas tous les rouages du système. Ils ne vous en voudront donc pas si vous n’appliquez
pas une règle à la lettre. D’autant qu’ils ne connaissent sans doute pas cette dernière
eux-mêmes. Si, en cours de partie, un point de règle vous échappe, et que vous n’avez
103
pas prévu de résumé la concernant, improvisez et inventez quelque chose en restant
aussi cohérent que possible avec les mécaniques principales.
Enfin, il existe toujours un écart important entre un jeu tel qu’il est écrit et un jeu
tel qu’il est joué. Ce qui a pu vous apparaître comme une bonne idée sur le papier
peut être beaucoup moins pratique en cours de partie. D’autres aspects peuvent ne pas
plaire à votre groupe, etc. Dans une partie normale, vous n’hésiteriez sans doute pas à
vous adapter et à éluder, ignorer ou modifier les choses qui ne fonctionnent pas ou qui
ne vous plaisent pas. Dans une partie de découverte, il est déconseillé de procéder de
cette manière. Essayez de rester aussi fidèle que possible au jeu et à l’univers tels qu’ils
sont prévus. Si par la suite vous voulez continuer l’expérience, il sera alors temps
de commencer le travail d’adaptation.
Conclusion
Faire découvrir un jeu n’est pas forcément chose aisée. Toutefois, c’est une tâche qui
peut être extrêmement gratifiante lorsque les joueurs prennent plaisir à s’immerger
dans ce nouvel environnement et commencent à vous solliciter pour en découvrir
toujours un peu plus. Du point de vue du MJ, la plupart des conseils exposés précé-
demment peuvent se résumer à ces trois règles élémentaires :
• ne pas voir trop grand ;
• entrer rapidement dans l’histoire ;
• dévoiler les choses petit à petit.
Et les trois restent subordonnées à la seule loi immuable du JdR : amusez-vous !
Fiche de synthèse : modèle
Cadrage
Les PJ
ENSEIGNER
• En quoi sont-ils différents du reste de la population ?
Les PNJ
Le système de résolution
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Fiche de synthèse : Le Trône de Fer
Cadrage
Le Trône de Fer est un jeu d’intrigue dans un contexte médiéval-fantastique dur qui pourrait
être apparenté à de la dark fantasy, où des familles nobles luttent sans pitié pour leur survie
et le pouvoir. L’univers ne propose pas à proprement parler de « héros », et chaque person-
nage vient avec quelques forces qui lui permettent de survivre, et des faiblesses qui sont
sa part d’ombre et peuvent être la source de sa perte.
Les PJ
Les joueurs incarnent divers représentants d’une même famille noble mineure (chevaliers,
aristocrates, érudits, mercenaires, serviteurs). Ils cherchent avant tout à faire prospérer leur
famille au sein du grand échiquier de Westeros, et doivent non seulement compter sur leurs
compétences, mais également apprendre à devenir maîtres de leur destinée. Cette famille est
décrite comme un personnage à part entière, créé de manière collaborative par les joueurs.
Les PNJ
Chaque journée dans Westeros est une occasion de se faire de nouveaux ennemis : maisons
rivales, anciens alliés ayant trahi la famille des PJ, bandits, etc. Tous cherchent à survivre
et à prospérer, et leur quête de pouvoir passe nécessairement par l’affaiblissement de la
famille des PJ. Il peut s’agir d’autres maisons mineures, mais aussi de maisons plus puis-
santes, si les PJ viennent à attirer un peu trop l’attention.
Le système de résolution
La mécanique principale est un Roll & Keep utilisant des dés à six faces. On lance autant de
dés que la somme de sa compétence plus une éventuelle spécialité, et on conserve autant
de dés que sa compétence. La somme de ces dés est ensuite comparée à une difficulté.
La difficulté moyenne est située entre 5 et 10, mais elle peut monter au-delà de 20. Les
modificateurs s’échelonnent généralement entre -5 et +5.
L’une des particularités du système est de traiter d’une manière similaire tous les conflits, qu’il
s’agisse d’intrigues ou de combats. Le résultat s’obtient alors par une série de « passes d’armes ».
Le vainqueur final détermine le résultat du conflit et les conséquences pour le perdant.
Les PJ bénéficient d’une ressource supplémentaire via les points de Destinée, qui représentent
le fait qu’ils auront un rôle à jouer dans l’histoire de Westeros. Les joueurs peuvent les dépenser
de manière temporaire pour un effet mineur ou définitivement pour un bonus plus substantiel,
voire pour influencer un élément qui serait normalement hors de portée de leurs personnages.
106
Fiche de synthèse : « scénario type »
pour Le Trône de Fer1
Synopsis
Les PJ appartiennent à la famille A dont un des PJ est l’héritier. Ils ont été approchés par
la famille B qui veut leur faire une proposition de mariage avec une de ses filles. Les PJ se
rendent dans le château de ces derniers pour présenter les futurs mariés et négocier les
aspects financiers. Ce que les PJ ne savent pas, c’est que la famille B souhaite en fait marier
sa fille à la famille C, et n’utilise cette promesse que pour faire « monter les enchères ».
Alors que les PJ se rendent au château B, ils tombent sur des représentants de B et de C
en train de mener une chasse à courre. On leur propose de se joindre à la traque. Pendant
la chasse, le cheval de la promise s’emballe et l’héritier doit tenter de la rattraper.
ENSEIGNER
résolution, avec des tests de Chasse (pour faire bonne impression pendant la vénerie),
d’Équitation (pour rattraper le cheval devenu fou, et ensuite le calmer), de Vigilance
(pour s’apercevoir de la présence de la famille C), etc.
Après la chasse, durant le festin, les tractations vont bon train. Les représentants de chaque
famille essaient de faire avancer leur cause.
Quelle que soit l’issue des négociations, un des membres d’une des familles se sent insulté
et provoque un duel.
1. Kenson Stephen, Lindroos Frein Nicole, Pramas Chris, Schwalb Robert J., Scoble Jesse, A Song of Fire & Ice,
Green Ronin Publishing, Renton, 2009. Le Trône de fer, Edge Entertainment, Séville, 2012, pour la V. F.
DÉCRIRE
•
Sébastien Delfino
S
i c’est en grande partie à travers leurs protagonistes que les joueurs
appréhendent l’univers de jeu, les perceptions des personnages dépendent
D ÉC R I R E
essentiellement des descriptions du MJ. C’est aussi la description qui permet
de prendre conscience des enjeux ludiques et de la difficulté des épreuves. C’est
encore elle qui rend manifeste les conséquences des actions des joueurs, et par là
traduit leur influence sur le monde.
Décrire est alors bien plus qu’une responsabilité informative : c’est aussi une large
part de l’ouvrage narratif, esthétique et même ludique du MJ. Un ouvrage qui se
prépare autant qu’il s’improvise, mais qui a surtout pour but d’être ressenti.
109
Comment sélectionner les bonnes informations ?
110
grande cape que ses gestes dérangent, on détaille le froid et la tuyauterie qui émanent
des parois d’acier lorsqu’un astronaute rase les murs du vaisseau.
En plus de mobiliser le sens pratique des joueurs (plutôt que de les perdre dans l’abstrac-
tion quadrillée héritée du wargame) et de crédibiliser le monde, cette approche concrète de
la description est surtout une excellente base pour la développer ensuite dans une direction
plus sensorielle, et donc potentiellement plus à même de provoquer des émotions.
D ÉC R I R E
nez est déjà annonciateur du palais : tout le panel de ce qui se mange et se boit, mais aussi
le goût si particulier du sang, l’amertume des médicaments, le vomi ou l’âcreté des fumées.
Le toucher recouvre quant à lui une vaste gamme de sensations trop souvent négligées :
non seulement la diversité des textures, mais aussi la solidité d’une structure ou la souplesse
d’un mouvement, les variations de température, les déplacements de l’air, le poids des objets
que l’on empoigne et celui du barda que l’on trimballe, les vibrations d’un véhicule ou le
recul d’un fusil, l’humide et le sec, le gluant et le rêche, le piquant et l’urticant, les sueurs
froides et la moiteur étouffante, la douceur d’une caresse ou le choc d’un coup de poing.
C’est un contact à la fois direct, immédiat, et qui peut pourtant être anticipé par la vue ou
l’ouïe : la pluie sur l’habitacle, l’ondulation de la chaleur ou le bruissement d’une étoffe.
1. Décrire avec assez d’évocation « pour que l’on s’y croie » est une figure littéraire que l’on appelle
« hypotypose » : largement étudiée dans le roman et le théâtre classiques, la notion est particulièrement
inspirante pour les MJ.
111
du plaisir et de la douleur, les crampes, l’engourdissement, le vertige, l’accélération,
la précision et la force des mouvements, la respiration, la perception du temps, les
appuis, les postures, l’adrénaline et les battements du cœur…
Toutes ces perceptions se combinent alors pour enrichir la description d’une matière
tangible, vivante et donc personnelle. Car si le minimum syndical est d’informer, et donc
déjà de traduire l’effort, le danger et les récompenses propres au jeu, c’est encore par
leurs sensations que les personnages intègrent la fiction. Aussi, après avoir dépassé
l’abstraction du virtuel, les sensations décrites doivent concerner les joueurs pour
ouvrir la voie aux émotions qui s’y attachent : c’est le regard des PJ qui embellit la
ville, c’est la contraction de leur estomac qui manifeste la peur, c’est en entendant des
pleurs qu’ils peuvent s’attendrir.
Les impressions des personnages créent ainsi un chemin vers le ressenti des joueurs
et, par ce biais, le MJ peut alors leur transmettre bien plus que la sensation de leur
environnement : en décrivant des points spécifiques de l’univers de façon à impres-
sionner les joueurs, il provoque une atmosphère et fait passer des émotions complexes
qui dépassent largement le cadre qu’il dépeint.
Mise en scène
Si une histoire est une suite d’événements fictifs, la narration est la manière dont
on les raconte. Au sein de la narration, la mise en scène est alors la façon dont sont
présentés ces événements, la fenêtre, le cadre par lequel on montre l’histoire : les points
de vue choisis (excluant donc tout ce que l’on abandonne au « hors champ »), les élé-
ments sur lesquels on attire particulièrement l’attention, le découpage et l’exposition
des scènes, leur rythme, leurs enchaînements, les effets d’annonce et de suspense…
Si les joueurs choisissent également les éléments qui vont entrer dans le cadre de cette
fenêtre, le MJ décide, au moins en partie, de son orientation. Cette mise en scène
va avoir une influence majeure sur les descriptions en conditionnant ce que l’on décrit,
quand, comment et à quel point.
En JdR, la focalisation est quasiment induite : tout ce qui est perçu l’est a priori par
les protagonistes. Le point de vue peut donc être soit « singulier », propre à l’un d’eux
(concentré sur les sensations du PJ qui agit), soit suivre le groupe tout entier en foca-
lisation plurielle (lorsque l’on présente le décor ou les situations, mais aussi lorsque
l’on décrit un PJ aux autres joueurs). Rien qu’en suivant nos personnages, on va déjà
manifester certaines choses, en ignorer d’autres, et donc jouer à masquer ou dévoiler
ce qui nous arrange : c’est la base de la mise en scène, et c’est là que l’on fait des choix.
112
Mais décrire n’est pas pour autant gratuit : cela consomme du temps de parole, donc
du temps de jeu, sans compter la répercussion sur le rythme du récit : plus on décrit,
plus on ralentit l’action. Il nous faut donc doser, prioriser et répartir nos élans descrip-
tifs, ce qui peut heureusement se faire selon quelques principes simples…
D ÉC R I R E
quez un curieux personnage voûté, drapé comme un épouvantail dans une capeline
informe. Ses yeux caves vous scrutent intensément depuis les ombres de son capuchon ».
D’ailleurs, si décrire peut ralentir le récit, une partie de JdR connaît en fait nombre
de moments calmes qui sont autant d’occasions de détailler le monde autour des pro-
tagonistes. Les scènes de transition ou de repos (bivouac, soins…), les déplacements,
les dialogues, l’investigation et la quête d’informations en général (recherche en biblio-
thèque, pistage, perquisition, archéologie, orientation…), le bricolage et la prépara-
tion (de la pose de pièges aux réparations d’astronef ) sont ainsi autant d’interactions
propices à la description des lieux, des personnages ou du matériel qu’elles concernent.
113
décrivant à chacun les détails qui correspondent non seulement à ses perceptions mais
à ses intérêts, ses capacités propres… ou ses inattentions. C’est ainsi qu’en gravissant le
sentier vers la même forteresse, le guerrier du groupe remarquera ses remparts solides
mais insuffisamment gardés et que le clerc verra les tourelles en ogive de la troisième
dynastie, alors que le voleur ne s’inquiétera que d’être mal reçu.
114
Définissez vos objectifs pour savoir quoi décrire, et pourquoi
Tout est en fait question d’intention narrative : une fois dispensée l’information nécessaire,
que voulez-vous mettre en scène ? Fixer un objectif clair pour chaque description est encore
le meilleur moyen de faire des choix cohérents parmi les nombreuses sensations disponibles,
tous les points de vue possibles, les effets de cadrage et les axes de progression imaginables.
S’il s’agit de soutenir l’immersion dans un univers tangible, appuyez-vous sur l’odorat,
les sensations internes ou le toucher (la chaleur, la matière, le poids des choses) et progres-
sez doucement, des informations générales jusqu’aux détails réalistes. S’il faut transmettre
la puissance d’une tempête, ballottez justement votre description entre les mouvements
erratiques du navire, le grondement du ciel, la panique des marins et l’énormité des murs
d’eau qui les menacent. Les effets spéciaux, eux, enrichissent grandement les scènes specta-
culaires, de la détonation d’un puissant sortilège aux éclats qui accompagnent une fusillade
en passant par l’enroulement flottant des liquides en apesanteur. Et si vous voulez émouvoir,
préférez au contraire la suggestion véhiculée par l’ambiance globale et l’allusion aux expres-
sions d’autrui, afin de permettre aux joueurs d’investir ce flou de leurs propres sentiments…
À ce stade, parce qu’il recouvre à la fois l’attention aux joueurs, le sens de la mise en
scène et une certaine rhétorique, l’art de la description pourrait sembler bien complexe
à mettre en œuvre. Mais il y a une solution à cela : une belle description, ça se prépare.
Préparation
D ÉC R I R E
Comment préparer des descriptions enrichissantes ?
Si l’on ne se penchera guère ici sur le contenu du monde imaginaire, reconnaissons tout
de même brièvement que sa richesse, sa cohérence et son esthétique éventuelles fourniraient
des sources d’inspiration bienvenues pour sa description. Le matériel descriptif est bien
souvent assez peu fonctionnel dans les livres de JdR. Il ne concerne pas forcément les lieux
précis que les PJ vont parcourir. Il faudra donc fréquemment commencer par le développer
pour donner de la consistance à ce qui n’est qu’énoncé ou définir la manifestation concrète
et substantielle d’un élément dont on ne possède que des caractéristiques techniques…
115
Projetez-vous
Lorsque vous préparez vos parties, prenez simplement le temps de vous projeter :
rêvassez à vos histoires, conversez avec vos personnages, promenez-vous mentalement
dans vos décors et accordez-vous un moment pour en imaginer l’atmosphère, les angles
de vue, les textures et tout ce que vous aurez envie de montrer aux protagonistes.
Mettez-vous à leur place, dans les situations que vous leur proposerez : comment les
choses vous apparaissent-elles, comment les ressentez-vous ? Sauriez-vous y ajouter
des détails ? Le contexte établi, représentez-vous agissant dans cette scène comme le
feraient les joueurs : que percevez-vous alors ? Quels effets, quelles nouvelles sensations
produiraient vos tentatives, leur réussite ou leur échec ?
Cette gymnastique de scénographie mentale gagne en aisance avec la pratique, mais
on en tire bénéfice dès les premières fois : le simple fait d’avoir pris le temps de se
représenter les choses aide nettement à les décrire.
116
part du temps de parole d’un MJ, son ton, sa syntaxe, son lexique et ses formules
participent largement à son « style ».
Il n’existe guère de règles en la matière, les inspirations littéraires sont légion et le
champ des possibles gigantesque. D’ailleurs, la manière dont on raconte est souvent
proche de celle dont on parle au quotidien. Mais si on se préoccupe effectivement
de style, on peut déjà formuler quelques notions utiles…
D’abord, s’assurer d’être compris est bien plus important que tous les effets oratoires :
les choix de vocabulaire, en particulier, devraient favoriser la clarté et l’évocation, plutôt
que l’étalage du jargon. Ensuite, différents genres fictionnels impliquent souvent différents
langages : la métaphore se prête plutôt à la romance ou à l’introspection, l’humour se
glisse dans les détails insolites et les comparaisons, l’action et l’aventure bénéficient d’une
expression plus directe et percutante, l’allusion et la sobriété favorisent l’investissement
sentimental, la précision technique sert davantage l’enquête que le flou impressionniste…
L’évocation est aussi une notion bien utile : parce que nous avons tous la mémoire
d’une foule d’expériences sensorielles, faire appel aux souvenirs des joueurs transmet
d’une part plus de sensations en moins de mots et, d’autre part, facilite leur investis-
sement émotionnel. Là encore, les sens les plus intimes et les moins intellectualisés
sont souvent les plus évocateurs.
D ÉC R I R E
transmet son propos par une performance orale largement improvisée. Pour conserver
une part de spontanéité à cette performance orale autant que pour pouvoir réagir aux
actions des PJ, ses descriptions ont tout intérêt à se fonder sur des indications suc-
cinctes plutôt que sur la lecture d’un texte formaté : une intention narrative formulée
en quelques mots, des listes de noms et d’adjectifs ordonnées selon la progression
descriptive choisie, des indications de durée pour éviter de s’enliser, une poignée
d’impressions pour les situations les plus récurrentes, des pense-bêtes…
Rattacher ensuite ses notes descriptives à chaque événement, lieu, créature, person-
nage ou épreuve ludique qui le mérite peut alors être aussi simple qu’un Post-it collé à
l’écran du MJ ou qu’un feuillet attaché au trombone dans la marge du scénario.
117
On peut ainsi énoncer lentement, gravement et en laissant des pauses dans la description
d’un lieu désolé et apparemment désert. On peut parler très vite et même crier pour brosser
le tableau d’une catastrophe, on pourrait sourire lorsque l’on évoque un personnage char-
mant, mimer le vent dans les feuillages, baisser la voix pour parler d’une scène intimiste,
serrer les dents pour décrire la douleur et prendre une intonation menaçante pour lancer
l’attaque du monstre : si l’on veut s’en donner la peine, l’interprétation du monde n’est pas
moins du jeu d’acteur que celle des PNJ. Et l’ampleur que l’on donne à ce roleplay attire
justement l’attention des joueurs sur l’action autant qu’elle transmet l’émotion.
Interactivité
118
Solliciter des descriptions est un moyen pour les joueurs d’évaluer leurs actions :
peser leurs chances de réussite, chercher des solutions et mesurer leurs résultats.
D ÉC R I R E
celui qui possède des yeux cybernétiques. Ces particularités devraient d’autant plus
influencer la description de leurs réussites et de leurs échecs puisque, en orientant leurs
personnages à la création, les joueurs indiquent assez clairement ce qu’ils attendent
de la narration : autant le mettre en valeur.
119
qui contient des indices plus ou moins ténus et on favorise l’implicite sur l’explicite.
La description du campement saccagé ne dira plus qu’il y a « une piste qui s’enfonce à
travers les fourrés » mais on glissera seulement, dans le tableau des tentes déchirées et
du matériel dispersé, que « la végétation elle-même a été dérangée » ; on ne leur signale
plus le manque de conviction de l’informateur, on en fait un portrait plus complet
en mentionnant ses hésitations et son regard fuyant. Ce n’est que s’ils remarquent ces
détails que les PJ pourront chercher plus loin, obtenir encore plus de description et à
nouveau tenter d’en tirer une information de plus en plus précise : la présentation du
monde devient le support de nouveaux défis.
Qu’on recoure alors aux jets de dés ou que le jeu repose entièrement sur les inter-
rogations et la réflexion des joueurs dépendra bien sûr de ce que le MJ comprend
de leurs aptitudes et de leurs intérêts. Mais c’est une notion largement vraie pour
l’ensemble du JdR, et un principe fondamental de l’hameçonnage : il est important
de connaître ses cibles.
L’expérience prouve en tout cas que l’attention aux détails se développe chez les
groupes dans lesquels elle est récompensée. Avec la pratique, elle engendre alors un
plus grand intérêt pour les descriptions, donc pour le monde imaginaire lui-même.
Conclusion
Mentionnons tout de même la part de description qui revient aux joueurs. Que vous
jouiez de manière très classique ou vous vous adonniez à la narration partagée1, les joueurs
doivent au moins décrire leurs personnages, et ce n’est pas nécessairement limité à
l’explication de leurs actions. Une grande part de roleplay réside en réalité dans la des-
cription de leur apparence, de leur attitude et de leur comportement, des expressions
de leur visage comme de ce qui transparaît de leurs humeurs.
En présentant ainsi leurs personnages, les joueurs les intègrent à la scène : ils les placent
dans le décor, ils les situent dans l’action, ils réagissent à l’ambiance. Si le MJ les y incite,
en évoquant pour eux un monde tangible autant qu’en leur fournissant des occasions, les
joueurs peuvent alors participer à la description : se défaire un instant du discours direct,
adopter à leur tour un style descriptif et contribuer directement à la mise en scène de
leurs aventures. C’est d’ailleurs un effet facilement obtenu en passant symboliquement
un élément de décor aux personnages : une canette roule jusqu’à leurs pieds ou un nuage
de poussière leur couvre les épaules, et les incite naturellement à décrire leur réaction.
Plus la mise en scène sera sensorielle, plus le monde leur paraîtra tangible, plus les
joueurs seront intéressés pour partager la description avec le meneur. Et ils généreront
par ce biais de la matière descriptive et de l’interaction.
D ÉC R I R E
• L’odorat : sens très instinctif et évocateur, utile pour provoquer des réactions
primales (dégoût, faim, etc.)
• L e toucher : utile pour faire passer des informations sur la matière (texture,
solidité, souplesse, poids, vibrations, etc.) et l’environnement (température, vent,
humidité, etc.)
Parlez-leur de leurs sensations physiques
Décrivez les réactions de leur corps : vertige, fatigue, plaisir, douleur, crampes, engourdis
sement, respiration, adrénaline, battements de cœur, etc.
Mise en scène
121
• Profitez des scènes de transition pour décrire des lieux, des personnages ou
du matériel : repos, déplacements, préparation, etc.
Braquez le projecteur sur ce qui intéresse les joueurs et singularisez vos descriptions
Gardez à l’esprit que vos descriptions répondent aux choix ou aux questions des joueurs.
Mettez en valeur la singularité des PJ par des détails qui correspondent à leurs perceptions,
intérêts, capacités propres, inattentions, etc.
Partez d’un élément frappant pour englober peu à peu tout ce qui l’entoure.
Préparation
Mettez-vous à leur place, dans les situations que vous leur proposerez : comment les choses
vous apparaissent-elles ? Ajoutez des détails. Le contexte établi, représentez-vous agissant
dans cette scène comme le feraient les joueurs : que percevez-vous ? Quels effets, quelles
nouvelles sensations produiraient vos tentatives, leur réussite ou leur échec ?
122
Comment formuler les descriptions ?
Exercez-vous pour trouver le bon rythme
Expliquez simplement vos impressions à haute voix.
Déterminez l’ordre dans lequel vous allez présenter les choses, à quel rythme, et
pour quelle durée.
Glissez des détails insolites et des comparaisons comiques pour faire ressortir l’humour.
Gardez une certaine spontanéité et flexibilité pour pouvoir réagir aux actions des PJ.
D ÉC R I R E
épreuve ludique qui le mérite.
Interactivité
123
S’ils posent les bonnes questions et cadrent la fenêtre descriptive au bon endroit, récom-
pensez-les avec des indications utiles sur l’univers de jeu et son fonctionnement.
Mettez en valeur leurs singularités en insistant sur la manière dont ils résolvent les actions.
improviser
Au commencement…
L’
improvisation est au cœur du JdR : que ce soit dû aux actions des joueurs,
à un jet de dés au résultat improbable ou tout simplement à la structure même
des règles, tout MJ a un jour été obligé d’improviser. Cela est souvent perçu
comme un incident, une exception ou même le résultat d’une erreur de la part du
meneur, comme si ce dernier devait être une créature omnisciente capable de prévoir
toutes les actions de ses joueurs. Pire, j’ai déjà pu lire qu’un « bon » MJ était celui qui
était capable de ramener ses joueurs sur la « bonne voie », celle de son scénario préparé
aux petits oignons et qui ne souffrait aucun changement.
Cette façon de penser est en partie issue de cette vieille dichotomie entre joueurs
« ceux qui s’amusent » et MJ « celui qui bosse » ; d’un côté, ceux qui improvisent face
aux situations que leur propose le MJ, de l’autre celui qui prévoit ces situations, de préfé-
rence avec une longueur d’avance. En apprenant à gérer l’improvisation et en lui laissant
125
plus de place dans vos parties, vous pourrez découvrir que c’est un espace qui permet
justement au MJ de s’amuser et d’être un joueur au même titre que le reste de la table.
126
Comment dire non : le « non, mais… »
Même quand vous dites « non », parce que cela vous a échappé ou parce que vous pensez
ne pas avoir d’autre choix, il est encore possible de le faire d’une façon qui ne coupe ni
le flot de la partie, ni la motivation des joueurs. Ainsi, vous pouvez en profiter pour leur
transmettre une information qui leur permet d’avancer, leur donne un avantage ou leur
en apprend plus sur le monde. Par exemple, vous pouvez répondre à notre professeur
d’histoire médiévale : « Tu n’as pas de contact dans la pègre, mais peut-être que l’étu-
diant que tu as fait renvoyer pour possession de drogue, si. Pas sûr qu’il soit content
de te voir, par contre ». Dans la mesure du possible, comme un échec (voir p. 133), un
« non » ne doit pas amener la partie à une impasse, mais vers un chemin différent.
improviser
approche que nous allons privilégier ici.
Alors même que l’improvisation est au cœur du JdR, elle est souvent considérée comme
un cas « extrême » ou « limite », un genre de sanction pour le meneur qui ne se serait pas
assez préparé. Il nous semble plus intéressant de la remettre au centre de notre pratique.
Improviser n’est pas un art difficile réservé à une petite élite de pratiquants expérimentés.
C’est ce qui donne tout son sel à l’activité du meneur, quelle que soit son expérience.
Les pages qui vont suivre vont vous donner des conseils et des outils pour vous aider à
improviser, mais le principe directeur qui les guide est toujours le même : amusez-vous !
Se préparer à improviser
L’improvisation étant, essentiellement, l’art de s’organiser sans préparation antérieure,
peut-on réellement se « préparer » à improviser avant la partie ?
127
Maîtrise du genre
Selon le genre et le jeu que vous avez choisis (fantasy, space opera, horreur, anticipa-
tion, western…), vous devrez apprendre à connaître leurs codes. Car avant de créer,
d’étudier et de digérer tout un corpus d’œuvres liées au genre que vous allez mener,
il est tout aussi important de connaître la logique du jeu que vous allez utiliser.
N’oubliez pas qu’un JdR, même s’il s’inspire d’un genre particulier, ne vise pas néces-
sairement à l’émuler. D&D1 s’inspire par exemple des éléments les plus superficiels du
Seigneur des anneaux2 (groupes constitués de différents peuples, races intrinsèquement
mauvaises, etc.) plaqués sur une ambiance picaresque proche des récits de sword & sor-
cery, notamment ceux de Fritz Leiber (qui met en scène des individus plus motivés par
le gain personnel que par la sauvegarde du monde), ce qui donne au jeu une logique
bien particulière : la fantasy de D&D n’est pas celle du Seigneur des anneaux pas plus
qu’elle n’est celle du Cycle des épées de Fritz Leiber, elle est un genre à part entière.
1. Arneson Dave, Gygax Gary, Dungeons & Dragons, TSR, Lake Geneva, 1974.
2. Note des éditeurs : il existe une polémique parmi les historiens du JdR à ce sujet, notamment alimen-
tée par diverses déclarations de Gary Gygax quant aux liens qu’entretient D&D avec la Terre du Milieu.
Aussi, pour certains spécialistes, émuler cet univers était une intention fondatrice et affirmée de la créa-
tion du supplément fantasy pour Chainmail et de D&D, et non une superposition a posteriori. Au-delà de
l’emprunt des créatures, des mécaniques correspondent parfaitement à certains éléments des romans de
fantasy ayant inspiré D&D (comme l’alignement chez Michael Moorcock et Poul Anderson, ou la mémo-
risation des sorts chez Jack Vance). Cela amène à penser que ces sources littéraires, que l’on oppose
parfois un peu vite au système, ont eu une influence profonde et durable sur les règles elles-mêmes.
3. Banks Cam, Smallville, Margaret Weis Productions, Williams Bay, 2010.
4. Scipion Johan, Sombre, Terres étranges, 2011.
128
émuler le genre la réponse à donner est certainement « non ». Si vous souhaitez suivre
la logique d’un jeu comme L’Appel de Cthulhu, « oui » est une réponse parfaitement
envisageable. De la même manière, si on se doute bien que le personnage de Conan
a peu de chances de mourir (sauf cas exceptionnels), ce n’est pas forcément vrai pour
tous les personnages partant à l’aventure dans l’âge hyborien.
L’art de la récup’
Quelle que soit l’approche que vous avez privilégiée par rapport au genre (émulation
ou simple inspiration), la relecture et le visionnage d’œuvres liées au type d’univers
que vous avez choisi va vous donner plusieurs éléments qui vous aideront à improviser.
Au niveau le plus simple, vous allez pouvoir récupérer des noms de personnages, de
lieux, des descriptions… En bref tout l’aspect « physique » d’un univers : vous aurez
une idée, même vague, de l’aspect des bâtiments, de la population, du fonctionnement
d’une organisation, de la loi, de l’ambiance qui peut régner dans une rue, une ville, etc.
Tout cela vous donnera matière à créer des listes de noms, d’ambiances, d’odeurs,
de bâtiments, d’accents, de signes particuliers, de conditions climatiques (pour sortir
du triptyque beau, nuageux et pluvieux, par exemple1).
improviser
Certains meneurs en font des cahiers entiers mais si vous n’en avez pas l’habitude,
je vous conseille plutôt de regrouper sur une page A4 les listes indispensables pour
votre partie. Par exemple, si votre prochaine séance se déroule en milieu urbain, créez-
vous une table avec une liste de noms de personnages, de professions, de traits de
caractère, de bâtiments, d’atmosphères…
Si vous voyez trop gros dès le départ, vous risquez de flancher face à la somme de
travail requise, en revanche remplir une simple feuille A4 ne devrait pas vous prendre
plus d’une demi-heure. De plus, vous aurez beaucoup plus de facilité à utiliser un outil
que vous avez créé vous-même qu’en allant piocher ailleurs comme en témoigne la
couche de poussière qui recouvre actuellement une partie de votre collection de JdR.
129
Liste de courses
Les listes et autres tables aléatoires sont les outils les plus précieux du meneur en pleine
improvisation1. Parmi les grands classiques, on trouve bien entendu les listes de noms,
de motivations ou d’événements aléatoires. Mais d’autres éléments, souvent oubliés,
peuvent se révéler particulièrement utiles pour dépeindre une atmosphère : les odeurs
(iodée, pluie, sang, urine, musc, etc.), les sons (foule, caquetage, musique, cris, chants,
insultes, pleurs…), les vêtements (en loques, tiré à quatre épingles, tachés de sang, usés
mais entretenus…). Il suffit généralement d’un seul élément pour donner aux joueurs
une information pertinente. Le but de ces listes n’est pas de noyer les joueurs sous les
détails, mais au contraire de les aider à se faire une idée claire de l’univers : le noble
qui les reçoit n’est-il pas désargenté ? L’odeur acide que traîne ce professeur de chimie
est-elle bien naturelle ? Etc.
1. Vous pourrez trouver ce genre de tables aléatoires sur des sites spécialisés comme The Dungeon
Dozen (http://roll1d12.blogspot.fr/) ou dans des ouvrages spécifiques : Crespy Patrice, Les Catacombes de
la ville morte, Les XII Singes, Saint-Didier-au-Mont-d’Or, 2015, en français. Bowerbank Gary, Burke Adam,
Chandler Rafael, Collins Bill, Deming Mason et autres, Roll XX, Neoplastic Press, 2012, et Ibach Dawn,
Ibach Jeff, Pinto Jim, Ultimate Toolbox, Alderac Entertainment Group, Ontario, 2009, en anglais, mais
ce dernier est épuisé et ne sera disponible qu’en occasion.
130
par défaut à votre propre personnalité1. Si vous êtes soupe au lait et qu’un des joueurs se
montre agaçant, le moine pacifiste qu’il vient de rencontrer va soudain lui jeter une table
à la tête. N’hésitez jamais à vous taire et à prendre le temps de réfléchir. Ces quelques
secondes vont vous permettre de préserver la cohérence de votre univers. Tout comme
les joueurs, vous devez essayer de ne pas trahir le concept du PNJ que vous interprétez.
En prime, c’est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît au premier abord. Voici
quelques exemples de profils de PNJ.
Vous pouvez détailler les PNJ davantage si vous le souhaitez, mais avec la pratique
quelques mots suffiront amplement.
improviser
meneur dans une partie de JdR consiste avant tout à offrir des choix à ses joueurs puis
de les confronter aux conséquences de ces choix.
• Ces choix naissent d’interactions avec des PNJ. « Vous découvrez que l’ins-
pecteur X est un ripou ».
• Ces choix ont un impact sur des PNJ. « Vous faites arrêter l’inspecteur X ».
• Les conséquences de ces choix ont un impact sur les personnages des joueurs.
« Une partie du commissariat vous considère comme des traîtres ».
Donner des choix aux joueurs implique que vous devez être prêt à les suivre… Et non
à les devancer. Plus la structure de votre scénario sera rigide, plus vous serez pris au
dépourvu si les joueurs décident de suivre une autre voie que celle que vous aviez ima-
ginée. L’improvisation est la clé qui vous permet de donner cette liberté à vos joueurs.
131
Vous noterez également l’emphase placée sur les PNJ : plus leurs objectifs, leurs
motivations et leurs caractères seront définis (et clairs !), plus vous serez capable de
vous adapter aux actions des joueurs. Comme vous avez pu le constater plus haut,
six mots peuvent suffire.
Pendant la partie
Il est maintenant temps d’entrer dans le cœur du sujet : les joueurs sont pendus à vos
lèvres mais vous ne savez plus comment enchaîner, c’est le blanc mental. Commencez
par respirer avant de parler. Prenez toujours le temps de faire une pause pour vous
accorder un instant de réflexion. On trouve parfois certains conseils proposant de
camoufler ces moments de doute, ou de faire croire que vous improvisez un élément
que vous connaissez déjà pour minimiser son importance aux yeux des joueurs. Peut-
être que cela fonctionne à votre table, mais je pense cependant qu’il vaut mieux ne pas
chercher à dissimuler tout cela : les joueurs auront ainsi d’autant plus l’impression que
le meneur part lui aussi sur des routes inexplorées. Certains d’entre eux sont peut-être
des meneurs et savent très bien pourquoi vous faites semblant de regarder dans un livre
ou pour quelle raison vous êtes retourné aux toilettes. Et surtout, gardez les points
suivants en tête…
132
un nom, un signe particulier et une motivation sur les listes que vous avez établies
avant le début de la partie (ou juste au débotté) et voilà : votre PNJ est prêt ;
• le lieu : là aussi les joueurs ont dû vous indiquer l’endroit où ils souhaitaient
chercher et, si vous vous êtes bien préparé en amont (voir la première partie p. 127 et
suivantes), vous pourrez décrire n’importe quel lieu de votre univers comme si vous
l’aviez prévu six mois à l’avance.
improviser
la milice de notre innocence », etc., mais les effets d’un échec semblent parfois plus
difficiles à établir. Il suffit pourtant de respecter une règle assez simple : un échec
ne doit pas mener la partie dans une impasse.
Si, par exemple, un échec empêche les personnages d’obtenir une information vitale
pour la suite de l’aventure, ses conséquences doivent être redéfinies. Pour que la partie
puisse continuer, il faut que les personnages obtiennent l’information, même en cas
d’échec. C’est la technique du « non, mais… », les personnages échouent mais ils
obtiennent le minimum nécessaire pour faire avancer l’histoire. Notez toutefois qu’un
échec doit avoir des conséquences néfastes : les personnages sont surpris par leurs
ennemis, ces derniers apprennent qu’ils ont obtenu une information critique, un autre
groupe a trouvé l’information avant eux, etc.
1. À ce sujet, consultez également l’article « Partager la narration », p. 381. et « Rendre les choses
personnelles » p. 261.
133
Lorsque les conséquences d’un échec ou d’une réussite sont clairement établies, gérer le
résultat de n’importe quel jet se révélera un jeu d’enfant. D’une part le joueur aura toutes
les informations nécessaires à sa disposition avant de lancer les dés, et d’autre part le meneur
pourra envisager la manière dont l’histoire avancera après le jet de dés. Cela évitera aux
joueurs et au meneur de se retrouver dans une impasse suite à un jet de dés malheureux.
134
Comment réagir face… À l’absence d’une règle ?
Un de vos joueurs se retrouve dans une situation biscornue qui devrait trouver sa
réponse dans les règles, mais voilà : vous ne les connaissez pas par cœur (et dans le cas
de certains jeux, c’est bien normal) ou la règle n’existe pas. Revenez tout simplement à
la mécanique de base du jeu que vous utilisez, fixez les conséquences en cas d’échec et
de réussite puis passez à la scène suivante. Selon les règles, les conséquences ne seront
sans doute pas les mêmes : diminution d’une jauge dans les systèmes qui fonctionnent
sur la gestion des ressources, gain d’un trait négatif dans les systèmes dits « narratifs »,
etc. Pour improviser en douceur, il est donc recommandé de bien maîtriser la logique
des règles que vous utilisez.
Exemple : lors d’une partie de D&D, les PJ sont poursuivis par le guet de la ville.
Je ne sais plus s’il existe des règles de poursuite. Je décide d’aller au plus simple et
m’inspire des jets contre la mort de la cinquième édition : les joueurs font des jets
en Dextérité (athlétisme), les premiers à obtenir trois succès échappent à leurs pour-
suivants, ceux qui obtiennent trois échecs sont rattrapés. Que pourrais-je inventer
d’autre ? Je précise qu’un joueur peut sacrifier un succès pour annuler l’échec d’un
de ses amis en le soutenant dans la course. Un des joueurs refuse de lâcher son sac de
butin ? Il commence la poursuite avec un échec au compteur.
improviser
trouve dans Cthulhu1 vous aidera pour vos scénarios d’enquête. FATE2 ou Dungeon World,
où les choix des joueurs sont placés au cœur des parties, pourront également vous aider.
Parfois, de simples accessoires seront utiles pour sortir des sentiers battus (les cartes
aventures de Tranchons & Traquons3 ou Pathfinder4, par exemple).
1. Hite Kenneth, Laws Robin D., Trail of Cthulhu, Pelgrane Press, Londres, 2007, Cthulhu, 7ème Cercle,
Anglet, 2008, pour la V. F.
2. Donoghue Rob, Hicks Fred, FATE, Evil Hat Productions, Silver Spring, 2002.
3. Jeannette Alexandre, Le Grümph, Cartes du destin, Les Livres de l’Ours, 2009.
4. GameMastery Plot Twist Cards, Paizo, Redmond, 2010, Cartes de rebondissements, Black Book Éditions,
Lyon, pour la V. F.
135
Au-delà de la partie
Comme vous avez pu le constater, l’improvisation n’est pas un art réservé aux vieux
briscards. Elle est au cœur de toutes les parties de JdR : quand vous êtes en train d’inter-
préter les résultats d’un jet en combat, vous êtes en train d’improviser, lorsque vous inter-
prétez un PNJ qui répond aux questions des joueurs, vous êtes en train d’improviser.
Généralement on ne le remarque pas, car à chaque fois on a des lignes directrices assez
claires : les règles de combat dans le premier cas, la description d’un PNJ dans le second.
Tous les éléments que l’on trouve dans une aventure (intrigue, lieux, PNJ…) répondent
tous à une logique très claire : les PNJ agissent selon leurs traits de caractère et leurs objec-
tifs, les lieux sont un moyen de mettre l’accent sur l’atmosphère en reflétant l’attitude des
PNJ, ou les événements qui s’y déroulent (un monastère dont l’abbé est corrompu peut
très bien être affligé d’odeurs abominables venant des égouts tout proches), l’intrigue
s’appuie sur l’histoire des personnages afin d’impliquer davantage les joueurs.
Une fois que vous avez saisi la logique qui sous-tend l’ensemble (celle des règles et
celle de l’univers), vous aurez beaucoup moins de mal à improviser et cela améliorera
vos parties. L’improvisation est ce qui vous permettra de faire ressentir à vos joueurs que
leurs personnages évoluent dans un monde vivant qui réagit à leurs actions.
136
traces laissées par les griffes des orcs là où se trouvaient des pierres précieuses, parlez
des portes et des colonnes qui ont été rongées par le sang acide des trolls. Cela sonnera
mieux que « vous savez que cette cité a été envahie par les peaux-vertes en tirli-trente-
deux ». Vous écrivez une aventure, pas un guide touristique. Pour faire simple, décrivez
les lieux et les organisations comme des individus. Quand un personnage fouille une
pièce, il pose une question au lieu où il se trouve et l’objet sur lequel il met la main lui
fournit des informations. Les ruines d’un château ne sont pas qu’une toile de fond :
on s’y cogne, on s’y met à l’abri du vent, on y hallucine ou on imagine un moyen d’y
piéger ses ennemis. Pour que les joueurs interagissent avec des lieux et des PNJ,
ils doivent pouvoir les saisir, au sens propre comme au sens figuré.
Un monde vivant1
La meilleure manière de présenter un monde vivant consiste justement à le considérer et à le
décrire comme une créature vivante. Une ville n’est pas qu’un ensemble de bâtiments dont
vous décrivez l’architecture, c’est un individu (ou un monstre selon les cités). Elle cache les
personnages ou les expose en pleine lumière, elle les égare dans ses ruelles labyrinthiques,
dissimule leurs ennemis ou les protège de ses remparts. Plus vous parvenez à personnifier
les lieux, les institutions et les PNJ, plus vous pourrez mesurer l’impact que les décisions des
joueurs auront sur le monde. L’ambiance d’une ruelle a peut-être changé, l’odeur d’opium du
bar que vous avez fait fermer a disparu, les gens sont plus nombreux sur la place du marché,
etc. En plus de cela, le thème d’un univers peut vous guider dans vos descriptions : dans celui
de Dark Heresy par exemple, le thème fondamental est la corruption. Cette corruption se
retrouve dans la vétusté des bâtiments, ou dans l’attitude des PNJ qui cherchent tous à obte-
nir quelque chose face aux PJ. L’humidité, l’érosion, la rouille et la pourriture sont omnipré-
sentes, les rituels des techno-prêtres et des ecclésiastes sont répétitifs, usés et vides de sens.
Cela donnera à votre monde une unité qui permettra à vos joueurs de s’y plonger davantage.
improviser
CONCLUSION
La capacité d’improvisation du meneur est souvent l’argument utilisé lorsque l’on
compare le JdR sur table à ses versions informatiques. Là où le second suit un script, le
premier peut réagir « en temps réel » aux actions des joueurs. Tâchez de vous en sou-
venir la prochaine fois que vous hésiterez à mener une partie. Une fois que la séance
commence plus rien n’est fixé, plus rien n’est sûr : vous allez jouer des rois, incarner
des vagabonds, dévoiler une ruelle sordide ou les couloirs d’une station spatiale, vous
serez le tonnerre qui vient du ciel et le réconfort qui vient d’un feu de camp. Pour vos
joueurs vous serez un guide, un arbitre, tour à tour un ami fidèle et leur pire ennemi.
Et ils reviendront, ils vous affronteront, vous trahiront, vous agaceront parfois, mais
ils se battront à vos côtés. L’aventure se joue des deux côtés de l’écran, ne l’oubliez pas.
Dites « non, mais », afin de transmettre une information qui leur permet d’avancer,
leur donne un avantage ou leur en apprend plus sur le monde.
Même si la demande des joueurs est illogique et stupide, « non » ne doit pas amener
la partie à une impasse, mais vers un chemin différent.
À moins que cela nuise à la cohérence, ne bridez pas la créativité des joueurs, mais essayez
d’accompagner le mouvement.
Se préparer à improviser
Maîtrisez le genre
Apprenez à connaître ses codes.
Connaissez la logique du jeu que vous allez utiliser.
Choisissez une approche précise, et adaptez vos réponses pour rester cohérent avec cette logique.
N’hésitez jamais à vous taire et à prendre le temps de réfléchir pour trouver une solution
qui préserve la cohérence de votre univers ou le concept du PNJ que vous interprétez.
L’art de la récup’
Relisez et revoyez les œuvres liées au type d’univers que vous avez choisi pour en tirer
plusieurs éléments d’improvisation :
138
L’art de la récup’, le retour
Lorsque vous vous replongez dans ces inspirations, essayez de saisir le comportement de
plusieurs personnages pour imaginer leurs réactions aux actions des joueurs. Comment
réagissent-ils face au stress, à la manipulation, à la franchise, aux marques d’affection ?
Ayez un scénario flexible : plus sa structure sera rigide, plus vous serez pris au dépourvu
si les joueurs décident de suivre une autre voie que celle que vous aviez imaginée.
Définissez les objectifs, les motivations et les caractères des PNJ pour vous adapter
aux actions des joueurs. Six mots peuvent suffire.
Pendant la partie
S’ils cherchent une information précise : n’improvisez pas toute une scène pour finalement
dire aux joueurs qu’ils ne trouvent rien (à moins que ce « rien » ne constitue un indice).
S’ils cherchent un PNJ : ils vous ont indiqué le type de personnage qu’ils voulaient rencon-
trer. Trouvez-lui un nom, un signe particulier et une motivation sur les listes que vous avez
établies avant le début de la partie.
Option possible : laissez les joueurs décrire la scène : le PNJ, le lieu et la manière dont ils
improviser
obtiennent l’information. Décidez de son prix (en termes de temps, de faveurs, de risques,
etc.). Ou alors, posez-leur quelques questions précises.
Dès que vous créez un PNJ ou un lieu dans le cadre d’une improvisation, notez-le.
Respectez la règle suivante : si un échec doit avoir des conséquences néfastes, il ne doit pas
mener la partie dans une impasse.
139
• si les joueurs manquent d’informations, faites intervenir des PNJ ou des événe-
ments qui pourront les sortir de l’impasse.
Au-delà de la partie
Montrez sans dire : plutôt que de simplement énoncer un événement passé tragique,
insistez sur ses conséquences sur le paysage ou les PNJ.
Considérez le monde et décrivez-le comme une créature vivante, avec ses réactions
et ses évolutions selon les actions des PJ.
Incarner des PNJ
•
Jean-Philippe Jaworski
A
h ! Que monsieur de Beaumarchais eût été un bon maître de jeu !
« Lorsque mon sujet me saisit, note-t-il dans la préface du Mariage de Figaro,
j’évoque tous mes personnages et les mets en situation : “Songe à toi, Figaro,
ton maître va te deviner. Sauvez-vous vite, Chérubin, c’est le comte que vous touchez.
Ah ! Comtesse, quelle imprudence, avec un époux si violent !” Ce qu’ils diront, je n’en
sais rien ; c’est ce qu’ils feront qui m’occupe. Puis, quand ils sont bien animés, j’écris
sous leur dictée rapide, sûr qu’ils ne me tromperont pas, que je reconnaîtrai Bazile,
lequel n’a pas l’esprit de Figaro, qui n’a pas le ton noble du comte, qui n’a pas la
sensibilité de la comtesse, qui n’a pas la gaieté de Suzanne, qui n’a pas l’espièglerie du
page, et surtout aucun d’eux la sublimité de Brid’oison. Chacun y parle son langage :
eh ! que le dieu du naturel le préserve d’en parler d’autre ! »
Hélas, il n’est pas permis à tous les MJ d’être ainsi saisis par leur sujet et de laisser
PNJ
parler avec naturel les nombreux PNJ qu’ils animent en cours de partie. Ou bien
le naturel reste sélectif, et tel MJ ne campera que tel type de personnage, et ne
donnera toujours pour interlocuteurs à ses joueurs que quelques archétypes récur-
rents. Comment faire, dès lors, pour conférer de la variété et de la profondeur au
personnel nombreux d’une partie de JdR ? Ces quelques pages proposeront des outils
pour mieux définir la typologie des PNJ, pour leur octroyer singularité et consistance,
et rappelleront quelques principes narratifs afin de leur prêter vie en cours de partie.
141
I. Typologie des PNJ
Il arrive couramment qu’un scénariste ou un MJ attribue intuitivement le rôle et
l’importance des PNJ selon la fonction qu’ils doivent remplir au cours du scénario ou
de la campagne. Toutefois, il advient régulièrement que le comportement des joueurs
trompe toutes les prévisions du MJ et modifie la fonction des PNJ. Il n’est pas rare de
voir les PJ se désintéresser d’un PNJ majeur, échafauder des théories ramifiées sur un
PNJ complètement secondaire, prendre en grippe un PNJ destiné à les seconder ou
se faire corrompre par un PNJ adverse. Si ces infléchissements font partie du plaisir
du jeu, ils sont également susceptibles de bouleverser vos plans et peuvent déstabiliser
certains MJ. Le but de ces lignes est de fournir certains outils qui permettront de
mieux définir l’action des PNJ dans le fil de la partie, et par conséquent de mieux
anticiper la nature des relations qu’ils noueront avec les joueurs.
142
PNJ sujet PNJ objet
Motivation & moyens d’action Ce qui le rend attractif pour les PJ
Dans Le Chevalier de la charrette, Guenièvre est un objet très attractif parce qu’elle
cumule les appâts (et les appas) : reine, elle est un enjeu de pouvoir ; belle et galante,
elle est un objet de désir ; épouse d’Arthur, elle est objet de prestige. Le romancier a
renforcé de surcroît la motivation des deux héros sujets parce qu’elle est la maîtresse
de Lancelot et la tante de Gauvain.
Adapter le profil du PNJ en fonction de la situation qu’il occupera dans le scénario
permet de mieux cadrer son influence et de mieux prévoir l’action des PJ, sans pour
autant afficher trop de dirigisme.
dans un parti antagoniste sans pour autant avoir des motifs particuliers contre les PJ.
La nature du conflit se trouvera infléchie par cette première précision.
• Deuxièmement, il faut définir si l’opposant est sujet ou objet du conflit. Un
opposant sujet est « offensif » contre les PJ : ce peut être un ennemi juré, un rival, un conspi-
rateur… À l’inverse, un opposant objet adopte une attitude « défensive » face aux PJ : il
s’agit du monstre de donjon ou du criminel en fuite. La détermination de ce profil oriente
profondément la dynamique du scénario : un opposant sujet permet au MJ de relancer
sans cesse la partie tandis qu’un opposant objet nécessite plus d’initiative de la part des PJ.
143
Types d’opposants Exemples
Activiste, conspirateur
Terroriste
Gang, bande de brigands
Sujet
Envahisseur, conquérant
Prédateur (fonds vautours, tueur en série, vampire, alien…)
Service secret
• Troisièmement, il convient d’avoir une idée précise sur la nature des actions
hostiles entreprises par les opposants. S’agit-il d’attaques directes ou indirectes ? S’agit-il
d’actions légales ou illégales ? (Un PNJ qui se livre à des manœuvres coercitives mais
légales peut pousser les PJ à la faute s’ils sont les premiers à violer la loi au cours du
conflit…) Dans quel domaine l’opposant mène-t-il ses opérations hostiles ? Entreprend-il
une offensive sur le plan politique, judiciaire, économique, criminel, social, médiatique,
militaire, religieux, magique ? Suit-il un plan ? Combine-t-il plusieurs stratégies ?
144
Délation
Contrôle fiscal
Dépôt de plainte
Offensive judiciaire
Constitution de partie civile
Procédure dilatoire, obstruction légale
Appel
Licenciement
Publicité comparative
Prix concurrentiels
OPA
Offensive économique Débauchage de cadres
Espionnage industriel
Contrôle des matières premières
Contrôle du circuit de distribution
Rachat de la dette
Corruption
Intimidation
Surveillance illégale
Harcèlement
Faux témoignage
Offensive criminelle Chantage
Sabotage
PNJ
Vol
Agression
Prise d’otage
Assassinat
145
Mise en garde directe ou par tiers interposé
Sobriquet dépréciatif
Graffitis
Offensive sociale Calomnies, rumeurs
Implication des proches
Discrimination
Pressions hiérarchiques
Ultimatum, défi
Manœuvres de diversion ou d’intimidation
Opérations de renseignement
Offensive militaire Opérations commando
Guérilla
Tactique de terre brûlée
Offensive frontale
Accusation d’immoralité
Accusation d’impiété
Accusation d’hérésie
Prêche hostile, agitation des foules
Offensive religieuse
Mobilisation de sectes ou de sociétés secrètes
Pressions sur le pouvoir civil
Investigations secrètes
Investigations inquisitoriales
146
Renseignement divinatoire
Envoûtement, malédiction
Philtres néfastes (y compris philtres d’amour,
Offensive magique employés à des fins malveillantes)
Nécromancie faisant appel
aux ennemis défunts des PJ, hantise
Invocation d’esprits, de démons ou de créatures hostiles
Il est hors de question, naturellement, de développer les figurants autant que les
autres PNJ. Mais il faut poser quelques repères qui permettront de leur donner une
certaine texture. En effet, le figurant contribue à la couleur locale : loin d’être passe-
partout (le garde, le prêtre, le marchand, le mendiant…), il doit apporter une touche
spécifique qui participe à l’originalité de l’univers. Prenons un scénario qui se déroule
dans une ville assiégée : le garde est en fait un bourgeois engagé dans la milice, qui se
donne des airs féroces mais se révèle plus dangereux parce qu’il est effrayé que parce
qu’il est aguerri ; le prêtre, redoutant le pillage de son sanctuaire, anime la défense
147
par des prêches enflammés, organise des processions, dirige l’hôpital ; le marchand
se transforme en profiteur de guerre, qui spécule sur l’envolée des prix et trafique à
travers les lignes pour faire du marché noir ; le mendiant est un réfugié qui a fui devant
les atrocités de la guerre, essaie de louer ses bras pour ne pas être considéré comme
une bouche inutile mais demeure confronté à l’hostilité de beaucoup d’habitants et
se trouve plus ou moins réduit à la délinquance – il peut d’ailleurs être impliqué dans
les trafics du marchand… Un nom, un ou deux traits particuliers, un comportement
orienté par un profil un peu typé suffisent à donner vie à quantité de PNJ. L’intérêt des
joueurs, qui spéculent régulièrement sur la connexion de ces figurants avec l’intrigue
principale, fournit souvent des pistes pour broder sur ces épures.
148
1. Penser les noms des personnages
Les noms sont essentiels parce qu’ils vont fournir la représentation la plus fréquente
des PNJ. Dans ce cas, il est capital de leur accorder une importance spéciale. Le nom
d’un personnage synthétise quantité d’informations : c’est un marqueur historique,
culturel, religieux, social et familial. Les formes et les usages d’attribution d’un nom
varient selon les périodes et les civilisations. Il s’agit d’en tenir compte pour que vos
PNJ disposent d’une onomastique (système des noms propres d’une langue ou d’une
région) en adéquation avec l’univers de jeu. Les noms seront aussi attribués en fonc-
tion du registre dominant que vous comptez donner à la partie : on n’opte pas pour les
mêmes noms si on envisage une orientation épique, parodique ou réaliste.
Informations véhiculées
Usages
par le nom
149
Des familles pieuses donnent souvent à leurs enfants :
• des noms divins (Dionysos/Denis ou Hermès dans
l’Antiquité, Jesus dans la culture latino-américaine) ;
Marqueur religieux • des noms héroïques (Alexandre, Julien, Romulus
dans l’Antiquité) ;
• d es noms de saints populaires (Marie, Pierre,
Jean, Georges…).
150
belle ou laide, peut devenir matière à sobriquet et contribuer à l’identité sociale du
PNJ. Louis de Guise et son fils Henri furent surnommés « le Balafré » en raison de
cicatrices récoltées au combat ; le capitaine François de La Noue fut surnommé « Bras
de Fer » en raison de la prothèse qui remplaça son bras perdu au cours de la troisième
guerre de religion…
relation directe avec l’action du scénario. Elles peuvent éclairer les motivations du
personnage, mais aussi fournir des renseignements qui intéresseront les PJ. Car c’est là
le plus important : ce qui concerne le passé des PNJ doit être accessible (facilement ou
non) aux PJ. Remonter dans le temps grâce à la rumeur, aux légendes, aux enquêtes,
fournit toujours une gratification importante aux joueurs et donne plus de consistance
aux PNJ dotés d’un passé.
151
Situation sociale du PNJ Possibilités
Esclave, serf
Étranger, métèque, minorité discriminée
Statut Citoyen, homme libre
Aristocrate
Niveau de fortune à définir
Orphelin
Intégré à une fratrie
Enfant unique
Situation familiale Célibataire
Marié
Veuf
Parent ou sans enfant
Vocation, sacerdoce
Fonctions Missions
Métier
Personnes à charge
Activités professionnelles
Contrats
Obligations
Honneur (personnel, familial)
Passions
Conditionnement (idéologique, religieux)
Obligés
Amis
Amants
Ennemis
Relations
Concurrents
Alliés
Subordonnés
Supérieurs
152
5. Insertion sociale du personnage
Il s’agit de définir, même rapidement, la position sociale du PNJ : son statut,
sa situation familiale, ses fonctions, ses obligations, ses relations. Même s’il n’est
qu’ébauché, ce portrait social donne aussitôt au personnage une très grande com-
plexité parce qu’il lui impose un certain nombre de déterminismes corporatistes,
familiaux, affectifs et économiques. Croisés avec son portrait moral, ces traits sociaux
vont aussitôt singulariser le PNJ et lui conférer une identité individuelle.
Dans ce volet de la création, il est particulièrement important de penser les rela-
tions que ce PNJ peut avoir avec les autres acteurs du scénario, qu’ils soient PJ ou
PNJ. Ce sont ces interactions sociales qui, en alimentant la rumeur, les solidarités
ou les inimitiés, vont permettre aux joueurs de circuler au milieu du tissu relationnel
de l’univers de jeu. Il ne faut pas hésiter à forcer un peu le trait, à multiplier les liens
(qu’ils soient amicaux ou antagonistes) entre les PNJ d’un scénario : cela donne une
saveur très romanesque au jeu et confère plus de densité à l’univers.
La plupart des conseils qui précèdent portent sur la création des PNJ : toutefois, s’il
n’est pas incarné de façon efficace, le PNJ le plus fouillé n’arrêtera guère l’attention des
joueurs. Au moins deux axes doivent être pensés pour optimiser la présence du PNJ
en cours de partie.
153
1. La question de la description : comment portraiturer le PNJ
en cours de partie1 ?
Deux stratégies sont possibles. La caractérisation directe consiste à dresser le por-
trait du personnage ou à montrer une illustration qui le représente. La caractérisation
indirecte consiste à insérer au fil de la narration un certain nombre d’indices qui
permettent de se faire une idée de l’apparence du personnage, ou d’employer une
bande-son dédiée qui lui associe une tonalité2.
L’intérêt de la caractérisation directe est de poser immédiatement une représentation
commune à tous les joueurs ; son inconvénient est de suspendre un moment l’interac-
tion ludique si elle est descriptive. Il est à noter que plus une description en caractérisa-
tion directe est détaillée, plus les joueurs risquent de l’interpréter de façon métaludique
comme signalant un PNJ important. L’intérêt de la caractérisation indirecte est qu’elle
ne suspend pas le jeu ; son inconvénient provient de la dispersion des informations, qui,
en fonction de l’attention des joueurs, risque de créer des représentations divergentes
du PNJ, ce qui peut ensuite se révéler source de malentendus. Un MJ manipulateur
peut très bien jouer sur les caractérisations pour tromper les réflexes de ses joueurs : s’il
veut introduire discrètement un PNJ majeur, il utilisera de préférence la caractérisation
indirecte ; s’il veut entraîner les joueurs sur une fausse piste, il pourra leur présenter un
PNJ secondaire dans une description détaillée en caractérisation directe.
Exemples
Les joueurs croisent un nain nommé Skeggiold le Fouisseur dans une auberge. La caracté-
risation directe du PNJ consistera, avant de traiter ses interactions avec les PJ, à en donner
la description suivante : « Plutôt râblé, Skeggiold a le teint couperosé et le nez rougeaud
du vieil alcoolique. La barbe mal peignée, le cheveu gras et terne, les ongles crasseux, il
porte des vêtements de grosse toile et un solide gilet de cuir. Son piolet de prospecteur
pourrait également lui servir d’arme de guerre. » La caractérisation indirecte du PNJ permet-
tra de commencer immédiatement à jouer les interactions avec les PJ, tout en glissant une
série de détails plus ou moins descriptifs au fil des échanges. Ainsi, « en raison de sa petite
taille, Skeggiold se hisse sur un siège, mais la chaise craque de toutes ses chevilles sous son
poids » ; il pourra jeter sans façon sur la table « un piolet de prospecteur qui porte des taches
suspectes et aurait pu servir à fendre autre chose que des cailloux » ; plus tard, comme le
nain écluse sec au cours de la conversation, le MJ peut glisser que cela « explique son teint
couperosé et son nez rougeaud de vieil alcoolique » ; des personnages assis à côté de lui
peuvent être incommodés par « l’odeur de sébum exhalée par sa barbe mal peignée et ses
cheveux gras » ; quand il s’agit de payer son écot, Skeggiold sort une bourse de « son solide
gilet de cuir » et pousse quelques pièces sur la table « de ses doigts aux ongles crasseux ».
154
La question des discours rapportés : comment donner la parole
aux PNJ en cours de partie ?
C’est un axe d’autant plus essentiel que le JdR repose avant tout sur la conversation.
C’est à travers leurs échanges avec les PJ que les PNJ prennent vie.
Spontanément, MJ comme joueurs vont varier les modalités de discours rapporté,
souvent sans autre motif que la fantaisie du moment. Toutefois, en fonction des
buts narratifs ou dramaturgiques que l’on sert, certains discours rapportés sont
préférables à d’autres.
• Le discours direct donne la parole au personnage : il permet au joueur
d’incarner à la première personne le personnage de fiction. C’est le discours rapporté
le plus plaisant parce que le plus théâtral ; il nécessite en revanche plus d’efforts et
prend plus de temps que les autres types de discours rapportés, parce que l’interpré-
tation directe développe souvent tout le caractère phatique et expressif des échanges.
(La fonction phatique du langage rassemble tous les messages dont le but n’est pas
de transmettre de l’information mais d’établir et de maintenir la communication :
formules de politesse, échanges de lieux communs…)
• Le discours indirect permet au MJ (ou au joueur) de conserver une certaine
distance avec l’énoncé du personnage et de sélectionner ses propos les plus importants :
il nécessite beaucoup moins d’efforts d’interprétation, fait gagner du temps, mais
efface en grande partie le caractère du personnage.
• Le discours narrativisé, qui consiste pour le narrateur (c’est-à-dire pour le
MJ ou pour le joueur) à résumer le propos d’un personnage, n’est à employer qu’avec
parcimonie, dans le cadre de séquences de jeu intercalaires entre les scènes importantes
du scénario. Ce type de discours rapporté est intéressant parce qu’il permet de gagner
beaucoup de temps, mais il nuit à l’immersion dans l’univers de jeu.
• Personnellement, je déconseille vivement l’emploi du discours indirect libre
en cours de partie : parce que ce discours rapporté intègre directement les propos des
personnages dans la narration sans marqueur de parole ou d’énonciation, il est facteur
de confusion chez les joueurs qui ne distingueront pas forcément ce que les PNJ disent
de ce que le MJ raconte.
Le choix des modalités de discours rapporté n’est pas aussi anodin qu’il y paraît.
Savoir varier les types de discours, c’est maîtriser le rythme de la partie. « Skeggiold
PNJ
s’écrie qu’il a très soif » n’aura pas le même effet sur les joueurs que « Skeggiold s’écrie :
“Barbedienne ! Ce qu’il fait soif, dans cette taule !” » Dans le deuxième cas, en laissant
la parole au PNJ, en lui prêtant un propos coloré, un MJ incite davantage les joueurs
à renchérir et à ouvrir une séance de roleplay.
Dès que le MJ opte pour le discours direct, il peut jouer sur un certain nombre de facteurs
pour singulariser chaque PNJ. La création d’un phrasé spécifique à chaque personnage
donne un outil très efficace pour lui conférer de la présence. Au MJ de déterminer :
155
• la syntaxe du personnage (phrases non verbales, phrases infinitives, phrases
simples, phrases complexes) ;
• son niveau de langue (familier, courant, soutenu) ;
• son débit (lent, normal, rapide), ses idiosyncrasies (ou erreurs typiques
d’un individu) ;
• ses éventuels problèmes phonatoires (bégaiement, cheveu sur la langue,
enrouement, logorrhée) ainsi qu’un accent éventuel si le MJ peut en adopter. Un MJ
capable de combiner plusieurs de ces caractéristiques élocutoires parviendra à créer
une expression typée pour la plupart des PNJ, ce qui lui permettra au besoin de les
interpréter dans une conversation sans avoir à préciser qui prend la parole.
Conclusion
Les quelques axes évoqués dans cet article sont loin de former un système. Ils n’en
ont ni l’ambition, ni même l’exhaustivité. Très largement empruntés à la narrato-
logie, ils ont simplement pour objectif de formaliser quelques repères qui permettront
aux MJ de mieux conceptualiser des pratiques spontanées mais impensées. Le but
poursuivi n’est pas de proposer une grille fastidieuse de création et d’interprétation
des PNJ, mais plutôt de présenter des outils qui aideront à compenser telle ou telle
défaillance vécue pendant une partie. Car l’essentiel demeure ce qu’écrivait monsieur
de Beaumarchais : que le dieu du naturel nous garde de brouiller le plaisir du jeu avec
trop de règles et de théorie !
Fiche de synthèse
TYPOLOGIE DU PNJ
• Quels sont ses moyens d’action ? • Quel est son rôle dans l’intrigue ?
Personnage opposant
• Quelle est la nature de son conflit avec les PJ ?
• Quelles sont les actions hostiles qu’il va entreprendre, ses moyens d’action ?
• Quel est le niveau d’antagonisme de l’opposant ? Est-il timoré, résolu, intransigeant, fanatique ?
Personnage adjuvant
• Quelle est la nature de sa relation avec les PJ ?
Personnage figurant
• Quel est son archétype ?
ÉPAISSEUR DU PNJ
1. Quel est son nom, et quelles informations fait-on passer via ce nom ? (Caractère, origine,
réputation, position sociale, etc.)
PNJ
2. Quels sont les éléments marquants de son portrait physique ? Comment cette information
est-elle passée autour de la table ? (Interprétation marquée, caractérisation directe ou indirecte).
3. Quel est son tempérament global ? (Colérique, mélancolique, calme, jovial, etc.) Quelles
sont ses qualités, ses défauts, ses névroses ? Comment cette information est-elle passée
autour de la table ? (Interprétation marquée, caractérisation directe ou indirecte).
4. Quels sont les éléments de son passé en lien avec le scénario ? Comment les joueurs
peuvent-ils y avoir accès ?
157
5. Quel est, dans l’univers du jeu, le statut du PNJ, sa situation familiale, ses fonctions,
ses obligations, ses relations ? Où se situe-t-il dans la hiérarchie sociale ?
6. Quelles sont ses motivations, ses sentiments, ambitions, craintes, inhibitions, obligations ?
INTERPRÉTATION DU PNJ
Pour les dialogues, que choisissez-vous de privilégier ? Le discours direct, le discours indi-
rect, le discours indirect libre, le discours narrativisé. Pour quelles raisons ?
S’
il y a bien des problèmes auxquels la plupart des meneurs sont
confrontés, c’est bien ceux qui touchent à la linéarité et au dirigisme.
Mal gérés, ils peuvent transformer une partie tout à fait correcte en
véritable désastre. Cet article propose de s’attarder sur ces notions pour
comprendre ce qui les différencie, mais aussi pour savoir comment les aborder autour
d’une table de jeu, que ce soit pour les limiter ou en tirer profit, avant de détailler
toute une série d’astuces permettant de s’adapter à ce qui se passe pendant la partie.
Un numéro d’équilibriste
LINÉARITÉ
Mener implique de proposer des parties intéressantes aux joueuses en échange de leur
attention, et de tout mettre en œuvre pour maintenir leur intérêt. Peu importe que
celles-ci soient captivées par un enchaînement de scènes définies à l’avance ou par une
intrigue improvisée qui évolue constamment selon leurs interventions. Que vos idées
159
vous viennent d’un scénario issu du commerce, d’un film vu la veille1 ou d’une de vos
créations, cela ne les concerne finalement que très peu. Vous êtes le seul responsable de
ce que vous leur proposez et devez l’assumer, notamment en palliant les éventuels défauts
de votre matériau d’origine. Cela ne veut pas dire que vos joueuses n’ont qu’à se taire
et écouter, ou qu’elles ne sont pas autant actrices que vous dans l’histoire que vous vous
apprêtez à vivre, mais tant que le résultat fonctionne autour de la table et aussi longtemps
qu’elles sont captivées, nul ne trouvera rien à redire. Parallèlement, les joueuses ont aussi
une responsabilité envers vous : quel que soit leur état de fatigue ou la semaine qu’elles
ont passée, si elles sont autour de la table, elles se doivent d’être actives et attentives.
Ceci conduit à un paradoxe2 auquel sont confrontés tous les meneurs qui, dans la
mesure du possible, doivent concilier deux principes en grande partie antinomiques :
• respecter une des principales spécificités du JdR en donnant le sentiment aux
joueuses qu’elles « sont » leurs personnages et qu’elles sont libres de faire ce qu’elles
veulent tant qu’elles respectent l’intégrité du jeu (univers, règles, ambiance, etc.) ;
• proposer les bases d’une histoire (ou un cadre permettant d’en faire émerger une)
capable de susciter et de maintenir leur intérêt comme leur attention. Concrètement,
cela veut dire les surprendre tout en leur offrant une trame à la fois efficace et cohé-
rente, compréhensible, sur laquelle elles ont le sentiment de pouvoir agir. Impossible
de recourir à une simple esbroufe ou à un tour de passe-passe trop évident qu’elles
auraient tôt fait de démasquer. Par contre, rien n’empêche d’improviser en se servant
de ce qu’elles amènent en cours de jeu3 et de limiter ainsi son travail de préparation,
même si la partie sera toujours meilleure avec que sans.
1. À ce sujet, consultez également l’article « Adapter une œuvre pour en faire un scénario », p. 55.
2. Ce paradoxe est très proche de celui que M. Joseph Young a appelé « Le Truc impossible avant le petit-
déj’ », avec toutefois deux nuances importantes. D’abord, ici la question ne se pose pas en termes de
conflits de territoire entre meneur et joueuses. On cherche la meilleure façon de créer et de conserver de
l’intérêt. Ensuite, les différents modes de jeu décrits par Young (illusionnisme, participationnisme, etc.) sont
considérés dans cet article comme autant d’outils pouvant être parfaitement adaptés à la situation de jeu.
Pour plus de détails, voir : Young Joseph, Theory 101: The Impossible Thing before Breakfast, 2005, ptgptb.
org/0027/theory101-02.html, « Le Truc impossible avant le petit-déj’ », http://ptgptb.free.fr/0027/
th101-2.htm, pour la V. F.
3. À ce sujet, consultez également l’article « Improviser », p. 125.
160
La linéarité caractérise un scénario où les événements s’enchaînent sans que les per-
sonnages puissent dévier du chemin prévu. Tout est sur des rails et, après une scène
donnée, seule une autre peut lui succéder.
Dans un genre différent, le dirigisme est l’attitude d’un meneur qui, quelles que
soient les alternatives perçues par les joueuses, tente d’imposer la direction que va
prendre la suite des événements.
Concrètement, on peut très bien faire jouer de façon dirigiste un scénario ouvert, y
compris pour de bonnes raisons (comme éviter de louper le dernier métro), et on peut
adopter une attitude réactive sur un scénario dont l’intrigue est initialement linéaire,
notamment en restant à l’écoute des propositions de sa table ou en développant son
contexte1. Cette façon de faire, reposant sur une intrigue simple dopée par l’attitude
ouverte du meneur, est souvent la méthode la plus efficace.
Mais l’essentiel reste ce que les joueuses perçoivent de la partie. Si elles sentent que
leur liberté d’action est artificiellement limitée au-delà de ce qu’elles jugent raison-
nable, vous avez déjà échoué. Et même si vous n’en êtes pas la cause, cela reste votre
responsabilité. Après tout, si le scénario est mauvais, peu importe son origine : non
seulement c’est vous qui l’avez choisi mais surtout, personne ne vous a obligé à le
respecter à la lettre. De même, à quelques rares exceptions près, si les joueuses n’ont
pas pu discerner leurs moyens d’agir ou n’ont pas osé le faire, c’est sans doute que
vous avez mal jaugé la difficulté, oublié de vous adapter, ou ne leur avez pas rendu
les choses assez claires. Soyons honnête, il n’y a rien de plus dur pour un meneur que
de gérer une table passive. Mais son rôle est de maintenir l’intérêt des joueuses en les
surprenant et en faisant en sorte qu’elles comprennent à tout moment, sinon le fin
mot de l’histoire, au moins comment elles peuvent y participer.
Cela dit, si elles se plaignent de la linéarité d’un scénario, cela ne veut dire qu’une
chose de façon certaine : qu’elles ont voulu faire quelque chose et n’ont pas pu (ou cru
ne pas pouvoir le faire), et qu’elles pensent que cela est dû à une mauvaise raison. Le
plus souvent, elles l’attribuent soit à un autoritarisme mal maîtrisé, soit à une faiblesse
du meneur : incapacité à suivre, fainéantise, etc. Si l’on excepte les quelques cas où il
ne s’agit que de l’expression d’une mauvaise humeur ou d’une mauvaise foi passagère
(qui ne sont pas forcément négatives dans le sens où elles témoignent également de
l’attachement des joueuses à ce qu’il se passe en jeu), c’est le signal qu’il faut, outre se
remettre en question, davantage clarifier certains points : la toute-puissance perçue
d’un pouvoir, la capacité de nuisance insoupçonnée d’un PNJ, la gravité d’une situa-
tion et les enjeux ou les conséquences d’un choix…
Paradoxalement, le problème n’a rien à voir avec le fait d’aider ou pas les person-
LINÉARITÉ
nages. Il s’agit en réalité de savoir qui impose sa volonté à l’autre, et avec quelle dose
de subtilité ou de brutalité. Typiquement, pour de nombreux rôlistes, un compagnon
161
omnipotent ou un deus ex machina protégeant les personnages seront davantage perçus
comme de frustrantes pertes de liberté plutôt que comme des gestes de sympathie ou
des éléments légitimes du scénario. Dans le pire des cas, ils seront même considérés
comme des artifices grossiers démontrant l’impuissance du meneur à sauver sa partie,
souvent à raison. À l’inverse, une montée de la pression directement liée à leurs actes
ou décisions apparaîtra comme un défi plutôt que comme une agression.
Éloge de la linéarité
De l’autre côté de l’écran, imposer sa volonté à quelqu’un par la force porte, parmi
d’autres, un nom peu élogieux : le bourrinisme. D’une certaine façon, le dirigisme n’est
rien d’autre qu’une forme de bourrinisme appliquée par le meneur sur ses joueuses. Et,
comme le savent ces dernières, cela a parfois du bon.
Sans tomber dans l’excès, tout devient beaucoup plus agréable avec des objectifs
clairs, une visibilité réelle sur les moyens à sa disposition, quelques conflits lisibles et, à
défaut d’une implication préalable, une bonne connaissance du contexte. Ainsi, même
si une attitude ouverte est généralement plus intéressante qu’une posture dirigiste,
condamner cette dernière par principe revient à se priver d’un instrument parfois très
utile de la « boîte à outils des MJ ». Elle est une option à considérer lorsque :
• le temps manque ;
• on veut privilégier la simplicité et l’efficacité, notamment dans le premier ou
le dernier épisode d’une campagne ;
• la qualité d’une partie, loin de dépendre uniquement de l’intrigue ou du
sentiment de liberté des joueuses, repose sur d’autres éléments : interprétation, scènes
viscérales, ambiance, suspense, émotions, défis, découverte de certains aspects spéci-
fiques (de l’univers, des personnages, etc.) ;
• les joueuses commencent à perdre de vue la dynamique générale et ont besoin
de se recentrer ;
• elles ne savent pas gérer facilement la pression, la liberté ou leur propre ima-
gination. Surtout si elles ont tendance à craindre l’échec.
Dans la plupart des parties, il est important de réussir à concilier le sentiment de
liberté (dont ont besoin les joueuses) avec les avantages de la linéarité et du diri-
gisme (cohérence, efficacité, lisibilité…). L’idéal est généralement d’utiliser des trames
parallèles. Tandis que les joueuses sont guidées par l’une d’elles, plusieurs autres leur
permettent d’exprimer leur créativité. Il peut aussi s’agir de leur laisser le choix des
objectifs qu’elles se fixent ou des moyens de les réaliser, en évitant toutefois de cumuler
les deux car, contrairement à une idée reçue, préparer un scénario consiste autant à
briser le côté linéaire de certains passages qu’à l’accentuer dans d’autres.
162
Comment moduler la linéarité de son intrigue ?
Comme expliqué précédemment, à moins que les joueuses soient d’une passivité
qui frise l’irrespect, le meneur est seul responsable du degré de liberté laissé à ces
dernières lors d’une partie. Ainsi, s’il estime que la base de son intrigue n’est pas assez
ouverte ou, au contraire, pas assez directive et donc probablement trop difficile, il lui
appartient d’en adapter la linéarité. Ceci est d’autant plus important que s’il existe
dans le commerce nombre de très bons scénarios, rares sont ceux qui multiplient les
approches et solutions, faute de place le plus souvent.
Pour ne pas se retrouver prisonnier de son scénario, le MJ dispose de trois
options principales :
• ne pas le faire jouer. Même si cela représente souvent une préparation accrue,
surtout en campagne, on a souvent tendance à oublier que cela reste un choix aussi
légitime que les autres ;
• compenser ses lacunes par une préparation accrue ;
• réagir en jeu et improviser pour réussir à retomber en permanence sur ses
pattes (voir ci-dessous).
Adapter un scénario…
Naturellement, il est souhaitable de cumuler adaptation en amont de la partie et
improvisation durant cette dernière, surtout si les deux démarches sont menées de façon
complémentaire. Voici quelques éléments relatifs à la préparation d’une session de jeu.
163
• les PJ sont attaqués par des troupes impériales en surnombre. À vous de
leur donner suffisamment de corps et d’avoir du répondant face à leurs réactions.
Récompensez leurs idées en permettant de sauver des alliés, de vaincre des adversaires
hors de combat ou par la destruction d’un ennemi coriace (comme un quadripode) ;
• ils doivent fuir. Assurez-vous qu’ils veulent le faire, voire qu’ils en prennent
l’initiative, et donnez-leur les moyens de quitter l’endroit où ils se trouvent. S’ils
optent pour la dissimulation, rajoutez des déchets largués par un croiseur. S’ils pré-
fèrent les sensations fortes, lancez une capture puis une exploration dudit croiseur ou
une course-poursuite dans un champ d’astéroïdes…
• ils réussissent à s’échapper, mais s’aperçoivent que leur vaisseau nécessite
des pièces de rechange. Ils sont reçus comme des rois là où ils cherchent à s’en
procurer. Mais, alors qu’ils profitent de l’accueil…
• ils sont piégés par leur Némésis. C’est l’occasion pour les PJ de tout donner
et de briller avant un grand final ou un éventuel cliffhanger.
Même si les transitions peuvent apparaître artificielles à la lecture, intercaler des
scènes prenant réellement en compte les désirs des joueuses suffit à les dissimuler sans
grand effort. Vous pouvez les laisser exprimer leur créativité : vous savez exactement de
quel élément vous avez besoin, la prochaine transition, et vous avez tout votre temps
pour l’obtenir. En restant ouvert sur le reste, la partie devient plus intéressante pour
tous. En effet, même le meneur finit par s’ennuyer s’il ne donne pas aux joueuses la
possibilité de le surprendre.
164
Numéro et titre
Prérequis : Débouchés :
Enjeux :
Les PJ peuvent :
Vous distinguerez alors plusieurs types de scènes risquant de poser problème :
• celles qui n’apportent aucun élément indispensable à l’intrigue ou aux per-
sonnages. Elles servent habituellement à présenter certains aspects du monde, à insérer
des passages d’action ou à introduire une séquence plus centrée sur les émotions. Le
plus souvent, vous pouvez vous en dispenser en distillant, par exemple, vos informa-
tions sur le décor ou les motifs d’émoi au sein d’une scène principale. Contrairement
à une idée reçue, multiplier à outrance les scènes inutiles ne brise en rien la linéarité
d’un scénario. Très rapidement, cela rend juste la partie plus longue et plus pénible ;
• les scènes qui dépendent d’un élément unique, ou d’une combinaison de
conditions difficiles à obtenir en jeu. Vous risquez dans ce cas de devoir rajouter des
éléments « flottants » (voir ci-dessous) ;
• les scènes qui ne peuvent déboucher que sur une seule autre scène. Elles ne sont
pas toujours à proscrire, mais il vaut mieux utiliser un peu de poudre de perlimpinpin
– typiquement une diversion (voir ci-dessous) – pour que la transition soit indolore ;
• les scènes n’offrant de marge de manœuvre ni sur les objectifs ni sur les moyens.
Celles-ci sont à éviter comme la peste : trouvez un moyen de les rendre intéressantes
en rajoutant plus de possibilités sur un de ces deux points. Inversement, une scène qui
laisse toute liberté aux joueuses sur ces deux niveaux a de fortes chances de ne pas être
claire, et donc de manquer d’efficacité et de dynamisme.
165
de dresser une petite liste de situations (un personnage qui doit, par exemple, choisir
entre son « clan » et ses compagnons), mais vous pouvez aussi semer des « graines »
destinées à provoquer ces situations : prises de position en public difficiles à tenir par
la suite, armes magiques puissantes mais néfastes pour les intérêts ou les valeurs du
groupe sur le long terme, petits secrets qui entraînent un engrenage infernal, etc. Vous
pouvez également arriver au même résultat en jouant sur les émotions de votre choix1 ;
• des scènes de diversion, avant tout conçues pour prendre les joueuses aux
« tripes » – si possible avec la musique associée – et reliées à d’autres passages de votre
scénario, que vous pouvez déclencher quand bon vous semble afin de capter l’attention
des joueuses et les empêcher de se sentir trop « limitées » : courses-poursuites, combats
sur des toits ou des surfaces verticales, décors mobiles ou en train de s’effondrer, etc.
Essayez de prévoir à chaque fois un ou deux défis particuliers pour les PJ ;
• des noms de PNJ correspondant à l’ambiance voulue2, complétés si possible
par leur âge, un éventuel mot-clé définissant leur concept et une attitude de base vis-
à-vis des PJ, par exemple représentée par un smiley ;
• des rencontres ou petites saynètes. Prêtes à être insérées sur le pouce, elles vous
permettront d’introduire de nouveaux éléments au scénario ou de réfléchir au moyen
d’utiliser les propositions des joueuses ou de canaliser leurs personnages.
166
S’adapter durant la partie1
Bien sûr, il est impossible de tout prévoir. Des joueuses parviendront toujours à s’en-
fermer là où vous pensiez que ce n’était pas possible et d’autres réussiront à trouver des
sorties à vos souricières. Aussi, voici une compilation de quinze astuces relativement
connues qui seront tout de même très utiles pour moduler la linéarité de vos parties,
à la fois pour l’atténuer et pour recentrer les choses quand cela s’avère nécessaire.
qu’elles veulent jouer), et cela ne vous empêchera pas de faire ce que vous aviez prévu.
167
Une joueuse confrontée à un ennemi qu’elle a elle-même « créé » devrait avoir bien
plus de mal à vous trouver dirigiste, mais ce serait oublier le principal avantage de cette
méthode : les contributions elles-mêmes, qui vous sauveront régulièrement la mise.
5. Corollaire du point précédent, acceptez (presque) systématiquement les
propositions des joueuses, sans chercher en priorité à retomber sur vos pattes.
Demandez-vous d’abord comment construire quelque chose d’intéressant autour.
Il n’y a presque jamais de situation impossible à rétablir, de tyran tué trop tôt dont
un des sbires ne peut prendre la place, de secret connu par une seule personne, etc.
Désarçonnez-les !
Même si vous êtes clair et que vous prenez en compte ce que disent les joueuses,
il vous faudra les surprendre pour conserver leur attention durant toute la partie.
Que ce soit en mettant en place des événements auxquels elles ne s’attendent pas ou,
plus simplement, en suscitant du jeu entre elles.
6. Déséquilibrez les personnages lors de la création, et jouez dessus. Bien que
la plupart des systèmes poussent à faire l’inverse, toute différence (de niveau, de statut
social, de groupe ethnique, etc.) permet de créer du jeu et de développer les relations
à l’intérieur du groupe. En accentuant ces différences au fil des parties, vous attirez
l’attention des joueuses sur autre chose que la complexité de l’intrigue et leur fournissez
autant de scènes a priori divertissantes auxquelles elles devront réagir.
7. Cassez des choses. Si possible celles que les joueuses tiennent pour acquises,
soit parce qu’elles y sont attachées, soit parce qu’elles pensent qu’elles font partie de
leurs personnages. Forcez-les à s’adapter. Vous n’avez pas besoin que ce soit définitif,
mais brutal et soudain. Et cassez également ce que vous avez mis du temps à construire
vous-même. Si les personnages voient un PNJ monter en puissance au fil des parties et
pensent qu’il va, par exemple, retrouver son trône légitime, n’hésitez pas à le tuer ou à
en faire un méchant juste avant qu’il n’accomplisse ce que tout le monde attend de lui.
8. Inversez les rôles. Prenez une chose positive pour les personnages (un PNJ,
leur place dans la société, un objet, etc.) et faites-en quelque chose de négatif. Au même
moment, prenez quelque chose de négatif de même ampleur et faites-en quelque chose
de positif. Laissez les joueuses comprendre cette nouvelle donne, en tirer les enseigne-
ments et s’adapter. Par exemple, faites leur apprendre par celui qu’elles pensaient être
leur pire ennemi que leur mentor les a trahies.
9. Utilisez les habitudes des joueuses contre elles. Cela vaut à la fois pendant
la partie où vous pouvez, par exemple, jouer sur les clichés ou répéter une même
situation deux fois avant de la changer spectaculairement, et hors-jeu en faisant par
exemple semblant d’inventer le nom d’un PNJ pour surprendre vos joueuses qui ne
pourront s’empêcher d’en tenir compte1.
168
10. Alternez les charges. À moins que vous ne vouliez faire ressentir un effet
d’accumulation positive ou négative, préférez terminer sur une défaite ou une note
triste une scène qui a bien commencé, et inversement. Malgré la simplicité grossière
de ce procédé, cela reste le moyen le plus efficace de conserver des rebondissements et
du rythme durant toute une partie, en évitant de décourager ses joueuses et de ruiner
leur implication avec un style trop permissif.
Recentrez la partie
Enfin, comme expliqué précédemment, il est parfois bon de limiter en douceur les
possibilités offertes aux joueuses afin d’éviter que la partie ne perde en efficacité et en
intensité. Il s’agit bien de les orienter et de restreindre leur liberté, mais avec l’objectif
bienveillant de les remettre en mouvement lorsqu’elles s’enlisent.
11. Jouez la montre. Si elles prennent leur temps et tergiversent en oubliant
d’avancer, trouvez un prétexte en jeu (bombe, retour du supérieur, aube précédant
la bataille, etc.) et passez en temps réel. Sans que vous ayez à intervenir, elles se
chargeront elles-mêmes de faire tout ce qui est nécessaire pour relancer la partie
(ce qu’elles auraient pu ressentir comme de l’ingérence si l’effort était venu de
votre côté de l’écran).
12. Ne dites pas les choses, montrez-les. Et mieux, faites-en des récompenses1.
Même si les joueuses ont besoin d’un coup de main, évitez le plus possible de donner
des indices hors-jeu, de demander un jet de dés ou de faire intervenir un PNJ sans
autre raison apparente que la transmission d’une information-clé pour la suite du
scénario. Personne n’est dupe. Par contre, n’hésitez pas à faire en sorte que le PNJ
montre presque la solution, ou que le jet ait l’air légitime, ou intervienne finalement à
la demande d’une joueuse. Si les joueuses ont l’impression d’avoir « gagné » un indice,
surtout si elles pensent qu’il était difficile à obtenir ou qu’il est dû à une idée ou une
déduction ingénieuse, elles s’en serviront de façon presque automatique. Mieux, elles
se féliciteront de l’avoir obtenu au lieu de vous reprocher de le leur avoir montré.
Les scénarios soi-disant infaisables, c’est fini.
13. Multipliez les indices. Presque identique à la précédente et au principe des
indices flottants, cette astuce consiste à toujours prévoir au moins trois façons de
récupérer une information-clé. Cela permet de s’assurer que les joueuses ne passent pas
à côté, mais cette technique vous aidera surtout à aiguiller habilement les déductions
de votre groupe une fois l’information trouvée.
14. Ne laissez pas un échec (ou une réussite) mettre fin à une séquence de jeu
que vous voulez voir arriver à son terme. Fondamentalement, un mauvais jet de dés
LINÉARITÉ
n’est que le signe d’une bifurcation dans la progression de l’histoire. Rien de plus. Si
un personnage échoue, ne résolvez pas l’ensemble de sa tentative mais, au contraire,
169
profitez-en pour rajouter une complication ou une péripétie et donc, de la tension et
du suspense. Par contre, continuez dans la direction dans laquelle vous étiez lancé.
Ainsi, un personnage loupant un jet de Discrétion peut par exemple se faire remarquer
par un autre cambrioleur, ou par un garde qui ne pourra pas donner l’alarme s’il est
pris de vitesse. Et il faudra encore que le PJ trouve un moyen de cacher le corps…
15. Enfin, envoyez les ninjas ! Ficelle plus qu’éculée quand il s’agit de redyna-
miser une partie, l’arrivée inopinée d’un groupe d’opposants permet, certes, de faire
jeter quelques dés, mais aussi et surtout de remettre les personnages sur la voie en leur
donnant quelqu’un à interroger ou une nouvelle indication. En variant les interven-
tions des PNJ (assassins, négociateurs, foule manipulée, etc.) et de leurs cibles, vous
multiplierez d’autant les informations que vous communiquerez aux joueuses et qui
pourront les remettre dans le sens du courant.
CONCLUSION
Comme vous avez pu le voir, la linéarité et le dirigisme sont loin d’être systémati-
quement mauvais. Même si on entend beaucoup plus parler de cet excès, le manque
de liberté est aussi problématique que le fait de ne pas avoir d’angle d’attaque ou de fil
rouge. Aussi, si vous ne devez retenir qu’une chose de cet article, c’est que la marque
d’un meneur au point sur cet aspect de la maîtrise n’est pas uniquement de savoir
briser la linéarité ou d’éviter le dirigisme. Il faut savoir les moduler pour s’adapter
à ce qui se passe autour de sa table. Ainsi, il sera aussi souvent nécessaire d’offrir de
nouvelles options aux joueuses que de les recentrer. Pour toutes ces situations, il existe
des outils et il est plus efficace d’apprendre à les connaître et à les utiliser selon ses
besoins, plutôt que de s’en priver à cause de tel ou tel a priori. Quoi qu’il en soit, que
votre intrigue soit scriptée ou improvisée, donnez toujours l’impression à vos joueuses
d’avoir réussi à accomplir quelque chose durant la partie : apprenez à conclure.
Fiche de synthèse
Fiche de scène
Numéro et titre :
Prérequis : Débouchés :
Enjeux :
Les PJ peuvent :
• Listez les prérequis, les débouchés, les enjeux et les moyens d’action (fiche de scène).
• Cherchez celles qui :
* ne semblent servir à rien : trouvez-leur une utilité ou enlevez-les ;
* sont difficiles à obtenir : rajoutez des « semi-pistes » (voir l’article
« Passer du scénario à la campagne », p. 317) ;
* ne peuvent déboucher que sur une scène unique : soignez la transition ;
* n’offrent pas de prise sur les objectifs ou les moyens : retravaillez-les
pour que les PJ aient la main sur les premiers ou les seconds.
171
Comment s’adapter durant la partie ?
Désarçonnez-les.
Recentrez la partie.
U
n combat est une scène (presque) comme une autre.
C’est une vérité que l’on a souvent du mal à admettre autour d’une table
de JdR. En effet, il n’est pas rare que dès qu’un combat commence, les per-
sonnages passent du statut d’alter ego des joueurs à celui de pions sur un échiquier
– avec toute la distanciation et la perte d’immersion narrative qui en découlent. Cela
s’explique de bien des façons : héritage du wargame dont descend le JdR (et où les
« personnages » sont, sauf cas exceptionnel, des unités moins investies par l’affect du
joueur), nécessité de se concentrer sur les règles car la vie des PJ est mise en jeu,
MJ considéré comme adversaire car interprétant les ennemis des personnages, etc.
Pourtant, un combat doit être considéré à l’égal des autres scènes qui composent le
reste du scénario : il participe pleinement à l’ambiance de la partie, s’inscrit dans la
narration globale et offre autant – si ce n’est même plus – d’opportunités d’interpréter
son personnage durant un moment chargé en tension.
173
Le type peut bien sûr avoir été décidé à l’avance (si le combat est prévu explicitement
dans le scénario) ou être rapidement choisi au moment où il survient.
Typologie du combat
Souvent, le type du combat est naturellement défini par sa place dans le scénario
(entrée en matière, climax…) et le MJ ne pense pas forcément à le préciser – ne serait-ce
que pour lui-même.
Cela peut pourtant lui être utile pour le mener à une réflexion plus approfondie :
ce combat arrive-t-il au bon moment de la partie, compte tenu de son type ? Quelle
adversité prévoir en fonction de ce dernier ? S’il faut improviser une altercation à tel
moment, de quoi a-t-on le plus besoin ?
Ainsi, les combats et leur enchaînement pourront s’intégrer harmonieusement à la
logique du scénario – et mieux, y participeront pleinement –, que ce soit du point de
vue narratif, ludique, interprétatif, etc.
Voici une liste (forcément non exhaustive mais recouvrant sans doute la majorité
des possibilités) des types de combat.
Combat récréatif
Il s’agit d’un affrontement sans grande conséquence, principalement destiné à per-
mettre aux joueurs de se défouler. Un tel combat est souvent utilisé pour évacuer la
tension ou la frustration, mais aussi pour valoriser les personnages qui se déferont
aisément de leurs adversaires.
De plus, une partie de JdR peut être longue et l’ennui rôde parfois autour de la table
(par exemple durant une enquête qui ne progresse pas) : quand les joueurs piquent
174
du nez, provoquer un combat peut les ragaillardir efficacement ! Le MJ trouvera une
justification plus tard : le but est ici de réveiller l’attention de son groupe – si cela
peut sembler artificiel, c’est un ressort efficace qui peut en bonus donner des idées de
développements futurs.
La bagarre d’auberge est un combat récréatif classique : qu’ils en soient ou non les
déclencheurs, les personnages se retrouvent pris dans la mêlée générale d’une bonne
rixe (remplacer auberge par bar, cantina ou saloon suivant le contexte de la partie). Pas
de risques réels, c’est donc le moment idéal pour se passer les nerfs de façon ludique.
Un combat récréatif doit ainsi être mené avec rythme et mettre l’accent sur une
certaine légèreté. Étant donné les faibles enjeux en général et l’objectif assumé de
rompre avec l’ennui, mieux vaut ne pas le faire durer trop longtemps (utiliser une règle
relative aux mooks est un bon moyen d’accélérer la résolution, voir encadré suivant) :
il doit rester une parenthèse dans la partie, quand bien même il amène d’autres déve-
loppements par la suite.
Les mooks
Le terme mook désigne des adversaires peu dangereux, qui puisent leur force dans leur
nombre – un groupe d’orcs, une bande de mafieux, une escouade de Stormtroopers…
L’intérêt de ces mooks est de fournir une opposition mineure aux personnages, qui par-
viennent à se débarrasser de plusieurs d’entre eux en une seule attaque. Ils sont donc les
antagonistes idéaux à utiliser pour un combat récréatif : peu menaçants mais nombreux,
ils permettent aux personnages de briller et de se défouler à moindres frais.
De nombreux JdR intègrent une règle pour traiter ce genre de PNJ : citons Les Secrets
de la Septième Mer1 ou Qin. Voici deux exemples sur la façon d’intégrer des mooks dans
un système de jeu :
• un mook est mis hors de combat en un coup. Dès lors que le personnage réussit
son attaque, un de ces adversaires mineurs est défait – il ne reste plus qu’à s’occuper
des dix autres !
• un groupe de mooks possède autant de points de vie que le nombre de ses membres.
Ainsi, une attaque réussie d’un personnage fera diminuer ce groupe d’un mook pour
chaque point de dégât infligé.
1. Figueroa Marcelo Andres, Kapera Patrick, Pinto Jim, Soesbee Ree, Vaux Rob et autres, 7th Sea, Player’s
Guide, Alderac Entertainment Group, Ontario, 1999.
COMBATS
175
Combat pédagogique
Le combat pédagogique est utile lorsque la table adopte un nouveau JdR1 : mettre en
scène un affrontement est une façon de se frotter au système de combat, souvent plus
complexe que le reste des règles. Ce genre d’altercations peut également servir après
que les personnages ont progressé : ils ont acquis de nouveaux pouvoirs, techniques ou
talents martiaux, le meilleur moyen d’en voir les effets est de les essayer en conditions
réelles ! Cela permet également au MJ de constater directement le degré d’augmenta-
tion de la puissance des personnages – et d’adapter son opposition en conséquence.
En général, durant un tel affrontement, le rythme est ralenti afin que MJ et joueurs
puissent assimiler les règles, se référer au livre en cas de souci, s’assurer que chacun com-
prenne la mécanique utilisée, etc. Bien que cela ait des chances de briser un peu l’immer-
sion narrative, l’avantage est d’intéresser au système de jeu et c’est alors un investissement
à long terme : les combats suivants seront plus fluides et les joueurs s’y impliqueront
d’autant plus qu’ils auront compris comment lier technique et interprétation.
Un combat pédagogique peut se rapprocher du combat récréatif : à la fonction nar-
rative de celui-ci s’ajoute alors celle de mesurer les progrès des personnages. C’est typi-
quement la scène de Matrix où Neo affronte Morpheus après avoir appris le kung-fu !
Combat évaluatif
Tout affrontement n’a pas pour but d’éliminer son adversaire. Parfois, « on ne
connaît quelqu’un que lorsqu’on l’a combattu » – un adage typique chez les artistes
martiaux. On retrouve d’ailleurs ce genre de combats dans de nombreux films de sabre
chinois, et Matrix Reloaded y rend hommage au cours de la scène où Neo affronte
Seraph afin de rencontrer l’Oracle.
Pour les joueurs, l’intérêt est de mesurer leur propre force ou celle d’un PNJ.
• Si ce PNJ est un adversaire, c’est le moment de déceler ses points forts et
points faibles en vue d’un prochain combat – plus sérieux. Par exemple, à la fin du
premier acte d’un scénario, on pose d’emblée le grand méchant comme un opposant
d’une puissance surpassant celle des personnages. Puis, durant le deuxième acte, en le
rencontrant à nouveau, les personnages constatent leurs propres progrès et lui tiennent
tête un peu plus longtemps. Pour enfin, à la fin du dernier acte, le combattre quasi-
ment sur un pied d’égalité – ou en ayant si bien préparé cet affrontement final en toute
connaissance de ses forces et faiblesses que l’écart de force est comblé.
• Si ce PNJ est un allié potentiel, il est alors utile de savoir s’il sera à la
hauteur de ce que le groupe peut attendre de lui. On rencontre aussi ce genre de
combats lors des tournois (d’arts martiaux, de chevalerie) où ils sont également
un moyen de briller socialement.
176
Blessures non létales
Certains jeux permettent de n’infliger que des blessures contondantes durant un combat,
de retenir ses coups afin de ne pas tuer sur un jet de dés malheureux (ou trop heureux !).
De telles règles sont idéales pour un combat évaluatif – dont le but n’est pas de tuer mais
de prendre la mesure de son vis-à-vis, tout en remportant une victoire si possible écla-
tante. Mais elles peuvent également servir pour un combat récréatif, si vous souhaitez
éviter que ses séquelles handicapent les personnages pour le reste du scénario.
Voici deux exemples de ce genre de règles afin de les intégrer à un système de jeu :
• outre ses points de vie, le personnage dispose d’une jauge (points de stress,
points de fatigue, etc.) qui diminue lorsqu’il reçoit des dommages bénins et qui
remonte aisément ;
• les dégâts subis sont temporaires (représentant des contusions plus que des plaies
ouvertes) et s’estompent après une heure de repos.
Combat paroxystique
Le combat paroxystique est censé constituer un pinacle, un évènement qui n’a rien
d’anodin – il ne faut donc pas en faire le mode par défaut afin de ne pas amoindrir son
impact. Une simple bande de malandrins qui en veulent à la bourse des personnages
vont préférer fuir dès le premier sang versé que de combattre jusqu’au dernier (dès
qu’une moitié de ses membres est mise hors de combat, les autres décampent) ! De la
même façon, des personnages un peu sagaces feront retraite si l’issue d’un affronte-
ment leur semble fatale au vu des forces en présence (si un ou deux personnages sont
gravement blessés ou déjà hors-jeu, les survivants devraient penser à fuir).
Ici, il ne s’agit plus de se défouler gratuitement ou de tester la force de l’ennemi :
il faut jeter toutes ses forces dans la bataille car le risque est réel – mourir, ne pas
réussir à sauver un proche, perdre un avantage décisif (allié, objet important…), ne pas
empêcher le grand méchant de mettre en marche sa machine infernale, etc. La victoire
dans un tel combat n’est pas nécessairement la mort de l’adversaire : ce peut être de
le pousser à se rendre (juger un criminel est souvent plus important que simplement
l’éliminer) ou lui faire comprendre ses erreurs et déclencher sa rédemption – pour le
voir devenir un allié pour la prochaine campagne !
Ce type de combat doit donc être réservé à un climax, un sommet dans la tension
dramatique du scénario. C’est souvent là qu’il faut rendre les choses personnelles1 :
l’ennemi a tué un proche d’un personnage – voire l’ennemi est un proche d’un per-
sonnage : « Je suis ton père ! ». Le MJ doit donc utiliser toutes les ressources de ses PNJ
pour combattre les personnages, il doit tirer parti de leurs faiblesses (apprises durant
177
des combats évaluatifs précédents) : en bref, ne leur faire aucun cadeau ou, du moins,
s’assurer de donner cette impression aux joueurs. Car à vaincre sans péril, on triomphe
sans gloire – ils n’apprécieront que plus une victoire obtenue dans les larmes et la
douleur, et une défaite subie dans les mêmes conditions attisera leur envie de revanche.
Si malgré tout cela le personnage devait succomber, il faut alors mettre sa mort en cor-
rélation avec l’ambiance de l’univers : dans un jeu dur et sans pitié (Within1 ou L’Appel de
Cthulhu), cette ultime défaite devrait être presque anonyme, un simple évènement sur
lequel on ne s’attarde pas ; dans un jeu plus héroïque (Star Wars ou Spirit of the Century2),
il faudrait au contraire que périr ait un sens (le personnage emporte son adversaire dans
la mort, le blesse suffisamment pour qu’un allié l’achève, le retient pour permettre à ses
camarades de battre en retraite). Dans La Communauté de l’Anneau, Boromir ne trépasse
qu’après avoir couvert la fuite de Frodon en éliminant une bonne quarantaine d’Uruk-hai !
Interrompre un combat
Parfois, la mort de l’un ou l’autre protagoniste n’est pas l’issue recherchée ou idéale pour le
scénario – et ce même dans le cas d’un combat paroxystique. Il faut alors que le MJ ait à
disposition des solutions pour interrompre ou conclure l’affrontement d’une autre manière.
1. Attinost Benoît, Larré Jérôme, Within, Les Écuries d’Augias, Saint-Étienne, 2011.
2. Balsera Leonard, Donoghue Robert, Hicks Fred, Spirit of the Century, Evil Hat Productions, Silver Spring, 2006.
178
• Fuite : les joueurs y pensent rarement mais lorsque le combat devient trop corsé,
c’est peut-être qu’il vaut mieux opter pour une retraite. De la même façon, si le grand
méchant perd tous ses hommes de main et risque de succomber à son tour, il sacrifiera ses
derniers gardes du corps pour couvrir sa fuite – et revenir plus tard prendre sa revanche.
• Être capturé : plutôt que de mourir, se rendre ou se constituer prisonnier sont deux
bons moyens de survivre plus longtemps. La suite de l’aventure mettra alors en scène un
plan d’évasion et des séances d’interrogatoire plus ou moins agréables… Pour un méchant,
se laisser prendre est l’occasion d’introduire le ver dans la pomme et de détruire le groupe
de l’intérieur – à la manière de Loki dans Avengers ou de Khan dans Star Trek, Into Darkness.
179
Ainsi, du point de vue diégétique 1, on cherche toujours à atteindre un certain
objectif : tuer un adversaire précis, s’emparer d’un objet, capturer un ennemi, faire
diversion, empêcher l’opposant d’atteindre son propre objectif, tenir une position, etc.
Du point de vue extradiégétique, une scène de combat aura comme fonction nar-
rative d’introduire un nouvel ennemi et de le présenter dans l’action, de délivrer des
indices pour la suite, de poser une ambiance, de faire progresser l’intrigue, etc.
• le combat doit être mené discrètement afin de ne pas réveiller les gardes ou attirer
l’attention de la patrouille urbaine ;
• il faut libérer des otages et donc éviter que les adversaires les exécutent ou qu’ils
se prennent une balle perdue ;
• l’objectif est de briller auprès d’un recruteur ou commanditaire potentiel – par exemple,
durant un tournoi de chevalerie ou en défaisant les gardes du corps qui le protègent ;
• l’adversaire doit être capturé (en vue d’un procès, parce qu’il connaît une informa-
tion cruciale…) et non tué, mais lui se bat pour faire couler le sang.
1. À l’intérieur de l’univers. Ici les objectifs sont donc ceux des personnages.
180
• Une bagarre d’auberge de prime abord anodine a en réalité été déclenchée par
un ennemi des personnages, présent par hasard sur les lieux. Grâce à cette altercation,
il peut les voir à l’œuvre et observer leur façon de combattre. Ici, les PJ ont juste pour
objectif de s’amuser et d’éviter trop de bleus, tandis que le but de leur mystérieux
adversaire est de réunir des informations sur eux. Les joueurs prennent pour un com-
bat récréatif ce qui est en réalité un combat évaluatif – et les personnages ne pourront
le comprendre qu’en s’apercevant de la présence de leur ennemi dans l’auberge. La
fonction narrative, pour le MJ, est de justifier le fait que cet adversaire soit en mesure
de mettre en difficulté les personnages dans de prochains combats – ou leur envoie
des opposants adaptés à leurs talents.
Le MJ doit donc utiliser au mieux tous les outils précédemment présentés pour
inscrire les affrontements dans son scénario : ce sont des scènes qui apportent au récit
autant que les dialogues ou les enquêtes. Elles ont leur propre logique interne, et celle-ci
doit s’articuler avec celle de l’histoire narrée par la table.
Bien déterminer le type d’un combat, fixer les objectifs de chaque protagoniste et lui
assigner une fonction narrative contribue ainsi à renforcer l’implication dans la partie
sur tous les plans – technique, narratif, interprétatif…
Scripter un combat
Comme toute autre scène, un combat peut se scénariser. Bien sûr, ce qui s’y déroule
dépend en grande partie des joueurs et des aléas imposés par les règles (comme
dans n’importe quelle autre scène, serait-on justement tenté de dire…), mais cela
ne signifie pas que le MJ doive perdre de vue la narration pour se contenter du rôle
d’adversaire des personnages.
Décrire !
Cela semble évident mais bien souvent, concentrés qu’ils sont sur les jets de dés et leur
interprétation, MJ et joueurs oublient de rendre le combat vivant par manque de des-
cription1. En effet, durant un affrontement, chaque protagoniste répète peu ou prou les
mêmes actions : attaquer, se défendre, se déplacer. Le but est d’habiller ces actions
souvent semblables afin qu’elles apparaissent différentes pour les joueurs.
Il faut donc raconter ce que font personnages et PNJ pour mettre en scène leurs actions
avec dynamisme et inventivité, afin de susciter dans l’imagination de chacun une scène
mémorable. Une action technique simple (comme frapper) s’accompagne d’une description
qui lui confère un cachet unique, en cohérence avec l’esprit du jeu et le type du combat.
181
• Si le combat est plutôt récréatif, dans une ambiance pulp, les joueurs peuvent se
lâcher et en rajouter en mettant le décor à profit. Un simple « j’attaque » devient « je
bondis sur la table de l’auberge et donne un grand coup de pied dans les assiettes et
verres, qui vont heurter le visage de mes adversaires. »
Utiliser le décor
La mise en scène du combat devrait s’appuyer sur le décor où il se déroule : le MJ
maîtrise ainsi l’espace où prend place l’affrontement.
C’est un élément très important, car décrire un décor ou un autre évoque immédia-
tement des images fortes dans l’esprit des joueurs, c’est donc un outil puissant que le
MJ ne doit pas sous-estimer. En effet, l’endroit où a lieu le combat peut conditionner
le déroulement de celui-ci, la façon dont les personnages vont s’y battre, les descrip-
tions qui seront faites, etc.
Selon le terrain, le MJ peut introduire des éléments (bonus ou malus à certains jets,
possibilités d’accomplir des actions pour les personnages ou les PNJ…) qui traduisent
en termes de règles et de narration les impératifs et opportunités du décor.
Afin de créer rapidement l’ambiance voulue, le MJ peut se contenter de décrire le
décor de la scène de combat de façon succincte, en s’appuyant sur de tels mots-clés :
l’imagination des joueurs fera le reste ! Mais il peut également aller à rebours des
attentes induites lorsqu’il nomme le lieu de l’affrontement : une auberge étrangement
déserte (même le patron n’est pas là) ou un entrepôt inoccupé où sont pourtant stoc-
kés des containers récents (que contiennent-ils ?) créent un contraste qui frappera tout
aussi bien l’esprit des joueurs.
Voici quelques exemples de décors décrits par mots-clés et éléments techniques
induits typiques.
182
Décor Mots-clés Éléments techniques
183
Faut-il utiliser un plan des lieux du combat ?
Un jeu comme Feng Shui1 déconseille de le faire : un plan limiterait l’imagination des
joueurs. Et en effet, si le but est que les personnages puissent interagir au maximum
avec les éléments du décor, mieux vaut ne pas trop le figer et permettre ainsi aux joueurs
de l’agrémenter en fonction de leurs propres idées. Cette façon de faire convient assez
bien aux jeux pulp, où l’important est de décrire la scène la plus amusante et cinémato-
graphique possible.
Mais en fonction de l’enjeu du combat, il peut être tout aussi intéressant de dessiner un
plan des lieux. Cela permet d’instiller une certaine tension en faisant du décor lui-même
un élément de danger, foisonnant de mystères : qu’y a-t-il après cette porte ? Un ennemi
se dissimule-t-il derrière cet angle de mur ? Animer un combat de cette manière est
souvent l’apanage de jeux au système de combat tactique, dont le plus célèbre est D&D.
Péripéties et rythme
La plupart des systèmes de combat imposent un rythme au déroulement de l’affron-
tement – tour après tour, chacun agissant lorsque vient son moment. Rester enferré
dans cette routine est souvent ce qui enlise le combat et lui fait perdre son dynamisme.
Mais un combat peut aussi être agrémenté de nombreuses péripéties qui vont briser
cette succession soporifique ! Après tout, le monde continue à tourner pendant que les
personnages se battent et ses composants peuvent intervenir dans l’affrontement. Et
comme le MJ incarne ce monde, il reprend ainsi la main sur le rythme du combat et
maîtrise le temps. Surtout, il indique aux joueurs que l’histoire ne s’interrompt pas ou ne
se déroule pas dans une bulle temporelle, mais que le combat participe bien au scénario.
Le moyen le plus évident est de préparer une liste de péripéties qui vont bouleverser
le rythme de la scène. Ces péripéties peuvent être spécifiques à un combat planifié
mais aussi constituer un vivier dans lequel le MJ peut piocher lors d’une altercation
improvisée. À lui de décider du moment où ces péripéties surviennent : à la fin du deu-
xième tour, quand tel protagoniste fera telle action, dès que le combat s’enlise trop…
184
Hexagon Universe1propose une fiche de scène d’action à remplir, qui permet de lister
toute une série de péripéties pouvant survenir durant un combat.
1. D’Huissier Romain, Devernay Laurent, Lofficier Jean-Marc, Lullien Jean-Baptiste, Hexagon Universe,
Les XII Singes, Saint-Didier-au-Mont-d’Or, 2013.
COMBATS
185
Par les règles
Personne ne se comporte de la même façon durant une altercation. Atouts physiques,
volonté, analyse du terrain, armes utilisées : tous ces paramètres et bien d’autres inter-
viennent dans la façon dont un guerrier aborde un combat.
Souvent, ces données sont couvertes par l’aspect technique d’un personnage et
passent en général par une composante physique. Des attributs comme la force ou la
rapidité, des atouts ou handicaps comme le courage ou la lâcheté donnent déjà une
idée de la façon dont un personnage va se comporter dans un combat ou quel rôle il va
y tenir. Certains jeux proposent même des techniques de combat spécifiques (Le Livre
des Cinq Anneaux1) tandis que d’autres permettent de définir des traits du personnage
par de courtes phrases évocatrices (Wulin2 ou FATE).
Il est ainsi pertinent de se baser sur le côté technique d’un personnage pour l’interpréter
physiquement durant un affrontement : le joueur doit s’inspirer de ses caractéristiques
pour lui inventer un comportement adéquat qui n’appartiendra qu’à lui. Le MJ peut
faire de même avec ses PNJ – les rendant par ce biais uniques et donc mémorables.
Pour le MJ, typer un PNJ de cette façon est un moyen d’indiquer son niveau de dangerosité.
Dans la plupart des films de sabre, les adversaires de bas niveau possèdent un profil
classique (simple épée, tenue sobre, technique sommaire) tandis que les ennemis dan-
gereux disposent d’armes singulières (guillotine volante, double sabre-laser, pistolet
à la crosse d’ivoire décorée d’une croix en or), se vêtent avec ostentation et usent de
coups peu orthodoxes (dans La Rage du tigre, maître Long aime briser les sabres de ses
opposants avec son triple bâton avant de leur défoncer les côtes).
Voici quelques éléments en exemple :
• la façon de bouger : selon son agilité, sa force, son caractère belliqueux, etc.,
un personnage n’aura pas la même façon de se mouvoir. Fonceur, en retrait, prudent,
provoquant l’adversaire… La gestuelle participe à la description d’un combat vivant et
renforce l’interprétation du personnage ;
• une arme de prédilection : l’équipement du combattant le singularise souvent
grandement. Un colosse se sert d’un marteau de guerre, un souple spadassin manie
des dagues jumelles… Ou l’inverse, afin de créer un contraste saisissant ! Ce gringalet
qui brandit une hache aussi lourde que lui marquera ainsi durablement les esprits.
Bloodlust Métal3 pousse même cette logique plus loin en faisant de l’arme un person-
nage à part entière, possédant pouvoirs et personnalité ;
1. Bolme Edward S., Heckt Andrew, Stolze Greg, Trindle D.J., Wick John, Williams David, Zinser John,
Legend of the five Rings, Alderac Entertainment Group, Ontario, 1997. La version française la plus récente
est Le Livre des Cinq Anneaux, quatrième édition publiée par Edge Entertainment.
2. Henry Nicolas, Wulin, Chroniques du Pinceau et de l’Épée, Game-Fu, Saint-Médard-en-Jalles, 2015.
3. C olombeau Rafael, L alande François, G rümph John, M ay Pierrick, Bloodlust Métal, John Doe,
Jouy-le-Moutier, 2012.
186
• un coup spécial : selon la technique martiale qu’il pratique, le personnage
adopte toujours la même botte pour achever un adversaire (tel Achille et son coup de
lance sauté dans Troie) ou possède un enchaînement fétiche, un genre de signature.
Luchadores1 permet ainsi de créer ses propres coups spéciaux : un élément majeur pour
typer son personnage lorsque l’on interprète des catcheurs masqués !
Le MJ peut également utiliser cette personnalisation technique contre les person-
nages – afin de les défier ou de les pousser à évoluer, à se remettre en question.
Un épéiste utilisant une lame légendaire se la fait dérober : avec quoi va-t-il mener ses
prochains combats (y compris ceux pour récupérer son bien) ? Comment un colosse
réussira-t-il à vaincre un adversaire petit et agile dans un espace réduit où sa carrure
constitue un handicap plus qu’un avantage ? Que se passe-t-il quand un sniper d’élite
devient borgne après avoir pris un éclat dans l’œil ? Il y a là matière à interprétation en
prenant comme point de départ une péripétie qui puise sa source dans la personnali-
sation technique du personnage.
La parole
Durant un affrontement, on ne fait pas que grogner ou ahaner. Un duel est le moment
idéal pour discuter ou s’invectiver – voire lancer un débat éthique. Dans les Chevaliers du
zodiaque (Saint Seiya), les adversaires passent presque plus de temps à discourir qu’à se
battre ! Une habitude que pourraient reprendre les personnages de Devâstra réincarnation2,
jeu qui s’inspire clairement de ce dessin animé et dans lequel il est explicitement précisé que
parler durant un combat ne coûte aucune action – une règle qui peut être importée dans de
nombreux systèmes si le MJ souhaite faire des dialogues un élément important des combats.
Pour autant, cela n’est pas gratuit : les belles paroles ont un effet bien concret sur
le combat. Convaincre son ennemi qu’il fait fausse route, l’humilier par quelques
insultes bien senties ou le narguer afin de le décontenancer doit avoir des retombées
techniques. Un jet impliquant le charisme ou des compétences rhétoriques devrait
ainsi octroyer un malus aux actions de l’adversaire pour avoir ébranlé son assurance.
Dans Wulin, on peut même faire perdre la face à son adversaire, ce qui a pour effet
de le mettre hors de combat tout aussi efficacement que de l’assommer – une idée à
reprendre pour des jeux où le ridicule tue aussi sûrement qu’un fleuret.
Une phrase-signature peut également typer un personnage, par exemple s’il l’utilise
avant de porter le coup de grâce, à la façon du fameux « N’as-tu jamais dansé avec
le diable au clair de lune ? » que déclame le Joker du Batman de Tim Burton avant
d’exécuter sa victime. Cela peut d’ailleurs fournir un indice sur l’identité d’un assassin
– l’une de ses cibles ayant survécu rapporte cette phrase aux personnages, qui ont dès
lors une piste pour identifier ce tueur.
1. D’Huissier Romain, Favre Willy, Heylbroeck Julien, Luchadores, Pulp Fever Éditions, Le Haillan, 2011.
2. D’Huissier Romain, Devernay Laurent, Devâstra réincarnation, Pulp Fever Éditions, Le Haillan, 2012.
COMBATS
187
Conclusion
Le combat est-il vraiment une scène (presque) comme une autre ?
Oui, comme on l’a vu : un affrontement doit s’inscrire dans la trame du scénario
et y participer, les personnages doivent être interprétés, le décor doit contribuer à
l’ambiance et permettre d’intégrer des péripéties, il n’est pas une simple toile de fond.
Mais le « presque » a son importance. Un combat reste une scène un peu particu-
lière : le risque de se laisser déborder par les règles spécifiques est important, l’enjeu est
de taille pour les joueurs (possible perte du personnage) et l’irruption de la violence
n’est que rarement un fait anodin. Il y a donc un travail supplémentaire à effectuer de
la part du MJ afin de faire en sorte que le combat s’inscrive dans la narration globale
et n’interrompe pas l’immersion ou l’interprétation des joueurs.
Et c’était le but de cet article : lui fournir quelques outils et pistes de réflexion pour
cela, afin qu’à sa table, les scènes de combat s’insèrent naturellement dans l’histoire
racontée par les joueurs pour le plus grand plaisir de tous !
Fiche de combat
Il peut être intéressant pour le MJ de créer pour chaque scène de combat prévue une
fiche descriptive afin de récapituler tout ce qui a été évoqué dans cet article. Il peut
même la remplir succinctement au début d’un combat à l’initiative des joueurs.
• le type du combat ;
• la fonction narrative ;
• le décor où il prend place (décrit par quelques mots-clés, des éléments tech-
niques et narratifs) ;
Et ce, d’autant plus si le MJ compte partager son scénario (en ligne, dans un magazine
ou dans un livre de jeu) afin qu’il soit joué par d’autres.
Fiche de synthèse : fiche de combat
Type de combat :
Protagonistes :
Fonctions narratives :
Objectifs :
Décor :
Péripéties :
U
ne partie de JdR recoupe une grande variété de situations. Certaines, habi-
tuellement bien plus fréquentes, peuvent être regroupées en trois grandes
catégories. Ce sont les scènes archétypales, et la plupart des jeux expliquent
clairement comment les gérer. Il s’agit des combats (essentiellement les escarmouches),
des séquences d’exploration (fouilles de zones, collectes d’indices) et des scènes d’inte-
raction sociale (interrogatoires, joutes verbales, voire, selon comment vous les jouez,
flirts, badinage, séances de procès, etc.).
Par opposition, les scènes spéciales regroupent toutes les situations qui ne corres-
pondent à aucune de ces dernières. Il arrive que des jeux fournissent des règles pour en
gérer certaines, à l’instar de C.O.P.S. et des courses-poursuites, mais elles sont le plus
souvent laissées à l’appréciation du meneur.
Pourtant, ces scènes ont le potentiel pour devenir tout aussi intéressantes à jouer
que les autres. Elles peuvent elles aussi créer de la tension, transmettre des informa-
tions sur le monde ou les personnages, ou donner corps à un genre. Nous allons voir
comment animer ces situations et les imbriquer entre elles de façon à en faire des
moments forts de vos parties.
Vous trouverez dans cet article une succession de principes dont le rôle est de vous
aider à les mettre en jeu, puis des pistes plus concrètes pour chacun. Ces dernières
prendront soit la forme de conseils directs, soit celle de questions destinées à vous
montrer l’éventail de possibilités qui s’offrent à vous. Étant donné le nombre de types
191
de scènes spéciales, l’article qui suit est très volumineux et vous n’avez sans doute pas
intérêt à le lire d’une traite. Privilégiez davantage celles qui vous intéressent et picorez-les au
gré de vos envies, peut-être en accompagnant votre lecture de celle d’autres chapitres1
afin d’approfondir et d’expérimenter.
Non-obligation
Vous avez toujours le choix de jouer ou pas une scène spéciale. Si vous êtes mal à
l’aise ou si vous avez l’impression d’être face à un passage obligé et de ne pas pouvoir
vous en sortir de façon satisfaisante, il vous reste toujours la possibilité de faire une
ellipse. Cela ne rendra certes pas votre partie mémorable, mais il n’y a aucune honte
à avoir si cela vous évite de vous embourber et de faire perdre une heure à toutes
les joueuses présentes. Par contre, si vous décidez de jouer, assumez pleinement ce
choix et inspirez-vous de tous les outils à votre disposition, comme, par exemple, ceux
décrits dans la suite de cet article.
Fonction narrative
Comme expliqué dans l’article précédent2, la fonction narrative d’une scène corres-
pond à la raison pour laquelle celle-ci est intégrée à la partie, au-delà des simples liens
de causes à effets induits par ce qui se passe dans la fiction. C’est typiquement le cas
du combat qui peut s’expliquer par le fait que les personnages traînent dans un endroit
peu fréquentable, mais qui n’est là que pour relâcher un peu de pression, enseigner aux
joueuses les bases des règles ou relancer le rythme de la partie.
Il n’y a aucune raison que les scènes spéciales en soient dépourvues. Elles ne servent
pas qu’à meubler ou à éviter de frustrer les joueuses lorsqu’elles font un choix qui
prend le meneur de court, même si ces deux fonctions sont parfaitement légitimes.
Dans la mesure du possible, elles devraient correspondre à une intention claire de la
part du meneur et des joueuses, et s’étendre au-delà de ce qui touche directement
les personnages pour également concerner le déroulement de la partie et les joueuses
elles-mêmes. Selon la scène, le meneur peut distinguer les fonctions narratives conflic-
tuelles, émotionnelles, esthétiques, informationnelles ou divertissantes.
1. Par exemple « Animer les combats » p. 173, « Décrire » p. 109, ou « Incarner des PNJ » p. 141.
2. L’article « Animer les combats », p. 173.
192
SPÉCIALES
Types Fonctions narratives Exemples classiques
Course-poursuite
Proposer un défi aux joueuses
Épreuve Bataille
et aux personnages
Répétition
Flash-forward
Faire ressentir une émotion1
Émotionnel aux joueuses (joie, amour, peur, Rêve
colère, dégoût, haine…)
Cérémonie
Rêve
Donner à voir l’univers de jeu
Voyage
Esthétique Reproduire les codes
Plans
d’un genre fictionnel
Bivouac
Transmettre des révélations Flash-back
Permettre aux joueuses Bivouac
Informationnel de collecter des renseignements
Rêve
En apprendre davantage
sur les personnages Attente
Enjeu et adversité
La scène doit avoir un enjeu qui soit propre aux personnages, un élément qui puisse
éventuellement mal tourner et justifie le fait qu’ils agissent. Il convient donc de se
demander ce qui peut les influencer, quelles sont les décisions qu’ils peuvent prendre,
quelle est leur liberté d’action, etc.
Les scènes spéciales peuvent être riches de suspense. Va-t-on rattraper le grand
méchant ? Quelqu’un va-t-il s’opposer à ce mariage ? Va-t-on finir la nuit avec un
couteau entre les omoplates ? Ce séjour au sanatorium va-t-il être l’occasion d’un repos
bien mérité ou de terrifiantes découvertes ?
193
Si vous voulez que cette scène ait un enjeu fort, le plus rapide est sans doute de vous
demander quelle est la crise en cours (on parle parfois de « scènes de crise »), ce qui
pourrait se passer si les personnages échouent à la gérer, s’ils ne font rien, etc. Mais toutes
ne nécessitent pas autant d’adversité, ou l’éclatement d’un conflit externe. Certaines
peuvent être purement contemplatives par exemple, ne faire qu’instiller une tension sans
que rien ne se concrétise, voire se contenter de donner une information sur l’identité des
réels antagonistes. Assurez-vous de prévoir un niveau et un type d’opposition adaptés à
ce que vous voulez provoquer. Très souvent, cela consistera à anticiper un conflit, par
exemple sous la forme d’une menace, d’un secret, d’un compte à rebours, etc. Cette
menace pourra être uniquement annoncée, mise en œuvre plus tard, ou être active
durant la scène. Elle peut prendre la forme de loups qui rôdent près du bivouac des PJ,
d’empoisonneurs présents à une cérémonie où ils sont invités, d’une rencontre avec leur
Némésis dans l’antichambre du roi, d’un cauchemar qui surgit pendant leur sommeil.
Pour que la scène spéciale ne devienne pas une scène archétypale sitôt la menace révélée,
celle-ci peut agir à des niveaux qui ne sont ni martiaux, ni sociaux, ni liés à une enquête,
ou le faire à la fois sur ce plan-là, classique, et sur un autre, plus original. Le loup tente
de saper le moral des personnages, l’assassin de les endormir, la Némésis de les séduire
sans dire un mot, le cauchemar de mettre en doute leurs convictions.
1. F isk Colin, F riedland Dave, M oss William, P ondsmith Mike Alyn, R uggels Scott, Cyberpunk, R.
Talsorian Games, Berkeley, 1988.
2. Baker Vincent, Apocalypse World, Lumpley Games, 2010.
194
SPÉCIALES
Il vous suffit d’intégrer les quatre étapes suivantes :
1. mettre en jeu un incident déclencheur, quelque chose qui tourne mal, un
événement qui ne devrait pas se produire ;
2. faire apparaître des conséquences et un enjeu plus important que ce que le
signe avant-coureur n’aurait pu le laisser penser. Il peut être facile ou difficile à gérer
pour les personnages ;
3. rajouter une complication quand les choses semblaient sur le point de revenir
sous contrôle ;
4. résoudre la situation et définir les conséquences.
Pour prendre un exemple connu de la plupart des groupes, imaginons une scène de cam-
pement. Toutefois, après vous être lancé, vous n’avez pas eu l’impression que vos joueuses
soient très enthousiastes et vous préférez revenir à quelque chose de plus classique. Vous
pouvez toujours partir du principe que le personnage dont c’est le tour de garde est tiré de
sa torpeur parce qu’il voit deux gobelins qui ne l’ont pas remarqué, mais qui sont en train
de passer entre lui et le reste du groupe (1). Il y a de fortes chances qu’ils tombent sur ces
derniers si le guetteur ne fait rien (2). Imaginons que les personnages gèrent cette menace
sans trop de difficulté, ils s’aperçoivent rapidement que les deux pauvres hères ne sont en fait
que les éclaireurs de toute une tribu qui avance en direction du campement (3) et que, selon
la manière dont s’est passée l’étape précédente, ses membres peuvent avoir été alertés par des
bruits de combat. Aux joueuses de décider comment elles vont gérer la situation : négocia-
tion, discrétion, fuite, combat, illusion, etc. (4) Certaines options pourront leur permettre
d’apprendre que les gobelins se dirigent vers une sorte de conseil de guerre rassemblant
toutes les tribus des environs afin de lancer une grande offensive contre le royaume.
Attentes
Un peu comme celle des temps longs, cette catégorie pourra paraître surprenante.
Elle semble regrouper, par définition, des scènes où il ne se passe rien et qu’il vaudrait
donc mieux résumer en une phrase au lieu de les jouer. Cependant, il est parfois inté-
ressant de les mettre en jeu pour faire ressortir cet écoulement du temps et le fait que
les joueuses ne contrôlent pas totalement le destin de leurs personnages. Par exemple,
ceux-ci peuvent être en attente d’une nouvelle mission ou de la décision d’un figurant,
d’une action devant être accomplie par le reste du groupe, piégés dans un endroit en
attendant que les secours arrivent, etc.
195
Les pistes ci-dessous sont classées selon le type de scène que vous souhaitez mettre
en place (voir p. 193).
196
SPÉCIALES
Type de scène : esthétique
Fonctions narratives : installer le calme avant la tempête, susciter une phase contemplative.
Exemples : permission ou retour dans la famille avant l’appel aux armes, village
hobbit dont personne ne veut s’éloigner, banquet entre mafieux.
Quelques questions à se poser :
• quelles sont les activités futiles auxquelles sont contraints les personnages ?
Est-ce que les joueuses peuvent les proposer elles-mêmes ?
• qu’est-ce que provoquent ces activités et comment est-ce que cela se répercute
sur leurs proches ? Est-ce que le jeune garçon du mercenaire est content que son père
lui accorde un peu de temps ou lui fait-il la tête car il ne le voit jamais ?
• comment est-ce que cela entre en résonnance avec ce qu’il va se passer dans
les scènes suivantes ? Est-ce que le père attentif va plus tard être confronté à un enfant
soldat ? Devra-t-il protéger des écoliers qui se sentiront plus liés à lui que ne l’ont
jamais été ses propres enfants ?
• comment peut-on varier les décors et rencontres a priori sans intérêt pour
créer des sortes de mini-rebondissements ? En faisant inopinément arriver le facteur ?
Le cousin qui prend les personnages comme modèle est-il toujours content de les
voir ? En faisant perdre de vue aux PJ leurs proches dans un centre commercial pour
laisser revenir un temps les réflexes du terrain ?
• comment les personnages peuvent-ils tuer le temps et quelles activités
font-ils qu’ils ne feraient jamais s’ils avaient la possibilité de partir ? Quelles
sont les petites joies en apparence inutiles qui rythment une journée où il ne se
passe rien et génèrent des interactions positives ? Apprendre à un enfant à faire
du vélo ? Se déguiser en clown pour une fête d’anniversaire ? Des crêpes pour le
goûter du dimanche ?
197
• comment réussir à mener des discussions à plusieurs niveaux : un pour les
profanes et autres badauds présents, et un pour ce qui a une réelle importance ?
• comment le lieu de l’attente peut-il être utilisé pour apprendre de nouvelles infor-
mations ? Est-ce que celles-ci nécessitent une action qui les rendrait disponibles, par exemple
attirer l’attention du vigile pour pouvoir voler une blouse de docteur et quitter la pièce ?
Batailles
Historiquement, les batailles ont longtemps été simulées par des règles spécifiques et il
était très courant de trouver ces dernières dans les sections réservées aux meneurs, voire
d’utiliser des jeux à part entière pour le faire (Chainmail1, Battlesystem2, etc.). Toutefois,
avec la diversification thématique du JdR, les batailles ont fini par devenir bien plus
accessoires et par passer du statut de scènes archétypales à celui de scènes spéciales.
Qu’est-ce qu’une bataille ? Un affrontement plus grand qu’une escarmouche qui
prendrait beaucoup trop de temps à gérer avec le système de combat classique, et dont
198
SPÉCIALES
les personnages ne maîtrisent pas tous les tenants et aboutissants. Le détail des forces en
présence ou des opportunités tactiques peut être communiqué aux joueuses sans tenir
compte des connaissances des personnages ou révélé progressivement selon celles-ci.
Du point de vue du MJ, on retrouve principalement deux grandes approches pour
ce type de scènes : en faire des mini-jeux tactiques (comme ceux cités ci-dessus) ou les
réduire à des décors surtout utilisés pour leur intérêt narratif (comme dans Tenga1).
Naturellement, il existe de nombreuses méthodes intermédiaires, comme celles que
l’on retrouve dans de grands classiques comme Bushido2 et L5R (hors utilisation du
jeu spécifique Clan War3).
Voici quelques questions à vous poser pour pouvoir proposer des scènes de bataille variées.
1. Le système de combat de Tenga (réutilisé dans Bloodlust Métal) est disponible gratuitement à cette
adresse : http://goo.gl/1m7oxT
2. Charrette Robert N., Hume Paul R., Bushido, Phoenix Games, USA, 1980.
3. Williams Dave, Clan War, Alderac Entertainment Group, Ontario, 1998.
199
Bivouacs
Comme les voyages, le campement fait partie des clichés rôlistes, à la fois dans le bon
et le mauvais sens du terme. Rares sont les joueuses à ne pas avoir eu à répondre à la
question rituelle des tours de garde, voire qui pensent avoir essayé toutes les variations
possibles. Pourtant, avec un peu de préparation, les scènes de bivouac peuvent devenir
particulièrement intéressantes.
200
SPÉCIALES
Trouver une rivière ? On imagine que d’autres créatures peu recommandables peuvent
être venues boire elles aussi. Sur un coup de malchance, les rations d’un personnage
peuvent avoir été gâtées par l’eau (sa gourde a une fuite) ou boulottées par un animal
et les autres personnages vont devoir partager avec lui… Demandez des jets cachés
aux joueuses (perception, survie, intelligence et assimilés devraient faire l’affaire) pour
savoir si elles ont anticipé le rationnement et ont encore assez de ressources dans le
cas d’un trajet qui s’éternise. Si le résultat des jets est caché, impossible de savoir qui a
« réussi » ou pas, et donc qui a « raison » : profitez ensuite d’une conversation animée
entre le rôdeur patibulaire qui est persuadé qu’ils auront de quoi finir le voyage, et le
barbare colérique qui pense que cela ne sera pas le cas.
201
Investissez les rêves et cauchemars des personnages
Là aussi un classique, mais ne le négligez pas pour autant. Préparez-les à l’avance,
faites en sorte qu’ils soient adaptés aux personnages (qu’ils correspondent à leur
vision du monde, par exemple) et qu’ils apprennent aux joueuses des éléments
sur l’univers, l’avenir, le passé, leurs personnages ou ceux des autres, etc. Ne les
rendez pas systématiques, n’en faites par un « distributeur d’informations », et
insistez sur leurs conséquences négatives (perte de points de fatigue, déprime),
et positives (les blessures guérissent légèrement plus vite, par exemple). Le secret
est d’utiliser la mécanique pour faire des rêves et du sommeil deux drogues. Cela
dit, c’est également un bon moyen de suggérer des émotions aux joueuses sans les
y contraindre : culpabilité d’avoir laissé mourir tel PNJ, scène d’amour avec un
autre PJ du groupe, etc.
Cérémonies
Même si la manière dont il faut les jouer est rarement expliquée, les scènes de céré-
monie ont souvent une grande importance en JdR. Ce n’est pas tant par leur nombre
– il est cependant rare qu’une campagne n’en compte pas au moins une –, mais surtout
parce qu’elles ont par essence une signification particulière. En effet, elles marquent,
tant pour les personnages que pour les joueuses, un événement qui mérite que l’on si
attarde. Le plus souvent, il s’agit d’un début ou de la fin de quelque chose : mariage,
enterrement, rite de passage barbare ou universitaire, fête, messe, procès, etc.
Les quelques pistes ci-dessous sont classées selon le type de scène que vous souhaitez
mettre en place (voir p. 193).
202
SPÉCIALES
• qui est apparemment sur la même longueur d’onde que les personnages ?
À quelles attitudes, gestes ou regards décèlent-ils qu’ils ne sont pas les seuls « pro-
fessionnels » au milieu d’une assemblée de « profanes » ?
• est-ce que cela ne serait pas mieux si c’était à l’un des personnages de
faire un discours ?
• est-ce qu’un orateur ne peut pas se servir de la tribune de fortune que lui
fournit la cérémonie pour essayer de convaincre les présents de quelque chose qui
n’a absolument rien à voir (appel à la vendetta suite à un meurtre de sang, ambitions
politiques, etc.) ? Le fait-il de façon subtile ? Son opportunisme dégoûte-t-il la foule
ou la galvanise-t-il ?
203
Quelques questions à se poser :
• est-ce que les personnages sont volontaires pour participer à la cérémonie ?
Qu’est-ce qui pourrait les pousser à accepter de tels honneurs malgré eux ?
• qu’est-ce que la cérémonie nous apprend sur ceux qui y participent ? Sur ceux
qui y officient ?
• quelle image les personnages renvoient-ils dans le regard des tiers ?
• est-ce qu’il est possible d’utiliser certains passages de la gamme particulière-
ment difficiles à mettre en jeu et pourtant très riches (nouvelles, descriptions, etc.) ?
• est-ce qu’il vaut mieux faire une description relativement clinique pour laisser
aux joueuses le soin d’interpréter ce que cela représente ou est-ce qu’il vaut mieux la
rendre particulièrement emphatique et sensorielle ?
Courses-poursuites
Les courses-poursuites sont un des clichés les plus éculés des films d’action. Elles
sont notamment mises en avant dans certains jeux comme James Bond 0071 et C.O.P.S.
Pourtant, même si tous les rôlistes en ont joué une à un moment ou l’autre de leur
carrière, elles sont souvent boudées dans les parties, faute de pouvoir être facilement
intégrées sans devenir très répétitives.
Mais ces scènes sont loin d’être condamnées à être des successions de jets d’Athlé-
tisme ou de Conduite. Voici quelques pistes pour les rendre uniques et leur donner
un peu d’épaisseur.
1. Gorden Gregory, Kern Robert, Klug Gerard Christopher, Randall Neil, James Bond 007, Victory Games,
New York, 1983.
204
SPÉCIALES
Servez-vous du terrain
Est-ce que les personnages ou leurs adversaires peuvent essayer de contrôler la route prise
par l’autre ? Est-ce que cela peut devenir un enjeu ? Quelles sont les différentes « zones »
par lesquelles peut passer la course-poursuite, de l’escalier (pour une poursuite à pied) à la
marina, une station de métro ou l’endroit où a lieu le marché de la ville (pour une pour-
suite en voiture) ? Pour cela, les jeux vidéo comme la série des Motor Storm ou des Grand
Theft Auto constituent une source d’inspiration très utile. Est-ce que ces zones réduisent
ou rendent plus évidentes les différences entre les véhicules ? Comment réagissent les
habitants de ces zones ? Sont-ils des membres de gangs vindicatifs ? Des badauds outrés ?
Quels sont les dégâts collatéraux que les PJ peuvent causer ? Comment peuvent se faire
les transitions entre chaque zone ? Existe-t-il des dangers vers lesquels les protagonistes
peuvent essayer de se projeter (ornières, rampes de sécurité, falaises, véhicules venant en
contresens, etc.) ? Est-ce que le terrain est relativement uniforme ou y a-t-il de nouveaux
obstacles qui apparaissent en permanence ? Quelle est la météo ? Est-ce qu’il gèle ? Pleut ?
Flash-back
Un flash-back permet de jouer une scène ayant déjà eu lieu au moment où se passe
l’essentiel de l’action de la partie. Ce procédé est notamment utile pour introduire les
205
souvenirs d’un ou plusieurs personnages, un événement lié à l’historique, etc. Il est
également très efficace lorsqu’il s’agit de dévoiler un tabou ou la manière dont s’est
réellement déroulé un événement passé dont les joueuses n’ont qu’une version. Il est
souvent bien plus intéressant de faire jouer ce flash-back.
Il existe en général trois façons d’interpréter cette scène : en la décrivant, en la
rejouant de façon fidèle à un déroulement prévu avec la complicité des joueuses dont
les personnages étaient impliqués (et éventuellement celle des autres en leur confiant
des PNJ présents à l’époque), ou en les laissant au contraire totalement libres de déci-
der des actions des protagonistes.
Ceci permet également de conserver une certaine incertitude et d’accroître le suspense
pour les joueuses, même si les personnages sont généralement censés déjà connaître l’issue
de la scène. Naturellement, le résultat ne correspondra pas forcément à ce que le meneur
en attendait et il faudra donc trouver un moyen d’expliquer cette divergence a posteriori.
Il existe deux manières d’y parvenir : en acceptant de changer le présent en fonction de
la scène passée, ou en trouvant un moyen d’annuler les effets de cette dernière.
Flash-forward
Les flash-forward sont similaires aux flash-back, si ce n’est qu’ils se concentrent sur
un événement à venir et non déjà passé. Se combinant particulièrement bien avec
les introductions in medias res1, ce procédé peut signifier un futur incertain ou au
contraire inéluctable.2
S’il s’agit d’un avenir possible, la scène prend alors la forme d’une sorte d’avertissement.
Par exemple :
• c’est ce qui arrivera si les personnages se comportent d’une certaine façon.
Pensez au terrible monde possible de Retour vers le futur II, celui qui se produit parce
que Marty a laissé Biff s’emparer de l’almanach des sports dans l’épisode précédent. Ne
pas réussir à l’éviter sera donc un indicateur très probable de l’échec des personnages.
• une succession de flash-forward peut être une répétition (voir p. 210 voir
Scène de répétition), à l’instar des rêves cités p. 211. Dans L’Homme doré de Philippe
K. Dick, le héros peut à chaque instant expérimenter tous les futurs possibles avant de
choisir la meilleure décision à prendre dans le présent.
S’il s’agit d’un avenir certain, on peut imaginer les cas suivants :
• on avertit les joueuses que reconstituer la scène est un enjeu, et sans doute la
meilleure issue possible. Faire en sorte qu’elle se produise comme prévu sera donc un
objectif à atteindre et un indicateur très probable du succès des personnages.
206
SPÉCIALES
• ils sont condamnés à provoquer ce futur funeste (pensez à Œdipe…), et cette
dimension tragique fait pleinement partie de ce que l’on cherche à obtenir ;
• on peut aussi essayer de se lancer le défi suivant : quoi que fassent les per-
sonnages, la scène aura lieu, mais elle doit de surcroît être une conséquence de leurs
actions. Cet exercice est très stimulant en tant que meneur, mais il nécessite d’avoir
une capacité de réaction certaine et de rester « juste » face aux joueuses. D’une part il
faut leur laisser une marge de manœuvre suffisante, d’autre part il faut se débrouiller
pour que l’enchaînement de causes et de conséquences qui va amener la scène à se
réaliser soit totalement justifiable.
Enfin, le flash-forward n’anticipe pas forcément l’apogée de la partie mais, comme
dans le pré-générique de certaines séries, il ne peut être que le moment où apparaît
la complication qui va lancer la dernière partie du scénario. On va jouer pour savoir
comment on en est arrivé là, et une fois que la scène de la vision est reconstituée, les
joueuses retrouvent toute leur liberté d’action et ont compris tous les enjeux pour
pouvoir enfin tenter de résoudre le problème.
Plans
Les phases de plan sont souvent des phases de jeu que l’on aborde assez différemment
du reste de la partie. En effet, elles prennent généralement la forme d’une discussion
interminable entre joueuses, où l’interprétation et les personnages n’ont finalement
que peu de choses à dire. Il s’agit d’une sorte de jeu dans le jeu, comme un casse-tête
dont on ne connaîtrait qu’une partie et que l’on chercherait à résoudre à plusieurs.
Certains choisissent de limiter ces phases. On retrouve cette approche dans des jeux
comme Les Mille-Marches1, et si vous ne la connaissez pas, elle mérite largement que
vous y jetiez un œil, surtout si vous aimez le pulp. Ce ne sont pas les joueuses qui font
le plan mais bien les personnages, qui accumulent des points de mission selon les
ressources à leur disposition (contacts, connaissances, matériel, etc.) Les joueuses ne
jouent que l’exécution du plan supposé, et peuvent dépenser ces points pour vaincre
les divers obstacles auxquels les personnages sont confrontés. La justification se fait
alors a posteriori. Toutefois, vous pouvez aussi choisir de faire jouer toutes ces scènes
du point de vue des personnages, à leur hauteur, justement parce que vous avez envie
de proposer l’équivalent d’un Ocean’s Eleven ou de tous ces films où la préparation du
plan constitue l’essentiel de l’action.
Voici quelques exemples de scènes pour imaginer ce que font les personnages lors
d’une telle préparation et ce qui peut se produire.
1. Bachmann Christophe, Davoust Anne, Davoust Olivier, Grümph John, Guillout Pascal, Les Mille-Marches,
John Doe, Jouy-le-Moutier, 2011.
207
Scène d’alerte
Questions fondamentales : est-ce que les personnages vont réussir à échapper à la
vigilance des gardes alors même que ces derniers les recherchent ? Vont-ils laisser des
traces de leur passage (matériel, corps, vidéo, empreinte psychique, etc.) ou pas ?
Lieux : dans les endroits ciblés par l’opération, en leur cœur ou dans des annexes, ou
dans d’autres jugés suffisamment importants pour être protégés par de nombreux gardes.
Figurants : chiens, gardes, hélicoptères.
Complications :
• les adversaires sortent une technologie ou une magie plus performante
que ce à quoi s’attendaient les personnages ;
• leurs opposants ont été mis au courant et se dirigent vers le point de repli
des personnages. Il est même possible qu’il s’agisse d’un piège pour découvrir leur
quartier général : il va falloir improviser ;
• un officier ennemi arrête l’alerte et explique qu’il ne s’agit que d’un
exercice. Pourquoi ?
Scène d’espionnage
Questions fondamentales : est-ce que les personnages vont réussir à obtenir l’information-
clé dont ils ont besoin ? Le feront-ils sans se faire remarquer, ce qui la rendrait caduque ?
Lieux : à proximité des décideurs adverses, sur place ou chez eux, dans la matrice,
dans un van banalisé, dans un restaurant chic, sur l’oreiller.
Figurants : dispositif d’écoute et de brouillage, espions, passants, forces de l’ordre.
Complications :
• l’information implique le personnage qui la capte, sans qu’il puisse nier avoir
reçu quelque chose ;
• la cible est en fait un autre espion, qui croit pouvoir obtenir l’information
recherchée auprès du personnage. Les deux veulent donc la même chose, mais peuvent-ils
se faire confiance ?
• l’information obtenue n’est valable que pour un très court laps de temps,
ce qui oblige à précipiter le reste des opérations.
208
SPÉCIALES
Figurants : contact éloigné (via des corbeaux ou la matrice), indics, subordonnés ou
personnel de façon générale.
Complications :
• les adversaires ont trouvé le quartier général des personnages et tentent de s’en
emparer de force ;
• les personnages ont plusieurs options qui leur permettent de valider certaines
hypothèses, mais toutes prennent du temps et ils doivent faire des choix. Il faut
donc déjà se fermer des portes et se décider assez vite pour s’assurer d’avoir le temps
d’exploiter les résultats ;
• les personnages se savent écoutés par leurs adversaires, même si ces derniers
ignorent qu’ils sont au courant.
Scène de repérage
Questions fondamentales : est-ce que les personnages vont obtenir suffisamment
d’informations supplémentaires pour préparer leur plan sans se faire eux-mêmes
repérer ou arrêter ? Vont-ils augmenter le niveau d’alerte des gardes ?
Lieux : sur les lieux ciblés par l’opération, que ce soit en leur cœur ou dans des annexes.
Figurants : complices, gardes, chiens, snipers, systèmes de détection.
209
Complications :
• les personnages voient leur commanditaire habillé en uniforme ennemi péné-
trer dans le complexe ;
• ils sont repérés bien malgré eux par une personne innocente, qui elle
n’est ni discrète ni entraînée. Peut-être essaye-t-elle de faire la même chose que
les personnages. Il va falloir choisir entre leur conscience et le fait de ne pas
prendre de risques ;
• l’alerte n’a pas été donnée, mais les personnages ont l’impression d’être
observés, puis suivis.
Répétitions
Une répétition est une scène d’entraînement ou de préparation où l’on joue les
choses « pour de faux » : combat au premier sang, joutes virtuelles ou oniriques,
simulation d’un rendez-vous amoureux, boucle temporelle. Normalement, il suffit
de mener ces séquences de façon classique, toutefois, vu qu’elles peuvent intervenir
dans de nombreuses scènes spéciales, des plans d’intrusion aux rêves, vous trouverez
quelques questions à vous poser afin de les intégrer au mieux.
210
SPÉCIALES
Est-ce que ce qui se passe dans les répétitions a un impact sur la situation réelle ? Sur
les personnages ? Efface-t-on à la fin de la scène tout ce qui a été modifié, y compris sur
les feuilles de personnage, des blessures à la progression ? Est-ce que cela reste ? Est-ce
que l’on prend la peine de noter ces modifications ?
Est-ce que la répétition ne donne pas elle aussi lieu à une sorte d’évaluation1 ? Que
ce soit par un supérieur, par les autres membres de l’équipe ou les personnages, voire
même les joueuses ? Qu’est-ce qu’il en reste ?
Est-ce que les personnages peuvent répéter entre eux ou doivent-ils être aidés par des
tiers ? Faire valider la capacité d’un personnage à en tromper un autre par les joueuses
elles-mêmes peut apporter une dimension intéressante à la partie.
Rêves
Les rêves constituent un élément incontournable des jeux qui ont pour thème cen-
tral le chamanisme ou tout ce qui touche de près ou de loin aux hallucinations. Voici
quelques pistes pour mettre en scène ces moments où les personnages ne suivent plus
les lois de la physique, mais celles d’un autre monde. Celui-ci peut prendre plusieurs
formes : dimension des rêves, des morts, voyage astral, psyché d’un individu ou expé-
rience virtuelle.
Ces pistes sont classées selon le type de scène que vous souhaitez jouer (voir p. 193).
211
• est-ce que les actions entreprises par le personnage lors du rêve lui permettent
de progresser d’un point de vue technique ? De se soigner (au sens large) ? Est-ce que
c’est un endroit où il peut se rendre régulièrement pour s’entraîner ou étudier ?
• lorsqu’un personnage voit ses compagnons dans son rêve, sont-ils incarnés
par leurs joueuses respectives ou pas ? Est-ce qu’il s’agit d’une représentation fidèle ou
générée par ce que le rêveur pense d’eux ? Peut-il y avoir plusieurs représentations d’un
même personnage ? Peut-on s’affronter soi-même ?
• est-ce qu’il existe une fiche de personnage pour le monde réel et une autre
pour les rêves ?
212
SPÉCIALES
Quelques questions à se poser :
• quels sont les éléments les plus spécifiques de l’univers à faire expérimenter
aux personnages ?
• qu’est-ce qu’ils peuvent tester ainsi qu’ils ne feraient pas autrement (romance
avec un adversaire, sorcellerie, etc.) ?
• est-ce que ce type de scènes ne peut pas procurer des sortes de « points de
destin » qui permettraient de rejouer une scène que les personnages manquent ? Il
faudrait dès lors décréter qu’ils n’ont joué que sa version onirique alternative : c’est une
bonne manière de justifier certains retours en arrière sans que ce soit la porte ouverte à
tous les abus ou que cela ait l’air d’un « sauvetage » par un meneur déresponsabilisant.
Temps longs
Dans cette catégorie sont regroupées des situations qui peuvent s’étaler sur des jours,
voire des années et dont vous voulez montrer la longue durée, ou par exemple le fait
que le personnage a été coupé du monde. Ce sont les soins, le repos (prison, asile
psychiatrique…) et toute autre entreprise de longue haleine. Elles peuvent être jouées
d’une traite ou découpées et insérées parmi d’autres. Vous pouvez également vous
concentrer sur un épisode unique, mais particulièrement significatif pour représen-
ter la période en question. Pour atteindre son objectif, le personnage doit seulement
remplir un impératif de temps (par exemple, sa guérison va au moins prendre une
semaine) ou au contraire valider un certain nombre d’étapes. Ces étapes peuvent être
indispensables à la réussite de l’entreprise ou devenir l’occasion de collecter des avan-
tages ou des handicaps pour la suite.
213
Objectifs du
Étapes à valider
personnage
Trouver un mentor
Acquérir Faire un voyage initiatique
un stade Expérimenter des états seconds
spirituel Avoir des visions spirituelles (rêves)
supérieur
Résoudre des énigmes métaphysiques
Participer à des combats initiatiques
214
SPÉCIALES
Voyages
Les voyages sont une des activités les plus courantes des personnages de beaucoup de
JdR1 et, pourtant, ils restent la bête noire de nombreux meneurs. Voici quelques pistes
pour rendre ces passages uniques et leur donner un peu d’épaisseur.
1. Parmi les jeux qui ont prévu des règles spéciales pour le voyage, on citera L’Anneau unique, Oltréé ! et Ryuutama.
2. Andersen Marion, Anderson Phil, Blum Michael, Caramagno Sophia, Engan Charles et autres, Beyond the
Mountains of Madness, Chaosium, Oakland, 1999.
3. Salisbury David, Smith Mandy, Dark Continent, New Breed, 2001.
4. Gauntlett Adam, Hite Kenneth, Laws Robin D., Long Steven S., Marlow Emma, Roy Lauren, Sanderson
Matthew, Tarwater Tristan J., Tidball Jeff, White Bill, Mythos Expeditions, Pelgrane Press, Londres, 2001.
5. À ce sujet, consultez également l’article « Décrire », p. 109.
215
amoureuses si souvent délaissées dans notre loisir : si les PJ croisent une personne
esseulée sur le chemin, il sera bien plus naturel que celle-ci les accompagne que s’ils
avaient fait sa connaissance en ville, par exemple. De la même manière, les rencontres
sont un moyen privilégié de réincorporer des éléments liés à l’historique des person-
nages1 dans des moments qui auraient sinon paru creux.
216
SPÉCIALES
des manifestations surnaturelles, des rencontres sur leur route… Il est possible de faire
de ce périple le liant entre toutes les scènes dont vous aurez besoin et d’imaginer
la manière dont celles-ci peuvent s’intégrer à des scènes de voyage.
Par exemple, vous pouvez tout à fait intercaler un passage de délire (assimilable
à un rêve) dû à la douleur au moment où un personnage est sur le point de perdre
son dernier point de vie en combat. Quand vous jouez la scène, vous pouvez même
synchroniser la réalité telle qu’elle est perçue par ses compagnons, qui eux sont pleine-
ment conscients, et ce que lui perçoit dans son délire. De la même façon, vous pouvez
passer d’une scène spéciale à l’autre en enchaînant une scène d’amour avec un duel,
dont un des deux antagonistes se révèle être l’amant(e) du premier, voire en intégrant
une troisième scène spéciale avec un flash-back expliquant la rencontre (ou la rupture)
du couple.
Conclusion
Les scènes spéciales ne sont ni des passages obligés ni des corvées. Nous avons vu
qu’il existait plusieurs garde-fous pour éviter de se laisser submerger. Toutefois, elles
peuvent servir de nombreuses fonctions narratives et beaucoup apporter à la partie :
épreuves, émotions, un certain canon esthétique, des informations, etc. Il n’est abso-
lument pas nécessaire de les surpréparer. Avec la pratique et les quelques pistes de
cet article, vous ne devriez pas tarder à les voir enrichir votre palette de techniques.
Rapidement, vous devriez les mettre en jeu avec autant d’aisance que des scènes plus
archétypales. En effet, le seul réel besoin est le même que pour toutes les autres :
décider d’une direction générale au moment où vous les lancez et vous poser quelques
questions de base. À quoi sert-elle ? Comment la mettre en jeu ? Quelles opportunités
se présentent aux personnages ? Que risquent-ils ?
Fiche de synthèse
Archétypales : gérées par la plupart des systèmes, le plus souvent de type combat, explo-
ration ou interaction sociale.
Fonction narrative : à quoi sert vraiment cette scène dans votre partie ?
• Épreuve
• Émotionnelle
• Esthétique
• Informationnelle
• Divertissante
Utilisation des règles : ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de règle spécifique que vous ne
pouvez pas vous servir des autres ou qu’il n’y a pas de conséquences techniques.
Des scènes presque comme toutes les autres : pour transformer une scène spéciale
en scène archétypale, intégrez les quatre étapes suivantes :
• un incident déclencheur ;
• des conséquences et un enjeu ;
• une complication ;
• une résolution.
Attentes
Les scènes d’attente servent à montrer qu’il ne se passe pas grand-chose durant certaines
phases-clés. Cette inactivité et le temps ainsi perdu deviennent des informations en soi.
218
SPÉCIALES
Voici des exemples correspondant aux cinq grands types de fonctions narratives.
Exemples : attente dans une antichambre ou l’ascenseur qui amène au dernier niveau,
enfer administratif, une sauterie pleine de mortels avant un règlement de comptes
entre vampires.
Exemples : permission ou retour dans la famille avant l’appel aux armes, village hobbit
dont personne ne veut s’éloigner, banquet entre mafieux.
Exemples : allées d’un tribunal, cour du roi en attendant une entrevue, rencontre entre
shadowrunners dans un espace public.
Batailles
Une bataille est un affrontement qui prendrait trop de temps à gérer avec le système de combat
classique et dont les personnages ne maîtrisent pas tous les tenants et aboutissants.
Ces scènes peuvent varier selon les paramètres que vous choisissez de mettre en place.
L’article en compte une trentaine, qui peuvent être réparties selon quatre grandes questions :
219
Bivouacs
Les scènes de bivouac sont celles où les personnages font une pause, le plus souvent pour
la nuit et après avoir dressé un campement.
Une bonne façon de les diversifier est de suivre les principes suivants :
Cérémonies
Ces scènes marquent, tant pour les personnages que pour les joueuses, un événement qui
mérite que l’on s’y attarde. Le plus souvent, il s’agit du début ou de la fin de quelque chose :
mariage, enterrement, rite de passage, fête, messe, procès, etc.
Voici des exemples correspondant à trois types de fonctions narratives. Vous trouverez
de nombreuses questions permettant de les développer dans le corps de l’article.
Exemples : création d’une meute de loups-garous, orgie d’elfes noirs, rites élégants d’une
tribu menacée, trip chamanique.
220
SPÉCIALES
Courses-poursuites
Ces scènes sont loin d’être condamnées à être des successions de jets d’Athlétisme ou de
Conduite. Voici quelques pistes pour leur donner un peu d’épaisseur :
Flash-back et Flash-forward
Un flash-back permet de jouer une scène ayant déjà eu lieu au moment où se passe
l’essentiel de l’action de la partie. Un flash-forward permet de faire la même chose avec
une scène n’ayant pas encore eu lieu.
• en le décrivant ;
• en le rejouant avec l’aide d’une ou plusieurs joueuses ;
• en le jouant comme n’importe quelle autre scène.
Un flash-forward concernant un avenir certain peut devenir un objectif pour les joueuses
(la réalisation de ladite scène), un augure funeste annonçant une tragédie à venir, ou un défi
pour le meneur qui doit se débrouiller coûte que coûte pour que la scène se réalise tout en
étant la conséquence logique des décisions de la table.
Dans les deux cas, un flash-forward constitue une scène d’introduction efficace et ne doit
pas forcément annoncer l’apogée de la partie. Le plus souvent, il est plus intéressant de
mettre en jeu la complication qui va lancer le dernier acte du scénario.
Plans
Pour que les scènes où les personnages préparent des actions ne se limitent pas à une
interminable conversation entre les joueuses totalement détachée du reste de la partie,
voici des exemples de scènes à réutiliser. Dans le corps de l’article, chacune d’entre elles est
complétée par des suggestions de lieux, de figurants et de complications :
• alerte : est-ce que les personnages vont réussir à échapper à la vigilance des
gardes alors même que ces derniers les recherchent ? Vont-ils laisser des traces de
leur passage (matériel, corps, vidéo, empreinte psychique, etc.) ou pas ?
221
• décision ou mise en commun des informations : est-ce que les personnages vont
réussir à se mettre d’accord ? À temps ? Est-ce que ce sera sur un plan efficace ?
• espionnage : est-ce que les personnages vont réussir à obtenir l’information-clé
dont ils ont besoin ? Le feront-ils sans se faire remarquer, ce qui la rendrait caduque ?
• préparation ou répétition : est-ce que les personnages auront acquis les compétences
ou les objets qui leur manquent pour réaliser leur plan ? Seront-ils assez en forme ?
• repérage : est-ce que les personnages vont obtenir suffisamment d’informations
supplémentaires pour préparer leur plan sans se faire eux-mêmes repérer ou arrêter ?
Vont-ils augmenter le niveau d’alerte des gardes ?
• validation hiérarchique : est-ce que les personnages vont convaincre leur
hiérarchie ou leurs subalternes de suivre leur plan ? Pourront-ils agir malgré cette
dernière ? Obtiendront-ils les ressources nécessaires ? Sont-ils les bonnes personnes
pour prendre des décisions aussi importantes ?
Répétitions
Une répétition est une scène d’entraînement ou de préparation où l’on joue les choses
« pour de faux » : combat au premier sang, joutes virtuelles ou oniriques, simulation d’un
rendez-vous amoureux, boucle temporelle. Elle peut être jouée de façon classique ou inté-
grée à d’autres scènes spéciales (rêves, plans, etc.). Les principaux paramètres concernant
les répétitions peuvent être résumés en trois questions :
Rêves
Les scènes oniriques peuvent prendre de nombreuses formes : dimension des rêves, des
morts, voyage astral, psyché d’un individu ou expérience virtuelle. Voici quelques exemples
correspondant à quatre types de fonctions narratives. Chacun permet de se poser des ques-
tions (détaillées dans l’article) afin de se préparer au mieux.
Exemples : confrontation avec leurs pires cauchemars, contact avec des disparus, délire,
hypnose, rêve nostalgique.
Exemples : arène virtuelle, attaque mentale, bad trip, cauchemar, hallucination, matrice.
222
SPÉCIALES
Type de scène : esthétique
Fonctions narratives : faire jouer des événements bouleversants ou fondamentaux sans
rendre le jeu injouable, faire jouer de nombreuses alternatives, montrer les aspects les plus
étranges de l’univers, rattraper un déroulement malheureux (à la Dallas).
Exemples : essais et erreurs façon Un jour sans fin, mondes astraux, scènes de rencontres
amoureuses rejouées à l’infini comme dans le film In the Mood for Love, simulations virtuelles.
Temps longs
Ces scènes gagnent généralement à être découpées en un certain nombre d’étapes à valider
avant que le personnage ait pu remplir ses objectifs. Voici quelques exemples.
Guérir d’un état mental Revivre des scènes traumatiques de son passé
(flash-back)
223
Chercher un mentor
Trouver un mentor
Voyages
Les voyages sont une des activités les plus courantes des personnages et restent la bête
noire de nombreux meneurs. Voici quelques principes pour les rendre uniques :
commencer
L’ANIMATION :
TECHNIQUES AVANCÉES
commencer
•
Jérôme Larré
L
ePoney Fringant, la Cantina, le Central Perk ou même le Mistral1… on ne
compte plus les tavernes et autres auberges où des personnages se rencontrent
avant de commencer leurs aventures. Mais, sauf cas particuliers2, ce qui est ail-
leurs un lieu commun devient souvent une véritable torture en JdR. En effet, lorsque
cette ficelle se double d’une certaine paresse ludique, laissant joueuses et PJ libres
et sans objectifs, il n’est pas rare que la situation s’éternise, accumulant les poncifs
avant de se terminer par une inévitable bagarre ou l’arrivée de la milice. Si cela vous
est familier, vous comprendrez à la fois le nom de cette collection et pourquoi il est
critique de soigner ses entrées en matière.
Ce court article part du principe que vous êtes capable de créer vos propres scènes,
mais que quelques conseils vous seront utiles pour faire de meilleures introductions.
1. Ces établissements sont issus respectivement des univers du Seigneur des anneaux, de La Guerre
des étoiles, de Friends et de Plus belle la vie.
2 Comme dans Nuit agitée à l’auberge des trois plumes, l’excellent scénario de Grame Davis pour Warhammer
ou Les Dragons du désespoir qui débute la saga DragonLance dans la célèbre Auberge du Dernier Refuge.
225
des objectifs liés à la partie, au scénario, à l’état de la campagne, mais aussi à la fin de
la dernière séance et à bien d’autres facteurs. L’idéal pour commencer est donc de se
demander à quelles questions cette entrée en matière est censée apporter des réponses.
Cette liste est loin d’être exhaustive, mais permet déjà d’envisager les cas les plus courants.
• Qui sont les PJ ? Que font-ils ensemble ?
• Comment joue-t-on à ce jeu ? Quel est l’élément intéressant du système ?
• Quels sont les comportements que le jeu favorise ?
• De quoi parle-t-il ? Quelle problématique met-il en avant ?
• Est-ce que cela mérite d’y passer ses jeudis soirs ?
• Pourquoi faut-il rattraper les méchants ? Leur point de vue est-il compréhensible ?
• À quoi ressemble l’univers ? Qu’a-t-il de spécial ?
• Faut-il recentrer l’attention des joueuses ? Rappeler la séance précédente ?
• De quoi est-ce l’introduction ? D’un scénario ? D’une campagne ?
• Où dois-je commencer pour avoir une chance de finir avant le métro ?
226
Les limites
commencer
Une introduction ne pourra jamais tout expliquer ou répondre à toutes les questions.
Pas plus qu’elle ne suffira à ce que vos joueuses partagent votre ferveur pour cet univers
que vous adorez. Elle pourra créer l’étincelle, mais ce sera à vous d’entretenir la flamme.
Enfin, elle ne pourra pas non plus faire boire un âne qui n’a pas soif : si une joueuse
s’évertue à refuser l’aventure, le mieux reste sans doute d’en discuter hors-jeu.
Susciter l’intérêt
Le principal rôle d’une introduction est de donner aux joueuses l’envie de faire
tous les efforts nécessaires pour jouer, fussent-ils logistiques, sociaux, climatiques, nar
ratifs ou autres. Plus que les amener à suspendre volontairement leur incrédulité (pour
reprendre le terme de S. T. Coleridge) face à ce qui pourrait les surprendre dans
la partie, il s’agit de les amener à renforcer activement leur propre envie d’y croire
et de se prendre au jeu1.
1. Ou l’« Active creation of belief ». Murray Janet, Hamlet on the Holodeck: the Future of Narrative in Cyberspace,
MIT Press, Cambridge, 1998.
227
Ainsi, dans le cas de l’introduction « Qui porte le mort ? », vous retrouvez les trois
ingrédients ci-dessus. L’issue de la course-poursuite reste incertaine, les joueuses
doivent agir si elles ne souhaitent pas que les PJ soient capturés et, enfin, ce cadavre à
l’origine inconnue amène la surprise. À noter que dans cet exemple, les fonctions de
base ne sont remplies qu’à court terme. C’est la découverte à la fois de l’identité du
cadavre et de ce qui a mis le groupe dans une telle situation qui permettra de sceller
un arc plus ambitieux.
Enfin, pour intégrer tous ces éléments, il est conseillé d’adopter une approche basée
sur une des clés ci-dessous. Dans notre exemple, il s’agit d’une combinaison d’un conflit
(vont-ils être rattrapés ?) et des personnages (que font-ils là ? Pourquoi ce cadavre ?).
1. Les clés présentées ici sont purement narratives. On peut en imaginer qui intègrent des spécificités
du JdR : techniques (pourquoi le pouvoir de mon personnage ne marche-t-il pas sur ce monstre ?
Pourquoi en a-t-il un nouveau sans avoir monté de niveau ?), basées sur la différence entre connais-
sances des joueuses et des PJ, etc.
2. À ce sujet, consultez également l’article « Rendre les choses personnelles » p. 261.
228
L’univers, enfin, est la dernière de ces quatre clés principales. Une introduction qui
laisse en entrevoir un aspect peu connu (découverte d’un continent, un événement
commencer
important dont on ne connaît que la version officielle), quelque chose d’apparemment
impossible (l’avènement de la magie dans un monde qui en est dépourvu) ou une
évolution majeure ne devrait avoir aucun problème à capter l’attention des joueuses.
Passer à la pratique
Transmettre l’essentiel
Avant de commencer votre introduction, vous devez vous assurer que les joueuses
disposent des informations nécessaires. Ceci n’a pas à être long. Idéalement, lire sa
feuille de personnage peut suffire. Il est aussi possible qu’il faille utiliser tout ce qui est
décrit dans l’article « Enseigner un jeu » (p. 93.). Voici quelques techniques pour cette
étape indispensable à votre réussite.
229
Présentation technique Pris sur le temps
Simple, pas trop long
des PJ au reste du groupe de jeu, peu de secrets
Possible que sur cer-
Simple, efficace,
Résumé en début de séance taines séances, infor-
dynamise les parties
mations spécifiques
Informations
Facile, utilisable en jeu spécifiques, souvent
Rumeurs
sans prendre de temps utilisables qu’après
les premières scènes
Hot Seat
Cette technique consiste à faire passer successivement les PJ et à ce que chacun de
leurs camarades leur pose à tour de rôle une question sur leur relation, des moments
qu’ils ont partagés, etc. Cette technique est extrêmement efficace pour développer un
passé commun foisonnant à un groupe de personnages.
230
Pas de fun tax : passez directement à ce qui est intéressant et épargnez-vous tous
les prétendus « maux nécessaires ». Si vos joueuses ont aimé les infiltrations ou négocier
commencer
avec M. Johnson lors de vos premières séances de Shadowrun, il est peut-être temps
de commencer directement au moment où il les trahit.
Il y a plusieurs entrées à ce donjon : vous pouvez toujours faire une autre
introduction que celle prévue : prétextez un point d’accès dérobé, un piston pour
récupérer une enquête, etc. Cela permet même régulièrement de renouveler cer-
taines expériences répétitives.
Pas de limite : l’introduction est avant tout le moment où la tension démarre. Rien
ne vous oblige à faire de cette scène la première chronologiquement, ni à partir du
principe que les joueuses doivent y incarner les mêmes personnages que d’habitude.
Déstructurez à l’envi ou changez de point de vue le temps d’une scène.
1. À ce sujet, consultez également l’article « Jouer avec les aides de jeu », p. 331.
2. À ce sujet, consultez également l’article « Animer les scènes spéciales », p. 191.
3. À ce sujet, consultez également l’article « Jouer en musique », p. 297.
231
Pré-générique : similaire à la précédente, cette technique est à rapprocher de la
façon dont commencent les James Bond et autres Aux frontières du réel. Après une
situation-choc où assez souvent, les joueuses incarnent des personnages spécifiques,
on lance la musique du générique et on rejoue de façon classique, mais en ayant à
l’esprit l’objectif de la séance et la motivation des PJ.
Teaser : une simple succession rapide de vignettes destinées à donner aux joueuses
un aperçu de ce qui les attend durant la partie.
Quelques outils
Si vous manquez quand même d’inspiration pour créer vos propres scènes, voici
quelques outils qui devraient pouvoir vous aider. Vous y trouverez autant d’exemples
pour les points précédents de cet article.
Utiliser un générateur
Une méthode relativement simple est de vous servir d’un générateur de situation,
puis de modifier celle ainsi obtenue pour intégrer tous les éléments de réponse que
vous voulez donner durant votre introduction. Vous n’aurez sans doute jamais l’idée
du siècle en procédant de la sorte, mais cette contrainte créative devrait vous permettre
d’aboutir à un résultat acceptable tout en gagnant beaucoup de temps.
Un générateur assez efficace est disponible à l’adresse suivante : http://www.chao-
ticshiny.com/situationgen.php. Vous en trouverez facilement d’autres, par exemple
p. 76 de ce recueil.
232
Les routines de démarrage
Ces techniques fonctionnent de façon proche à la fois de la narration partagée
commencer
et des introductions in medias res, si ce n’est qu’elles sont extrêmement génériques
et indépendantes de tout scénario. Leur objectif premier est de permettre de jouer
rapidement malgré une préparation minimale, mais elles peuvent être utilisées afin
de faciliter le début d’une séance tout à fait classique. En voici trois exemples :
• l’envie : demandez à un personnage ce qu’il souhaite le plus, ce qu’il se pas-
serait s’il l’obtenait et ce qui l’empêche de le faire. Éventuellement, interrogez un de
ses camarades sur ce qui ne le rend plus si sûr que cela soit une bonne chose, un autre
sur ce qui doit absolument être fait avant pour que cela soit possible, etc. Vous devriez
avoir en quelques minutes un cadre complet à partir duquel lancer la partie ;
• jamais : demandez à une joueuse ce que son personnage ne ferait pour rien
au monde, éventuellement ses raisons, puis – que ce soit quelque chose de négatif
ou de positif – pourquoi il est justement en train de le faire. Vous aurez peut-être
besoin de décrire un peu la scène pour amorcer la pompe. Impliquez ses camarades
dans ce qui vient de se passer ;
• double inversion : alors que leurs PJ sont en train de discuter avec leur
principal allié, celui-ci est abattu par un tireur embusqué. La communauté cherche
le meurtrier et elle tombe sur le bras droit de leur pire ennemi. Celui-ci dit être
innocent et venu pour changer de camp. En privé, il annonce que l’allié des PJ
était en fait un traître.
Fiche de synthèse
Susciter l’intérêt
Passer à la pratique
Transmettre l’essentiel
Quelques outils
Utiliser un générateur
C
ollaboratives ou compétitives, les relations entre les PJ sont un paramètre
important dans une partie de JdR, à plus forte raison dans une campagne.
Poser les bases des relations entre les personnages du groupe est une tâche
qui incombe fréquemment aux joueuses, lorsqu’elle n’est pas prise en charge par le
postulat initial du jeu (aventuriers réunis pour une quête, par exemple, sans entrer
dans les détails). Elles le font souvent en rédigeant l’historique de leur personnage,
mais ce n’est pas toujours le cas et des problèmes de cohésion émergent régulièrement :
il manque un élément pour fédérer les personnages.
Avez-vous déjà eu l’impression qu’à un moment donné de la partie, vos personnages
n’avaient plus aucune raison cohérente de rester ensemble ? Avez-vous déjà pensé qu’il
serait plus logique que votre personnage quitte le groupe, mais de le faire rester pour
des questions de « méta-jeu » (pour ne pas le voir devenir PNJ) ? Bref, il arrive qu’un
groupe de PJ n’ait pas de liant fort qui vienne expliquer sa cohésion.
Dans cet article, vous trouverez des solutions pour résoudre ces soucis, mais pas
seulement. Rassembler le groupe de PJ est important pour lui donner une raison
d’être, mais le diviser peut s’avérer aussi utile pour rendre la partie intéressante. C’est
un paramètre à doser avec parcimonie, parce que cette fluctuation entre union et
division peut générer des tensions et des rapprochements qui participeront à rendre les
PJ substantiels. Il sera également question des séparations et regroupements purement
physiques, ces moments où les PJ partent chacun de leur côté.
235
Rassembler
Voici un ensemble de techniques pour rassembler les personnages au sens large :
elles peuvent vous permettre de leur donner de bonnes raisons d’être physiquement
au même endroit, de former un groupe uni, de le rester, voire de se rabibocher. Sans
grande surprise, certains de ces effets seront beaucoup plus faciles à obtenir selon
le moment où vous décidez de les mettre en place.
Ces techniques, légèrement modifiées, pourront également servir à diviser les personnages.
236
• quel est le meilleur service que le personnage de la joueuse qui se situe à ta
droite t’ait rendu ?
Si vous estimez que les réponses sont trop neutres, manquent de piquant ou échouent
à créer des liens forts entre les PJ, passez à la vitesse supérieure et intégrez directement
des faits plus marquants dans vos questions :
• à qui as-tu sauvé la vie lors de votre première rencontre ? Dans quelles circonstances ?
rassembleR
• vous deux, comment vous êtes-vous sortis ensemble de ce combat perdu d’avance ?
• qui, autour de cette table, t’a présenté celui qui est devenu ton mari ?
• pour qui éprouves-tu, ou as-tu éprouvé, des sentiments amoureux ?
Il est facile, à partir de là, d’introduire les questions qui porteront en germe de
futures oppositions :
• qu’est-ce que t’a fait le personnage de la joueuse à ta droite que tu ne
lui as jamais pardonné ?
• quel est le défaut que tu ne supportes pas chez le personnage de la joueuse
à ta gauche ?
• pourquoi n’apprécies-tu pas que ce PJ fréquente le frère de ton personnage ?
• à qui regrettes-tu d’avoir sauvé la vie lors de votre première rencontre ? Pourquoi ?
Ce seront les joueuses qui décideront de la manière dont elles résoudront ou pas
ces oppositions, mais intégrer ces tensions permet de créer un groupe crédible, avec
ses hauts et ses bas.
Ne verrouillez pas trop cette étape pour laisser aux joueuses le plaisir de continuer à
développer ces relations en jeu. Votre objectif est simplement de poser des bases fertiles
dont elles se saisiront pour éviter que les premières séances de jeu ne soient trop fades.
237
Évidemment, ces catégories peuvent être poreuses. Si certaines méthodes sont davan-
tage adaptées aux jeux centrés sur les personnages, elles sont également intéressantes
pour les jeux à formule : après tout, les flics de C.O.P.S. se sont peut-être déjà croisés
dans le commissariat, ces Nephilim dans une vie précédente, etc. Ces liens antérieurs
représenteront toujours un enrichissement.
238
• les événements marquants : pensez au film Sleepers, lorsque les quatre gamins
des rues commettent malgré eux un crime au chariot à hot-dog. Cet événement les
liera à tout jamais. Intégrer un ou deux événements de ce type au background de
vos PJ peut suffire à installer un attachement fort entre eux. La palette d’événements
marquants est de plus assez large, de l’étape habituelle d’une vie à l’exceptionnelle
catastrophe, vous pouvez déplacer le curseur : agression, pire et meilleur souvenir,
décès d’un proche, rite d’initiation, premier emploi ou mission, emprisonnement ou
rassembleR
heures de retenue (rappelez-vous le film Breakfast Club, où cinq adolescents très
différents les uns des autres créent des liens forts en une journée de retenue), prise
d’otages, autant d’événements marquants qui, bien intégrés aux historiques de vos PJ,
peuvent leur permettre de commencer la partie avec un groupe soudé.
• les liens sentimentaux : l’avantage par rapport à la méthode de création de
groupe commune, c’est que vous pouvez choisir de cacher ces liens aux joueuses non
concernées et donc générer plus de surprises autour de ces situations (liaison secrète,
personnage naïf ne se rendant pas compte de ce qu’éprouve un autre à son égard, etc.).
Souvent, les sentiments, amoureux ou pas, sont laissés de côté dans les historiques des PJ.
N’hésitez donc pas, même si cela relève de la première impression diffuse, d’attirer
l’attention des joueuses sur ce sujet et de discuter avec elles de ce que leur personnage
ressent à l’égard de chaque autre PJ. C’est un sujet où il est souvent difficile de prendre
une décision à leur place, mais rien ne vous empêche de leur faire des suggestions.
Si vous intégrez ne serait-ce que deux PNJ, lieux, événements marquants et liens
sentimentaux dans chaque background, vous devriez arriver à obtenir un groupe avec
des relations substantielles. Par contre, tentez autant que possible d’éviter les heureux
hasards et autres causalités narratives cousues de fil blanc, qui viendraient saper la
crédibilité de votre travail.
239
Contrairement à la précédente méthode, vous n’aurez pas besoin de passer du temps
à réécrire ou modifier l’historique des PJ, puisque le background devient presque
superflu : il vous suffit de leur expliquer, à l’oral ou à l’écrit, en quoi cette méga-corpo
est devenue leur ennemie.
Pendant la partie
Si vous ne voulez ou ne pouvez pas consacrer le temps nécessaire aux précédentes
méthodes, voici quelques pistes pour rassembler votre groupe en cours de partie.
240
un rite rassemblant plusieurs tribus, etc. Ils vont alors être confrontés, ensemble, à
un phénomène qui va les pousser à s’associer. Il peut être dû au hasard (les Quatre
Fantastiques sont irradiés par des rayons lors de leur voyage spatial, les PJ fument une
cigarette à la sortie d’un night-club et sont agressés par des loups-garous), ou à une
manipulation déguisée en hasard (ils ont tous gagné un voyage, mais c’est un piège
d’une multinationale qui les a pris en grippe).
• Seuls contre tous : si les PJ sont spéciaux, pour le meilleur ou pour le pire,
rassembleR
cette singularité commune va les rassembler. Ils sont les champions respectifs de leur
tribu, ils sont les premiers mutants à manifester des pouvoirs surnaturels, ils appar-
tiennent à une minorité quelconque. Ainsi, il ne sera pas difficile de les rassembler
dans un lieu où ils auront des raisons crédibles de se rendre : les fêtes des moissons
pour les champions, une boîte de nuit connue pour accueillir des mutants, une église
de leur communauté religieuse dissidente. Pour reprendre un classique, si les PJ ne
sont pas censés être encore au courant de leur nature singulière, vous pouvez même
les faire commencer dans une cellule, où ils ont été emprisonnés à cause de ce qu’ils
sont, et les laisser s’en rendre compte en discutant.
Lorsque leurs PJ se rencontrent, laissez les joueuses prendre le temps de s’observer,
de se forger une première impression, en leur demandant de davantage montrer que
dire. Au lieu d’annoncer : « mon personnage est un ancien taulard à la mine pati-
bulaire », conseillez-leur de décrire leur PJ, que les autres joueuses aient la liberté de
se faire une opinion d’après ce qu’elles perçoivent. Contrairement à la méthode
précédente, ne précipitez pas le rythme.
Peu importe la méthode que vous choisissez, assurez-vous que chacune puisse trouver
sa place dans le groupe. Mais gardez en tête que les PJ ne se sont pas un simple assem-
blage de compétences : ils ne peuvent être résumés à une fonction pratique. Mettez
en jeu des situations où chacun pourra manifester sa personnalité : le premier PJ est
colérique mais courageux, le second PJ menteur mais intelligent, etc.
241
de discorde s’ils évitent le sujet) ; la seconde où ils devront collaborer pour s’en sortir.
Rien de tel qu’un beau combat en équipe pour se réconcilier, dos à dos contre une
myriade de gobelins ! Dans cette scène, sans exagérer, insistez sur l’éventuelle désorga-
nisation des ennemis pour mettre en valeur la complicité des PJ.
• Rappelez-leur qui est leur adversaire : une force opposante leur prend
quelque chose qui leur est cher. Elle a tué leur mentor, brûlé leur école, contaminé leur
soigneur préféré. Cet événement tragique les pousse à faire front et leur rappelle qu’il
existe des choses plus graves que leurs conflits internes qui méritent d’être mis de côté.
En tout cas, cela dirigera temporairement leur colère contre d’autres cibles.
• Donnez-leur un objet d’affection commun : s’ils sont à couteaux tirés,
transformez un élément important pour le premier PJ en un élément important pour
le second PJ. Dans la série Once Upon a Time, Emma Swan et Regina Mills, qui sont
au départ des ennemies jurées, ont un enfant en commun, mis au monde par la pre-
mière et adopté par la seconde. Leur lien maternel avec Henri va les obliger à travailler
ensemble pour finalement devenir des alliées. Choisissez donc deux PNJ dans l’entou-
rage proche de vos deux PJ, et faites en sorte de les lier de façon cohérente. Mieux,
pensez au personnage de Liv Tyler dans Armageddon, qui est à la fois la dulcinée d’un
personnage et la fille d’un autre. Avec un seul PNJ, vous pouvez rapprocher deux PJ.
• Confisquez la pomme de discorde : si au contraire, le groupe se déchire car
deux PJ poursuivent le même objectif antagoniste (nous en reparlerons), comme le
poste de capitaine du navire, ou le cœur du même homme, confisquez-leur, au moins
temporairement. L’objet de leur amour peut avoir disparu, être tué par un ennemi, le
bateau avoir été endommagé par un mystérieux saboteur, ou pire, avoir été coulé par
l’armée. Si le fait de poursuivre le même but était source de tensions, pour un temps
au moins il deviendra une force fédératrice.
• Mettez-les à la merci les uns des autres : faites en sorte que le premier PJ
puisse sauver le second, donnez-lui tout pouvoir sur lui. Mais gardez à l’esprit
que c’est quitte ou double, car rien ne vous assure qu’il ne choisira pas d’en profiter
pour au contraire l’enfoncer, et c’est là tout l’intérêt de ces situations : si le premier PJ
fait le choix d’aider le second, surtout s’il n’y a aucun témoin pour le répéter, cet acte
constituera un grand pas vers un rapprochement durable. Ces scènes peuvent prendre
bien des formes : au-delà du grand classique où un personnage se retrouve suspendu
dans le vide, attendant patiemment qu’un autre lui tende une main secourable, on
peut imaginer un interrogatoire où les policiers proposent au premier PJ de dénoncer
le second pour ne pas aller en prison (l’effet est d’autant plus efficace que l’interroga-
toire est cruel). La paladine doit par exemple choisir de sacrifier son épée magique,
symbole de son engagement, pour éviter à la sorcière du groupe d’être tuée par une
créature démoniaque. D’une manière ou d’une autre, elle sait que la chair du monstre
consumera l’arme. En résumé, si ce sauvetage implique un sacrifice de la part du PJ qui
a le pouvoir, cela en démultiplie l’effet réconciliateur (et le risque).
242
• Inversez les rapports de force : dans le cas où un PJ charismatique et fort
persécute un PJ timide qui a peu confiance en lui, mettez-les dans une situation où,
pour une raison ou une autre, le premier voit ce qui fait sa force (physique, mentale ou
sociale) être sérieusement diminué, rendant l’intervention du second indispensable.
Par exemple, le hacker est enfermé dans une autre pièce et doit guider le second PJ à la
voix pour effectuer le piratage du serveur central. La puissante barbare est aveuglée et
dépend des jets de perception du mage pour éviter les coups. Le beau Toréador raffiné
rassembleR
très populaire dans la société vampirique a été capturé par une meute de loups-garous
avec le Gangrel du groupe, et sa survie dépend entièrement de la capacité du vampire
bestial à négocier avec eux, car ils n’acceptent de ne parler qu’à lui.
• Faites intervenir leurs fans, c’est-à-dire n’importe quel PNJ appréciant un
ou plusieurs PJ. Cela peut être un individu ou tout un groupe, comme un village
reconnaissant d’avoir été sauvé. Plus les PNJ sont innocents ou dépendent des person-
nages, mieux c’est : eux ne voient que leurs qualités et leur renvoient une image posi-
tive de ce qu’ils peuvent accomplir ensemble. Ces fans seraient terriblement déçus s’ils
en venaient à comprendre que leurs héros ne sont pas à la hauteur de leurs discours.
C’est une façon relativement indolore de mettre les PJ au pied du mur, de leur faire
prendre un peu de recul pour se rendre compte de ce qu’ils ont accompli et d’envisager
ce que serait le monde sans eux. Cela fonctionne aussi avec les mentors ou n’importe
quel autre PNJ adjuvant. Vous pouvez encore en rajouter en leur montrant par ce biais
qu’ils sont les seuls à pouvoir sauver le monde.
• Sortez le miroir : confrontez-les à un problème qui, de manière subtile et impli-
cite, les renvoie à leur propre situation : la querelle de deux frères a mené un village à sa ruine,
cette détenue regrette tellement d’avoir tué son ami pour une histoire d’argent, ce soldat
d’avoir dénoncé sa sœur juste parce qu’ils étaient amoureux de la même femme, etc. Faites
en sorte que ces PNJ deviennent le potentiel reflet de leurs regrets et remords si jamais ils
laissent leur situation se détériorer. Cela les poussera peut-être à parler de leurs sentiments.
• Permettez-leur de se racheter : si le mal est déjà fait, pour arranger les choses
il faut avoir la possibilité de se rattraper. Si vous avez le choix, donnez au premier PJ
le bouclier magique que recherche le second. Si le premier décide d’en faire cadeau
au second, cela permettra peut-être à ce dernier de le pardonner de ne pas avoir sauvé
son familier.
• Acceptez un départ : si, malgré vos efforts, le groupe ne retrouve pas
une cohésion satisfaisante, acceptez que certains PJ partent et qu’une ou plusieurs
joueuses créent de nouveaux personnages. Peut-être que cet événement resserrera
les rangs de ceux qui resteront.
Peu importe le moyen que vous employez, surtout n’imposez rien. Proposez des
choix qui permettent de rassembler le groupe, mais ne forcez pas sa cohésion. Si vous
n’en avez pas fait un prérequis initial, c’est aux joueuses de décider. Vous ne gagnerez
rien en utilisant de grosses ficelles ou en manquant de subtilité.
243
En parler « hors-jeu ? »
Toutes les techniques présentées dans cet article partent du principe que les choses
peuvent se résoudre à l’échelle des personnages. Toutefois, si vous sentez que le pro-
blème vient d’une incompréhension entre les joueuses ou d’un comportement inadapté,
il sera plus rapide et plus efficace d’interrompre la partie pour en discuter. Cela n’a rien
de honteux, et peut vous permettre par exemple de corriger un oubli, de repréciser
un élément important, etc. Vous pouvez même aller plus loin en expliquant que les PJ
s’apprécient même si on ne l’avait pas précisé au départ. Mieux vaut une courte discus-
sion hors-jeu et repartir sur des bases saines que passer des heures à continuer une
partie devenue médiocre.
244
à part, tentez-les, par exemple en leur donnant plus de pouvoir s’ils gardent certaines
ressources ou informations pour eux. S’ils succombent à la tentation, faites en sorte que
certaines de leurs petites trahisons remontent à la surface. S’il vous semble trop contrai-
gnant de systématiquement avoir recours aux apartés, faites-les uniquement lorsque la
situation devient tendue ou propice à la trahison, notamment les scènes d’interrogatoire
où il est plus facile, pour les joueuses spectatrices censées ne pas être là, de se concentrer
sur des détails et de souffler des questions. Si jamais l’interrogateur a raté un élément
rassembleR
crucial, débrouillez-vous pour que les autres le sachent lorsqu’il sera trop tard, ou passez-lui
des mots de façon visible. Lors des scènes d’exploration ou de fouille, expliquez que
les joueuses gagneront un temps précieux si elles se répartissent différentes zones ou
demandez-leur simplement, si elles décident de fouiller à plusieurs, qui cherche dans
quelle zone. Chaque PJ examinant une zone éloignée de celle des autres, après un jet
de perception, n’hésitez pas à utiliser de petits papiers pour transmettre le résultat aux
joueuses : même si aucune ne garde quoi que ce soit pour l’enrichissement personnel de
son personnage, cela poussera les autres à s’interroger et à se rapprocher pour voir ce qu’il
en est. Et si certaines le font, demandez des tests aux autres pour qu’elles puissent s’en
apercevoir. Ce genre de méthodes les encouragera à éviter de se séparer pour pouvoir se
surveiller les unes les autres, ou s’assurer de ne rien oublier.
• faire des apartés : c’est un moyen classique, qui a pour avantage de préserver la
surprise des joueuses et pour inconvénient de casser le rythme de la séance si le MJ y
a trop fréquemment recours. Le mieux est de l’utiliser lorsque la séparation sera proba-
blement de courte durée, et si vous souhaitez que la scène où le PJ raconte ce qui lui est
arrivé loin du groupe soit intéressante, notamment si les informations qu’il a découvertes
dépendent de son interprétation (apparences trompeuses, malentendus, etc.) ;
• permettre à la joueuse dont le PJ est absent d’incarner un PNJ : cette méthode est
peut-être la plus adaptée lorsque le PJ va être amené à être longuement séparé du reste
du groupe. La joueuse sera ainsi moins frustrée, mais il peut être parfois difficile d’assumer
les conséquences de ses actes s’il s’avère que ce PNJ en sait plus que la joueuse, ou s’il a un
rôle-clé à jouer dans la suite. L’équilibre est donc difficile à atteindre, entre PNJ insignifiant
qui n’intéressera pas ou peu la joueuse, et PNJ majeur qui risque d’avoir trop de pouvoir ;
245
ENTRE lES séances
Pour rassembler les personnages, vous pouvez utiliser ces lettres de deux manières. La pre-
mière consiste à intégrer de nouveaux événements s’étant déroulés entre les séances, et
au cours desquels les PJ se sont rapprochés. La seconde est de proposer, parmi les actions
disponibles, des options pour les unir ou les rabibocher dès le début de la séance.
246
• Amorcez les scènes de rapprochement : lorsque la tension retombe autour du
feu, dans le véhicule qui ramène les PJ, à la cantina ou dans la salle de pause du com-
missariat, si d’elles-mêmes les joueuses n’engagent pas la conversation, vous pouvez leur
rappeler les temps forts de l’action, où leur travail d’équipe a fait la différence : « Jack,
alors que tu regardes O’Neil boire son café tant bien que mal avec sa main bandée, tu te
souviens de la manière dont il s’est interposé entre le flingue et toi. » Pour éviter que cet
outil devienne une ficelle trop évidente, utilisez-le avec parcimonie et variez ses formes.
rassembleR
Cela peut par exemple être l’occasion de faire intervenir des PNJ mentors ou fans pour
féliciter le PJ qui s’est sacrifié, ou l’époux d’un PJ qui vient remercier son coéquipier
d’avoir sauvé la vie de son conjoint, un journaliste qui mette cette coopération en valeur,
etc. Plus long à mettre en place mais pour obtenir un effet plus marqué, donnez à un PJ
le moyen de résoudre l’objectif personnel d’un autre. Cela peut prendre la forme clas-
sique de l’objet qu’il recherche ou, plus subtil, le premier PJ va contribuer à réconcilier
le second avec un membre de sa famille ou à laver son honneur d’un crime qu’il n’a pas
commis. Bien sûr, vous pouvez vous servir des mêmes outils pour diviser le groupe.
• Installez une ambiance propice à créer des liens : certains PJ semblent
amorcer un rapprochement amoureux ? Insistez auprès de l’un sur les ombres qui
dansent sur le visage de l’autre autour du feu de camp. Les PJ font la fête au bar ?
Insistez sur le fait que tous les autres flics se tiennent autour d’eux et qu’ils sont les stars
de la soirée, que d’autres paraissent envier leur complicité.
• demandez-leur comment ils organisent leur vie entre les scénarios : comment
vivent-ils au quotidien ? S’ils ne se voient jamais, faites-leur remarquer : « et vous ne vous
voyez pas du tout ? » Au pire, si vos joueuses n’ont vraiment pas le réflexe qui va leur
permettre de renforcer leurs liens, l’époux d’un PJ peut proposer d’inviter à dîner un ou
plusieurs autres. Ils peuvent également se croiser dans le village, dans le bar où ils ont
leurs habitudes, si cela reste crédible. Vous pouvez même intercaler des inter-scénarios
visant à les rapprocher, pour cela je vous renvoie aux méthodes précédemment énoncées.
247
Laissez-les s’ennuyer
Si la cadence d’une partie est une donnée fondamentale à prendre en compte, sans
tomber dans le pur contemplatif, le fait de laisser le rythme ralentir sans chercher à
le relancer peut générer des développements très intéressants. Évidemment, cela
concerne les campagnes au moyen ou long cours et ne doit pas devenir trop fréquent.
Les bacs à sable à l’échelle d’une vaste région ou d’un pays s’y prêtent très bien, comme
les road trip ou autres expéditions, où le trajet n’est pas une ellipse mais au contraire le
cœur du jeu (L’Anneau unique, Ryuutama, etc.)
Parfois, les PJ sont bloqués1 : ils ne peuvent pas s’offrir le voyage pour se rendre là où la
suite de leurs aventures les attend, leur contact est mort et ils ne savent pas quoi faire
ni ou aller, parce qu’ils ont échoué à trouver une solution à leurs problèmes ou parce
qu’ils ont pris des décisions qui ont mené à cette situation. L’échec n’est pas la fin de
l’histoire mais une autre direction que prend celle-ci, dit-on. Pour autant, ne minorez pas
les conséquences de leurs actes : si les solutions pour continuer semblent trop faciles,
cela revient à nier leur influence sur la partie. Le fait de trouver ensemble des solutions
sans que vous leur tendiez la perche contribuera à les rapprocher : par exemple, ils
peuvent décider de travailler pour gagner de l’argent ou de partir en stop pour un périple
de plusieurs jours qui aurait duré deux heures en avion, de passer chez la famille de l’un
d’eux car ils ne peuvent plus continuer sans être soignés, etc.
• Demandez aux joueuses ce qu’elles veulent faire entre les séances : certains
JdR le proposent. Oltrée ! fournit au MJ une feuille d’aventure, un outil pour imaginer
la zone à explorer par les PJ selon ce but défini par les joueuses en posant des questions
telles que : « qu’est-ce qui peut aller mal ? », ou « qu’est-ce qui pourrait faire changer
d’avis ou reculer les patrouilleurs ? ». Ces objectifs peuvent être résolus en un seul
scénario, ou occuper toute une campagne, à vous de décider. De mon expérience, il
est généralement mieux de laisser jouer quelques parties au groupe avant de demander
aux joueuses de déterminer des objectifs communs, de façon à les laisser se familiariser
avec l’univers pour être plus inspirées. Quoi qu’il en soit, les joueuses seront probable-
ment plus investies dans un objectif qu’elles auront défini ensemble, et qui fédérera
d’autant plus facilement leur groupe.
Naturellement, cette liste n’a rien d’exhaustif. Toutefois, il s’agit d’autant de tech-
niques éprouvées qui ont toutes eu l’occasion de faire leurs preuves. Assurez-vous juste
d’en changer suffisamment souvent pour qu’elles ne deviennent pas des « tics »
de maîtrise et perdent toute efficacité.
1. À ce sujet, consultez également l’article « Animer les scènes spéciales » sur les attentes, p. 195.
248
Diviser
Ont été évoqués, dans la partie précédente, un certain nombre d’outils visant à
fédérer le groupe qui pouvaient également servir à le diviser au prix de quelques
modifications. Voici maintenant des méthodes spécifiquement pensées pour semer
la discorde parmi les PJ, mais cette liste sera plus courte puisque de nombreux
moyens ont déjà été cités.
rassembleR
Pourquoi diviser le groupe ? Car les conflits, les tensions et les incompréhensions
contribuent à faire des PJ des personnages substantiels, et pas de simples pions ou
listes de compétences utiles. Il ne s’agit pas de décider des relations entre les PJ à la
place des joueuses, mais de mettre en place des situations intéressantes et de les laisser
choisir quelle en sera l’issue.
249
Pour que le procédé reste efficace, ne mettez pas systématiquement de traître
et surtout, ne donnez pas toujours ce rôle à la même personne. Laissez à la
joueuse une porte de sortie pour éviter qu’elle ait l’impression de n’avoir aucune
liberté (pouvoir se soustraire à l’influence de ses maîtres chanteurs, avoir la
possibilité de se défaire d’une idéologie fanatique) et permettez au groupe de
se rendre compte de ladite trahison. Il appartient aux joueuses de décider de la
façon dont elles géreront cette situation qui ébranlera la confiance du groupe
dans son ensemble.
Si vous voulez vraiment charger la mule pour diviser le groupe, faites en sorte
que les commanditaires du traître lui conseillent d’appuyer sur les points sen-
sibles, à savoir les secrets de chacun, les rivalités, les tensions, etc., bref tout ce
qui relève des relations humaines.
De très nombreux jeux prévoient des éléments qui se prêtent à l’intégration d’un
traître dans un groupe, comme les anges de Mathias pouvant infiltrer les rangs
des démons dans INS/MV, la police des polices chez les C.O.P.S., le Sabbat dans
Vampire : la Mascarade, etc.
PENDANT la partie
250
Si vous utilisez cette méthode, prenez garde à éviter certains écueils :
• pour certaines joueuses peu habituées, le fait qu’il s’agisse d’une contrainte
sur laquelle elles n’ont aucune prise peut rendre l’expérience désagréable. C’est
d’autant plus vrai si vous vous en servez pour systématiquement défaire les liens
qu’elles s’évertuent à mettre en place. Cela revient indirectement à leur signifier que
cela ne sert à rien de jouer ;
rassembleR
• tenez compte du caractère des personnages. Dans l’exemple pris précédem-
ment, si Carrie n’est pas violente habituellement, il vaut mieux chercher une réaction
plus adaptée à sa personnalité. Sinon, insistez sur le caractère exceptionnel de son
attitude : « Carrie, toi qui es toujours si douce, qu’est-ce qui a bien pu te bouleverser
suffisamment pour que tu en viennes à frapper Alain ? ».
Cette méthode peut faire l’objet d’un flash-forward : lorsque la séance commence,
vous décrivez la scène aux joueuses, puis vous revenez dans le temps et vous serez
surpris de constater à quel point celles-ci essaieront d’arriver à la scène en question.
Toutefois, même si cette technique apporte généralement une satisfaction intense en
cas de succès, soyez conscient que ce « passage obligé » reste une contrainte et que vous
n’avez aucune garantie d’y arriver.
251
mauvaise réputation d’un PJ retombe forcément sur le reste du groupe (regards de
travers des PNJ, brusque arrêt des conversations quand ils arrivent à la machine à
café, pression de la hiérarchie, etc.), ce qui va tendre les relations entre PJ. N’hésitez
pas à utiliser les médias pour aggraver ou générer le doute : journaux, réseaux sociaux,
tags, crieurs de rue, bardes, etc. Il existe un épisode de la série Kaamelott (Pupi, sai-
son 2 épisode n° 183), qui constitue un excellent exemple de ce procédé. Au marché,
Arthur rencontre Karadoc et sa famille. Ils assistent à un spectacle de marionnettes
les mettant en scène, eux et d’autres héros de la série. Cela permet de dire implicite-
ment qu’Arthur est populaire, mais surtout, dans le cas qui nous occupe, d’annoncer
l’idylle naissante entre Guenièvre et Lancelot, qui dans l’avenir sera une des causes
de leur conflit. Et dans le cas de Karadoc, imaginez l’impact que cela aurait pu avoir
si jamais, devant sa famille, ce spectacle l’avait fait passer pour un idiot ou un traître.
Soyez attentif aux détails, et surtout à ce qui se voit de l’extérieur, et la manière dont
cela peut être perçu et déformé.
• Faites prendre parti aux PNJ : lorsqu’un PJ a un doute sur d’autres, avoir
quelques PNJ qui vont dans son sens peut être intéressant. Mieux, ces PNJ peuvent
attirer l’attention des PJ sur des points troublants qu’ils n’avaient pas remarqués.
Prenons l’exemple du policier corrompu qui détourne de l’argent. Un collègue un
peu balourd peut lancer, au détour d’un couloir : « z’êtes bien payés dans l’équipe
d’intervention, je viens de voir ton coéquipier débarquer en Aston Martin… c’est
toi, la James Bond Girl ? » avant d’éclater d’un rire gras. Si le PJ est assez intelligent
pour éviter d’afficher des signes de richesse aussi ostensibles, poussez-le à la faute pour
permettre aux PNJ de faire circuler les informations : si le PJ essaie de séduire un
PNJ, ce dernier peut avoir d’envie d’aller dîner dans ce restaurant hors de prix, et y
être aperçu par un autre PNJ qui ne se privera pas d’en parler à la machine à café.
Et si la faute en question est commise pour des raisons altruistes mais inavouables
(protéger un collègue, payer les frais de santé de son frère), cela crée une histoire dans
l’histoire, ce qui est très efficace pour générer des intrigues secondaires ou amener un
sentiment de continuité. Lorsque les soupçons sont déjà là, les PNJ peuvent émettre
des réflexions pour encourager un PJ suspicieux à se méfier : « Amy ? Quand on était
à l’école de magie, elle m’a fait un sale coup qui m’a valu quelques heures de colle à sa
place. » Titiller la curiosité du PJ pour qu’il ait envie d’en savoir plus peut le pousser
à se rapprocher du PNJ, voire à se confier à lui. Ce PNJ deviendra dès lors un bon
moyen pour vous d’attiser et de relancer les tensions.
Mettez-les en concurrence
On entend parfois que le JdR est un jeu uniquement collaboratif et non compé-
titif. Pourtant, comme dans n’importe quel autre jeu ou histoire, personnages et
joueuses peuvent être en concurrence pour atteindre le même objectif. Nous avons
tous eu, autour de notre table, des joueuses qui rivalisaient pour être les meilleures
en combat, en pilotage ou autres.
252
• Proposez des situations propices à la compétition : cela peut concerner
les spécialités des personnages (combat, enquête, persuasion, etc.), mais aussi l’intérêt
des PNJ : le respect d’un mentor ou d’un adversaire, l’amour d’un amant, l’intérêt
des médias, une promotion, etc. Si les PJ arrivent à franchir la plupart des obstacles
en jouant sur la complémentarité de leurs compétences, faites parfois en sorte, au
contraire, que la spécialité de tel ou tel personnage devienne une contrainte pour un
autre, par exemple en rendant inutile ou inefficace sa propre spécialité : imaginons une
rassembleR
partie de Shadowrun où une même information peut être obtenue par une intrusion
astrale (magie), matricielle (informatique) ou physique (force). Toutefois, chaque
approche rendra les autres caduques et il va falloir choisir. En résumé, minorer pour
un temps (du moins en apparence) l’aspect complémentaire poussera certains PJ à
vouloir s’accaparer un genre d’autorité sur le reste du groupe lorsqu’ils se persuade-
ront, petit à petit, qu’ils sont plus « efficaces » que les autres.
• Ne récompensez pas en fonction du mérite de chacun. Par exemple, si les
PJ résolvent un problème tous ensemble, débrouillez-vous pour que seule une partie du
groupe en récolte les lauriers. Ne vous préoccupez pas tant des points d’expérience ou
d’autres récompenses techniques que de celles liées à l’univers du jeu. Ainsi, suite un
combat contre un monstre terrorisant un village, décidez que les habitants ne voient que
le coup final et ne traitent qu’un seul des PJ comme un héros : ils lui parlent en priorité,
le considèrent comme le chef, l’invitent à la table du maire, essayent de s’attirer ses grâces,
lui trouvent toujours des excuses, le défendent contre ses camarades, etc. Par contre, ces
derniers sont loin de recevoir le même traitement, et on ne cesse de les ignorer ou de leur
couper la parole, ce qui ne devrait pas manquer d’attiser leur jalousie, ou au moins de
les agacer. Vous pouvez obtenir le même effet en variant la nature des récompenses, par
exemple en donnant un artefact unique censé récompenser le travail du groupe au PJ le
moins méritant sur cette mission, ou à celui qui sera le moins qualifié pour en tirer parti.
1. Wick John, Houses of the Blooded, Wicked Dead Brewing Company, 2008.
2. Cule Michael, Pearcy Derek, Wallis James, The Extraordinary Adventures of Baron Munchausen,
Hogshead Publishing, Londres, 1998.
253
• Utilisez les hiérarchies et jouez sur l’asymétrie entre les personnages en
termes d’autorité. Servez-vous des différences de statut pour créer la zizanie dans le
groupe, notamment via les réactions des PNJ, qui auront peut-être tendance à moins
respecter ceux qui sont en bas de l’échelle. Cette hiérarchie peut être officielle ou
plus pernicieuse et illégitime, comme celles liées à l’âge ou au genre. Comme dans
l’exemple précédent, les PNJ peuvent constamment répondre en regardant tel ou tel PJ,
même lorsque la question est posée par un autre, ou avoir des exigences différentes,
aussi bien en cas de réussite que d’échec.
• vous pouvez parfois être injuste avec les personnages, pas avec les joueuses ;
• ne forcez pas les PJ à se détester, mais mettez-les dans des situations propices
à générer de la tension.
254
Réappropriez-vous les clichés de l’univers
La plupart des univers comportent déjà des éléments pouvant être utilisés comme
sources de tensions parmi les personnages. Ceux-ci ont beaucoup servi, pas toujours
à bon escient, et il est rare d’y avoir encore recours. Prenons l’alignement : il n’a pas
pour unique fonction de nous dire si un PJ a le droit d’utiliser tel objet, il implique
également toute une philosophie de vie. N’hésitez pas à jouer dessus lorsqu’il peut être
un moyen d’opposer, et plus généralement de caractériser, deux personnages. Ainsi,
rassembleR
dans un groupe impliquant un assassin et un paladin, vous pouvez décrire au second
la manière dont le premier lui sauve la vie en se montrant extrêmement cruel avec leur
ennemi commun, le sorcier maléfique, poser la question au personnage de savoir ce
qu’il en pense, voire faire intervenir la hiérarchie religieuse, surtout si celle-ci est parti-
culièrement injuste envers l’assassin. Entre le cliché éculé et l’opposition si vive qu’il est
impossible pour deux personnages de cohabiter, il existe tout un spectre de variations
intéressantes. Et ce qui est vrai pour l’alignement l’est aussi pour toutes les formes de
préjugés et de discriminations que l’on retrouve dans nos univers (clans de vampires,
nains et elfes, racisme anti-métahumains, écoles de magie rivales, tensions de genre,
etc.). Même si on a tendance à les évacuer, vous pouvez au contraire les transformer
en une véritable richesse, aussi utile pour rapprocher que pour diviser les personnages.
Par exemple, il vous suffit de croiser deux sources de tension de nature différente pour
donner du grain à moudre à vos joueuses : est-ce que le Brujah et le Tremere ayant
fait partie du même gang lorsqu’ils étaient humains vont être solidaires ? Ou seront-ils
avant tout loyaux envers leurs clans ? Est-ce que la solution proposée par les orques
n’est pas, au final, la plus « humaine » ?
Pour vous réapproprier ces clichés, vous devez faire ressentir leur poids (par exemple
en multipliant les petites scènes anodines destinées à montrer à quel point ils
font partie de la vie quotidienne), mais également multiplier les situations où les
personnages sont forcés de se positionner autour de ces questions. Cela peut prendre
la forme d’un événement qui se produit sous leurs yeux et les pousse à débattre de la
marche à suivre ou les amène à choisir entre leur loyauté prétendue et la solidarité avec
le reste du groupe. Encore une fois, attention à ne pas constamment mettre des enjeux
trop élevés : l’objectif n’est pas de scinder définitivement le groupe mais de rendre les
relations entre les personnages plus riches et plus profondes.
255
Isolez-les géographiquement
Lorsqu’une situation devient tendue ou que le groupe est affaibli, il peut être inté-
ressant de le séparer pour faire monter la tension d’un cran.
• Afin de les pousser à la trahison, même inconsciente : les scènes d’inter-
rogatoire ou de procès s’y prêtent parfaitement. Un jet de volonté raté peut signifier
qu’un PJ révèle une information cruciale sur la véritable identité d’un autre lors d’une
convocation chez un supérieur, par exemple.
• Afin de les mettre à la merci des ennemis : suite à un test de perception manqué
(ou autre) d’un des personnages, une partie de la salle souterraine en ruine dans laquelle les
PJ sont éparpillés pour la fouiller s’effondre et sépare le groupe en deux. La première partie
est alors attaquée par de redoutables ennemis et la seconde entend les cris de douleur de
ses compagnons, qu’elle retrouvera plus tard dans un piteux état. Débrouillez-vous pour
que le fait que l’accident soit dû à l’erreur d’un de ceux qui ont été préservés de l’attaque
soit clair, et des tensions devraient rapidement émerger. Cela peut également se produire
lors d’un combat : un échec critique du premier PJ isole le second du reste du groupe.
Il est alors assailli par de nombreux adversaires qui le blessent très grièvement.
256
Utilisez les comptes rendus
Qu’ils aient une incarnation quelconque dans l’univers du jeu (rapports de mission,
échanges épistolaires, journaux intimes, articles ou chroniques pour une organisation
quelconque) ou pas (souvenirs, prises de note), vous pouvez utiliser les comptes rendus
des joueuses pour diviser le groupe. Sans même parler du fait que d’éventuels rapports
des personnages pourraient tomber entre de mauvaises mains (voir les techniques liées
aux médias), les joueuses n’auront jamais la même version des événements et il arrivera
rassembleR
fatalement un moment où ce que dit l’une pourra être mal interprété par l’autre, ou
par un PNJ s’en servant contre un PJ. Cela fonctionne d’autant mieux lorsqu’il s’agit
de rendre des comptes à une autorité et que seul un personnage peut s’exprimer à la
fois (policier face à la justice, inquisiteurs ne pouvant donner l’impression de douter,
samouraïs ne voulant pas se déshonorer, etc.).
Rassembler
Pendant la partie
Faites de la cohésion l’objectif de la première séance.
• La convocation par une force extérieure identifiée.
• Mauvais endroit, mauvais moment.
• Seuls contre tous.
Faites-les pleurer ensemble.
• Organisez un face à face et un dos à dos.
• Rappelez-leur qui est leur adversaire.
• Donnez-leur un objet d’affection commun.
• Confisquez la pomme de discorde.
• Mettez-les à la merci les uns des autres.
• Inversez les rapports de force.
• Faites intervenir leurs fans.
• Sortez le miroir.
• Permettez-leur de se racheter.
• Acceptez un départ.
Maîtrisez les séparations et dissuadez-les de faire bande à part.
• Faites intervenir l’autorité.
• Montrez-leur que l’isolement est dangereux et néfaste.
• Utilisez le méta-jeu pour les rendre paranoïaques.
258
Diviser
PENDANT la partie
Mettez-les devant le fait accompli
rassembleR
Instillez le doute via des moyens apparemment « neutres ».
• Multipliez les tests qui permettent habituellement de détecter un danger.
• Lancez des rumeurs, vraies et fausses.
• Faites prendre parti aux PNJ.
Mettez-les en concurrence.
• Proposez des situations propices à la compétition.
• Ne récompensez pas en fonction du mérite de chacun.
• U tilisez les hiérarchies et jouez sur l’asymétrie entre les personnages en
termes d’autorité.
Prenez leur jouet préféré et donnez-le à un autre.
Réappropriez-vous les clichés de l’univers.
Obligez un PJ à privilégier l’un de ses compagnons au détriment d’un autre.
Isolez-les géographiquement.
• Afin de les pousser à la trahison, même inconsciente.
• Afin de les mettre à la merci des ennemis.
personnelles
Gregory Pogorzelski
L
a magie ne prend plus vraiment. Les aventuriers ont autre chose à faire
que d’aller battre la campagne en essayant de déchiffrer une carte miteuse.
Les shadowrunners trouvent monsieur Johnson complètement tarte et parti-
culièrement radin. Le cercle paranormal de l’université Miskatonic ne pétille même
plus de l’œil à la lecture de cette lettre, écrite par un lointain cousin dont on ignorait
l’existence, où il décrit les grenouilles bizarres et les lumières étranges émanant de la
demeure centenaire qu’il a achetée pour une bouchée de pain.
Vos joueurs n’ont plus envie d’aventures à l’emporte-pièce. Ils en ont assez d’avoir
l’impression d’incarner des personnages interchangeables ou que s’ils ne se donnent
pas la peine de résoudre le scénario, n’importe qui d’autre pourra le faire à leur place.
Non, ce qu’ils veulent, c’est que l’on découvre un peu qui sont leurs bonshommes.
Que l’on profite des trente pages de background et des quatre heures de choix méca-
niques méticuleux qu’ils se sont farcis avant la première partie (voire pendant les
séances précédentes de la campagne), et de tous les éléments intéressants qu’ils ont dû
laisser derrière eux par la force des choses.
Ils ont envie que ça devienne personnel.
Animer une aventure taillée sur mesure pour les PJ semble être un sacré programme,
mais ce n’est pas aussi dur que cela en a l’air. Cet article vous propose une liste d’astuces
pour arriver à donner l’impression aux joueurs que l’essentiel tourne autour de leurs
261
personnages et de personne d’autre ! Vous y trouverez d’abord des conseils généraux,
puis une méthode pour les mettre en pratique en choisissant un méchant et un plan
machiavélique correspondant exactement à vos héros.
1. Appel Shannon, Laws Robin D., Robertson Roderick, Stafford Greg, Hero Wars, Issaries Inc., Oakland, 2000.
262
son alter ego a pu les apprendre, les développer, ce qu’elles risquent de représenter
pour lui à l’avenir, etc. Inspirez-vous de la liste de questions dans le prochain encadré,
rebondissez dessus, demandez l’avis des autres joueurs quand l’intéressé sèche, et très
vite tout cela sera bien plus que des chiffres.
Naturellement, cette observation ne s’arrête pas avec la fin de l’étape de création.
Essayez par exemple de percevoir la dynamique dans laquelle sont les joueurs lorsqu’ils
décident de dépenser des points d’expérience ou d’héroïsme, de choisir telles disci-
plines ou telles voies, etc. C’est souvent très révélateur, surtout lorsque cela ne semble
pas correspondre au discours affiché des joueurs (ce qui ne veut pas forcément dire
qu’il y a un problème, ni, si c’est le cas, qu’il vient d’eux).
personnelles
certains aspects techniques des personnages
• Qui t’a appris cette compétence ?
La présentation au tableau
Demandez aux joueurs de présenter leur personnage oralement, devant le groupe.
Précisez-leur d’être brefs et de se concentrer sur l’essentiel. Si quelque chose pique
votre intérêt ou vous laisse dans le flou, réclamez des précisions et encouragez vos
263
petits camarades à faire de même. Soyez attentif à la façon dont ils réagissent, s’ils
écoutent d’un air poli ou s’ils sont captivés par ce qui est dit. Retenez surtout ce qui
intéresse le plus de monde autour de la table. Plus le groupe s’anime autour d’un
élément, plus ce dernier aura de chances d’intéresser les joueurs durant la partie.
Observez-les de près
La journée-type
C’est votre première partie et vous ne savez pas par quoi commencer1 ? Au contraire,
cela fait tellement longtemps que vous jouez que vous ne savez plus bien comment
renouveler l’intérêt des joueurs ? Lancez cette phrase : « bon, on va dire que c’est une
journée calme. Pas d’alerte, pas de menace qui pèse, tout est tranquille. Vous faites
quoi quand tout va bien ? » Laissez-les faire, mais à la moindre excuse, réincorporez
tout ce que vous avez pu récolter sur les personnages avant la partie, tout ce qui vous
intrigue dans leurs apports, tout ce que vous avez envie d’explorer : un coup de fil de
leur mentor, une apparition de leur rival, des symptômes de leur maladie, etc. Allez-y
en douceur : cela n’aura pas de graves conséquences, pour cette séance du moins.
Regardez comment ils réagissent, même si chacun s’occupe de ses affaires dans son
coin. Enfin, terminez par un cliffhanger. La technique de la journée-type est particuliè-
rement utile lorsque vous faites une séance de création et que vous ne voulez pas vous
quitter sans avoir rodé vos personnages – ou les mécaniques du jeu – pendant une
heure ou deux. Les découvrir en action est toujours plus efficace.
264
est la meilleure auberge du village ? C’est quoi, sa spécialité ? » En posant des questions
sur l’univers de jeu non pas au joueur mais à son personnage, et en lui demandant
quelque chose qu’il est censé savoir, vous faites d’une pierre deux coups. Vous sondez
l’imagination des joueurs à la recherche d’inspiration et, surtout, vous encouragez le
joueur à se projeter dans son personnage, à répondre du point de vue de ce dernier
et donc, à vous donner des prises pour faire en sorte de l’impliquer personnellement.
personnelles
donnent est une compétence qui vous sera toujours utile. Par contre, la question de
savoir comment réincorporer tout cela dans vos parties est tout aussi cruciale. Voici
quelques pistes très simples pour arriver à vos fins.
Leur entourage
Personne n’est une île. Tout le monde a de la famille, des amis, des collègues, des
fournisseurs, des indics, des subordonnés, des patrons, des commanditaires, etc.
Le but n’est pas – nécessairement – de transformer votre campagne en Downton
Abbey, mais une poignée de seconds rôles du côté des PJ rend votre univers plus
riche et plus crédible. Et s’ils sont inspirés par les idées des joueurs, ils se feront
un plaisir d’interagir avec eux… voire de prendre des risques pour eux. Car, si la
ficelle du vieil oncle que l’on ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam et qui lègue une
maison hantée en Écosse est franchement surannée, elle devient beaucoup plus
efficace lorsqu’il a été introduit par un joueur, ou que les PJ ont déjà pu interagir
avec lui et ont des raisons (techniques, narratives, affectives ou n’importe quelle
combinaison des trois) de s’y être attachés.
Des antagonistes
Qu’est-ce que vous allez leur mettre en face, à nos héros ? Il vous faut des grands
méchants, des rivaux, des adversaires, des institutions menaçantes, des clans ennemis,
des armées entières et j’en passe. Dès qu’un PJ est remonté contre quelqu’un ou au
contraire, dès qu’il s’est mis quelqu’un à dos, notez-le quelque part. Même dans le
cas où votre table est remplie de paladins en peluche avec des cœurs sur le ventre
et dont les montures sacrées ressemblent fortement à des petits poneys, ils ont for-
cément pris la place de quelqu’un, déplu, ou ont accompli quelque chose dont la
conséquence peut avoir été négative. Même indirectement.
265
Des MacGuffins
Un personnage recherche l’épée de son père. Le cadre de la corpo possède des preuves
incriminant les shadowrunners. Barghul le nécromant veut le phylactère de Vesuvius
pour asservir le royaume. L’alchimiste est en quête du temple d’Hermès. Ces éléments
en apparence capitaux mais dont l’importance réelle est moindre que prévu sont du
pain bénit pour le MJ. Surtout, n’en laissez aucun de côté. Ils feront d’excellentes
motivations et, plus généralement, seront autant de ressources narratives de premier
choix durant les séances.
Des décors
Utilisez les endroits qu’ils fréquentent régulièrement, volontairement ou à contre-
cœur, ou qui ont une importance particulière pour eux. Leur taverne préférée, le
temple du paladin, la boutique de sorcellerie, le siège social de la méchante méga-
corpo, le château de Barghul le nécromancien. Un plan n’est pas obligatoire mais un
nom, une ambiance et quelques faits marquants aident grandement à les mettre en
scène. Et bien entendu, n’oubliez pas de peupler ces décors avec des PNJ tout autant
liés aux personnages.
266
Comment réintégrer tout ça : le méchant !
Ce qui suit est un exemple assez classique d’utilisation de tout ce que nous avons
vu précédemment : ne vous contentez plus des adversaires pour intégrer des ennemis,
voire des Némésis. Prenez un méchant, donnez-lui un plan, lancez-le sur la trace des
personnages et laissez bouillir. Ils le connaissent, il leur en veut, et personne n’a envie
de lâcher quoi que ce soit. Vous avez un scénario. Pour pouvoir réellement vous en
servir, vous aurez principalement besoin des éléments suivants.
Un antagoniste
Pas nécessairement méchant d’un point de vue moral, ni un super-vilain (même
s’il est souvent dépeint comme tel dans les pages qui suivent pour plus de simplicité),
personnelles
l’antagoniste est surtout quelqu’un qui exerce une volonté propre (un PNJ sujet1) et
qui, même avec les meilleures intentions du monde, va provoquer des événements face
auxquels les personnages ne pourront pas rester inactifs. La façon dont la volonté de
ces derniers et celle de l’antagoniste vont s’opposer est la base de l’intrigue de votre
scénario ou de votre campagne.
Qui est-il ?
Commençons déjà par dénicher le candidat idéal. Ce PNJ doit titiller votre imagination
et votre curiosité, vous devez avoir envie de l’incarner, de le développer et de le mettre dans
les pattes des joueurs. Pour trouver cette perle rare, passez en revue les éléments suivants.
Les backgrounds
Si vos joueurs ont gratté du papier, faites en sorte que cela ne soit pas pour rien.
Regardez dans le passé de leurs personnages s’il n’y a pas un PNJ tout prêt à revenir sur
le devant de la scène pour endosser l’habit de l’antagoniste. Si la famille du barbare a été
décimée et qu’il a juré de se venger, le coupable pourrait réapparaître. Et tant qu’à faire,
ne vous limitez pas à ceux qui sont déjà identifiés comme des adversaires. Piochez dans
les alliés, les membres de la famille et les mentors disparus : imaginez leur tête quand
la mystérieuse figure qui jusque-là restait dans l’ombre se révèle être ton père, Luke !
Faites juste attention à ce qu’ils ne se sentent pas lésés si un atout qu’ils ont payé avec des
points de création se révèle être un désavantage récurrent ou un ennemi. D’expérience,
les joueurs sont surtout contents de voir leur personnage ainsi mis en avant, mais peut-
être aurez-vous besoin de compenser l’avantage technique perdu par un autre.
267
que ça : rivaux, Némésis, ennemis jurés, etc. Vous pouvez aussi, indirectement, vous
inspirer d’autres traits plus généraux. Si c’est un vampire qui ne se nourrit que d’un
certain type de proies, il peut s’agir d’une de celles-ci, de celui ou celle qui les protège,
voire même de la personne qui a provoqué cette tendance à être très sélectif dans le
choix de ses victimes. Plus classiquement, si le PJ fait partie d’une organisation, l’anta-
goniste peut très bien être son homologue d’une faction rivale. Si c’est un clerc, il sera
ravi de pouvoir enfin se frotter à un nécromancien, un vrai, pour utiliser et montrer
ses pouvoirs anti morts-vivants.
268
L’obtenir va fâcher nos héros, directement ou non
Si l’objectif lui-même ne concerne pas les PJ, les moyens de l’obtenir ou les consé-
quences de son accomplissement peuvent mettre les PJ en rogne ou dans une situa-
tion difficile. Si Barghul le nécromancien prend sa revanche sur l’Ordre de Cécil qui
protège les routes contre les morts-vivants, les PJ risquent de devoir se coltiner des
zombies à chaque trajet. Si le cadre corporatiste obtient le monopole sur les puces
positroniques, tout le matériel informatique va doubler de prix au grand dam du
hacker. Et si le promoteur immobilier veut démolir le manoir des Investigateurs, ce
n’est pas par simple appât du gain, mais parce que les reliques du cimetière indien juste
en dessous l’intéressent juste très, très fort.
Le plan machiavélique
personnelles
C’est le squelette de votre scénario : si les PJ n’agissent pas, que va faire l’antagoniste
et comment est-ce que cela va se répercuter sur les personnages ? Souvenez-vous, ce n’est
pas juste un méchant, c’est leur ennemi. À eux. Partons du principe que si les PJ n’inter-
viennent pas, l’antagoniste réussira son coup – à moins qu’il y en ait d’autres. Découpez
ce plan en deux fois trois étapes : trois étapes d’ouverture et trois étapes d’exécution.
L’ouverture
Durant l’ouverture, l’antagoniste met les éléments en place plus ou moins discrè-
tement. Il cherche des informations. Il collecte ses ressources. Il réunit ses agents.
Il place ses pions là où il faut.
À cette étape du scénario, les PJ n’ont pas nécessairement une idée claire de ce qui
arrive ou de l’identité de la personne qui est derrière toute l’affaire, mais ils doivent
se rendre compte que quelque chose se passe, qu’il y a anguille sous roche. Là encore,
servez-vous de tout ce que vous avez noté précédemment pour montrer comment les
actions du méchant ont des conséquences sur les personnages : des signes avant-
coureurs chez certains de leurs contacts, des habitudes qui changent dans les lieux
qu’ils fréquentent le plus, etc. Bref, ils sont sans doute les seuls à pouvoir comprendre
qu’il y a un lien entre ces éléments en apparence disparates.
L’ouverture se termine toujours par une étape cruciale qui permet enfin à l’antago-
niste de passer à l’acte à proprement parler.
L’exécution
C’est bon, ça explose. Notre antagoniste abat ses cartes et lance la machine.
Ici, les étapes s’enchaînent plus violemment et surtout ça se voit. On n’est plus là
pour finasser. Il s’en prend directement aux personnages (même si ce n’est pas ce
qui le motive) ou à ce à quoi ils tiennent. Deux silhouettes entrent par effraction et
kidnappent le mentor. Une conduite de gaz explose à la cave et la maison est en feu.
269
Des camionnettes blindées déversent des vagues de mercenaires aux quatre coins de la
métropole. Ça ne rigole plus. Le monde des personnages est sur le point de s’écrouler :
plus le temps de chercher à comprendre ce qu’il se passe. Les enjeux ont pris une
ampleur phénoménale, les concernent directement et touchent à ce qui les définit, à la
fois individuellement et en tant que groupe. L’antagoniste tape là où ça fait mal et il va
falloir agir ou « périr », même si ce n’est pas forcément au sens propre.
Si vous voulez reprendre les codes du cinéma d’action hollywoodien1, la dernière
étape de l’exécution est généralement le moment de vérité, là où tout se joue, le pur
duel de volonté entre les PJ et l’antagoniste. C’est lui contre eux et eux contre lui,
ici et maintenant : il est sur le point d’atteindre son objectif et c’est la toute dernière
chance de l’en empêcher.
1. Naturellement, rien ne vous empêche d’utiliser des structures moins rigides si vous le souhaitez.
Celle-ci, si elle n’a pas l’avantage de l’originalité, a celui de l’efficacité et exige une préparation sans
doute moins importante.
270
encagoulés qui sèment l’anarchie en ville, c’est bien joli, mais si l’un d’entre eux est
en train de démolir la petite bicoque de tante May « dépendant : tante grabataire
(3 points) », tout de suite cela change la donne. Tapez là où ça fait mal.
personnelles
décroche le téléphone pour appeler son neveu à l’aide. Même une information qui
arrive par hasard peut fonctionner, mais à la condition que les personnages soient dans
une position privilégiée pour comprendre ce qu’elle implique : si un PJ allume la télé,
comme dans toute bonne série, il tombe fatalement sur les informations et l’équipe
filme comme par hasard la maison de tante May qui brûle. Pour tous les autres, cela
n’aurait été qu’une simple petite vieille.
271
enrichir chaque étape du plan avec des figurants, des aides de jeu et des rebondis
sements. Faites juste en sorte que ces éléments soient connectés de près ou de loin aux
personnages. Par exemple, tel lieutenant de l’antagoniste peut être un habitué du café
où les PJ ont leurs habitudes, un de leurs contacts ou l’homme dont leur petite cousine
à laquelle ils ne peuvent rien refuser est folle amoureuse.
Vous pouvez écrire un background complet pour votre antagoniste, lui faire sa fiche
de personnage, réfléchir à son interprétation ; lui inventer un rival, pourquoi pas,
éventuellement avec son propre plan. Mais n’oubliez pas votre objectif : faire en sorte
que cela touche les personnages ou au moins ce qui est important pour eux. Qu’est-ce
que la relation de l’antagoniste et de son mentor peut nous apprendre sur eux ?
N’hésitez pas à piocher dans les autres articles de l’ouvrage et à trouver votre propre
zone de confort. Le but d’une préparation, sur mesure ou pas, c’est de se réserver des
munitions, de réfléchir à des idées qui serviront au moment où on ne sait plus quoi
répondre aux joueurs. Viendra toujours bien assez tôt le moment de se lancer, mais
c’est à vous qu’il revient d’arbitrer entre le temps que vous êtes prêt à allouer à la
préparation et ce dont vous avez besoin pour vous sentir prêt.
Dans tous les cas, si vous réussissez à bien impliquer les personnages, vos joueurs
feront l’autre moitié du chemin !
Pendant la partie
Voici quelques conseils pour animer au mieux cette machination infernale.
272
n’oubliez pas votre rôle d’arbitre. Les PJ peuvent normalement changer la donne :
regardez ce qu’ils font, annoncez les conséquences, demandez des jets de dés, jouez la
scène ! L’essentiel, pour rendre les choses personnelles, est de donner de l’importance
aux répercussions. Comment pourraient-ils avoir l’impression que cela les concerne,
eux et personne d’autre, si vous ne respectez pas leurs décisions, même quand elles
sont mauvaises ? Si à un moment vous avez l’impression que les PJ sont dépassés,
dites-le et expliquez comment l’antagoniste l’emporte. Si c’est la dernière étape, c’est
sa victoire : profitez-en pour en faire des tonnes, monologuez comme un méchant de
serial ou racontez un épilogue qui présente clairement ce qui sera désormais différent.
Cela peut sembler dur, mais si vous voulez que les enjeux deviennent personnels,
il faut parfois donner aux joueurs l’envie de prendre leur revanche.
Cela marche aussi dans l’autre sens : si les personnages l’emportent, il y a fort à
personnelles
parier que subir une défaite lorsque leur antagoniste reviendra et les prendra par
surprise provoquera un sursaut d’orgueil chez les joueurs, ou qu’ils s’agaceront de voir
que celui-ci n’a pas tiré les leçons de leurs affrontements précédents.
Voici quelques questions à poser concernant certains aspects techniques des personnages.
Observez-les de près
La journée-type.
Interrogez leurs personnages.
Leur entourage.
Des antagonistes.
Des MacGuffins.
Des décors.
274
Fiche de synthèse : Comment réintégrer tout ça :
le méchant !
Qui est-il ?
personnelles
• leurs fiches ;
• les sessions précédentes.
Le conflit
L’antagoniste veut quelque chose que nos héros possèdent, protègent ou apprécient.
Le plan machiavélique
La structure
Trois étapes d’ouverture.
Trois étapes d’exécution.
Pendant la partie
Pour animer au mieux cette machination infernale, suivez les principes suivants :
• dès qu’il ne se passe rien, quelque chose arrive aux PJ ;
• soyez sévère mais juste ;
• adaptez votre plan aux actions des PJ.
Créer des émotions particulières
•
Jérôme Larré
émotions
La première version de cet article est parue en janvier 2011 dans
la rubrique MJ Only du magazine Casus Belli. Il portait alors le titre
« Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes meneurs ». Vous
en trouverez une version modifiée et mise à jour dans les pages suivantes.
S
i les premiers articles de ce recueil ont pour objectif de présenter les com-
pétences de base qu’utilisent tous les meneurs, il arrive un moment où, au-delà
du strict minimum nécessaire pour mener des parties acceptables, on souhaite
provoquer une émotion particulière chez les joueuses. Peut-être voulez-vous introduire
une expérience spécifique, explorer un thème que vous n’avez pas l’habitude d’aborder
par le JdR, briser une éventuelle routine, adapter une œuvre qui vous a plu1, etc.
Toutefois, de façon beaucoup plus prosaïque, certaines thématiques de jeux, y compris
parmi les plus populaires, sont construites de façon évidente autour de cette envie.
C’est notamment le cas de ceux à vocation humoristique ou horrifique.
1. À ce sujet, consultez également l’article « Adapter une œuvre pour en faire un scénario », p. 55.
277
le même soin à provoquer des sentiments plus positifs, comme la fierté d’être arrivé au bout
d’un donjon, l’exaltation d’avoir terrassé sa Némésis ou la satisfaction d’avoir démêlé les
fils d’une enquête. Mais l’horreur a en plus l’avantage de contredire nombre d’idées reçues
concernant la maîtrise et ce qui est réellement important dans une partie. C’est pour cela
que je crois que tout meneur qui cherche à se perfectionner devrait s’y essayer.
Une des premières choses que l’horreur nous apprend est que l’importance donnée
au personnage est souvent surévaluée. En effet, l’objectif d’une partie horrifique est
d’effrayer la joueuse, non son avatar, ce dernier n’étant qu’un moyen « d’atteindre » la
première. Or, seule la joueuse compte. Autant le rappeler, le personnage n’existe pas
vraiment. Ce n’est pas pour rien si les moments considérés comme inoubliables en JdR
et dont on reparle des années après sont habituellement ceux où le personnage échappe
à sa joueuse comme un protagoniste de roman peut échapper à son créateur. C’est ce
que l’on appelle l’immersion : quand la joueuse réagit, elle exprime en partie sa propre
personnalité, en partie celle de son personnage, sans effort conscient de sa part pour
incarner un rôle ; pur paradoxe pour un jeu où on met si souvent l’accent sur le fait
de jouer quelqu’un de différent de soi, certains des meilleurs moments du JdR sont
ceux où la joueuse réagit de façon primale, lorsqu’il y a une « contagion1 » entre ce que
ressent son personnage et ses propres émotions. Bref, lorsque l’on touche la joueuse.
Une autre leçon à tirer des jeux d’horreur est que, quoi que l’on en dise, on ne
joue pas uniquement pour le « fun ». On joue parfois pour ressentir autre chose que
le plaisir de s’amuser ou le fait de passer un moment agréable. Par exemple, on peut
aussi jouer pour se faire peur, ou pour bien d’autres raisons tout aussi louables. Et bien
qu’il soit d’usage de dire que l’essentiel « c’est que les joueuses s’amusent », ce critère
ne suffit pas à déterminer si une partie est bonne ou pas. Si on fait une analogie avec le
cinéma, où la plupart des gens se rendent aussi pour se délasser entre amis avant tout,
on trouvera un quasi-consensus pour qualifier La Liste de Schindler ou Le Tombeau des
lucioles de bons films. Pourtant, après avoir vu l’un ou l’autre, aucun spectateur ne dira
s’être amusé ou avoir passé un bon moment. Mais, malgré cela, et même sans définir
quels sont les critères permettant de savoir si un film est bon ou pas, ils apparaîtront
comme tels. Exactement de la même façon, en JdR, essayer de susciter des réactions
variées ou inhabituelles chez les joueuses peut conduire à une bonne partie, même si
elle n’est pas « amusante » au sens premier du terme.
Enfin, l’horreur nous apprend que le sacro-saint scénario n’est pas aussi important que
l’on veut bien le croire. Pour prendre un autre exemple cinématographique, l’intrigue
1. Dans le monde du GN, on appelle souvent cette contagion « bleed » (terme inventé par Emily Care Boss,
notamment connue des rôlistes pour avoir écrit Breaking the Ice). On la qualifie de « bleed-in » lorsque les
joueuses amènent leurs propres émotions dans la partie, et de « bleed-out » lorsque les émotions de la partie
ont un impact au-delà de cette dernière. Malheureusement, ces phénomènes ont longtemps été écartés des
théories du JdR sur table. Aussi, il ne faut pas hésiter à s’inspirer de ce que mettent en place les GNistes pour
apprendre à gérer au mieux ce type de problématiques, par exemple parce que cette contagion devient trop
importante : ateliers, débriefings, etc. Pour plus de renseignements, voir : http://nordiclarp.org/wiki/Bleed
278
de La Chute, qui narre les derniers jours d’Hitler dans son bunker, est relativement
mince, connue à l’avance, et ne laisse que peu de place aux coups de théâtre. Pourtant,
le film a rencontré un réel succès et provoqué une vive polémique. Ceci n’est pas dû à
son sujet, que d’autres ont abordé sans obtenir le même résultat, mais à sa capacité à
susciter une certaine forme d’empathie et de compassion envers le principal protago-
niste, qui n’a pourtant rien de sympathique. Pour revenir au JdR, imaginez-vous assis
à une table de Cthulhu ou de Kult1. Préférez-vous une intrigue minimaliste mais qui
vous fait réellement peur, vous secoue de façon viscérale, sans que vous compreniez
nécessairement pourquoi, ou une intrigue plus complexe où vous devrez mettre en
scène la frayeur de votre personnage, faute d’en éprouver vous-même ? Aussi séduisant
que soit l’exercice de construction mentale qui préside à la conception d’un scénario,
et aussi important que celui-ci paraisse au regard de la plupart des rôlistes, l’histoire
n’est qu’un moyen d’obtenir ce qui compte vraiment : provoquer de la tension, des
réactions et des émotions chez les joueuses.
Ainsi, l’horreur est un genre qui force à se concentrer sur l’essentiel : les joueuses et
ce qu’elles ressentent. Toutefois, pour efficace qu’elle soit, elle ne s’intéresse qu’à un
champ réduit d’émotions (peur, dégoût, surprise, etc.). Voici quelques pistes pour
émotions
élargir ce spectre et obtenir une palette plus riche applicable à d’autres types de jeux.
1. Arfert Tomas, Gulliksson Nils, Joergensen Torbjorn, Nordbeck Lars, Kult, Metropolis Ltd, Folsom, 1993.
2. Consultez notamment les articles « Décrire » p. 109. et « Jouer en musique » p. 297.
279
provoquer leur « émoi », agitation ou trouble. On ne peut s’inquiéter que d’un
danger que l’on connaît ou devine, ressentir de la compassion que pour quelqu’un
que l’on voit souffrir et auquel on s’identifie, se réjouir que d’un événement heureux
auquel on assiste ou participe, etc.
1. Crane Luke, Mouse Guard, Archaia Studio Press, Fort Lee, 2008.
2. À ce sujet, consultez également l’article « Dompter la linéarité », p. 159.
280
peuvent embarrasser certaines joueuses. Il faut alors montrer que vous souhaitez favo-
riser ce genre de comportements plutôt que vous en moquer afin qu’elles réussissent à
les intégrer à leur jeu (et à l’histoire que vous êtes tous en train de créer). Si une joueuse
a tendance à rigoler nerveusement à l’annonce de mauvaises nouvelles, faites en sorte
que son personnage ait le même réflexe ; si une joueuse ne peut s’empêcher de sourire
et de bomber le torse lorsqu’elle entend parler des exploits de son personnage, que ses
interlocuteurs lui donnent de grandes tapes dans le dos. Ce sont de petites bases.
émotions
• jouer sur l’intensité.
Ainsi, si on souhaite exalter la fierté des personnages grâce à un exploit, on peut
insister sur la difficulté de la tâche qu’ils vont entreprendre, et renforcer cette adversité
via des jets difficiles (du moins en apparence), avec une opposition évidente et des
anecdotes sur ceux qui ont essayé avant eux et ont échoué.
Toutefois, certaines émotions sont plus difficiles à provoquer que d’autres. Afin
d’identifier celles que vous souhaitez introduire dans le jeu, vous pouvez vous référer à
de nombreuses typologies théoriques. Si ces débats de spécialistes n’ont que peu d’intérêt
autour d’une table de jeu, les notions d’émotions primaires et secondaires sont extrê-
mement utiles pour un meneur. En effet, selon ces théories, les effets les plus complexes
(secondaires) peuvent être obtenus à partir d’un certain nombre d’émotions simples
(primaires). Ekman, par exemple, considère que ces dernières sont au nombre de six :
colère, dégoût, joie, peur, surprise et tristesse. Pour lui, la pitié ne serait que de la tristesse
résultant d’un événement négatif touchant un tiers. D’autres considèrent la peur comme
une forme de tristesse anticipée. De votre côté, vous pouvez trouver cette liste trop courte
ou trop longue, peu importe. L’essentiel est que vous ayez une idée de la façon dont vous
pouvez décomposer tous les sentiments qui vous paraissent difficiles à susciter autour
d’une table en « ingrédients » individuellement plus simples à appréhender.
Car c’est là l’aspect le plus utile de ces théories : si la plupart des émotions primaires
sont faciles à mettre en œuvre (la tristesse est générée par un événement négatif, la joie
par un positif, etc.), les émotions secondaires se mettent en scène exactement de la même
manière. Pour provoquer un sentiment de compassion (ou d’injustice), il suffira donc de
lier les personnages à un PNJ qui subit un événement négatif (peut-être non mérité).
281
De même, pour provoquer de la satisfaction, il suffit de créer une joie (événement positif),
de permettre aux joueuses de l’anticiper et de valider leurs attentes. Gardez cette notion
en tête, elle vous sera utile pour prévoir toutes les composantes nécessaires afin d’éviter
qu’une scène importante de votre scénario tombe à plat (par exemple, parce que l’on a
oublié de créer un lien entre les PJ et le PNJ qu’elles doivent avoir envie de sauver).
Exemple
Prenons un exemple assez archétypal mais qui sera sans doute plus clair. Admettons que
vous meniez une campagne1 de Warhammer et que vous pensiez que d’ici deux ou trois
séances, il serait bon que les personnages arrivent au moment où ils quittent définitive-
ment leurs vies ordinaires et assument enfin leur statut de héros. Si vous connaissez les
1. Les mêmes méthodes marchent bien entendu pour une séance unique, mais prendre une campagne
comme exemple permet de distinguer plus facilement les différentes étapes. Il vous suffit simplement
de changer d’échelle.
282
thèses de Joseph Campbell1, cela correspond plus ou moins à la phase du « seuil ». Pour
cela, vous aimeriez provoquer un sentiment de révolte chez vos joueuses, un moment
un peu tragique où les personnages refusent de baisser les bras et se transcendent en
prenant une position ferme, en faisant des choix marquants et difficiles. Comme vous
avez envie d’épopée, que vous venez de revoir la trilogie du Seigneur des anneaux et avez
encore des images de la bataille du gouffre de Helm plein la tête, vous décidez de partir
vers cette ambiance.
émotions
faire en sorte que les assaillants aient utilisé des méthodes particulièrement déloyales
pour arriver à leurs fins (trahisons, corruptions, pactes interdits, cannibalisme, etc.). Pour
le côté irréversible, c’est encore plus facile. Continuer à jouer la bataille alors que tout
semble perdu et que tout le monde se désorganise et fuit autour d’eux devrait suffire.
Toutefois, pour que les joueuses ne soient pas simplement passives devant les événe-
ments, ou pour éviter qu’elles soient tentées de faire fuir leurs personnages, il vous reste
à créer le « déclic » qui va leur permettre d’agir et de s’opposer concrètement à leurs
ennemis : un PNJ important est sur le point d’être massacré, un étendard d’être capturé,
une statue particulièrement emblématique d’être renversée, etc.
Si on résume, pour créer cette situation, il faut que dans deux ou trois séances, une
horde ennemie composée en partie de cannibales capture la cité grâce à une trahison,
éventuellement associée à des rites impies. Pendant la bataille, la défaite doit sembler
inévitable et les personnages, alors même que tout paraît perdu (désespoir et résigna-
tion), doivent avoir la possibilité de se battre pour un objectif en apparence illusoire,
mais qui leur donne l’occasion de s’affirmer et de s’opposer (colère) sur une bande-son
1. Joseph Campbell est un anthropologue américain spécialiste de la mythologie comparée, surtout connu
pour sa théorie du monomythe, décrite dans son essai de 1949, Le Héros aux mille et un visages. Celle-ci part
du principe que presque tous les héros mythiques, quelle que soit leur culture d’origine, suivent un parcours
archétypal correspondant à ce qu’il appelle « le voyage du héros ». Particulièrement populaire, ce schéma est
repris dans nombre d’œuvres de fiction modernes et constitue l’un des deux versants, avec Aristote, de ce
que l’on retrouve dans de nombreux ouvrages traitant de structures narratives. Puisque les sources gratuites
et accessibles sur ce sujet abondent, nous avons choisi de ne pas les détailler davantage dans ce recueil.
Toutefois, nous en reparlerons probablement dans un futur ouvrage de cette collection.
283
galvanisante. Ce sera la statue du fondateur de la cité et le symbole de son pouvoir.
Même si c’est un peu facile, la détermination des personnages et un retournement de
situation pourront empêcher la ville de tomber et leur conférer le statut de héros.
Selon votre goût pour la planification, vous pouvez vous contenter de cela pour la séance
de la bataille ou au contraire détailler bien davantage ce qu’il va se passer. Par contre,
pour que cela fonctionne de façon idéale, profitez des deux séances précédentes pour
jouer sur les variables d’intensité. Voici quelques pistes :
• amener les personnages à connaître nombre de citadins par leurs noms, à les
apprécier ou pas, à se lier à la ville et à ses habitants, etc. ;
• créer une inimitié contenue avec le futur traître, des indices qui rendent évidente
sa trahison a posteriori, mais sans trop en dire ;
• créer un lien avec la statue, par exemple en faisant d’elle le lieu d’un événement roman-
tique, celui d’un serment des personnages, l’œuvre d’un PNJ important pour eux, etc.
L’idée principale, pour un meneur du moins, est de raffiner un peu la notion d’anticipa-
tion – celle qui, dans le tableau p. 286-287, différencie entre autres la joie de l’espoir.
On distinguera alors deux choses :
• est-ce que les joueuses anticipent quelque chose qui va avoir lieu de façon certaine ou
est-ce qu’elles peuvent encore avoir une influence dessus, l’empêcher, le provoquer, etc. ?
• est-ce que les joueuses sont avant tout mises au défi de comprendre ce qui se passe
(diagnostic) et elles anticipent alors surtout une révélation de la vérité, ou doivent-elles
prévoir des événements à venir (pronostic) ?
Bien utilisée, cette double distinction vous permet de provoquer toute une palette
d’émotions différentes. Ainsi, de façon classique, si vous voulez créer de la surprise, il
vous suffit de mettre en scène un événement que les joueuses n’ont pas ou mal anticipé.
Par contre, si vous préférez susciter de la curiosité, faites en sorte que les joueuses
soient amenées à analyser ce qui se passe et à devoir anticiper la confrontation de leurs
284
hypothèses à la réalité. C’est très naturel dans le cadre d’un scénario d’enquête, mais il
n’est guère difficile de le faire ailleurs : tiers sollicitant leur opinion, comptes à rendre, etc.
Si c’est le suspense qui vous intéresse, amenez-les à se prononcer sur la suite des évé-
nements, que ce soit oralement ou par les actions qu’elles font entreprendre à leurs
personnages. Cela peut prendre des formes triviales, comme choisir entre deux trajets
ou deux tactiques lors d’un combat, en sachant que les répercussions sont réelles et
dépendent de leur capacité à anticiper correctement. Cela marchera presque à coup sûr.
émotions
Rappel Oui, il doit s’agir d’éléments déjà connus Non
Vous pouvez enfin susciter d’autres émotions en provoquant l’anticipation d’un futur
déjà connu des joueuses. Si la suite se fonde sur des éléments déjà familiers, vous allez
générer des situations de « rappel » ou favorisant l’ironie dramatique. Si l’événement
prévu est contraire à ce que souhaitent les joueuses, cette inéluctabilité va amener ce
que l’on appelle du « suspense paradoxal », ou « suspense par contradiction ». Sans
même parler du fait que cela va les pousser à se démener pour s’opposer à ces événe-
ments qu’elles préféreront éviter à tout prix.
Ce simple outil est déjà très utile pour créer de la tension dans ses scénarios. Ce ne sont
que quelques principes à apprendre, mais vous pouvez également le combiner avec le
tableau de la page suivante. Encore une fois, tant que vous ne perdez pas l’essentiel de
vue, tout devrait aller pour le mieux.
Vous avez maintenant des bases pour vous lancer dans cette vaste entreprise. Pour
mettre en pratique quelques-uns des principes exposés ci-dessus, abordez votre prochaine
séance de jeu en vous demandant : « qu’est-ce que je veux provoquer chez mes joueuses ? »
plutôt qu’en vous concentrant sur les ficelles scénaristiques. Le reste devrait suivre.
285
Émotion Condition Variable d’intensité
286
comme tristesse,
désespoir tristesse irréversible
irréversibilité
comme joie, perception,
fierté joie et approbation de soi
conscience
tristesse et désapproba- comme tristesse,
culpabilité
tion de soi perception, conscience
comme joie, perception,
joie et approbation
appréciation conscience, lien avec
d’autrui
autrui
comme tristesse,
tristesse et désapproba-
reproche perception, conscience,
tion d’autrui
lien avec autrui
appréciation comme appréciation,
gratitude
provoquant une joie comme joie
reproche provoquant comme reproche,
émotions
colère
une tristesse comme tristesse
fierté provoquant comme fierté,
gratification
une joie comme joie
culpabilité provoquant comme culpabilité,
remords
une tristesse comme tristesse
être attiré
attirance proximité, désirabilité
par un objet désirable
ne pas être attiré
répulsion proximité, désirabilité
par un objet non désirable
Fiche de synthèse
Principes généraux
Tension narrative :
•
Une interview de Pierre Rosenthal
P
ierre, tu nous as dit vouloir parler de quelques-unes des techniques dont
tu te sers avec tes joueurs pour maintenir leur intérêt durant une cam-
FA I R E P L A I S I R
pagne. Tu peux nous en dire plus ?
C’est ça. Je voulais rapidement évoquer différentes manières de s’adapter pour
donner aux joueurs ce qu’ils veulent, que ce soit des récompenses évidentes ou
des difficultés dont ils se souviendront. Et sans doute quelques autres astuces
aussi. Après, ces conseils ne représentent que la pratique d’un seul individu,
pas même forcément bon MJ, sur un nombre de jeux limité et apparaissant
aujourd’hui comme des classiques : D&D, L’Appel de Cthulhu, In Nomine Satanis
Magna Veritas, Capitaine Vaudou1, etc. Par contre, cette pratique dure depuis
trente ans, de façon plus ou moins continue. D’une certaine façon, ce sont les
conseils d’un dinosaure.
Je ne doute pas que certains conseils sembleront peut-être évidents, voire
redondants avec les articles du présent ouvrage ou avec ceux de l’antique Manuel
pratique du jeu de rôle 2. Mais les lecteurs sauront choisir ceux dont ils préfèreront
s’inspirer, ou ceux qu’ils laisseront de côté.
1. Pécau Jean-Pierre, Rosenthal Pierre, Capitaine Vaudou, Casus Belli, Jeux Descartes, Paris, 1991.
2. Disponible gratuitement en pdf sur le site de la Fédération Française de Jeu de Rôle : http://www.ffjdr.
org/manuel-pratique-du-jeu-de-role/
289
Tu parlais de jeux classiques. Est-ce que tu peux préciser dans quel cadre tu
te places ? J’imagine que tes conseils ne fonctionnent pas avec tous les jeux ni
toutes les façons de jouer.
Ces conseils sont initialement pensés pour le jeu tel que je l’ai pratiqué avec mes
groupes d’amis pendant des années : en campagne, et non pas pour un scénario one
shot ou des joueurs que vous ne reverrez pas. De plus, je pars du principe que les
joueurs ont confiance en la capacité du MJ à respecter certains principes. C’est en
quelque sorte sa propre part d’un contrat social au sein du groupe.
Concrètement, par campagne, il est surtout question des éléments suivants :
1. un même jeu ;
2. un même univers :
a. Cthulhu de nos jours n’est pas Cthulhu dans les années 1930 ;
b. Les Royaumes oubliés1 ne sont pas Eberron ;
3. un même noyau de joueurs :
a. ils n’incarnent pas forcément les mêmes personnages durant
toute la campagne ;
b. avoir quelques joueurs qui vont et viennent n’est pas un problème si
le noyau reste stable ;
4. plusieurs séances de jeu :
a. une campagne commence à partir de deux courts scénarios dans
le même univers ;
b. c’est le fait d’être dans un même univers cohérent qui donnera envie
d’y rejouer en pouvant soit s’y référer, soit le faire évoluer.
De même, un contrat social typique pourrait comprendre les responsabilités suivantes
pour le meneur afin de conserver la confiance des joueurs. Bien sûr, les conseils seront
à mettre en perspective avec votre propre fonctionnement :
1. ne pas faire abstraction du méta-jeu : joueurs comme MJ essayent de rester
« en jeu » le plus possible, mais comprennent bien qu’il s’agit d’un jeu :
a. où on fera des pauses clope ou bouffe ;
b. où on fera des apartés ou du hors-jeu (en nombre raisonnable) ;
c. où il faut parfois savoir faire quelques concessions limitées « On accepte
la mission même si elle est louche parce que l’on joue ensemble » ;
1. Greenwood Ed, Grubb Jeffrey, Forgotten Realms, Campaign Set, TSR, Lake Geneva, 1987. Nous retenons
1987 parce que c’est la sortie du Campaign set, mais le module H1: Bloodstone Pass, sorti en 85, est
désormais considéré comme le premier de cet univers.
290
2. ne pas avoir d’ego. Ou le moins possible :
a. les PNJ n’appartiennent pas au meneur. S’ils ont des plans et des
objectifs, cela dépend de leur personnalité ou de leur fonction dans la partie,
pas de la volonté du MJ de « gagner » ;
b. le meneur ne doit pas plier et modifier le scénario à outrance pour
pouvoir compenser les conséquences des actions des personnages. Si cela
devait arriver, il doit faire attention à ne surtout pas donner aux joueurs
l’impression que leurs décisions n’ont pas d’impact ;
3. suivre les règles :
a. les règles ne se limitent pas aux plus évidentes, comme le combat
ou la magie, mais impliquent aussi par exemple le respect de l’univers
et de sa cohérence ;
b. si les mécaniques intègrent une part d’aléatoire, le meneur la respecte
et en tient compte.
Alors, comment identifier ce que veulent les joueurs ?
Après quelques aventures, vous devriez savoir de façon assez naturelle ce qui plaît à
la majorité de vos joueurs. Comme il s’agit d’une campagne, ceci se présente presque
toujours de façon dynamique, sous la forme d’une progression ou d’une évolution. Et
tant mieux, parce que tant pour une histoire que pour un jeu, une stagnation entraîne
très souvent la lassitude et la fin de la partie.
FA I R E P L A I S I R
Cette évolution peut prendre plusieurs formes. Elle peut être chiffrée, qu’elle soit
mesurée en points d’expérience, niveaux, puissance, talents. Elle peut être moins expli-
cite, par exemple parce qu’elle se concrétise par des gains d’influence, une évolution de
certaines relations ou tout simplement une réputation qui évolue.
Donc, finalement, c’est toujours positif. Tu ne parlais pas de difficultés tout à l’heure ?
Effectivement, il y a une distinction importante à faire. Certains joueurs préfèrent
la carotte, d’autres le bâton. Dit comme cela, cela peut sembler étrange. C’est bien sûr
un peu caricatural, mais, de mon expérience, tous les joueurs aiment à la fois qu’on
leur fasse des cadeaux et souffrir pour obtenir ce qu’ils veulent. Ou du moins que leurs
personnages souffrent pour qu’eux l’obtiennent. Par contre, c’est dans des proportions
très différentes selon les individus et c’est à cela qu’il faut justement faire attention.
Les joueurs qui préfèrent le bâton n’apprécient la progression que s’ils ont le
sentiment qu’ils l’ont méritée, qu’elle a été dure, mais qu’ils ont justement réussi
à la surmonter au travers de nombreux obstacles. C’est le cas du joueur qui est
parvenu à patiemment monter son magicien au niveau 20 à la force du poignet, en
ayant manqué de mourir vingt fois, et sans doute en ayant perdu quelques autres
personnages avant d’y arriver.
291
À l’inverse, ceux qui préfèrent la carotte veulent surtout ressentir cette ascension
dans ce qu’elle a d’irréversible, pouvoir flamber, se pavaner parce qu’ils sont les plus
forts ou les plus beaux, éventuellement les plus audacieux ou prompts à saisir les
opportunités, mais pas forcément les plus résilients.
Dans les deux cas, ce qui va être très important, c’est de conserver entre chaque
scénario un certain nombre de liens qui pourront servir plus tard, comme autant de
points d’intérêt pour les joueurs. Cela va principalement concerner les PNJ rencon-
trés, qu’il s’agisse d’alliés ou de personnages redevables (carotte) ou de futurs ennemis
(bâton). C’est aussi le cas de nombre d’autres choses qui peuvent émerger des situa-
tions de jeu (équipement, rumeurs, lieux à découvrir, etc.).
Et en quoi t’adaptes-tu à eux, alors ? Qu’est-ce qui change lorsque l’on veut
jouer plutôt carotte ou plutôt bâton ?
Lorsque vous voulez accentuer le côté bâton, vos joueurs seront sans doute très
sensibles au fait que vous soyez ouvert et pédagogue sur les raisons des succès et des
échecs. Ils ne doivent pas avoir l’impression que vous êtes injuste, mais que tout n’est
que la conséquence de leurs décisions ou de leurs actions. Même quand c’est aléatoire
d’ailleurs, le jet ne vient qu’en conséquence de leurs choix. Il peut parfaitement être
jeté devant l’écran pour faire monter la tension et le sentiment de jouer « pour de
vrai », tout comme il peut résoudre tout un pan du scénario en cas de très bonne idée.
Bref, sans les culpabiliser ou leur mettre la tête sous l’eau, les joueurs doivent avoir le
sentiment que si leurs personnages échouent, c’est avant tout de leur faute et qu’ils
auraient pu jouer différemment pour éviter ce contretemps. Pour cela, n’hésitez pas à
faire appel au débriefing, ou aux solutions en jeu pour valoriser ceux qui ont échoué,
mais ont brillamment essayé (inspecteur cherchant à comprendre ce qu’il s’est passé,
moine se renseignant avant de faire l’office funèbre des moins chanceux).
Inversement, pour la carotte, l’idée n’est pas tant de valoriser les conséquences des
actions ou le sentiment de mérite que de récompenser constamment les apports des
joueurs et de minimiser l’impact des mauvaises décisions qu’ils pourraient prendre.
Ainsi, durant les jets de dés, gardez-vous de donner trop explicitement les conséquences
d’un échec, afin de maintenir le sentiment qu’il existe un enjeu fort tout en vous
assurant de pouvoir retomber sur vos pattes en cas de problème – généralement en
minimisant ses conséquences sans avoir l’air d’y toucher ou en rebondissant sur un
second jet de dés d’une autre capacité. En moins visible, bien entendu, c’est le cas du
personnage qui loupe un jet de saut et doit tester sa force pour voir s’il réussit malgré
tout à se retenir aux poutrelles en métal du pont qu’il a réussi à atteindre in extremis,
quitte à ne rien faire d’autre pour ses prochaines actions. De même, mettez en avant
les bonnes idées et ne cherchez pas à les contrer, même si cela implique de sacrifier
l’adversité présente dans votre scénario. Au pire, si celui-ci devient complètement
caduc, concluez rapidement avant de rajouter un intermède pour savoir comment
les personnages ont réussi à profiter des avantages de leur victoire avant d’enchaî-
ner sur une nouvelle aventure. De même, évitez de reprendre vos cadeaux ou de les
292
empoisonner : l’épée vorpale n’est pas à usage unique (même si on peut lui découvrir
d’autres capacités plutôt que de multiplier les objets magiques). Il ne faut pas non plus
que cette arme remarquable vous fasse passer pour un traître aux yeux du PNJ que
vous croyiez être votre allié juste parce que vous la portez, etc.
Mais comme je l’évoquais précédemment, presque tous les joueurs veulent à la
fois de la carotte et du bâton. Tout le secret est de réussir à proposer un mélange des
deux qui permette de satisfaire les joueurs sans leur donner l’impression que tout est
trop facile, et donc ennuyeux, ou que tout est trop difficile, et donc décourageant
ou désespérant. En prenant un exemple qui parlera sans doute à tout le monde, c’est
au MJ de sentir ces moments où il vaut mieux jeter les dés derrière l’écran, ou au
contraire mettre en scène l’importance de ce jet en le faisant au vu et au su de tout
le monde. Est-ce qu’il veut mettre en avant l’histoire (cacher les dés) ou le destin
du personnage (les montrer) ? Et si vous avez besoin d’un filet de sécurité, vous
pouvez toujours utiliser une des premières techniques illusionnistes qui consiste à
respecter le résultat des dés lancés devant les joueurs tout en limitant leur impact
dans l’histoire (voir page précédente).
Sur cet exemple particulier, on est dans une zone grise où certains penseront qu’il
s’agit de triche et d’autres non. C’est à vous de voir la façon dont vous souhaitez
jouer, mais toujours est-il que cette technique reste une corde potentielle à votre arc
et illustre bien la différence entre les deux optiques, carotte et bâton.
On dirait que cela peut être adapté à presque toutes les scènes. Tu as des exemples
concrets ? Peut-être avec un contexte à la D&D, pour que cela parle à tout le monde ?
FA I R E P L A I S I R
Très bien. Prenons quelques situations très emblématiques.
La mort des personnages, par exemple. Même pour les joueurs qui aiment la dif-
ficulté, la perspective de perdre son alter ego et de recommencer à zéro n’est que très
rarement enthousiasmante. Dans ce cas, on peut par exemple faciliter l’ascension du
petit nouveau. Je l’ai déjà un peu évoqué, mais donner au nouveau personnage une
raison de s’intéresser à l’ancien pour justifier le fait qu’il connaisse plus ou moins les
mêmes informations est un procédé souvent efficace. Ainsi, dans Capitaine Vaudou, on
utilisait l’amatelotage : les deux personnages partagent la même couche en alternance
et se relaient sur le pont, se tenant plus ou moins au courant de tout. On peut imagi-
ner une idée similaire dans une guilde de voleurs, par exemple.
Dans cette optique, si vous voulez faire un cadeau au joueur, vous pouvez lier les
deux personnages de façon à ce que le nouveau ait plus rapidement le pied mis à
l’étrier. Vous pouvez par exemple lui donner une partie des ressources de l’ancien en
faisant de lui son héritier, neveu, élève, condisciple, etc. Cela expliquera qu’il lui lègue
son épée sainte, mais aussi quelques richesses et contacts. Et si tout cela s’accompagne
d’un serment de venger le disparu ou de terminer sa quête à sa place pour que sa mort
ne soit pas vaine, vous devriez obtenir une justification qui fonctionne d’un point de
vue ludique sans pour autant manquer de cachet.
293
Si vous voulez plutôt satisfaire les joueurs orientés « bâton », insistez sur les hauts
faits du disparu et montrez que sa mort ne fait pas de lui un raté, au contraire. Ce n’est
qu’une bataille perdue, sans doute après un certain nombre de gagnées, dans une guerre
dont il est désormais possible de voir l’issue, qu’il a largement contribué à rendre enfin
imaginable. Peut-être que le nouveau venu pourra lui aussi obtenir l’épée sainte de
son prédécesseur, mais non sans une petite quête personnelle grâce à laquelle il pourra
prouver sa valeur (ou atteindre le niveau nécessaire s’il recommence en dessous).
D’ailleurs, cela me permet d’enchaîner sur la gestion des objets magiques et leur
rareté. Dans la plupart des jeux classiques, on les obtient soit avec de la chance
aux dés pour déterminer le trésor d’un monstre, soit relativement souvent, selon
la description de telle ou telle pièce du donjon. Or, à part pour certains, généra-
lement uniques, cela entraîne un galvaudage de la notion même d’objet magique.
Aussi, lorsque vous en donnez, faites en sorte qu’ils procurent un réel avantage,
tout en évitant que cela devienne une habitude (carotte). Mais laissez également
aux PJ des ouvertures au sein de votre univers, afin qu’ils puissent obtenir ces
objets moyennant une contrepartie ou un effort conséquent (bâton) : enchanteurs,
maîtres-artisans, vieux bibliothécaires ayant une idée de l’endroit où les trouver,
quête se poursuivant d’un donjon à un autre, etc. Ainsi, les joueurs auront éga-
lement la sensation de les mériter et que, tout autant que leur puissance, cela les
rend exceptionnels. Pour certains, Arthur était puissant parce qu’il avait Excalibur.
Pour d’autres, c’est le fait d’être puissant (par sa lignée, son potentiel, ses valeurs,
etc.) qui a permis à Arthur d’obtenir Excalibur.
Pour prendre une autre situation classique, évoquons la détection des pièges.
Traditionnellement, dans Advanced Dungeons & Dragons1, quand on veut désamorcer un
piège, le voleur fait un jet de la capacité du même nom pour chaque piège. Toutefois,
dans une salle qui en comporte plusieurs (ce qui est loin d’être rare), rien n’empêche
de considérer que le jet vaut pour tous ceux de la salle, surtout s’il est réussi (carotte),
ou au contraire d’expliquer qu’il s’agit d’un dispositif très complexe et qu’il va fal-
loir réussir plusieurs jets pour pouvoir passer, ou trouver une façon de contourner
le problème (bâton). Dans le premier cas, vous donnez l’impression au joueur qui
incarne le voleur que son personnage est une sorte d’Arsène Lupin en armure de cuir,
dans l’autre, qu’il va vraiment falloir ruser pour aller voir ce qui se cache plus loin,
que ce soit en utilisant une perche de trois mètres, un sort permettant d’enclencher
tous les pièges à distance, ou en trouvant les notes secrètes de celui qui les a installés.
Les deux approches sont valorisantes, mais de façon très différente. La première pri-
vilégie une satisfaction immédiate et limite la frustration sur l’instant. La seconde, au
contraire, commence par frustrer et insère une péripétie pour permettre une satisfac-
tion à terme sans doute plus importante. À vous de voir ce qu’il vaut mieux choisir en
fonction de vos joueurs, de leur état de fatigue, etc.
294
Enfin, pour conclure par un dernier exemple beaucoup plus trivial, prenons le cas de
tous les actes routiniers accomplis par les personnages : le voleur qui cherche à détecter
des pièges tous les deux pas, le groupe qui monte la garde tout le temps de la même
façon, l’ordre de marche qui ne change jamais, etc. Ces automatismes font gagner un
temps précieux en partie. Ils évitent une certaine routine (refaire ces choix à chaque
fois), et c’est donc une très bonne idée de les intégrer, par exemple en partant du
principe que les personnages gèrent automatiquement sauf situation exceptionnelle.
Mais lorsque, justement, on est dans ce cas de figure, vous pouvez, par exemple, dire
aux personnages qu’ils ont une impression étrange. Puis demandez-leur un test de
perception ou du trait adapté à la situation (carotte), en leur précisant d’employer
des méthodes différentes de celles qu’ils utilisent par défaut pour leur autoriser ce jet
(bâton). Dans le premier cas, le but est de savoir s’ils font attention et, dans le second,
à quoi ils font attention.
FA I R E P L A I S I R
JOUER EN MUSIQUE
•
Stéphane Treille
P
our la suite de cet article, nous entendons musique au sens large d’accom-
pagnement sonore, ce qui peut donc inclure des titres musicaux, mais aussi des
sons, des ambiances sonores naturelles ou urbaines, et bien entendu le silence.
Pour résumer, se servir de la musique dans les parties comporte plusieurs avan-
tages : cela permet de favoriser l’ambiance, l’immersion, d’appuyer les actions,
de mettre en valeur des scènes ou des personnages, comme c’est le cas au cinéma
ou dans les jeux vidéo.
Nous allons donc voir en détail différentes manières de l’utiliser pour amélio-
rer vos parties.
297
Quels sont les pièges à éviter ?
Malgré tous les avantages qu’il y a à jouer en musique, il faut cependant savoir l’utiliser
avec parcimonie :
• elle peut devenir une compagne encombrante si l’on n’y prend pas garde ou si on
se laisse déborder ou accaparer par son utilisation ;
• il ne faut pas hésiter à la couper de temps en temps pour préserver son impact.
• sur la musique elle-même qui ne doit pas non plus passer au premier plan ;
1. Baugh Bruce, Bills Randall N., Blumenstein Lars, Boyle Rob, Cole Davidson, Cross Brian, Graham Jack,
Snead John R., Wolter Tobias, Eclipse Phase, Catalyst Game Labs, Lake Stevens, 2009.
298
Horreur Americana1, Delta Yen Pox : Blood Music
contem Green2, Vampire
Cousin Silas : Adrift off
poraine
the Islets of Langerhans
Una Voice, Chandra Jade Shankar :
Hearts of Darkness
Horreur xixe Achéron3, Maléfices, Frédéric Chopin : Sonate n° 2 pour
début xxe L’Appel de Cthulhu piano en si bémol mineur, op. 35
siècle
Lustmord : The Word as Power
Electropaganism : Sonic Idolatry
Médiéval- Pathfinder, AD&D, Steve Roach : Arc of Passion
fantastique, RuneQuest4
Stumbleine : The Night Before
fantasy
Dead Can Dance : Toward the Within
Wardruna : Runaljold – Yggdrasil
Les CD
Passer d’un disque à l’autre lors d’une partie exige de nombreuses manipulations
et vous oblige à prévoir beaucoup de matériel. Le site CD Baby5 permet de trouver
des albums rares, au format physique ou numérique. Le suivi d’envoi des CD est de
qualité et les frais très raisonnables.
Musique
La musique numérique
La musique dématérialisée au format MP3 (ou WAV pour une qualité optimale),
reste le choix le plus pratique. Même si cette option implique d’avoir organisé ses
dossiers en amont, vous y gagnerez en place et un simple ordinateur portable ou une
tablette vous suffisent pour jouer.
299
Quelques questions sur la musique numérique
Étant donné que ce format est sans doute le plus pratique et le plus utilisé de nos jours pour
sonoriser des parties, voici quelques points supplémentaires qui pourront vous être utiles.
Il existe nombre de sites légaux pour l’achat de MP3, l’un de mes préférés pour
« chiner » et découvrir des groupes peu connus d’ambient ou de musique industrielle est
Bandcamp1. Les prix sont plus qu’abordables, il est même possible d’obtenir des albums
à partir de 0 euro. Son outil de recherche, couplé à ses suggestions bienvenues, permet
de faire des trouvailles musicales alléchantes.
Winamp offre la possibilité d’afficher non pas le temps écoulé sur un titre, mais celui
restant avant sa fin. Ceci est très utile lorsque vous souhaitez vous servir de la musique
lors de cinématiques (voir p. 305).
Personnellement, j’ai tendance à varier les logiciels : j’utilise soit Winamp soit Windows
Media Player, et je complète avec YouTube lorsque j’ai besoin de passer des titres que
je n’ai pas dans ma collection.
Il est tout à fait possible de redécouper et de raccourcir des titres en format numérique.
Il existe plusieurs logiciels qui le permettent assez facilement. On peut citer parmi eux
Audacity2 ou MP3 TrackMaker3.
1. https://bandcamp.com
2. Audacity.fr. Son tutoriel se trouve à cette adresse : http://www.tutoriels-animes.com/comment-
couper-un-mp3.html
3. Logiciel gratuit disponible sur de nombreux sites de téléchargement légaux.
300
Il vaut mieux privilégier la possibilité de faire ses listes à l’avance pour gagner
en souplesse lors des parties ; de ce point de vue, Deezer et Spotify constituent
les meilleurs choix.
Vous pouvez également créer une playlist avec YouTube, mais cela implique
beaucoup de manipulations préalables.
Musique
Mais il est bien sûr aussi possible de limiter l’usage des B. O. ou de passer par
des titres peu connus.
Utiliser la B. O. de Star Wars pour le jeu du même nom est utile quand on veut
par exemple se rapprocher de l’histoire des films, mettre en scène des personnages
connus ou des lieux vus au cinéma. Souvent, c’est même une forme de fan service qui
fait plaisir à tout le monde (ce serait dommage de croiser Dark Vador ou de voir une
démonstration de force de l’Empire sans entendre les premières notes de La Marche
impériale). Mais même dans ce cas, le mieux est de préciser en préambule que vous
allez puiser dans les titres de la B. O.
Ainsi, pour jouer dans l’univers du Seigneur des anneaux, la B. O. des films est
adaptée. Toutefois, elle reste difficile à utiliser à cause de la construction de certains
morceaux et il faudra en tenir compte lors de la sélection des titres, plutôt que de la
laisser tourner en continu.
301
Afin de vous servir d’inspiration, voici quelques exemples de B. O. classées
par types d’univers.
1. Chupp Sam, Greenberg Andrew, Hatch Robert, Pass Geoff, Rein.Hagen Mark, Wieck Stewart, Williams
Travis L., Witt Samuel R., Werewolf: the Apocalypse, White Wolf, Stone Mountain, 1991.
2. Forbeck Matt, Gorden Gregory, Hensley Shane Lacy, Hensley Michelle, Hopler John, Deadlands, Pinnacle
Entertainment Group, Blacksburg, 1996.
3. Burgeas Vincent, Charpentier Elwin, Cheyrias Mikaël, Evrard Guy-François, Jambert Laurent, Lion
Gauthier, Aventures dans le monde intérieur, La Boîte à Polpette, Moëlan-sur-Mer, 2009.
4. Wade-Williams Paul, Leagues of Adventure, Triple Ace Games, 2012.
302
Ambiance ou scène précise ?
La musique peut être utilisée pour installer une ambiance sur le long terme,
en fond sonore, ou au contraire de façon beaucoup plus précise, le plus souvent
le temps d’une scène.
Une musique dite d’ambiance sera plus longue et aura pour vocation de tourner
en fond sans que vous vous en préoccupiez, afin de mettre en place une atmosphère
générale. Il vous suffit pour cela de vous demander quel type d’ambiance vous souhai-
tez installer (tension, angoisse, calme, action, épique), et de laisser tourner la playlist
correspondante jusqu’à un changement d’ambiance. Vous trouverez dans le tableau
p. 307-308 des exemples d’associations titre-ambiance.
Sonoriser une scène nécessite en général d’utiliser des morceaux ayant une durée
plus courte, le plus souvent prévus. Ce peut être une rencontre avec un PNJ, la visite
d’un lieu-clé, la découverte d’un cadavre ou d’un indice, un combat, etc. Vous trou-
verez dans le tableau concernant Les Masques de Nyarlathotep1 p. 311 des exemples de
musiques adaptées à des scènes précises, ainsi que des conseils plus spécifiques dans la
section « Action, opposition, tension, narration » p. 306.
Dans un cas comme dans l’autre, il faut choisir avec soin vos titres afin qu’ils corres-
pondent au mieux à ce que vous voulez faire ressentir aux joueurs. N’hésitez pas à les
tester : lancez le titre en question et fermez les yeux. Si, immédiatement, des images
vous viennent, que tout prend vie et que vous visualisez la scène, c’est que votre choix
est le bon. Avec le temps, ce travail sera automatique et immédiat. Pensez comme un
réalisateur de cinéma qui se servirait de la musique pour mettre ses images mentales
en valeur. Tarantino est un parfait exemple de ce qu’un MJ expérimenté pourrait faire
en termes de sonorisation de parties. Par exemple, il n’hésite pas à jouer la carte du
décalage si cela est nécessaire. Pensez à la fin du premier Kill Bill : lorsque Beatrix
Kiddo affronte O-Ren Ishii au katana lors d’un duel à mort dans un jardin japonais
Musique
enneigé, le combat débute sur une reprise aux accents latino-américains de Don’t Let
Me Be Misunderstood, ce qui constitue un choix audacieux.
Que vous essayiez de mettre en place une ambiance ou sonorisiez une scène
précise, on ne peut prédire la durée d’une séquence : peut-être que la scène précise
pour laquelle vous avez prévu ce morceau ne va pas durer dix minutes mais deux
heures, ou que l’ambiance angoissante mise en place au début de la partie va finale-
ment se prolonger toute la séance. Il faut donc souvent passer un titre en boucle, en
le répétant. Il convient alors de vérifier au préalable que le titre « supporte la boucle »,
c’est-à-dire qu’il puisse être répété sans que cela choque les oreilles des joueurs et finisse
par les lasser. Si vous n’aimez pas trop répéter les morceaux, vous devrez au préalable
en choisir plusieurs pour une même ambiance ou une même scène.
303
Il est toujours mieux de pouvoir tester ce genre de choses avant la partie, mais
une fois votre bibliothèque musicale construite (voir p. 310), cela ne vous prendra
que quelques instants.
Lorsque vous préparez votre liste de titres, vous devez décider que tel morceau
illustrera tel type d’ambiance ou telle scène précise. L’idéal est d’avoir créé des
dossiers par types d’ambiances, et d’autres classés par genres musicaux. Cela sera plus
facile pour « piocher » dedans au pied levé, mais cela ne sera pas toujours suffisant.
Alors, comment faire ?
Il n’y a pas de secret, jouer en musique nécessite de la préparation et donc d’écouter
régulièrement des morceaux qui peuvent être utilisables en partie.
Cela peut passer par des discussions avec d’autres MJ, ou par la lecture de sujets
dédiés sur certains forums tels que Casus No, Antonio Bay, le SDEN, la Cour d’Obé-
ron, Vox Ludi, etc., voire même sur ceux d’un éditeur ou d’un jeu spécifique.
Dans le cas de certains scénarios du commerce, l’auteur fournit une liste de titres
musicaux de référence. Anthony Combrexelle l’a très bien fait sur Americana,
par exemple. Plus rarement, certains jeux ont même une B. O. officielle comme
13th Age1 ou Trail of Cthulhu.
1. Heinsoo Rob, Tweet Jonathan, 13th Age, Pelgrane Press, Londres, 2013.
304
Il existe plusieurs possibilités :
• en début de campagne quand les PJ se rencontrent et se présentent ;
• quand un PJ est au centre d’une scène ;
• quand un PJ a son moment de gloire ;
• quand un PJ est dans la panade ;
• quand un PJ meurt.
Veillez toutefois à ne pas abuser du thème du PJ et à ne l’utiliser que pour les
moments très forts, quels qu’ils soient.
Les cinématiques
Derrière ce nom, je désigne des scènes narrées presque uniquement par le MJ. Lors
de celles-ci, la musique peut être utilisée de plusieurs façons, mais elle sert presque
toujours de repère temporel, venant rythmer ou encadrer ce qui se passe en jeu.
Voici quelques exemples :
• on peut faire correspondre une description simple ou interactive à la durée
d’un titre donné. Dans le second cas, les personnages ont une certaine latitude, dans le
premier ils sont simples spectateurs. Pour un résultat optimal concernant les descrip-
tions simples, je ne peux que vous encourager à répéter avec le titre choisi pour être
certain que l’ensemble corresponde parfaitement ;
• on peut faire correspondre une action ou un combat à la durée d’un titre
donné : à la fin de ce dernier, l’action ou le combat s’arrête ;
• on peut se servir de la musique comme d’un chronomètre pour mettre la
pression sur les joueurs et leurs personnages.
Ce procédé est utilisé par certains MJ afin de conférer du relief à une scène pour la Musique
rendre plus marquante. Il convient de ne pas en abuser pour en conserver tout l’impact,
et, sauf dans le cas des descriptions simples, de ne pas laisser les personnages trop
spectateurs de ce genre de scènes, prévoyez des moments où ils pourront intervenir.
Lors du scénario La Montre à remonter le temps pour La Brigade chimérique1, j’ai utilisé
le titre Aqua Vitae de Future World Music pour sonoriser l’arrivée des PJ en dirigeable à
Londres. Je leur ai décrit la ville en rythme, accélérant mon débit en même temps que le
morceau gagnait en intensité, ajoutant de plus en plus de détails : j’ai commencé par une
description globale de la ville, avec ses éléments importants comme Big Ben, la Tamise,
puis je me suis attardé sur les détails comme les quais, les grues, les dockers en train de
décharger, pour finir exactement au moment de l’atterrissage sur le toit d’un immeuble.
1. D’Huissier Romain, Favre Willy, Devernay Laurent, Heylbroeck Julien, Treille Stéphane, La Brigade chimérique,
Sans-Détour, Oyonnax, 2010.
305
De prime abord, on peut émettre quelques réserves quant au fait de laisser les PJ
spectateurs. C’est aussi pour cela qu’il existe des cinématiques plus interactives comme
décrites plus haut. En outre, le fait que les PJ ne puissent agir peut devenir un véritable
ressort dramatique, qui fait gagner en cohérence : ils restent cois face à un spectacle
effrayant ou au contraire fabuleux, sont dans une position où ils ne peuvent agir direc-
tement, attendent que quelque chose ait fini de se produire ou que ce soit le moment
opportun pour agir, etc.
Grâce aux cinématiques, vous amenez une dimension supplémentaire à vos scénarios.
La sensation d’immersion est plus intense et le lien entre les émotions des personnages
et celles des joueurs n’en devient que plus fort. Parfois, il est plus important de se
concentrer sur ce que les joueurs ressentent que sur les décisions qu’ils prennent. C’est
une des grandes valeurs ajoutées que peut apporter la musique autour d’une table, elle
contribue à renforcer ce lien pour rendre certaines scènes particulièrement mémorables.
306
Même si ce n’est pas notre premier réflexe, et sans doute parce que ce n’est pas notre
premier réflexe, il ne faut pas hésiter à jouer le décalage, par exemple en mettant de la
musique électronique pour une scène de combat dans un univers médiéval-fantastique
ou de l’entre-deux-guerres. Il est difficile de savoir à l’avance si ce genre de décalage
va déconnecter les joueurs de la partie ou si au contraire il va singulariser une scène et
contribuer à la rendre particulièrement marquante : c’est à vous, MJ, d’expérimenter,
de tester, et surtout de sentir votre table et l’ambiance de l’instant. À titre d’exemple,
on citera à nouveau la scène de duel de Kill Bill entre Beatrix Kiddo et O-Ren Ishii,
mais aussi celles, ultra-violentes, d’Orange mécanique sur fond de Beethoven. De mon
expérience, il faut laisser parler ses envies, avoir pris la température de la table et accep-
ter de sortir des sentiers battus pour la surprendre. Rien de tel qu’un titre industriel
pour déconcerter des joueurs de L’Appel de Cthulhu ou d’Achéron. Et à l’inverse, un
peu de Mozart ou de Chopin durant une partie d’Eclipse Phase ou de Shadowrun peut
donner un cachet réellement unique à une scène autrement ordinaire.
Le plus simple reste toutefois de choisir des morceaux adaptés au jeu et à l’univers,
et de réserver ce décalage à quelques scènes fortes, quitte à avoir un plan de secours si,
une fois le moment venu, cela vous semble trop risqué.
Afin de vous aider à mieux comprendre ce que l’on peut passer comme titre en
fonction de ce qui arrive en jeu, voici un tableau avec quelques morceaux que j’aime
utiliser en partie. Ils restent assez faciles à trouver, même si j’ai également essayé d’en
proposer de moins connus.
Musique
Action musclée, fuite Z-Corps1 X-Ray Dog : Crime
Ambiance sombre Crimes2, Maléfices Yen Pox : Descent
Arrivée d’un PNJ Phil Rey :
AD&D, Pathfinder
imposant Entrance of the Gladiators
Arrivée d’un PNJ Two Steps from Hell :
Vampire
important Freedom Fighters
Pathfinder, Brigade
Combat héroïque Immediate Music : Redrum
chimérique
Brigade chimérique, OST Visions of Escaflowne :
Combat
L’Appel de Cthulhu Dance of Curse
1. Favre Willy, Neko, Valla Kristoff, Z-Corps, Le 7éme Cercle, Anglet, 2010.
2. Chaudier Christophe, Lefebvre Yann, Crimes, Caravelle, La Fare-les-Oliviers, 2006.
307
Combat Delta Green X-Ray Dog : Overdrive
OST Devil May Cry 2 : Faithful
Combat Shadowrun
Servant (Furiataurus Battle)
Combat Agone1 E.S. Posthumus : Tikal
Immediate Music : Vengeance
Combat épique Loup-garou
(avec les chœurs)
OST Les Rivières pourpres :
Enquête Delta Green
La Bibliothèque
OST Assassin’s Creed 2 :
Infiltration James Bond
Approaching Target 1
Infiltration C.O.P.S. OST Metal Gear Solid : Intruder 1
Narration calme Eclipse Phase 8Dawn : Lux Deos
Narration calme Divers Max Corbacho : Pilar Ascension
Narration calme Capharnaüm Eudardo Tarilonte : Ancient Egypt
Narration calme Scion2 OST Avatar : Night Iridescence
Adrian von Ziegler :
Narration triste Polaris
Enlighten my Soul
Narration Una Voice, Chandra Jade Shankar :
Vampire
angoissante Hearts of Darkness Part 1
Narration
L’Appel de Cthulhu Musica Cthulhiana : Madness
angoissante
Narration
Polaris Brian Eno : Belgian Drop
angoissante
Narration sombre L’Appel de Cthulhu Cousin Silas : H. P. Lovecraft
Stress intense Warsaw3 Oz Karasu : Nova
Tension Dark Heresy Immediate Music : Fatal Vision
OST Clash of the Titans :
Tension 7th Sea
Release the Kraken
Tension Divers Ost Predator : Camouflaged
Dead Can Dance :
Tristesse, mélancolie Divers
The Host of Seraphim
1. Benoit David, Célerin Sébastien, Gaborit Mathieu, Lerin Jean-Rémy, Lullien Jean-Baptiste, Marsan
Stéphane, Spinat Xavier, Weil Frédéric, Agone, Multisim, Paris, 1999.
2. Achilli Justin R., Alexander Alan, Bowen Carl, Bridges Bill, Chambers John, Lee Michael B., Schaefer Peter,
Stewart James, Watt Andrew, Scion, White Wolf, Stone Mountain, 2007.
3. Favre Willy, Heylbroeck Julien, Warsaw, John Doe, Jouy-le-Moultier, 2009.
308
Des bruits et des bruitages :
MP3, morceaux, logiciels d’ambiance
En complément des morceaux de musique, il est également possible d’ajouter de
temps à autre des sons et autres bruitages. Ce procédé est particulièrement efficace
pour effrayer ou stresser les joueurs, et donc pour accentuer les scènes de tension. Il a
le mérite de surprendre vos joueurs. Ainsi, lors d’une partie de Patient 131, diffuser des
bruits de pas ou de portes qui grincent peut amener une crispation certaine.
De plus, même si c’est plus anecdotique, il peut également servir à ritualiser certains
événements se produisant en jeu, comme la présence de certains types de créatures
ou l’invocation de certains sortilèges.
Pour trouver de tels sons, vous pouvez utiliser des CD de bruitages déjà préparés ou
vous rendre sur des sites spécialisés. Dans les deux cas, c’est un domaine où vous devrez
probablement passer du temps à faire du tri avant de dénicher ce qui vous convient.
Quoi qu’il en soit, il existe sur le Net de nombreux fichiers MP3 gratuits ou
payants où l’on peut dégoter des hurlements, des bruits de tirs ou d’explosion,
des pas sur du carrelage, etc.
• http://www.universal-soundbank.com/
• http://lasonotheque.org/
• http://www.sound-fishing.net/
Pour les diffuser pendant la partie, vous pouvez utiliser votre logiciel habituel ou en
lancer un second pour mixer bruits et musiques.
En ce qui concerne les logiciels spécifiquement dédiés aux bruits d’ambiance, j’ai
coutume d’utiliser Atmosphere Lite2. Comme son nom l’indique, c’est un logiciel très
léger qui permet de personnaliser une bande-son à partir d’une ambiance de base pour
Musique
obtenir, par exemple, les craquements du bois la nuit autour d’un feu de camp.
On peut également citer Scene Sound3 qui est souvent plébiscité par les MJ, car il
gère à la fois les ambiances et les sons comme les bruitages.
Évidemment, les bruitages sont tout à fait adaptés aux jeux d’ « ambiance » : L’Appel
de Cthulhu, Patient 13, Maléfices, Achéron pour ne citer qu’eux, mais quelques sons
bizarres dans un scénario de Warhammer ou Cyberpunk peuvent contribuer à faire
frissonner la table comme à installer d’autres types d’atmosphères. Car là aussi, même
si les parties d’épouvante se marient particulièrement bien aux accompagnements
sonores, c’est aussi le cas des autres types de jeux moyennant une préparation adaptée.
309
Gérer sa bibliothèque musicale,
préparer ses parties
Il n’y a pas de secrets, constituer votre bibliothèque sonore vous prendra plus de
temps que de monter un meuble suédois. Soyez patient, prenez le temps, écoutez ici
et là ce qu’il se fait puis, une fois la musique sur votre ordinateur, créez des dossiers,
utilisez des logiciels comme iTunes ou MediaMonkey pour les classer. Choisissez
de grands thèmes, des types d’ambiances et ensuite, au fur et à mesure que vous
remplissez vos dossiers, augmentez la taille de votre bibliothèque.
Si vous préparez une campagne, piochez dans vos titres et constituez un dossier
spécifique par scénario. Une astuce simple consiste à renommer les titres en fonc-
tion de l’usage que vous allez en avoir : ambiance précise, scène précise, rencontre
avec un PNJ important.
• Avantage de cette méthode : on s’y retrouve facilement le moment venu.
• Inconvénient : cela prend beaucoup de temps.
Pour le classement global, le mieux est de faire de grands dossiers par type
d’ambiances, par type de scènes voire même par genre de JdR.
• Avantage de cette méthode : on trouve rapidement des fichiers, quelles
que soient les actions des PJ (y compris les plus farfelues et insoupçonnables).
• Inconvénient : il faut des heures de travail pour classer les titres dans
les dossiers adéquats.
Il est également possible, et c’est ainsi que je procède, de laisser les titres classés par
OST et artiste compositeur pour aller piocher dedans au fur et à mesure. Cela implique
d’avoir beaucoup écouté les différents albums pour trouver facilement les titres adaptés.
• Avantage de cette méthode : elle requiert peu de temps en amont pour le classement.
• Inconvénient : il faut parfaitement connaître tous ses albums pour ne pas se
perdre lors de la préparation de la partie ou se retrouver bloqué durant cette dernière.
CONCLUSION
Nous les geeks, et moi comme les autres, avons tendance à collectionner tout ce qui
peut l’être. Pourtant, il n’est pas utile de disposer de milliers de morceaux pour pouvoir
sonoriser vos parties. Le mieux étant souvent l’ennemi du bien, si vous multipliez vos
titres à l’excès, vous risquez d’en oublier la plupart.
Faites simple. Pour une partie de six à huit heures, une bonne vingtaine de titres
peuvent suffire, surtout s’il s’agit de vos premiers essais musicaux. Vous serez toujours
à temps d’en ajouter ou d’inclure des bruitages par la suite.
310
Pour vous donner un exemple, voici une bande-son adaptée au scénario new-yorkais
des Masques de Nyarlathotep. À titre indicatif, j’ai passé environ deux heures pour la
construire, mais comptez un petit peu plus si vous ne connaissez pas bien vos morceaux.
Musique
OST Deus Ex Human Revolution :
Narration calme, suite
Det1 Marketplace Ambient
Narration, suspense Steve Roach : Fever Pulse
OST Deux Ex Human Revolution :
Stress
Picus Get to Finicular Stress
Tension OST Predator : Camouflaged
Tristesse OST The Expendables : Confession
La chambre 410 Dead Can Dance : The Host of Seraphim
La boutique de
Immediate music : Living in Fear
l’horreur
311
Ah, et n’oubliez pas : le silence est aussi de la musique. Alors n’hésitez pas à sur-
prendre vos joueurs en coupant le son pendant un moment de tension, par exemple.
Lors de ma première partie de Patient 13, j’ai commencé sans un son pour faire ressor-
tir l’impression de perdition des personnages, puis j’ai seulement mis des bruits de pas
et de portes qui claquent. Quand les PJ se réveillent dans un lieu inconnu quels que
soient les scénarios, il est courant qu’il n’y ait pas un son jusqu’à ce que les personnages
aient réellement retrouvé leurs esprits. C’est une méthode vivement conseillée, par
exemple pour le flash-forward au début du scénario Moonlighton Vermont pour Dés de
sang, Director’s Cut Edition1.
Vous venez de lire quelques astuces pour sonoriser vos parties. Que vous en connaissiez
déjà l’essentiel ou pas, il vous faut désormais passer à l’étape suivante : multipliez
les échanges avec les autres MJ pour enrichir votre culture musicale, découvrir de
nouveaux artistes, de nouvelles utilisations de titres parfois connus que l’on n’ose pas
diffuser. Bref, il est temps d’expérimenter ! Qui aurait pu dire avant d’essayer que
faire jouer une course-poursuite de zombies avec la musique de Benny Hill marche-
rait ? Et pourtant, je l’ai vécu en tant que joueur et la table avait adoré. Il ne faut pas
avoir peur de se lancer et de prendre chez les autres ce qui vous plaît. C’est comme
cela que vous progresserez.
Et là, une fois le mur du son franchi, vous vous demanderez comment vous avez pu
vous passer de ce média d’une richesse infinie, et vous prendrez un plaisir nouveau
à écouter de la musique, à noter pour tel ou tel titre une utilisation potentielle dans
un scénario. Bref, cela risque de changer votre vision du JdR mais aussi, plus globa-
lement, de la musique.
1. Devernay Laurent, Dupont Willy, Finet Romuald, Dés de sang, Pulp Fever Éditions, Le Haillan, 2011.
Fiche de synthèse
Favoriser l’ambiance.
Favoriser l’immersion.
Contraindre les joueurs pour que leurs actions correspondent à la musique prévue.
Les CD.
La musique numérique :
Musique
• se la procurer (https://bandcamp.com) ;
• la lire (iTunes, MediaMonkey, Winamp, Windows Media Player) ;
• l’éditer (Audacity, MP3 TrackMaker).
313
Sonoriser une ambiance ou une scène précise ?
Sonoriser une ambiance nécessite des morceaux longs pouvant être passés en boucle sans
monopoliser l’attention du MJ. C’est souvent plus facile à préparer et à animer.
Inversement, sonoriser une scène précise implique de prévoir un plus grand nombre de
morceaux plus courts et de mieux les connaître. Le résultat est généralement bien plus
efficace, par exemple en permettant davantage d’effets, mais le temps de préparation, puis
de manipulation durant la partie, s’en trouve logiquement accru.
Dans les deux cas, assurez-vous que les morceaux ou sélections choisis supportent
la boucle et préparez des bibliothèques adaptées.
Un thème est un morceau systématiquement associé à un élément du jeu (PJ, PNJ, lieu, type
d’événement), de façon à créer une association dans l’esprit des joueurs. Ce procédé est
d’autant plus efficace en campagne.
Même s’ils sont à réserver aux moments forts, les thèmes de PJ peuvent notamment être
utilisés en début de campagne quand :
Les cinématiques
Les cinématiques sont des scènes presque uniquement narrées par le MJ. En parallèle aux
autres fonctions détaillées plus haut (ambiance, genre, etc.), la musique y sert principale-
ment à marquer le passage du temps. Par exemple :
• on peut calquer la durée d’une description sur celle d’un titre donné ;
• on peut faire de même avec un combat ou toute autre scène plus interactive ;
• on peut se servir de la musique pour signifier un compte à rebours.
Utiliser des morceaux d’ambiance ou liés à l’univers, puis basculer sur ces titres pour insister
sur certaines scènes spécifiques.
314
Des bruits et des bruitages
CD de bruitages.
Sites gratuits.
Derniers conseils
Musique
Passer du scénario
à la campagne
•
Olivier Caïra
L
e soleil se lève sur le lac Michigan. Un groupe de courageux investigateurs, dont
une journaliste grièvement blessée et un détective en état de choc, quittent en cha-
loupe un navire en proie aux flammes. Aux odeurs de bois et de carburant se mêle
le parfum entêtant du Rye, le whisky canadien que la pègre achemine à prix d’or vers
Gary et Chicago. Le combat contre les contrebandiers, alliés à des abominations venues
des profondeurs, a été terrible. Ce n’est qu’ in extremis que les aventuriers ont sauvé des
flammes le manuscrit que brandissait la mystérieuse Meredith en invoquant les horreurs
du lac. Au même moment, sur la base de photos remises par la journaliste, la police
de Chicago interpelle le parrain local, Giancarlo Scarafaggio, au saut du lit.
Vos joueurs viennent de passer un excellent moment. Vous savourez l’aboutissement
de vos efforts de MJ… quand vous entendez : « Bon, quand est-ce qu’on joue la
suite ? », le problème est que Terreur sur le Michigan Queen est un scénario one shot,
CAMPAGNE
317
et psychologique des PJ. Donc si vos joueurs réclament une campagne à l’issue d’un
scénario réussi, commencez par fixer une date avec eux, la deadline étant le meilleur
moteur de la créativité. Ensuite, reprenez votre premier scénario et les notes écrites au
fil du jeu, et lancez-vous. La méthode QESOM (Questions En Suspens, Oui Mais)
aide à bâtir une suite à partir des grandes composantes de la première aventure.
318
d’auteur plus exclusif de la campagne. Vous aurez le bénéfice de la surprise, mais le
risque de passer à côté de ce qu’ils ont aimé dans le premier épisode.
pagne. Mais scénariser ne se résume pas à mettre en forme les anticipations du groupe
et les réactions des PNJ aux événements déclenchés par les PJ. Passer du scénario à
la campagne, c’est aussi raisonner en termes de méta-intrigue 1, c’est-à-dire penser aux
thèmes centraux de la campagne et à la « grande histoire » qui se dessine au fil des
épisodes. Il faut donc également « partir de la fin » pour avoir une idée, même vague,
de ce vers quoi va tendre l’ensemble de l’aventure.
1. Traduction du terme anglais metaplot, qui peut correspondre à l’évolution de l’univers au sein des
divers suppléments d’une gamme. Il est ici employé pour désigner l’intrigue globale d’une campagne par
opposition à celles de chaque scénario.
319
Inutile de planifier ni d’écrire les épisodes trop à l’avance, en suivant le modèle
souvent rigide des campagnes éditées : vous gagnerez en temps et en réactivité si vous
écrivez vos scénarios au fil du jeu.
320
Ces questions simples vous permettent d’anticiper le travail à fournir pour vous
documenter, créer les personnages, les chronologies et les lieux de l’action. Toutes les
campagnes n’ont pas l’ambition éditoriale des Masques de Nyarlathotep : mieux vaut
créer une campagne statique offrant des situations de jeu intéressantes et variées que
de succomber sous le fardeau d’une préparation trop exigeante.
des joueurs en commençant par « mais en réalité… » pour leur imaginer une face
cachée, comme dans l’encadré de la page suivante.
321
Giancarlo Scarafaggio,
chef d’une famille mafieuse de Chicago
Ramifications géographiques : plusieurs planques et propriétés à Chicago et sur le pour-
tour du lac Michigan, particulièrement à Gary, ville proche mais située dans l’Indiana,
qui lui sert de port secondaire loin des enquêteurs de l’Illinois ; des liens mafieux,
personnels et professionnels, avec Boston, New York et Palerme.
Ramifications temporelles : Scarafaggio est une petite frappe des bas-fonds de Chicago
née vers 1870. Il organise sa « famille » au fil des années de contrebande avec le Canada
et de ses deux séjours en prison. Depuis 1919 et l’instauration de la Prohibition, il a
fait alliance avec Meredith, une sorcière qui favorise ses trafics sur le lac Michigan et
coule les bateaux de ses concurrents, par des moyens qu’il préfère ignorer. Dans les
prochaines années, il compte faire main basse sur toute la région des Grands Lacs et
s’attaquer au nord de l’État de New York.
« Mais en réalité… »
Option 1 : Scarafaggio est atteint d’une maladie incurable. Catholique fervent, il tente
de se racheter in extremis en dévoilant tout lors de son procès. Mais il en a déjà trop dit :
Viazzo et le groupe de sorciers conduit par Meredith comptent bien le faire taire. Après
la mort mystérieuse du père Di Pietro, Angelina se tourne vers les PJ, dont elle suppose
qu’ils ont compris la nature des activités de son mari.
Option 2 : Scarafaggio est un sorcier bien plus puissant que Meredith. Il compte sur son
séjour en prison pour endormir la vigilance de ses nombreux adversaires et orchestrer
une invocation bien plus ambitieuse, cette fois-ci à l’échelle des océans. Mais Justerini
et Brooks exécutent un journaliste de la presse à scandale qui préparait une biographie
non autorisée du parrain… un excès de zèle qui va attirer l’attention des PJ.
322
vous pouvez néanmoins recenser les points forts de votre one shot pour vous lancer
dans la méta-intrigue. Vos joueurs ont-ils apprécié l’atmosphère urbaine de Chicago,
la négociation tendue avec des informateurs de la pègre, les rencontres sophistiquées
avec des figures de la presse ou de la politique locale ? Ou au contraire ont-ils préféré
la scène finale d’horreur et de violence à bord du Michigan Queen en feu ?
Tenez particulièrement compte de leurs priorités et de leurs dernières réactions,
une fois passé le paroxysme du scénario. Veulent-ils immédiatement lire le manus-
crit de Meredith ? Vont-ils chercher la célébrité, voire publier leurs exploits ?
Vont-ils au contraire nouer des relations confidentielles avec d’autres investigateurs
de l’occulte, ou simplement chercher à reprendre le cours d’une vie normale ?
Les joueurs se montrent-ils inquiets, en termes de roleplay, des séquelles psychologiques
liées à cette aventure ? Si vous jouez à un jeu qui le permet, comment allouent-ils
leurs éventuels gains d’expérience ? Toutes ces observations vous en diront plus
long que des pages de background.
Si bon nombre de campagnes publiées en JdR sur table se résument elles aussi à
l’élimination d’une kyrielle d’ennemis ou à une « collecte de Poké Balls », vous avez
tout intérêt à varier les plaisirs en alternant les types d’intrigue d’un scénario à l’autre.
La répétitivité en JdR ne se limite pas à la caricature du porte-monstre-trésor : elle
concerne toute structure qui devient trop prévisible pour les joueurs (par exemple :
enquête-bibliothèque-cultistes-monstres-fuite).
• l’intrigue dramatique repose sur les interactions sociales, les héros cherchant
le plus souvent à faire tourner les positions des autres personnages en leur faveur ;
• l’intrigue épistémique s’inscrit dans une logique d’enquête, les héros consacrant
leurs efforts et leurs talents à l’élucidation d’un mystère.
323
ensuite affronter des horreurs sur un lac), il serait intéressant de modifier ce dosage à
l’épisode suivant. Par exemple, infiltrer une prison pour espionner un chef mafieux sera
davantage dramatique et épistémique (les héros ne viennent pas « vaincre » la prison
au sens épique). À l’opposé, galvaniser tout un village pour conduire un raid sur un port
infesté de Profonds sera plus de nature épique et dramatique.
Scénarisation flottante :
le cas des intrigues personnalisées
Éviter la rigidité des campagnes publiées n’empêche pas de scénariser, parfois très
en amont, afin d’amener des intrigues dans l’aventure sans donner l’impression de les
« parachuter ». C’est typiquement ce que vous pouvez faire pour chacun des person-
nages principaux afin de renforcer l’engagement des joueurs : ils ne sont pas engagés
dans la campagne par hasard, mais parce qu’une composante essentielle du destin de
leurs personnages va s’y jouer.
324
Préfigurer les quêtes personnalisées au fil des épisodes
Revenons à Amelia : lors de sa création, la joueuse vous a indiqué que la journa-
liste rêve depuis l’enfance de ruines de marbre au pied d’une cascade. Cette image a
poussé la jeune femme à se spécialiser dans les enquêtes paranormales et à s’intéresser
à l’archéologie. Partant de cet élément succinct, vous pouvez imaginer une quête per-
sonnelle qui fera découvrir à Amelia son lien de parenté avec la sorcière Meredith,
et une initiation qui lui donnera des pouvoirs magiques liés aux créatures aquatiques,
au risque de faire vaciller sa santé mentale.
Ce thème peut très tôt s’inviter dans l’aventure par le biais de micro-événements
sans signification apparente : au bord d’une route, un enfant qui se baigne sort de la
rivière et donne la main à Amelia ; dans une église où elle mène l’enquête, le bénitier
est agité de vaguelettes durant quelques instants… Par petites touches, vous uti-
lisez des procédés de préfiguration (le foreshadowing des scénaristes anglophones) qui
indiquent que l’eau sera importante pour Amelia dans la campagne, sans lui donner
les clés exactes de chaque épisode : vous jouez sur les attentes de la joueuse afin que
l’intrigue secondaire éclose progressivement, sans monopoliser l’attention du groupe
ni rompre le cours de l’action.
lisation des ruines. 3. Découverte de sa parenté avec Meredith (dans les notes de la
sorcière, à l’état civil, dans les archives de son orphelinat, lors d’un rêve plus explicite
que les autres, etc.) ;
• épreuves : 1. Les adversaires ancestraux de la lignée veillent et attaquent
quiconque enquête sur la légende. 2. Une fois sur place, Amelia doit nager jusqu’à
une crypte sous les ruines et affronter seule le gardien du temple. 3. Pour maîtriser
ses pouvoirs sans sombrer dans la folie, Amelia doit se doter de protections (magie,
soutien psychologique, etc.) ;
325
• récompense et contrecoup : au prix d’une perte de santé mentale, Amelia
acquiert des pouvoirs de magie élémentaire de l’eau et apprend des sorts de contact
et d’invocation liés à Dagon et aux Profonds. Comme Meredith, sa chevelure prend
désormais de légers reflets bleu vert qui peuvent trahir ses origines.
N’hésitez pas à employer le même genre de fiche si vous jouez une campagne éditée :
les joueurs seront d’autant plus surpris et satisfaits de constater que vous prenez soin
de leur créer des intrigues personnalisées.
1. Ce type de procédé a notamment été popularisé par Robin D. Laws. Il en pose les prémices dans son
ouvrage de conseil aux MJ Robin’s Laws Of Good Game Mastering (Steve Jackson Games, Austin, 2002), et
le formalise dans Cthulhu, 7ème Cercle, op. cit., p. 158).
326
davantage, par exemple en créant au fil des épisodes les « pièces » principales de
l’intrigue : fac-similés de la carte, arbre généalogique, etc.
Conclusion
La principale appréhension qu’ont les meneurs au moment de lancer une campagne
est la quantité de travail que cela requiert. Cette crainte est nourrie par l’habitude de
lire des campagnes publiées, c’est-à-dire écrites pour un meneur et des joueurs dont le
scénariste ignore les attentes et les réactions. Lorsque l’on scénarise pour son propre
groupe, on rédige nettement moins, et surtout on envisage les épisodes au fil des parties :
chaque épisode va produire ses propres intrigues, et certaines sessions pourront être
exclusivement consacrées à en dénouer les fils. Passer du scénario à la campagne est en
définitive bien plus facile que s’atteler à l’écriture d’un nouveau one shot.
La méthode proposée ici consiste à :
• faire l’inventaire avec les joueurs des questions restées en suspens à l’issue
du premier scénario ;
• envisager des développements qui respectent les centres d’intérêt des joueurs
mais qui s’écartent de ce qu’ils ont exprimé (principe du « Oui, mais… ») ;
• définir la méta-intrigue de la campagne dans ses grandes lignes, mais sans
chercher à fixer l’enchaînement précis des péripéties ;
• noter les principaux appuis de la méta-intrigue en termes d’espace, de temps
et de personnages impliqués ;
• analyser les profils des personnages et les attentes des joueurs ;
• créer pour chaque personnage une intrigue en écriture flottante, de manière
à l’introduire et à la résoudre à point nommé dans l’aventure collective.
Je les appelle des semi-pistes. Ce sont des amorces qui ne mènent nulle part, mais pas
des fausses pistes. Leur forme typique est la clé de consigne, le nom griffonné sur un
parchemin ou la lettre codée. Tant que les PJ ignorent dans quelle serrure glisser la
clé, à quoi correspond le nom ou comment décoder le message, ces objets demeurent
inutilisables et mystérieux. Les semi-pistes deviendront des pistes à part entière lorsque
vous le déciderez, le plus souvent par recoupement : les PJ découvrent un billet de train
qui leur indique dans quelle gare chercher la consigne, le nom se révèle être celui d’un
327
lieu-dit qu’ils croisent sur la route ou celui d’un ancien élève de l’école de magie, la clé
du code apparaît dans un livre qu’ils compulsent, etc. Le cinéma d’Hitchcock en fournit
de nombreux exemples.
En termes scénaristiques, les semi-pistes donnent aux joueurs l’impression que vous
avez prévu un développement de l’intrigue, tout en restant impénétrable : vous pouvez
donc les utiliser en cours de partie en arborant un air narquois, sans avoir la moindre
idée de ce vers quoi elles vont mener. Attention à ne pas en faire des fausses pistes, qui
risquent de polluer votre session : une semi-piste est soit trop anodine pour apparaître
comme un indice, soit trop énigmatique pour que le groupe sache comment la suivre.
Elle n’est pas conçue pour faire perdre son temps au groupe.
Combien de semi-pistes placer ? Tout est question d’univers et de genre. Dans des jeux
« à secrets », dans des univers dominés par les logiques de clandestinité ou dans des
scénarios à thème psychiatrique, les semi-pistes deviennent un élément d’ambiance :
elles renforcent le sentiment que l’environnement des personnages résiste à leur com-
préhension. C’est par exemple l’effet produit par la série Lost1. Au contraire, dans une
partie très épique et dans un univers aux enjeux très transparents, une ou deux semi-
pistes suffiront à embrayer vers une logique de campagne.
1. Vous serez peut-être surpris de voir cité Lost comme exemple à suivre, mais cet effet de multiplication
de pistes sans suite qui a été reproché à la série peut se révéler être une force dans un JdR, où le fait
d’accorder de l’importance à telle ou telle piste fait partie des prérogatives des joueurs.
Fiche de Synthèse
La méthode QESOM
1. Dites « oui ».
3. Sélectionnez et tordez les idées : la règle du « oui, mais… » : envisagez des déve-
loppements qui respectent les centres d’intérêt des joueurs mais qui s’écartent de
ce qu’ils ont exprimé.
4. Définissez une méta-intrigue et des thèmes principaux, mais sans trop aller dans
le détail des péripéties.
• statique ou mobile ?
• avec ou sans pression temporelle ?
• orientée vers quels genres fictionnels ?
CAMPAGNE
• ramifications spatiales ;
• ramifications temporelles ;
• ramifications sociales.
8. Décortiquez votre première séance : analysez les profils des personnages et les
attentes des joueurs.
329
9. Créez des intrigues personnalisées pour chaque joueur :
• créez des intrigues secondaires et/ou personnalisées flottantes ;
• préfigurez les quêtes personnalisées au fil des épisodes ;
• résumez-les sur des fiches.
Autres principes généraux
• synopsis ;
• préfiguration ;
• liste d’événements ;
• liste d’épreuves ;
• récompense et contrecoup.
IV
varier les plaisirs
Introduction
L’
aide de jeu, définie un peu par défaut, désigne quelque chose qui n’est pas
nécessaire pour jouer, mais qui… aide à jouer. Tout le monde sait que pour
faire du JdR, il suffit d’un livre de règles, de papier, de crayons et de quelques
dés. Et encore. On pourrait donc considérer tout le reste, y compris les scénarios, sup
pléments de contexte et conseils au MJ, comme des aides de jeu. Toutefois, dans le cadre
de cet article, nous considérerons qu’une aide de jeu désigne un objet ayant vocation à
être manipulé par les joueurs, et aidant le MJ à atteindre certains objectifs ludiques.
La plupart des aides de jeu ont une existence dans l’univers, comme les coupures de
journaux et les lettres, d’autres non, on pense ici aux dés spéciaux ou encore aux cartes,
et certaines ont un statut intermédiaire : elles représentent un objet de l’univers de jeu de
manière imparfaite, comme un court texte résumant le contenu d’un grimoire complexe.
Aides de jeu
331
Une aide de jeu favorise l’immersion lorsqu’elle représente un objet dont on parle
en jeu, à un niveau dépendant de la fidélité de la représentation : un résumé de lettre
est moins immersif que le texte « réel » de la lettre, lui-même moins immersif qu’une
lettre manuscrite, rédigée à la plume sur un papier vieilli et scellée à la cire.
Cela dit, il est également possible de faire des aides de jeu qui ne se limitent pas
à représenter fidèlement un objet de l’univers, mais qui se basent sur une forme de
symbolisme (une bougie représentant la durée de vie d’un groupe électrogène) ou dont
la manipulation est plus importante que l’aspect (talkie-walkie remplaçant la radio
d’un sous-marin, lecteur MP3 remplaçant un gramophone, etc.).
Une aide de jeu donne des informations, sauf si elle n’est qu’un élément de décor
ou d’ambiance. C’est évidemment le cas d’une lettre reçue par les PJ, ou d’une carte
représentant les lieux à visiter, mais cela peut aussi être le cas d’une illustration ou d’une
reproduction d’un objet trouvé en jeu. Cependant, il est aussi possible d’aller bien plus
loin. Dans le cas d’un objet qui confère une certaine compétence (communiquer avec
l’extérieur grâce au seul talkie-walkie en leur possession, menacer avec l’unique arme à feu
de la pièce où ils sont enfermés), l’aide de jeu sert aussi à indiquer clairement à chacun la
personne qui possède l’objet en question. Ici, l’important est la façon dont les joueurs vont
s’en servir et comment cela va modifier leur manière de jouer. Peut-être vont-ils tenter de
se voler le pistolet, de demander de l’aide ou des renseignements avec le talkie-walkie, etc.
En simulant une capacité spécifique, ce genre d’aides de jeu donne des informations qui
vont largement au-delà de la présentation d’un contenu écrit à l’avance.
Enfin, parfois, l’aide de jeu ne fait que reprendre des informations fournies par le
MJ, mais elle peut en contenir bien plus, et dans ce cas être soumise à un décryptage
ou une interprétation par les joueurs.
Cela nous conduit au troisième objectif : l’énigme, le jeu dans le jeu. Le texte d’une
lettre livre moins facilement ses indices qu’un résumé fait par le MJ : il faudra que
les joueurs décident de ce qui est important et de ce qui n’est là que pour donner du
caractère, du cachet. Mais la lettre-objet peut aussi fournir des indices non textuels.
Est-elle en partie brûlée, ou tachée de sang ? Est-elle écrite dans un style qui n’est pas
celui de son auteur présumé ? Les joueurs doivent-ils l’inspecter pour en tirer tous les
indices ? Peut-être contient-elle des informations inscrites à l’encre invisible, ou codées
d’une manière ou d’une autre.
332
Supposons toutefois que vous avez du temps. Devez-vous pour autant transformer
chaque document de l’univers en aide de jeu ? Évidemment, non. Il ne faut créer une
aide de jeu que lorsqu’elle vous permet d’atteindre un objectif ludique de manière
efficace. Pour cela, il faut définir vos objectifs. Cela dépendra aussi de la nature de la
partie que vous allez jouer. Voici quelques points à considérer.
333
Une lettre ne sera pas très efficace pour transmettre des noms ou des dates, mais elle
sera parfaite pour transmettre un style, ou l’état d’esprit de son auteur.
Une aide de jeu donnée aux joueurs peut aussi être un moyen de transmettre une
information sans la formuler. Confier un objet réel au joueur dont le personnage a
le plus haut grade pour montrer sa position hiérarchique dans le groupe est un bon
exemple : il pourra changer de main au gré des mises à pied et autres conflits avec les
supérieurs. Qui porte la torche et ne peut pas se battre ? Qui possède tel morceau du
simulacre de Sedefkar, et en subit donc l’influence négative ?
Une aide de jeu peut également représenter l’utilisation d’une ressource par les
joueurs, et leur permet ainsi de donner une information au MJ sans avoir à la for-
muler : tant que l’un des joueurs a l’anneau vert, son personnage est invisible, par
exemple. Dans un autre cas, celui qui a le pistolet choisit de le braquer sur un autre,
ce qui montre la manière dont il décide d’utiliser cette ressource.
Enfin, le MJ peut avoir recours aux aides de jeu pour transmettre aux joueurs des
informations des uns sur les autres. Par exemple, un des joueurs peut recevoir une
lettre l’incitant à prendre garde aux autres PJ, et le reste de la table en recevoir une
autre pour les mettre en garde contre ce premier PJ1. N’hésitez pas à choisir deux types
de papier différents pour bien les distinguer, cela ne fera qu’attiser leur curiosité. Ainsi
il n’est pas obligatoire qu’une aide de jeu soit destinée à tous les membres du groupe.
Dans tous les cas précédemment cités, les joueurs peuvent se prendre ou s’échanger
de tels objets, ou en négocier la possession.
La lettre
334
La lettre est également le lieu idéal pour dissimuler des informations discrètes, par
exemple dans les coordonnées et la date qui sont de bons moyens pour les faire passer
de façon subtile. Que pourrait signifier une lettre dont la date d’envoi est ultérieure
à celle de la mort de celui qui l’a rédigée ?
Enfin, comme dans un discours oral, le MJ peut encourager l’immersion au
travers du style du texte : vocabulaire démodé ou argotique, tics de langage, etc.
Au-delà du texte, il peut jouer sur l’apparence de la lettre, du choix de la police
de caractères à celui du papier.
Choix du support
S’agit-il d’une lettre manuscrite, tapée à la machine, ou imprimée ? D’un e-mail ou
d’un SMS ? Une lettre manuscrite vous laisse plus de latitude dans le choix du papier
et de l’encre, qui peuvent beaucoup jouer. Une lettre écrite au stylo-bille sur du papier
à imprimante n’aura pas le même effet qu’une lettre écrite à la plume sur du papier
vergé. On peut acheter dans les papeteries des encres de couleur marron ou violette qui
donneront un aspect ancien, utilisées avec une plume. Mais il vous faudra peut-être
réapprendre l’écriture cursive !
Si la lettre est ancienne par rapport au moment où se déroule l’histoire, vous
pouvez vieillir artificiellement le papier. La technique la plus simple consiste à
tremper le papier dans un thé légèrement infusé, ce qui lui donnera un aspect jauni.
Attention, si l’encre que vous utilisez pour écrire est soluble dans l’eau, il faut vieillir
le papier avant d’écrire le texte !
Si votre aide de jeu est un journal intime, vous pourriez être tenté d’utiliser comme
support un carnet relié, avec une couverture en cuir ou en carton avec impression
« grimoire ». C’est toutefois un choix assez coûteux, et cela vous obligera à rédiger
beaucoup de texte, il sera donc souvent préférable de proposer des extraits de journal
intime, sur papier libre. Vous pourrez peut-être justifier de n’utiliser que des extraits en
expliquant que le journal a été en partie détruit, ou les pages arrachées.
Enfin, que ce soit pour éviter de trop rédiger de texte ou pour cacher des informa-
tions aux joueurs, vous pouvez brûler ou tacher des parties de la lettre ou du journal.
335
Pour les polices manuscrites, il est parfois difficile d’en trouver qui aient un rendu
naturel ; autant que possible, privilégiez les polices modernes, au format OpenType,
qui proposent plusieurs variantes pour la même lettre :
Dans les exemples ci-dessus, la police TrueType Anke Calligraphic a un bon rendu,
mais est trop régulière pour sembler vraiment naturelle (tous les « T » ont la même
forme, par exemple). Observez comme les polices Pecita et Mathilde varient la forme
des lettres suivant le contexte.
Quelques adresses où trouver des polices :
http://www.dafont.com/fr/
http://www.1001fonts.com
Si vous préférez faire une lettre véritablement manuscrite, on trouve dans les pape-
teries des kits de calligraphie égyptienne, arabe, victorienne… Une solution rapide et
peu coûteuse consiste à acheter un stylo-plume de calligraphie Plumix, plus facile à
manier qu’une vraie plume, une cartouche à remplir et un kit d’encres de couleur. L’art
de la calligraphie dépasse le cadre de cet article, mais il existe de nombreux manuels
abordables, tels que Calligraphie et Enluminure, aux Éditions Vigot.
336
La coupure de journal
Fausses pistes
Pour les jeux prenant place dans des périodes historiques spécifiques comme L’Appel
de Cthulhu, les vrais journaux d’époque sont une source intarissable d’articles plus
vrais que nature, susceptibles d’attiser la paranoïa de vos joueurs. On peut trouver les
archives de nombreux journaux français sur le site Gallica1 de la BNF. Voici quelques
titres réels tirés de journaux de 1923 : « on greffe un œil de porc à un enfant ; une
icône de grande valeur dérobée au Père-Lachaise ; une heure chez les fantômes ; un
cataclysme dans les îles du Pacifique ; l’Élixir de longue vie ; il existe en Mandchourie
un vieillard de 163 ans ; des sarcophages gallo-romains en plein Paris ; un homme a
découvert la Pierre philosophale… »
Contexte historique
Si vous jouez à une époque que vos joueurs connaissent peu, de nombreuses ques-
tions peuvent se poser : la lampe de poche existait-elle en 1923 ? Était-il possible
d’aller d’Angleterre aux États-Unis en avion ? Quel était le régime politique en France ?
Le parti fasciste et le parti nazi existaient-ils déjà ? Qu’en pensaient les gens ?
Le journal est un support idéal pour répondre à ces questions sans imposer aux joueurs
Aides de jeu
un exposé d’histoire. Au lieu de simplement leur donner la coupure qui contient les
indices pertinents, entourez-la d’autres nouvelles contenant des informations de contexte.
1. http://gallica.bnf.fr/html/presse-et-revues/presse-et-revues
337
Si votre scénario repose sur la lenteur des communications entre l’Europe et les
États-Unis, glissez un entrefilet sur les premiers essais de télégraphe transatlantique
(janvier 1923). Si les personnages français sont amenés à aller en Allemagne, men-
tionnez l’occupation de la Ruhr ou reproduisez la lettre ouverte d’André Michelin
invitant au démantèlement de l’aviation allemande.
Si vous n’avez pas le temps ou l’envie de préparer de tels articles historiques,
ou d’aller les chercher dans des archives de journaux (par exemple sur Gallica), faites
une simple revue de presse à vos joueurs : « le journal parle des fouilles du tombeau
de Toutânkhamon qui progressent, de la conférence de Lausanne pour la paix en
Turquie, et enfin cet article attire ton attention… »
Réalisation pratique
La réalisation d’une coupure de journal est très simple, puisqu’il suffit de s’inspirer
de la mise en page et du style des journaux réels. Le texte est disposé en colonnes
étroites (une, deux ou trois, selon la longueur et l’emplacement sur la page). La police
de caractères est presque toujours une police « sérif », souvent à empattement trian-
gulaire ; par exemple, Belgrano Regular pour le corps du texte, Garamond en gras et
petites majuscules pour les titres et Canterbury pour le nom du journal.
1. Photo originale de Gary Gygax prise par Moroboshi en 1999 à la ModCon Game Fair à Modène,
en Italie, Creative Commons, disponible ici : https://goo.gl/0NFhjL
338
Photographie initiale, Photographie Photographie avec
noir et blanc. avec grain ajouté. filtre Roy Lichtenstein.
Enfin, et même si cela doit être réservé à la réalisation des aides de jeu les plus excep-
tionnelles, notons qu’il est possible de faire imprimer de « vrais » journaux, sur du
papier à journal, pour des sommes raisonnables. Ainsi, sur www.newspaperclub.com,
vous pourrez imprimer un journal pour une quarantaine d’euros, une grosse partie
de ce prix représentant les frais d’expédition. Si vous tirez votre journal en plusieurs
exemplaires, le prix par exemplaire devient correct.
Le plan ou la carte
véritable reflet de la réalité. Dans d’autres cas, ils peuvent être subjectifs et montrer uni-
quement ce que savent les personnages (notamment lorsqu’ils incluent un brouillard
de guerre, ou sont remplis au cours de la partie). Enfin, ils peuvent indiquer la vision
« locale » de l’univers du jeu, avec tous ses biais historiques et culturels. Ces plans-là
339
peuvent transmettre de fausses informations, ou des renseignements erronés, ce qui les
rend particulièrement intéressants.
Quel que soit le type de plan ou de carte dont vous avez besoin, le forum The
Cartographer’s Guild et la communauté Google+ du même nom seront une source
d’inspiration et d’aide inépuisable (en anglais).
Faire un plan
Outils en ligne
Il existe de nombreux outils permettant de créer un plan de bâtiment ou de
donjon, dont certains sont très simples mais largement suffisants pour obtenir des
plans fonctionnels :
• Deepnight.net, pour un plan simple en noir et blanc : http://deepnight.net/
tools/tabletop-rpg-map-editor/
• Pyromancers.com, pour un plan plus évolué et en couleur : http://pyroman-
cers.com/dungeon-painter-online/
D’autres, comme MapTool, permettent de créer des plans et des cartes mais
ont également pour objectif de servir de table virtuelle1 : http://www.rptools.net/
toolbox/maptool/
340
Autre exemple, le besoin en eau et en nourriture fait que la plupart des villes sont
établies le long d’une rivière ou d’une côte, et entourées de cultures agricoles. Si votre
cité est souterraine, alors elle doit probablement commercer avec des villes voisines qui
ont des cultures. Si elle n’a pas de point d’eau, comment les habitants survivent-ils ?
En cas de panne d’inspiration, n’hésitez pas à partir de cartes de villes réelles, souvent
riches d’une certaine « couleur locale ». Ainsi, Valencia en Espagne a détourné le cours
de sa rivière suite à une inondation, et a bâti un énorme espace vert le long de l’ancien
cours ; elle est donc traversée d’un grand parc en forme de rivière.
Les plans de donjons1 soulèvent le même genre de questions : comment cette tribu
de gobelins est-elle arrivée au niveau -27 ? Comment survit-elle ? Un bon plan est
capable de faire apparaître la manière dont le donjon s’intègre dans son environnement
et le développement de son écosystème. N’hésitez pas à regarder du côté des donjons
de Dyson’s Delves2. Certains sont pré-remplis, d’autres sont laissés à votre imagina-
tion, mais les plans sont à la fois beaux et variés.
2. https://rpgcharacters.wordpress.com/zerobarrier/dysons-delves/
3. http://www.geoportail.gouv.fr/
4. http://www.oldmapsonline.org
5. http://sourceforge.net/projects/autorealm/
6. http://www.profantasy.com/
341
À partir d’une forme simple dans Inkscape (par exemple un cercle transformé en
chemin), appliquez le filtre « Transformer en fractale ». Vous obtiendrez une forme
pouvant représenter une côte, comme à gauche ci-dessous.
Vous pourrez ensuite modifier le chemin obtenu pour l’adapter à vos besoins, et
illustrer le contenu. Une recherche telle que « isometric asset » sur Pinterest1 vous four-
nira de nombreux éléments graphiques pour représenter villes, forêts et montagnes,
utilisables pour votre usage personnel.
Vous pouvez également délimiter la carte en zones, qu’elles soient régulières (ici, au
milieu, une triangulation) ou irrégulières (à droite, un motif de Voronoi). Pour obte-
nir un quadrillage régulier, créez un objet avec les outils de rendu de grille intégrés,
transformez-le en motif de remplissage et affectez-le à votre terrain. Un quadrillage
triangulaire ou hexagonal est plus adapté pour une carte précise (notamment pour des
besoins de stratégie militaire), et une carte avec motif de Voronoi sera plus pratique
pour indiquer que telle zone est une plaine, telle zone un désert, etc.
Si vous êtes moyennement à l’aise avec les outils d’illustration, n’hésitez pas à vous
contenter des contours de terre, éventuellement d’un quadrillage. Imprimez-en
plusieurs exemplaires que vous remplirez ensuite à la main. Cela vous évitera le travail
le plus fastidieux.
1. https://fr.pinterest.com/bartoszroczniak/game-art-isometric-assets/
342
de villes et de régions. Le pourtour des côtes, lui, peut être marqué avec un pinceau
trempé dans du café. Naturellement, tout ceci est compatible avec les techniques de
vieillissement du papier. Attention toutefois, si vous dessinez au préalable votre carte
au crayon, ou si vous faites un quadrillage, les parties couvertes par le café ou l’encre
ne seront pas effaçables ! Veillez donc à les gommer avant de faire le tracé final.
Objets et accessoires
l’étape suivante, quand le joueur dit « je me plonge dans l’étude du grimoire », l’effet
fonctionne : il feuillette réellement le grimoire, devant tout le monde.
Le deuxième intérêt, souvent sous-exploité, est de proposer une énigme intéressante.
Face à un grimoire, vous pouvez faire un jet de latin et écouter le MJ vous décrire le
343
résultat, ou bien vous pouvez réellement feuilleter un grimoire et essayer de le décryp-
ter. Une énigme quelconque peut être résolue par un jet de dés, ou bien être réellement
élucidée par le joueur, au travers de la manipulation d’un accessoire. On trouve dans le
commerce différents puzzles de difficultés variables qui peuvent représenter une boîte
à ouvrir1, des objets à assembler, etc. Attention toutefois, l’objet-énigme ne doit pas
être utilisé à la légère : sa résolution dépend des capacités des joueurs et pas de celles de
leurs personnages. À vous de voir si cette manière de jouer les satisfait.
Le troisième intérêt, déjà évoqué plus haut, est d’attirer l’attention sur un élément
qui pourrait passer inaperçu, comme la boîte d’allumettes du Tigre Trébuchant. Dans
un jeu d’enquête, proposer un accessoire pour chaque indice important permet de
les réunir au centre de la table et de créer une ambiance appropriée de « réunion
d’inspecteurs », où on assemble les pièces du puzzle.
Conclusion
Certains, fiers de leurs talents d’improvisateurs, diront qu’une aide de jeu ne sert
qu’à faire plaisir au MJ qui montre à ses joueurs à quel point il a bien préparé sa
partie. Nous espérons avoir présenté ici suffisamment d’exemples illustrant les diverses
manières dont une aide de jeu bien choisie peut atteindre un objectif ludique original
1. http://www.baron-des-casse-tete.com/25-collection-himitsu-bako-boites-a-secret-japonaises
2. http://propnomicon.blogspot.fr
3. http://www.fantasycoin.com ou http://campaigncoins.com/
344
et difficile à reproduire de manière purement narrative. Bien sûr, il ne s’agit que d’idées
générales, et c’est votre imagination qui vous permettra de créer des aides de jeu qui
épateront vos joueurs.
Aides de jeu
Fiche de synthèse
Introduction
La lettre
Choix du support
Quelle est la technologie employée ?
Faut-il la vieillir ?
Lettre ou carnet ?
Quel est son état (conservation, soin, etc.) ?
346
Aller plus loin
Codes.
Encre sympathique.
La coupure de journal
Réalisation pratique
Faire la mise en page directement.
Utiliser un générateur.
Appliquer des filtres sur les photos.
Imprimer de « vrais » journaux.
Le plan ou la carte
Faire un plan
Outils en ligne.
Qu’est-ce qu’un bon plan ?
• Suivre quelques principes de type :
* les riches sont mieux situés que les pauvres ;
* les pauvres sont plus nombreux ;
* les gens ont besoin de manger et boire ;
* les villes évoluent avec le temps (en général pour s’agrandir).
• Adapter les lieux au contexte.
• Penser qu’il s’agit d’un milieu pour des êtres vivants et que la plupart font au plus
simple, ce qui a un impact sur les lieux.
Aides de jeu
347
Points importants à prendre en compte
La projection déforme les distances.
Le centre de la carte n’est jamais déterminé au hasard.
Plus on est loin du centre, plus les informations risquent d’être imprécises.
Réfléchissez à la rose des vents, l’échelle, son unité de mesure.
Multipliez les calques ou les fonds de carte pour des usages différents.
Objets et accessoires
Le JdR à distance
E
n ce xxie siècle, plus personne ne devrait se lamenter de n’avoir plus le temps
de jouer à cause du boulot, des enfants ou de l’éclatement géographique du
groupe historique : avec Internet au bureau, à la maison et dans nos poches,
il est devenu assez facile de faire du vrai JdR, aussi souvent que pendant notre folle
jeunesse enfuie. Et c’est également un moyen accessible aux nouveaux venus qui vou-
draient s’essayer à notre loisir.
349
de Pathfinder à Nephilim en passant par Fiasco1 ou Les Lames du cardinal2. Avec des outils
informatiques hérités du monde professionnel ou spécifiquement conçus pour cela, on
peut simuler une table de jeu et réunir des joueurs distants de milliers de kilomètres.
Avant de se lancer
Il suffit de peu de chose pour faire du JdR à distance. Tant que vous avez une
connexion Internet décente et une machine capable de faire tourner un navigateur
récent ou un logiciel type Skype, vous êtes paré. Un ordinateur vieux de moins de
cinq ou six ans, quel que soit son système d’exploitation, devrait suffire. C’est surtout
la qualité de la connexion qui importe. Vous n’avez pas envie que le plan du combat
super tactique contre le dragon des égouts refuse de se mettre à jour ou que votre
tirade super roleplay pour convaincre les Sekekers de vous laisser vos bijoux de famille
soit interrompue faute de bande passante « Allô ? Ne coupez pas ! ».
Si vous n’avez qu’une tablette ou un smartphone pour accéder à Internet, vous risquez
de devoir vous contenter du minimum (communiquer par la voix, mais guère plus).
Des solutions existent, même si elles sont balbutiantes. J’en mentionne une p. 353.
350
« Bonjour, je suis nouveau en ville
et j’ai un nain douzième niveau »
Pour débuter, le mieux est de trouver des gens qui jouent déjà. C’est un peu l’équi-
valent de la visite timide au club de la ville dans laquelle on vient d’emménager. On ne
sait pas si on s’entendra avec les gens ou si on accrochera aux jeux pratiqués, mais c’est
une première étape pour prendre ses repères et découvrir la culture locale.
Devenir MJ virtuel
Que ce soit ou pas votre première expérience en tant que joueur, vous aurez sans
doute envie de mener une partie à distance. Et là, c’est la panique. Quels outils utili-
ser ? Avez-vous besoin d’acheter des licences, d’engager un illustrateur, de commencer
une formation d’ingénieur du son ? Respirez un bon coup. Avant d’enchaîner les
tutoriels, vous devrez vous poser sérieusement la question de vos besoins.
Une table virtuelle, c’est exactement comme une table Ikea. On peut poser dessus
tout un tas de figurines, d’aides de jeu, de décors en plastique, de dalles Velleda, de dés
spéciaux, etc. Ou on peut se contenter de jouer avec un bloc-notes et un crayon. Si vos
besoins sont minimes, vous jouez dans votre canapé et la table ne sert plus qu’à poser
votre café. Vos besoins dépendront aussi du jeu que vous envisagez d’animer, et vous
serez sans doute amené à changer de méthode d’une partie à l’autre.
351
le plugin nécessaire s’installe en un clin d’œil. On accède aux Hangouts depuis
Google+, Gmail, Inbox ou la page dédiée (hangouts.google.com) : choisissez vos
contacts et cliquez, vous avez une fenêtre de vidéoconférence pour tout le monde. Cela
ne marche pas toujours aussi bien que les logiciels du commerce, mais c’est gratuit et
facile d’utilisation. On verra plus bas que cette solution fonctionne pour tout type de
JdR, du moment que l’on n’est pas trop exigeant sur les options.
Illustration
de fond, feuille
de personnage
et aides de jeu
sur Roll20.
352
Pour jouer, on crée une « campagne » qui contiendra toutes les informations dont
on aura besoin lors des parties. Ces données sont conservées sur le site, ce qui est bien
pratique quand on veut profiter de la pause déjeuner au bureau pour consulter ses
notes et préparer sa séance. Un compte gratuit donne accès à 90 % des fonctionnalités
et à un espace de stockage raisonnable. Je détaillerai au fur et à mesure, mais sachez
que Roll20 a un plugin pour Hangouts qui affiche la campagne à tous les participants,
qu’ils aient un compte ou non. Pratique pour faire venir des débutants.
La voix
Si vous n’avez pas la possibilité de parler avec vos joueurs, vous aurez du mal à
faire du JdR. Les solutions ne manquent pas : de Skype à Mumble, en passant par
TeamSpeak et Hangouts, vous devriez vite trouver une solution qui convienne à tout
le groupe. La voix, c’est le minimum vital pour jouer en ligne. Tant que vous vous
entendez, tout le reste peut se faire en réel, chacun dans son coin : griffonner des notes
dans un carnet, consulter un scénario papier et lancer les dés chez soi (à condition que
tout le monde se fasse confiance, bien sûr).
Point matériel
De nos jours, les micros des webcams et des ordinateurs portables sont de bonne
qualité, souvent même trop bonne. Un casque ou des écouteurs vous éviteront de faire
écho dans le canal audio de tout le monde (socialement, c’est l’équivalent en table
virtuelle des odeurs corporelles mal maîtrisées). Dans le même ordre d’idées, le micro
intégré risque de capter les rires des enfants et les aboiements du chien du voisin.
DISTANCE
353
Rien de tel pour casser une ambiance de donjon bien glauque que la sirène d’une
ambulance qui passe sous les fenêtres de quelqu’un.
Si vous n’êtes pas un hardcore gamer, sachez que l’on trouve des casques-micros de
bonne qualité à peu près partout pour un peu plus d’une trentaine d’euros. Et que
si votre portable est dépourvu de jack micro, il existe des adaptateurs USB pour une
bouchée de pain sur Amazon ou eBay.
La vidéo
À moins d’être un grand timide ou un alien infiltré sur la planète Terre, il est souvent
mieux de jouer avec l’image. Cela vous permettra de parler avec les mains et de profiter
des expressions faciales des autres quand vous leur faites un sale coup dans le dos. Ceci
dit, jouer en audio seul à une table qui pratique la vidéo n’est pas rédhibitoire.
Ici, les solutions sont aussi nombreuses que les logiciels de vidéoconférence. En ce
qui concerne la Méthode tranquille, Hangouts présente beaucoup d’avantages :
• aucune installation : il marche dans les navigateurs Web récents ;
• l’écosystème permet de démarrer la séance à l’heure prévue (les personnes
inscrites à la partie reçoivent une invitation automatiquement) ;
• les plugins pour prendre des notes en commun ou dessiner des cartes (voir p. 357) ;
• les plugins pour lancer des dés (DiceStream, Bones, etc.) ;
• le plugin Roll20 (voir p. 352), qui permet de partager sa campagne avec des
gens qui n’ont pas de compte sur le site1 ;
• vous pouvez partager votre écran et donc montrer une image ou un schéma
aux autres participants ;
• pour les parties de démonstration, vous pouvez choisir de diffuser en
direct sur YouTube.
Le plugin
Bones pour
Hangouts ne
protège pas des
échecs critiques.
1. Google a récemment mis à jour Hangouts et les plugins ont disparu. Espérons que cela ne soit que temporaire.
354
Partager son écran pour montrer une carte sous Hangouts
(notez les plugins dans la barre de gauche).
Au rayon des inconvénients, on peut citer la bande passante qui parfois en souffre, et la
timidité de certains joueurs (ou de leurs conjoints qui ne souhaitent pas être immortalisés sur
YouTube alors qu’ils traversent l’arrière-plan en pyjama, leur brosse à dents dans la bouche).
355
Sur Hangouts, on peut partager des vidéos YouTube. Le choix est plus large (et pas
toujours légal), mais comptez un temps de latence qui risque de ruiner vos effets de
surprise, sans parler des éventuelles publicités qui pourraient casser l’ambiance au pire
moment. Cela mis à part, c’est une solution tout à fait suffisante pour la musique
d’ambiance (et Basil Poledouris dans la steppe).
Pour faire de la sonorisation de pro, les spécialistes recommandent Mumble ou
TeamSpeak, deux logiciels gratuits ou presque : il faut dépenser quelques euros pour
louer un serveur. Évidemment, et comme toute solution logicielle, il faut prendre le
temps de l’installer chez chacun des participants. Quelqu’un devra s’être penché sur la
technique (il existe des tutoriels et des wikis pour cela) afin de guider les autres dans
leurs réglages. C’est plus de boulot, mais la qualité sonore est à ce prix.
Dés de secours
À défaut d’une autre solution pour lancer les dés en partie, les petits gars de chez
Google ont pensé à nous. Tapez /roll suivi du nombre de dés (2d6, 1d20+7…) dans le chat
texte du Hangouts. Pas celui de la vidéoconférence, celui qui apparaît dans votre fenêtre
Google+, Inbox ou Gmail. (J’espère qu’ils penseront à rectifier ça, d’ailleurs.)
356
Les images et les notes
Quand on est séparé par des milliers de kilomètres, que l’on se voie uniquement
(dans le meilleur des cas) dans une petite fenêtre et que le son n’est pas forcément bon,
il est toujours utile de compléter ses descriptions avec quelques illustrations ou photos
judicieusement choisies. En mode Tranquille, vous travaillez vos scénarios comme le
faisaient vos ancêtres. Toutes vos notes sont sur papier ou dans un fichier quelconque,
et quand vous avez des images à montrer, vous pouvez partager votre écran.
Les solutions Gros Bill sont toutes dotées de fonctionnalités qui vont dans ce sens.
Roll20 a un système d’aides de jeu (handouts) qui contiennent chacune une image et
des notes que les joueurs peuvent modifier si le MJV leur en donne les droits. Il existe
aussi un champ pour les notes secrètes de la campagne. Ce genre d’outils permet de
préparer ses séances directement dans Roll20 : toutes les informations nécessaires au
scénario sont sur le site, et en théorie vous pouvez vous dispenser de tout autre support.
Prenons un exemple. Vous créez une aide de jeu pour un PNJ : le sergent Kendra
Jones des marines coloniaux. Vous l’illustrez avec une image trouvée sur Internet et
vous inscrivez les informations que les personnages connaîtront dès le début : son
nom, son grade et le fait qu’elle ait servi avec le frère d’un des héros, disparu en
mission sur la station Blue Cluster. Au départ, l’aide de jeu est privée. Vous pouvez
la rendre visible pour un ou plusieurs joueurs. Quand vous la mettez à disposition,
les joueurs peuvent y ajouter leurs propres observations, mais personne d’autre que
vous ne verra vos notes : « le sergent Jones n’est jamais revenue de Blue Cluster.
La créature nanobiologique qui la remplace a pour mission de préparer l’invasion
des Xénobébêtes de Xarg ». Si vous ajoutez les caractéristiques de l’extraterrestre,
vous avez une fiche de PNJ multi-usage.
Le dessin tranquille
Si le jeu ne nécessite que quelques notes et un schéma ou deux, contentez-vous
d’un document partagé. Hangouts a une fonction notes qui ouvre un Google Doc
automatiquement partagé par tous les participants. Chacun peut y écrire ce qu’il veut
pendant la partie et s’y référer entre les séances. Dans le cadre d’un système de jeu peu
compliqué, cela peut même suffire pour les feuilles de personnages.
Si vous avez besoin de dessiner, les choses se compliquent un peu. Toujours sous
Hangouts, il est possible de partager un document Google Drawings (une sorte de
DISTANCE
357
Paint en ligne). C’est un outil suffisant pour dessiner à main levée, faire des formes
simples, des flèches, des blocs de texte, etc. Si votre jeu a des mécanismes façon plateau
(des pions ou des compteurs qui passent d’un joueur à l’autre, par exemple), Google
Drawings est un moyen simple de les simuler : un cercle de couleur avec un mot
dessus, et vous avez un pion reproductible à l’infini. Il ne manque plus qu’à attribuer
une zone de la page à chaque joueur pour savoir à tout moment qui possède quel pion.
Un tapis de jeu pour Swords Without Master1 bricolé sous Google Drawings.
358
Les tableaux blancs
Il existe pléthore de tableaux blancs virtuels destinés aux professionnels : Linoit,
RealtimeBoard, Prezi, Cacoo… et ce ne sont que ceux que je connais. Si vous pratiquez
un jeu dans lequel chacun est susceptible de contribuer à la création, le tableau blanc
est une excellente solution. Il y a de la place pour les feuilles de personnages (qu’on peut
remplir directement avec l’outil texte), les images représentant les lieux et les PNJ, les
plans, les notes des joueurs, etc. L’avantage par rapport à une application orientée MJ
& joueurs, c’est que tout le monde a les mêmes droits : je peux illustrer les contacts de
mon personnage comme je veux, modifier la carte de relations entre les protagonistes,
etc. sans avoir à solliciter un MJ qui a autre chose à faire.
En l’état actuel des choses au moment de l’écriture de cet article (juillet-août 2015), la
recommandation des spécialistes est cacoo.com. C’est une application Web gratuite qui
ne limite pas les participants et gère les onglets pour chaque tableau.
359
Un tableau avec des notes, des photos et des pions sur Linoit.com
(réalisé par Fabulo Genesis).
360
En plus de leur coût (relativement modique), tous ces outils ont une courbe d’appren-
tissage un peu plus élevée. Il faudra plus de travail pour convertir vos joueurs. Ces
logiciels sont souvent plus anciens que les plateformes Web, mais ce n’est qu’avec ces
outils que le jeu en ligne se popularise vraiment.
N’ayant pratiqué ces solutions que lors de très brefs tests, je me garderai bien d’établir
un comparatif. Mon conseil ne change pas : si vous lancez une table virtuelle vous-
même, commencez simple. Vous serez toujours à temps de monter de niveau par la suite.
361
Mais les inconvénients persistent :
• la technologie n’est pas parfaite : on perd toujours du temps avec les soucis
techniques de l’un ou de l’autre. (Pas plus que l’on en perd en transport et à com-
mander les pizzas, ceci dit.) Prévoyez quand même une dizaine de minutes (plus si
vous avez un ou plusieurs nouveaux) pour régler les impondérables ;
• au début, il faut une ou deux séances pour se projeter dans le jeu et
oublier qu’on parle à un écran. C’est un peu comme si on était un débutant à
nouveau : il y a un moment où les feuilles de papier disparaissent et l’imaginaire
prend le dessus ;
• à distance, on est privé de la gestuelle et de la plupart des expressions
faciales : les webcams, si elles sont activées, n’apparaissent que dans de petites
fenêtres. Impossible de poser une question d’un regard, de tendre un dé à un
joueur ou de faire un clin d’œil au MJ. Il faut donc être plus attentif aux voix.
En tant que meneur, pensez à distribuer le temps de parole et à vous assurer que
personne ne s’ennuie (sachant que dans le cadre d’une activité en ligne, il est
facile de se distraire sans casser l’ambiance de la partie). En tant que joueur, faites
attention à ne pas couper les autres et, même si vous avez un moment d’inatten-
tion, ne perdez pas le fil de l’action. Du coup, si le fait de tous parler en même
temps peut contribuer au plaisir de certaines parties, ce ne sera pas possible lors
d’une séance en ligne ;
• même s’il n’existe aucune limite théorique à la durée des parties, dans les
faits, vous trouverez beaucoup plus de séances de trois heures les soirs de semaine
que de marathons courant sur tout un week-end. Le format court n’est pas un
inconvénient en soi, mais vous aurez sans doute moins de choix par rapport aux
parties classiques.
Honnêtement, la pratique permet de compenser tous ces inconvénients et on
arrive vite à des tables virtuelles presque aussi efficaces que celles où les joueurs sont
physiquement réunis. Le seul truc encore impossible, c’est de partager les Granola.
362
• Tableaux blancs : linoit.com, prezi.com, cacoo.com, realtimeboard.com,
drive.google.com.
• Tables virtuelles : roll20.net, fantasygrounds.com, rptools.net.
• Communautés : jdrvirtuel.com, virtuaJdR.net, la communauté L’Auberge
virtuelle sur Google+, le groupe Facebook FR Roll20, ou le sujet « Looking For
Group » sur roll20.net.
• Exemple de partie en ligne : partie de Dark Heresy en table virtuelle avec
roll20 et TeamSpeak 3, où l’on voit les outils utilisés ainsi que le visage des joueurs et
de la MJ, Scarlett Souris : https:// youtu.be/CriWsx7ZQeY
DISTANCE
OLD SCHOOL
JOUER Old school
•
Nicolas Dessaux
D
epuis une dizaine d’années, le mouvement OSR (Old School Renaissance)
a émergé pour devenir l’une des sphères les plus créatives du JdR, au point
que certains de ses concepts ont été importés ailleurs. Au départ, l’idée était
de revenir à la simplicité des premiers JdR, avec une bonne dose de nostalgie. Mais de
cette recherche sont nés bon nombre d’idées, de jeux, de scénarios, de suppléments
en tout genre. Les rétroclones, c’est-à-dire les systèmes de règles compatibles avec les
anciennes éditions des JdR des années 1970 et du début des années 1980, ont eux-
mêmes engendré des quasi-clones ou des néoclones, qui explorent de nouvelles pistes
tout en conservant un air de famille avec leurs aïeux. Mais au-delà, l’OSR c’est une
myriade de blogs, de forums, de scénarios et de suppléments autoproduits, qui puisent
dans l’histoire du JdR tout en la renouvelant. Après quelques années, le succès de
l’OSR peut être mesuré par le soin que l’éditeur de D&D a pris de rallier cette sphère
à sa dernière édition.
365
exemple, ou bien magicien. C’était encore le cas quand j’ai commencé à jouer. Plus
tard, j’ai découvert des jeux où l’on répartissait des points. Je dois le confier : je suis
toujours incapable de répartir des points correctement. Trop long, trop de calculs pour
un résultat insipide. La création aléatoire, c’est l’un des mantras de l’OSR.
Pour le joueur comme pour le MJ, c’est un gain de temps considérable, surtout lorsque
l’on ne maîtrise pas le système sur le bout des doigts. C’est le remède à l’optimisation, aux
personnages stéréotypés et calibrés sur mesure. On me demande parfois si cela ne crée
pas des personnages bancals, déséquilibrés, des loosers ? Oui, bien sûr, parfois. Justement !
C’est ce qui les rend attachants et uniques. Il m’est arrivé d’obtenir un personnage dont
aucun score n’atteignait la moyenne et de prendre beaucoup de plaisir à l’incarner.
Au lieu d’être taillés pour l’action, ils doivent faire leurs preuves. Survivre est un
enjeu en soi, et quelle récompense quand ils y parviennent ! Si vos joueurs n’ont
pas l’habitude, ils râleront, c’est certain. Soyez inflexible. Ne les laissez pas échanger
des scores, lancer plus de dés que prévu, soit autant d’artifices néfastes à l’expérience
véritable. Ils vous remercieront d’avoir bousculé leurs petites habitudes.
1. Barker M.A.R., Empire of the Petal Throne, World of Tékumel, Rules for Fantasy Adventures and Campaigns
on an Alien Planet, TSR, Lake Geneva, 1975.
366
OLD SCHOOL
Que leur reprochent-ils ? Tout d’abord, de pousser à privilégier les jets de dés par
rapport à l’inventivité des joueurs pour résoudre les problèmes. Le Quick Primer for
Old School Gaming, de Matthew Finch, qui est considéré comme l’un des manifestes de
l’OSR, développe particulièrement ce thème sous la forme d’une série d’exemples. Le
joueur new school cherche à résoudre les problèmes par de simples jets de dés, là où le
joueur old school décrivait minutieusement les actions de son personnage. Pour découvrir
quelque chose, faut-il réussir un jet de Trouver ou décrire les lieux où on le cherche
précisément ? Bien sûr, il y a une part de caricature, mais cela a marqué ses lecteurs.
Qu’est-ce qui prime ? Est-ce que ce sont les talents du joueur ou ceux du personnage ?
L’OSR penche pour la première solution. Il ne s’agit pas seulement d’employer moins de
règles, mais d’abord de pousser les joueurs à réfléchir sur ce que font leurs personnages.
Expliquer le moyen par lequel on désamorce un piège est plus intéressant que de lancer
les dés pour la même action. Même une action incertaine comme escalader peut devenir
plus intéressante si le joueur explique bien comment son personnage s’y prend. C’est à
doser selon les cas de figure, car les jets de dés peuvent entretenir la tension ou accélérer
certaines actions. Dans l’OSR, le cas par cas prime sur la règle définie à l’avance.
Les défenseurs des compétences considèrent en général qu’elles donnent des person-
nages moins stéréotypés, plus finement détaillés, que dans les jeux qui les intègrent
dans une classe de personnage. C’est possible en théorie, mais dans la pratique, la
plupart des joueurs reconstituent presque intuitivement le même type de personnages,
avec ou sans classes, avec ou sans compétences. Les exemples de création de person-
nages des jeux à compétences sont presque toujours d’une banalité sans bornes, si bien
que cet argument d’originalité est le plus souvent invalide.
La fluidité de jeu est également en cause. Chercher la compétence adaptée sur la
feuille de personnage constitue souvent une perte de temps qui nuit au rythme de
la partie. Enfin, les compétences tendent à réduire les capacités des héros plutôt qu’à
les augmenter. Ceux de la bande dessinée et des feuilletons savent escalader, monter
à cheval, conduire un hélicoptère, se battre, parler de multiples langues, etc. Ils n’ont
pas besoin d’avoir appris tout cela. Lorsque je puise dans mes souvenirs, je m’aperçois
que c’est ce que j’ai mis en œuvre de manière intuitive et que c’est ce qui me posait
problème avec les compétences trop détaillées.
367
Horrors, avec ses pièges monstrueux destinés à tester la ruse des joueurs – plus que
celle des personnages – ou encore le manuel des Pièges de Grimtooth1, sommet de
sadisme ludique, en sont l’illustration.
Il est vrai que, dans les premiers âges du hobby, on ne s’embarrassait pas tou-
jours de détails avec les personnages. Il était courant de voir un joueur disposer de
plusieurs personnages, ou d’un seul, mais accompagné de suivants, jusqu’à ce que
la sélection naturelle en fasse émerger un. Dans ces conditions, leur donner un
nom n’était pas forcément utile.
Même sans tomber dans cet extrême, le TPK est à la convergence de plusieurs idées
fortes de l’OSR : mettre l’emphase sur l’aventure plutôt que sur les personnages, sur ce
qui est joué plutôt que sur le background, obliger les joueurs à déployer leur ruse plutôt
que la force des personnages quand ils font face à une situation dangereuse, apprendre
à fuir ou à parlementer, sans hésiter à les confronter à des adversaires à la puissance
disproportionnée, les pousser dans leurs derniers retranchements, montrer la violence
du monde et leur fragilité, permettre à des personnages somme toute assez ordinaires
au départ de devenir des héros par leurs propres exploits plutôt que par les facilités
qu’on leur a accordées. On peut très bien jouer en mode OSR sans TPK, mais il n’est
pas interdit d’y réfléchir et d’en comprendre les implications réelles.
Ainsi, même si cela peut surprendre aujourd’hui, le MJ peut très bien anticiper le
TPK et même l’utiliser de manière intéressante. Par exemple, il est possible d’envoyer un
premier groupe naïf et imprudent se faire massacrer rapidement comme introduction
au scénario, puis en confronter un second, plus solide et plus averti, à la même menace.
Même sans aller jusque-là, il est envisageable de combiner mortalité élevée et conti-
nuité de la partie, ce qui contribue à renforcer le sentiment qu’un danger extrême
guette les personnages. C’est le principe des Red Shirts de Star Trek, personnages
destinés à mourir dans l’épisode même où ils apparaissent. La pratique, très courante
dans l’OSR, de faire escorter les personnages par une bande de suivants permet de
transformer l’un d’entre eux en PJ. Le PNJ prisonnier libéré qui devient un PJ est
un autre classique indémodable, qui a pour fonction de compléter les rangs jusque
dans le plus obscur des donjons. Ainsi, la continuité du groupe l’emporte sur celle des
personnages qui le composent.
Personnellement, j’emploie une alternative assez simple au TPK. Lorsque les per-
sonnages sont tous au sol, je ne considère pas qu’ils sont morts, mais bel et bien
prisonniers, comme ce serait le cas dans un film. C’est ensuite le prétexte à de belles
scènes d’évasion dans des conditions catastrophiques. Il m’est arrivé de leur donner
l’occasion de s’évader après des mois d’esclavage, soit parce qu’une opportunité se
dessinait, soit parce que la perspective d’un banquet anthropophage les poussait à
tenter le tout pour le tout…
368
OLD SCHOOL
L’objectif des PJ ? Explorer !
Un scénario bien construit, une enquête bien ficelée, une intrigue bien structurée,
beaucoup de préparation… Et si le JdR ne consistait en rien de tout cela ? Et s’il
s’agissait simplement d’explorer des terres inconnues ?
Les règles originales de D&D, l’aïeul des JdR, comportaient entre autres particu-
larités le fait de proposer d’employer comme matériel de jeu des produits d’autres
sociétés, sans l’accord de celles-ci ; parmi eux, Outdoor Survival1, un jeu de plateau
publié par Avalon Hill en 1972. Il s’agissait d’un jeu d’exploration de terres sauvages,
qui avait le mérite d’offrir une carte à hexagones dépourvue de toute mention écrite :
cela en faisait la carte générique idéale. Il suffisait de transformer les tanières d’ours
en villes ou en châteaux pour avoir un monde fantastique. Dans Outdoor Survival,
on devait se déplacer en trouvant de la nourriture et de l’eau, sans faire de mauvaises
rencontres. Couplé avec quelques tables de rencontres aléatoires, il devenait possible
de s’en servir comme support de JdR.
Pour rendre l’exploration intéressante, il faut mettre en place beaucoup d’obs-
tacles et de rebondissements qui forcent les joueurs à réfléchir. Franchir une
rivière ou un ravin est stimulant, s’ils trouvent une solution intéressante et qu’elle
fonctionne. Si vous avez des réserves de plans, utilisez-les lorsque vos PJ tombent
sur des ruines étranges, qu’ils les explorent ou qu’ils les fuient, cela participe à
l’ambiance. L’exploration ne consiste pas seulement à remplir une carte, elle est
plus intéressante si les personnages découvrent peu à peu les mystères de la région :
civilisations éteintes, causes de leur disparition, relations entre les habitants, lieux
inattendus, richesses imprévues.
Les tables de monstres errants, classiques des jeux de l’OSR, sont source de sur-
prise à condition de savoir les utiliser. Si, régulièrement, un monstre tombe sur les
personnages sans que les joueurs ne puissent faire quoi que ce soit, cela devient vite
lassant. Voir la trace du même monstre dans la boue, deviner sa silhouette à l’horizon,
découvrir les restes déchiquetés de sa proie, savoir qu’il suit les personnages est déjà
plus stimulant ; même si le monstre ne se montre jamais. N’oubliez pas non plus
d’alterner les rencontres et les obstacles matériels.
Une astuce que j’utilise souvent consiste à tirer non pas un mais deux monstres sur
ladite table. Je les associe, soit parce qu’ils voyagent ensemble (cavalier et monture, par
exemple des hommes-lézards montés sur des ours-hiboux), soit parce qu’ils s’opposent
(partie de chasse, guerre entre humanoïdes). Cela donne des rencontres plus contras-
tées et plus étranges, qui frappent davantage l’imagination. Enfin, gardez à l’esprit que
les rencontres ne sont pas toujours mauvaises ou hostiles. Même dans la jungle la plus
profonde, les aventuriers peuvent avoir de bonnes surprises.
369
Mais ne vous inquiétez pas, tout MJ sait qu’une équipe de joueurs est capable de
provoquer assez de péripéties inattendues pour jouer une séance complète en dehors
des rails du scénario, qu’ils créent eux-mêmes la plupart des problèmes qu’il leur faut
résoudre (et suggèrent l’autre moitié) ; il sait également qu’il manque toujours de temps
pour préparer son scénario et que plus il l’a préparé, plus les joueurs s’ingénient à en
sortir. Le jeu d’exploration limite à l’extrême la préparation, même s’il reste possible d’y
implanter des zones détaillées et des intrigues complexes, tout en utilisant au maximum
le facteur chaos constitué par les joueurs. Un des grands classiques du début des années
1980, L’Île de la terreur1, fournissait aux joueurs une carte d’une île dont seules les côtes
étaient représentées, le reste étant composé d’hexagones blancs. Tout n’était qu’explora-
tion et découverte d’une île peuplée de pirates, de sauvages et de dinosaures dans le plus
pur style pulp. Ce refus de la linéarité, de l’arc scénaristique tracé à l’avance, se retrouve
dans les concepts clés de l’OSR que sont le bac à sable et le mégadonjon2.
1. Cook David, Moldvay Tom, X1 The Island of Dread, TSR, Lake Geneva, 1981.
2. À ce sujet, consultez également l’article « Construire un donjon », p. 73.
3. D’autres attribuent l’origine du terme aux véritables bacs à sable pour enfants, terrains de jeu sans
risques par excellence.
370
OLD SCHOOL
Les personnages n’ont pas de connaissances étendues sur le reste du monde, puisque leur
horizon se limite à ce qu’ils connaissent : quelques PNJ et lieux importants, quelques
pistes d’intrigues ou d’exploration. Le MJ peut puiser quelques idées dans les feuilles de
personnages pour décrire ce point de départ : l’un d’entre eux sait bien nager, il doit y
avoir un lac non loin ; un autre a appris à forger des armes, il doit y avoir du minerai, de
l’eau et du bois accessible, et ainsi de suite. Dans un bac à sable orienté vers le partage
de la narration1, les joueurs peuvent même intégrer leurs propres ingrédients. Ensuite,
l’ajout de nouveaux composants se fera au fur et à mesure des scénarios, sans plan
d’ensemble. Il peut s’agir d’éléments supplémentaires dans la zone qu’ils connaissent,
parce que des questions nouvelles surgissent (quelle civilisation a vécu là jadis ? Quelle
religion pratique-t-on ?) ou parce que de nouvelles informations les renseignent sur ce
qui se passe autour (une caravane de marchands ou de prosélytes religieux arrive, etc.).
Les personnages peuvent décider de voyager, que ce soit pour savoir ce qui se passe au
bout du chemin ou parce que les événements les y encouragent.
Le MJ doit prendre soin de noter les éléments nouveaux au fur et à mesure pour
conserver la logique de l’ensemble et lui donner vie. Peu à peu, le noyau initial s’enri-
chit pour devenir un véritable univers.
La façon la plus simple et la plus classique de préparer un bac à sable est d’avoir abon-
damment recours aux tables aléatoires. Il en existe des suppléments entiers, dédiés ou non
à un jeu en particulier, et plus encore sur Internet. Mais voici une autre possibilité pour
créer un bac à sable rapidement : choisissez une demi-douzaine de scénarios, en piochant
dans vos vieux magazines ou sur Internet (peu importe qu’ils appartiennent déjà ou non
à un univers). Faites en sorte qu’ils puissent être positionnés à proximité de votre lieu de
départ. Examinez les principaux éléments culturels et géographiques et transformez-les
en dominantes (il y a un temple du dieu de la foudre, ce sera la divinité principale de la
région ; il y a des mines, ce sera l’activité principale des habitants du lieu), de manière
à poser rapidement quelques bases pour singulariser votre bac à sable. Élaguez tous les
détails inutiles et renommez ce qui est trop caractéristique d’un autre univers, de manière
à unifier un peu. L’intérêt de cette méthode, c’est que vous vous assurez que les person-
nages aient plusieurs intrigues à se mettre sous la dent ou lieux à explorer dès le départ,
tout en leur laissant choisir librement ce qu’ils vont décider de privilégier.
371
aventuriers. Le mégadonjon n’est pas simplement un donjon plus grand, plus vaste,
plus profond, plus peuplé, surdimensionné ou gonflé aux hormones. C’est un envi-
ronnement complet placé au centre de la campagne. Il ne faut pas le voir comme un
« porte-monstre-trésor » aux proportions délirantes, mais comme le fruit d’une longue
histoire, occupé par plusieurs strates de populations qui ont chacune laissé leurs traces
et leurs mystères. C’est un lieu que l’on explore, que l’on découvre, que l’on cherche
à comprendre. Les adversaires, les pièges, les dangers font partie de cette exploration
mais n’en sont pas l’objet essentiel. Avec un bon mégadonjon, on peut presque se
passer d’un univers extérieur qui se résume à un camp de base, une cité ou autre lieu
où l’on peut se réapprovisionner entre deux explorations.
Un mégadonjon est assez vaste pour être peuplé par plusieurs groupes rivaux. C’est
le principe des factions, autre concept-clé de l’OSR. Quand les aventuriers explorent le
mégadonjon, ils sont moins considérés comme des perturbateurs venus de l’extérieur
que comme des pions utilisables dans les guerres secrètes et les alliances changeantes
entre ces factions. Chacune détient des éléments sur l’histoire du mégadonjon et ses
secrets. Les personnages peuvent donc naviguer entre les factions, s’allier aux unes et
aux autres, mener leur propre jeu pour progresser dans leur exploration.
Rien n’oblige le MJ à créer son mégadonjon de A à Z : au contraire, c’est un bac à
sable dynamique. Il peut, à l’aide de son imagination et d’outils aléatoires, le compléter
et le développer en fonction des directions d’exploration choisies par les joueurs, des
thèmes qui les stimulent ou les intriguent, ajouter un niveau ou un secteur qu’il n’avait
lui-même pas prévu. C’est précisément cela qui en fait un environnement dynamique.
Ces dernières années, des publications comme Dwimmermount1, Stonehell Dungeon2,
Castle of the Mad Archmage3, ou en version gonzo, Anomalous Subsurface Environment4
fournissent des environnements aussi détaillés qu’un univers de jeu, contenus dans des
donjons de plusieurs centaines ou milliers de salles.
1. Allison Tavis, Macris Alexander, Maliszewski James, Dwimmermount, Autarch LLC, Durham, 2014.
2. Curtis Michael, Stonehell Dungeon, Lulu.com, 2009.
3. Bloch Joseph, Castle of the Mad Archmage, BRW Games LLC, Stanhope, 2014.
4. Wetmore Patrick, Anomalous Subsurface Environment, Lulu.com, 2011.
372
OLD SCHOOL
tables, mais de s’en servir comme d’une ressource, une inspiration, un facteur
chaos qui amène des résultats différents de ce que l’on aurait imaginé de prime
abord. Prenons un exemple simple : lorsque je crée un PNJ, j’imagine son rôle, sa
fonction, puis je tire au hasard son sexe. Ce simple geste brise bien des stéréotypes
et génère souvent des PNJ plus intéressants.
Un système que j’emploie fréquemment est celui de la table de réaction, telle que
je l’ai découverte il y a plus de trente ans dans les règles rédigées par Tom Moldvay
pour la célèbre « boîte rouge1 ». Il est souvent décrié par les rôlistes, à tort selon moi.
Le principe est simple : lorsque les personnages rencontrent un monstre ou un PNJ,
le MJ lance un dé pour savoir s’il sera plutôt hostile ou plutôt amical. La plupart
des MJ s’insurgent contre cette atteinte à leur libre arbitre, arguent du fait que le
comportement du PNJ est dicté par le scénario, par la situation, par son rôle, par…
et pourquoi, après tout ? Laisser ce paramètre à l’arbitrage des dés crée des situations
imprévues, inédites, parfois drôles.
Les orques qui montent la garde devraient chasser les intrus, mais ils sont ami-
caux. Pourquoi ? Est-ce qu’ils sont fâchés contre leur maître qui les paye mal ou
les maltraite ? Est-ce qu’ils veulent faire retomber la faute sur une autre équipe ?
Est-ce qu’ils se méprennent sur les intentions des personnages ? Est-ce que l’un
d’entre eux a reconnu celui qui l’avait sauvé quand il était enfant ? La situation est
tout de suite moins banale que lorsqu’ils sont irrémédiablement hostiles. Il faut
simplement apprendre à se laisser porter par l’aléatoire, savoir rebondir dessus tout
en maintenant une certaine logique.
Lorsque l’on emploie le système des factions des mégadonjons, son usage coule
de source puisque l’on sort d’une opposition binaire pour rentrer dans des relations
complexes entre groupes rivaux. Aujourd’hui, j’emploie pour cela des dés à icônes,
avec différents types d’humeur qui donnent une gamme plus variée de réactions.
Un autre principe commun dans les jeux de l’OSR est l’emploi d’une règle de moral
en combat. À différents moments, les adversaires des personnages doivent faire un jet
pour savoir s’ils poursuivent l’affrontement ou s’ils se replient, voire partent en déroute.
Il ne s’agit pas seulement d’un archaïsme hérité des wargames, mais d’un concept fort :
un combat ne se termine pas nécessairement parce que l’ennemi est mort, mais bien
souvent parce qu’il quitte le champ de bataille. La dynamique des combats s’en trouve
entièrement transformée : les adversaires se dérobent, se regroupent, se réorganisent,
contre-attaquent, plutôt que de se faire massacrer sur place. Bien sûr, on peut faire
tout cela sans jets de dés, mais l’intégrer dans le système est une manière efficace pour
inciter les joueurs à en tenir compte.
1. Arneson Dave, G ygax Gary, H olmes J. Eric, M oldvay Tom, Dungeons & Dragons, Basic Set, TSR,
Lake Geneva, 1981.
373
Mettez les grandes batailles épiques au cOEur
du jeu et faites de vos PJ de puissants dirigeants
Le JdR est né des expérimentations audacieuses au sein de clubs de wargames et de jeux
de plateau du Wisconsin, au début des années 1970. Les règles de Chainmail, un jeu de
combat médiéval avec figurines, ont servi de base pour celles de D&D, même s’il ne faut
pas négliger l’influence de Diplomacy1, Outdoor Survival, Fight in the Skies2, ou encore
Don’t Give up the Ships!3, un jeu de combat naval. Les joueurs de Chainmail s’étaient orga-
nisés dans la Castle & Crusades Society, qui avait publié dans son bulletin la carte d’un
univers imaginaire, le Grand Royaume, creuset du monde de Greyhawk, où pouvaient
s’affronter leurs armées. C’est au nord de ce royaume que Dave Arneson allait situer le
château de Blackmoor, cadre de la toute première campagne de JdR à partir de fin 1971.
Ce nom faisait clairement référence à Braunstein, petite ville allemande imaginaire qui
avait servi de cadre à des expériences de wargame napoléonien mâtiné de diplomatie, où
chaque joueur incarnait un personnage, officier ou leader civil. Dans Blackmoor4, l’explo-
ration de donjons allait de pair avec une véritable campagne politico-militaire.
Ce petit rappel historique vise à montrer que l’idée d’emmener les personnages dans
de véritables épopées militaires, de l’escarmouche à la bataille rangée en passant par le
siège et l’assaut naval est indissociable de l’histoire du JdR. Il n’est pas étonnant qu’elle
ressurgisse régulièrement, pas uniquement dans la sphère de l’OSR. Pour ma part,
depuis trente ans, j’ai toujours inclus cette dimension politique et militaire dans mes
campagnes, et pas uniquement lorsque je maitrisais de l’heroic fantasy.
Intégrer une bataille rangée dans une séance de JdR implique un véritable chan-
gement de dimension du jeu. Tout d’abord, il faut choisir sous quel angle les per-
sonnages vont l’aborder : sont-ils de simples soldats pris au cœur de la bataille ? Il
m’est arrivé de commencer un scénario in medias res, au milieu des affrontements, ou
pire, juste après la défaite, lorsque les joueurs découvrent qu’ils sont du mauvais côté
de la ligne de front. Dans ce cas de figure, le MJ seul détermine le camp victorieux
et la principale préoccupation des personnages est la survie. Mais ceux-ci peuvent
aussi jouer un rôle plus actif, soit dans les événements qui précèdent la bataille, soit
pendant. Par exemple, les informations (plans de citadelle, détail des troupes, défenses,
etc.) qu’ils ont obtenues dans leurs enquêtes ou missions d’espionnage vont jouer un
rôle crucial dans le déroulement des combats. Ou alors, ils peuvent mener l’assaut
décisif contre un objectif-clé (avant-poste, bastion, navire, etc.), dont le résultat sera
déterminant. Jusque-là, la bataille est un décor, une situation exceptionnelle, tendue,
mais le scénario peut être maîtrisé de manière traditionnelle.
374
OLD SCHOOL
Plus difficile, mais plus exaltant : confier aux personnages une responsabilité au
niveau tactique ou stratégique. Au niveau tactique, ils peuvent diriger leur propre
unité, soit collectivement (ils forment un état-major), soit même individuellement (ils
ont chacun leur troupe à mener). Dans ce cas, quelles que soient les règles adoptées,
on a déjà un pied dans le wargame ; il faut s’assurer que tous les joueurs y trouvent
leur compte, que ceux qui adhèrent le moins aient autre chose à faire (par exemple,
intervenir contre un objectif-clé, comme précédemment) pour ne laisser personne
sur le carreau. Il faut que leurs unités soient à même de jouer un rôle majeur dans les
combats, quelle que soit l’échelle, qu’ils mènent une solide escouade pour débloquer
un secteur important du champ de bataille, ou qu’ils dirigent une véritable armée.
J’ai ainsi fait commencer un scénario de sword and sorcery de la manière suivante : les
personnages conduisent une escouade à travers les montagnes à la poursuite de pillards
lorsqu’ils sont pris en embuscade. Ils doivent donc gérer leurs actions, mais aussi les
ordres qu’ils donnent à leurs partisans.
À l’échelle stratégique, il ne s’agit plus seulement de mettre en scène la bataille, mais
l’ensemble de la guerre. J’ai mené une longue campagne sur ce thème. Les personnages
souhaitaient créer un état tampon entre deux puissances rivales, avec le soutien discret
de l’une d’entre elles. Ils avaient choisi un chef local insignifiant et borné comme
homme de paille, afin d’avoir la main sur les questions militaires tout en étant acceptés
par la population. Les scénarios alternaient donc recrutement des troupes les plus
hétéroclites, problèmes d’intendance, espionnage, coups de main sur des objectifs
ennemis et batailles à diverses échelles – y compris les grands déplacements straté-
giques sur une carte. C’était intéressant, car l’initiative est venue des joueurs, comme
un développement naturel de la campagne. Les victoires étaient leurs victoires1.
Ce qui est aussi intéressant, c’est que le MJ n’a plus à décider qui sera le camp
victorieux : ce sont les idées des joueurs et les actions des personnages qui vont être
déterminantes. Du coup, à partir d’une certaine échelle, c’est l’univers de jeu qui peut
être redessiné par leurs actions. Il faut y être préparé. J’ai pris ce risque non seulement
dans des mondes fantastiques, mais dans une campagne historique sur la Révolution
française, en introduisant un wargame sur la bataille de Valmy. L’histoire n’a pas été
bouleversée, mais j’avais admis le principe qu’elle puisse l’être.
Cette dimension stratégique en implique une autre : il faut administrer le terri-
toire conquis, ce qui entraîne de nouveaux problèmes à gérer pour les personnages :
catastrophes naturelles, collectes d’impôts, révoltes, récoltes, relations avec le clergé
ou les puissances économiques peuvent devenir autant de thèmes de scénarios, pour
constamment renouveler l’intérêt de la campagne sans tomber dans la gestion quo-
tidienne. Ainsi, comme dans les cas de figure précédents, les personnages font des
choses mais, surtout, ils en font faire, ils ordonnent sans prendre part à l’exécution.
Attention, quand les joueurs ont pris goût à cela, ils ont tendance à reproduire ce
375
comportement dans tous les scénarios, cherchant à construire des réseaux, à utiliser
leurs contacts ou leur influence plutôt que de s’exposer eux-mêmes au danger. C’est un
autre style de jeu, parfois déconcertant quand on n’en a pas l’habitude, et qui demande
beaucoup de réactivité.
Jouez un classique
Au cours de ses quarante premières années, le JdR a déjà généré ses classiques :
Le Temple du mal élémentaire1, Les Masques de Nyarlathotep ou encore La Campagne
impériale2, sans compter la série Dragonlance3. Or, il en va des classiques en JdR comme
au cinéma ou en littérature : on les connaît, mais on ne les a pas forcement joués pour
autant. Ou alors, nous l’avons fait de manière bâclée, dans de mauvaises conditions,
à un âge où nous étions trop jeunes pour en tirer toute la saveur. Bref, nous sommes
passés à côté des classiques. Il n’est jamais trop tard pour y remédier. Il ne s’agit pas
(seulement) d’un exercice de nostalgie : il faut d’abord comprendre pourquoi ces titres
sont devenus des classiques, pourquoi ils constituent la base d’une expérience partagée
entre des dizaines de milliers de joueurs.
Climat
Point de départ
Situation
Accroches
Climat
1. Gygax Gary, Mentzer Franck, T1-4 Temple of Elemental Evil, TSR, Lake Geneva, 1985.
2. Bambra Jim, Davis Graeme, Gallagher Phil, The Enemy Within, La Campagne impériale, Games Workshop,
Nottingham, Jeux Descartes, Paris, 1986 à 1989, pour la V. F.
3. Hickman Tracy, Johnson Harold, Niles Douglas, Smith Carl, Williams Michael, Dragonlance, Dragons of
Despair, TSR, Lake Geneva, 1984.
376
OLD SCHOOL
Point de départ
Situation
377
Et les personnages ont entendu parler de trois lieux importants
Mouvement hétérogène.
Gain de temps.
Pas d’optimisation.
Ne perdez pas de temps à faire un background qui ne sera pas exploité en jeu.
… mais sur les aventures et ce qui fait des personnages des héros.
Stimulez la créativité des joueurs en ne réduisant pas les actions à des jets de dés.
Montrez la dangerosité du monde et redonnez tout leur sens à des options comme la négo-
ciation, la fuite ou la ruse.
Pour ne pas aller trop loin, utilisez les PNJ et remplacez la mort par la captivité.
379
Créez l’univers pendant les parties : le bac à sable
Profitez de l’apparente contradiction générée par les dés pour épaissir l’histoire.
jouez un classique
N
ombre de savoir-faire des meneurs tournent autour d’un même objectif :
favoriser l’implication des joueuses et leur prise d’initiative. Mais pourquoi
limiter cette dernière aux actions de leurs personnages ? Les joueuses peuvent
contribuer à bien d’autres aspects de la partie lorsque l’on les y incite. Depuis quelques
années, les techniques qui vont dans ce sens sont régulièrement rassemblées sous le
terme de « narration partagée ». Bousculant certaines de nos habitudes, en affirmant
d’autres, elles ont tendance à impressionner mais restent finalement bien plus acces-
sibles qu’il n’y paraît.
La narration partagée
Traditionnellement, en cours de jeu, les joueuses n’ont qu’une seule tâche : incar-
ner leur PJ attitré et décider de ses réactions. La gestion de l’univers, de l’intrigue
et des PNJ reviennent au MJ. Cette répartition semble aussi évidente qu’immuable
381
et, pourtant, elle est constamment mise à mal. C’est bien sûr le cas dans certains
jeux récents comme Montségur 12441 et On Mighty Thews2, mais aussi de productions
plus anciennes (Prince Valiant3, les Whimsy Cards4 de Lion Rampant, etc.), et dans
nombre de grands classiques, que ce soit lorsqu’un investigateur temporairement fou
est contrôlé par le meneur dans L’Appel de Cthulhu, quand une joueuse gère plusieurs
personnages dans Ars Magica5, ou lorsqu’elle prend des notes dans Ambre6.
En pratique, la narration partagée consiste simplement à essayer de jouer avec
cette distinction toute théorique entre MJ et PJ pour donner aux joueuses davantage
d’influence sur le déroulement de la partie.
En d’autres termes, faire de la narration partagée, cela revient à se poser les questions
suivantes : et si on se servait de la créativité des joueuses pour renforcer celle d’un
meneur évidemment ravi de pouvoir absorber leurs contributions pour les intégrer à
son scénario ? Si on laissait la table entière s’emparer de certaines portions de l’univers
ou de l’intrigue ? Et si, en plus, on les y encourageait ?
Certains avantages semblent évidents (multiplier les bonnes idées, impliquer les
joueuses, recentrer la partie sur ce qui les intéresse), d’autres ne se révèlent qu’en jeu,
et notamment le plaisir de voguer sur les contributions des PJ tout en continuant à
mener sa barque avec souplesse. Au lieu de chercher absolument à dérouler son his-
toire, on s’autorise à être surpris. Et ce plaisir peut rapidement tourner à l’excitation,
voire à l’inquiétude lorsque l’exercice se corse, mais avec un peu d’expérience, il est
assez facile d’éviter la plupart des écueils classiques : perte de contrôle, joueuses ne
jouant pas le jeu, etc.
Quoi qu’il en soit, on lit tout et son contraire sur la narration partagée. Révolution
pour certains, simple bon sens ou pratique éculée pour d’autres, peu importe. Cet
article n’a pas pour vocation de porter un jugement sur ce procédé, mais juste de vous
proposer quelques techniques à intégrer lors de vos parties, notamment avec les jeux
qui, a priori, n’ont pas été conçus pour cela. Vous aurez tout le temps de vous faire
votre avis au fur et à mesure de vos propres expériences.
382
Objets et modes de partage
partager
Parfois, il apparaît de bon ton de contester le terme « narration partagée » sous prétexte
qu’il existerait des jeux qui ne seraient pas définis comme tels et où on partagerait la
narration. Or, si ceci est bel et bien une réalité, nous avons tout de même choisi de le
conserver. D’une part, c’est le premier qui a été utilisé pour regrouper ces techniques,
d’autre part, si nous suivions cet argument, nous serions bien embêtés pour parler de
JdR ou, pire, de jeux de mots…
Par contre, il est sans doute utile de distinguer les éléments sur lesquels s’opère ce par-
tage. Ainsi, il peut être question de ne redistribuer que les privilèges génératifs (le droit
de rajouter un pan d’univers, ou d’en développer d’autres déjà présents) ou les privilèges
résolutifs1 (le droit de dire comment évolue une situation).
On peut également distinguer le mode de partage, c’est-à-dire la manière dont les pri-
vilèges de narration sont répartis. Cet article évoque surtout des sollicitations directes
et ponctuelles, mais les privilèges de narration peuvent être attribués aléatoirement,
limités à telle ou telle composante, délégués pour un temps donné, misés en fonction
d’une règle précise, négociés à plusieurs, réservés, etc.
Enfin, on peut également séparer narration et autorité. Dans le premier cas, on partage
le fait d’être sollicité pour dire quelque chose et dans le second, celui de pouvoir trancher
sur ce qui est intégré ou pas. Ainsi, les Whimsy Cards donnent la parole aux joueuses,
mais uniquement avec l’accord du meneur.
Toutes ces nuances permettent de varier presque à l’envi les différents principes et
autres techniques proposés dans cet article.
1. Dans sa thèse, Le Jeu de rôle sur table : l’intercréativité de la fiction littéraire, Coralie David ne distingue
pas les notions de partage de narration et d’autorité, mais y développe notamment la différence entre
autorité générative et résolutive. Cette seconde distinction, même limitée ici au partage de la narration,
reste extrêmement utile.
383
Vous racontez déjà des histoires où les joueuses décident des actions des protagonistes
principaux. Avec ces quelques techniques, vous les laissez juste décider d’un peu plus de
choses que d’habitude. Tout ira pour le mieux si vous appliquez ces concepts naturelle-
ment, sans faire la classe à vos joueuses. Évitez l’impératif et l’emploi de verbes tels que
« décrire », « expliquer » ou « raconter ». Préférez les questions directes. Pour caricaturer,
imaginez la différence entre « Comment tu t’y prends pour rentrer dans le château ? Tu
en parles avant aux autres ou pas ? » et « Bon, les gars, je n’ai pas d’idées… Faites un plan
que je gagne une heure et vous rebalance toutes vos idées dans la figure. »
• Faites confiance à vos joueuses et prenez ce qu’elles vous offrent. Il y a peu de
chances qu’elles sabordent la partie sciemment, alors détendez-vous. Si certaines tentent
de profiter de la situation, non seulement vos privilèges de meneur vous permettent de
faire face à tout ce qu’elles pourront imaginer, mais c’est aussi probablement que vos
propositions ne correspondent pas à leurs attentes. Vous ne perdrez rien à vous adapter.
• Ne revenez jamais sur ce que dit une joueuse (sous réserve que cela soit cohé-
rent avec le reste de la partie.) Le pire est de leur donner l’impression que vous faites
juste semblant de leur laisser la main. Tout ce qu’elles disent doit avoir une influence
et une réalité dans l’univers du jeu, même si cette dernière peut n’être qu’apparente ou
purement symbolique. Ainsi, si elles décident que le grand méchant est malade, cela
peut être un traquenard ou une rumeur dont elles finiront par apprendre l’origine,
mais n’écartez pas cette idée d’un revers de main.
• En choisissant ce que vous leur demandez, choisissez ce que vous leur imposez.
Si votre intrigue tient sur quelques points clés, ne leur donnez pas la possibilité de
les modifier. De nombreuses techniques permettent de faire accepter d’emblée les
éléments auxquels vous tenez. Si vous dites à une joueuse « Lorsque tu pénètres dans
la cantina, tout le monde s’arrête net et regarde dans ta direction. Qui t’attend de pied
ferme et veut te faire la peau ? », vous lui laissez décrire une partie de ses ennemis, mais
imposez simultanément leur existence de façon indolore. C’est probablement tout ce
dont vous aviez besoin. Utilisée adroitement, cette méthode simple est aussi un moyen
de contourner certaines règles sans avoir l’air d’y toucher. Ainsi, pour l’initiative : « Tu
es plus rapide qu’elle, tu le sais. Qu’est-ce qui a foiré cette fois-ci ? ».
• Si vous posez des questions, ciblez-les. Ainsi, les joueuses répondront plus
rapidement et de manière plus instinctive. Si elles commencent à réfléchir ou à craindre
de « mal faire », cela risque de créer des blocages. Paradoxalement « Ton personnage
est habillé plutôt chic ou plutôt fonctionnel ? Son armure montre-t-elle ses origines ?
Est-ce qu’il la porte en ce moment ? À quoi il ressemble, sinon ? » est souvent bien plus
efficace que le classique « Décris-moi ton personnage ».
• Reformulez. Abondamment. En modifiant subtilement les propositions des
joueuses, vous arriverez aisément à écarter tous les éléments qui vous ennuient tout en
conservant leur aval. Attention cependant à rester discret si vous ne voulez pas qu’elles
devinent ce que vous avez prévu.
384
• Ne laissez pas une même joueuse décrire à la fois son opposition et la
façon dont cette situation se résout, faute de quoi elle ne l’intéressera plus. C’est ce
que l’on appelle généralement le principe de Czege1. Même s’il existe quelques excep-
partager
tions, si une joueuse consacre du temps à la description d’un ennemi, ou à créer des
liens entre son personnage et lui, c’est pour que vous lui donniez du fil à retordre, et
très probablement pour que vous vous empariez de ce protagoniste pour la surprendre.
• Encouragez les joueuses à s’entraider et à se proposer mutuellement des idées
lorsque l’une d’elles a des difficultés pour répondre à vos questions ou pour sortir de sa zone
de confort, surtout si vous réalisez qu’elle a du mal avec ces nouveaux outils et ralentit l’action.
Quelques techniques
1. Ce principe est un des concepts établis par la communauté The Forge. Son nom est celui de son
inventeur, l’auteur de jeu Paul Czege (Bacchanal, My Life with Master, Nicotine Girls, etc.).
2. Andere Raphaël, Gharbi Emmanuel, Grümph John, Guillout Pascal, May Pierrick, Hellywood, John Doe,
Jouy-le-Moutier, 2008.
385
Pour favoriser les interactions, la base est simple : laissez les joueuses créer leurs PJ
en même temps et en discuter. Allez même au-delà : faites-leur créer un groupe qui ait
une existence propre pour leur permettre de formaliser ce qu’elles souhaitent vivre lors
de la campagne. Plusieurs jeux emploient cette méthode avec succès, notamment Ars
Magica, Smallville et Vermine1, qui abordent le problème sous des angles légèrement
différents. Dresden Files2 va plus loin et pousse les joueuses à créer la cité dans laquelle
leurs PJ évoluent. Dans le futur Guts3, il s’agira aussi de choisir les éléments du monde
mis en avant dans la campagne. Finalement, tout ce qui peut amener les joueuses
à créer des relations entre leurs PJ, à les relier à des choses existantes dans l’univers
et, globalement, à dire ce qu’elles veulent jouer, est bon pour vous. Là encore, une
avalanche de questions bien senties ne pourra être que bénéfique.
Pour favoriser les éléments ayant un impact sur le long terme, l’idéal est à nouveau
de demander aux joueuses, dès la création, ce que leurs personnages veulent devenir
et ce qu’elles souhaitent les voir devenir (c’est l’ambition et le karma dans Tenga).
En développant cette base, vous augmentez vos chances de viser juste et d’offrir des
situations qui susciteront des propositions de leur part au fil de la campagne.
Certains systèmes d’expérience permettent aussi de partager la main quant à la pro-
gression des PJ et font participer les joueuses et le meneur de concert. Il peut s’agir
d’une progression par objectifs où chacun détermine, avec l’accord du meneur, la
condition à réaliser pour gagner son prochain niveau – oui, aussi simplement que
cela. On peut également utiliser des « clés » (Shadow of Yesterday4, Marvel Heroic
Roleplaying5) ; celles-ci sont un moyen de gagner des points en fonction de la façon
dont le personnage développe un travers donné, et d’en obtenir plus s’il dépasse ce
penchant et s’en débarrasse définitivement.
Une dernière façon très efficace d’amener vos joueuses à contribuer sur le long terme
est de leur poser quelques questions dont elles ne pourront trouver la réponse
qu’en jeu, quitte à recevoir de l’expérience pour cela. Pour parvenir à leurs fins, elles
devront ainsi développer certains aspects de leur personnage en fonction du monde
qui les entoure. Dans Montsegur 1244, la joueuse incarnant Corba doit ainsi déter-
miner en jeu combien d’enfants elle a enterrés, ce qui lui vient à l’esprit quand elle
pense à Philippa et son plus grand regret. Les réponses à ces questions en amènent de
nouvelles et rendent l’univers toujours un peu plus passionnant et personnel.
1. Amirà Alexandre, Barbarin Rémi, Bernard Pascal, Blondel Julien, Croitoriu Michaël et autres, Vermine,
livre du meneur, Le 7éme Cercle, Anglet, 2004.
2. Balsera Leonard, Butcher Jim, Cogman Genevieve, Donoghue Rob, Hicks Fred, Hite Kenneth, Macklin
Ryan, Underkoffler Chad, Valentine Clark, The Dresden Files, volume one: Your Story, Evil Hat Productions,
Silver Spring, 2010.
3. Delanghe Gaëlle, Devernay Laurent, Larré Jérôme, Legay Pierre, GUTS, JdR à venir aux éditions Lapin Marteau.
4. Nixon Clinton R., The Shadow of Yesterday, Anvilwerks, Nouvelle-Orléans, 2004.
5. Banks Cam, Donoghue Robert, Norris Jack, Scoble Jesse, Sullivan Aaron, Underkoffler Chad, Marvel
Heroic Roleplaying, Margaret Weis Productions, Williams Bay, 2012.
386
Le plus intéressant, pendant le jeu
partager
Parmi les méthodes les plus utiles en cours de partie, on compte celles qui partent
du principe que les compétences peuvent permettre, non seulement de savoir ce que
sait faire un personnage, mais également à quel point sa joueuse peut influencer le
reste de l’univers.
Si on se penche sur la fonction des compétences en jeu, on s’aperçoit qu’elles sont
en général employées avec deux types d’objectif : imposer quelque chose (en général
altérer l’univers ou se débarrasser d’un obstacle) ou obtenir une information (un bon
médecin peut apprendre que l’assassin est gaucher). Pour le second, c’est particulière-
ment le cas des compétences qui touchent à la perception et aux connaissances comme,
parfois, les interactions sociales, le hacking, etc. La technique des compétences décla-
ratives modifie l’équilibre classique en permettant à la joueuse de répondre elle-même
aux questions qu’elle pose (autrement dit d’imposer ses réponses). Ainsi, au lieu de
se contenter de recevoir une information du meneur, elle enrichit l’univers. Si un
PJ cherche des rumeurs sur un malfrat et réussit son jet, vous pouvez demander à
la joueuse ce qu’elle découvre. Naturellement, tout ce qu’elle propose, sous réserve
d’un éventuel problème de cohérence, arrive réellement. Charge à vous de voir quelles
rumeurs sont fondées ou pas, et comment les intégrer.
Si vous êtes un adepte de l’improvisation1, vous trouverez rapidement cette tech-
nique indispensable, surtout si vous l’appliquez à du dungeon crawling ou aux indices
d’une enquête « Le témoin te donne la description du tueur : de quels détails se sou-
vient-il ? », idéalement après une scène d’introduction coup-de-poing2. Construire un
labyrinthe ou une énigme policière à la volée alors même que vos joueuses la démêlent
et proposer un résultat cohérent est une expérience des plus grisantes. Bien sûr, c’est
loin d’être facile. Mais comme indiqué précédemment, si vous avez envie d’essayer,
rien ne vous empêche d’utiliser un scénario éprouvé comme base et de limiter l’utili-
sation de cette technique à quelques éléments périphériques.
Une autre façon originale de vous servir des compétences est de les considérer comme
des ressources pour l’historique des PJ. Un individu doué dans un domaine a plus de
chances de posséder des contacts dans ce secteur d’activité et d’avoir acquis des objets
particuliers liés à sa maîtrise de ce savoir-faire. Pour représenter ce fait, donnez des points
aux PJ pour leurs compétences les plus élevées et autorisez-les à les dépenser pour intégrer
de nouveaux éléments en rapport avec leurs compétences, puis donnez-en de nouveaux
lorsqu’ils progressent. Un expert en tir pourra ainsi avoir un armurier, un receleur ou un
policier qu’il aura entraîné parmi ses contacts, et pourrait disposer d’une arme de collec-
tion. Cette méthode a l’avantage de donner très rapidement corps à l’entourage des PJ.
387
Cadrer les scènes
Un autre grand volet des techniques de narration partagée consiste à faire participer
vos joueuses au cadrage des scènes1, voire du scénario lui-même.
Comme indiqué précédemment, vous pouvez par exemple vous servir d’introduc-
tions coup-de-poing qui commencent en plein milieu de l’action (in medias res) et
laissent les PJ face à une situation qu’ils doivent résoudre. Ensuite, demandez aux
joueuses de compléter celle-ci ou d’expliquer leur présence en ces lieux. Les joueuses se
font souvent un malin plaisir de fournir suffisamment d’idées pour alimenter plusieurs
sessions tout en impliquant au maximum leurs PJ.
Voici quelques exemples : « Tu es étendu sur les rails, ligoté, et tu entends le train
qui arrive à vive allure. Encore une fois, tu aurais mieux fait de fermer ta grande
bouche de Texan. Qui as-tu encore vexé ? » ou « Tu es sur le pont de Brooklyn face
au Bouffon Vert. Il maintient en équilibre un car scolaire et ce à quoi tu tiens le plus
au monde. Qu’est-ce donc ? Est-ce que tu préfères le sauver, sauver les enfants, ou
lui sauter dessus ? »
Inversement, il peut être parfois très pratique de laisser la main aux joueuses pour
conclure une scène. Surtout si celle-ci devient répétitive. C’est un écueil courant
lorsque les ennemis sont en surnombre, peu dangereux et relativement génériques
(tribus de gobelins, armée ennemie, etc.) ou que vous voulez forcer un événement ou
un revers, dans la plus grande tradition des histoires pulp (capture, fuite forcée, etc.),
même s’il vaut mieux ne pas en abuser. Ainsi, pour une scène où les PJ repoussent une
horde « Vous avez fait fuir les kobolds qui menaçaient le village, où les rattrapez-vous ?
Combien en laissez-vous s’échapper ? », ou « Ils ne pourront pas vous tenir tête bien
longtemps, vous préférez les empêcher de ravager le village ou capturer leur chef ? ».
Pour un revers, on peut imaginer : « Le village est ravagé, vous avez réussi à vous
enfuir, mais non sans peine. Qu’est-ce que cela vous a coûté ? » ou, plus positif, « Vous
auriez pu tenter de vous enfuir, mais vous avez préféré faire quelque chose de bien
précis avant que les hommes du baron vous capturent ? Qu’était-ce ? ». Cette méthode
épargne à votre table une scène qui s’éternise en amenant les joueuses à faire un choix
puis à passer à la suite, sans diluer leur intérêt.
Enfin, si vous souhaitez employer la narration partagée pour la construction des
scènes elles-mêmes, sachez que c’est parfaitement possible. Des jeux narratifs ont d’ail-
leurs été entièrement conçus dans cette optique (Fiasco, My Life with Master2, etc.).
Dans le cadre de parties classiques, ce procédé est surtout intéressant pour apporter du
relief aux phases difficiles à renouveler sans qu’elles deviennent rigides, typiquement
les voyages et les batailles rangées par exemple3. Pour cet exercice, il faut reconnaître
388
que l’idéal est sans doute de s’inspirer du Pulp Engine1 de John Grümph ou de ses
adaptations faites pour Les Milles-Marches et Tenga2.
partager
Conclusion
Ces techniques ne sont ni révolutionnaires ni bien difficiles à mettre en place, et,
avec un peu de pratique, il est facile d’en éviter les principaux inconvénients. Elles
constituent un outil supplémentaire à la disposition des meneurs, non seulement
pour gérer certains moments un peu épineux de façon élégante, mais aussi et surtout
pour relancer l’intérêt des joueuses. Commencez par en glisser une ou deux dans
vos parties classiques. Rapidement, vous ne pourrez plus vous en passer. Prenez
simplement garde à ne pas en abuser.
Bombardez-les de questions
Ceci rappellera sans doute des choses aux MC d’Apocalypse World : posez des questions.
Plein. Harcelez vos joueuses. Bombardez-les. Précises, ciblées, auxquelles on ne peut
répondre que par un ou deux mots, toujours orientées, qui ferment autant d’éléments
qu’elles en ouvrent. Cherchez celles qui créent des déséquilibres, de la tension, du jeu.
Forcez les joueuses à prendre rapidement parti et à assumer. Bousculez-les. Ainsi, si
vous devez impliquer les PJ et constituer le groupe3, interrogez-les sur leurs relations :
« Quel est le seul de tes compagnons dont tu privilégierais la vie à la tienne ? Pourquoi ?
Qui n’aurais-tu préféré jamais rencontrer ? Quelle est la vraie raison de ta présence ? ».
S’ils font un plan, jouez sur leur responsabilité : « Tu vois un objet en or, sans doute
magique, un peu plus loin. Qu’est-ce que c’est ? Est-ce que tu abandonnes ton poste
pour le prendre ? ». S’ils font des échecs critiques, saisissez la balle au bond et renvoyez-
leur : « Vers la tête duquel de tes coéquipiers pointais-tu ton arme ? Pourquoi ? Était-ce
vraiment un accident ? ». Profitez du moindre événement du scénario pour donner un
tour nouveau à un personnage. Capitalisez sur les rebondissements : « Comment savais-
tu que cela allait se produire ? Pourquoi n’as-tu rien fait pour l’empêcher ? », voire sur
la chance, ou la malchance, d’une joueuse : « Pourquoi t’es-tu acharnée ainsi sur ce
sorcier ? Qu’est-ce que cela aurait changé que tes compagnons le capturent vivant ? »
ou, au contraire, « Pourquoi as-tu retenu tes coups ? ».
En choisissant ce que vous leur demandez, choisissez ce que vous leur imposez.
Reformulez. Abondamment.
Techniques
Pendant la création.
• Création de groupe.
• Progression par objectifs.
• Poser des questions à suivre.
Autour de la table.
Et maintenant ?
A
près la vingtaine d’articles de ce recueil, vous devriez désormais avoir
lu un grand nombre de conseils et autres astuces. Bien entendu, tous ne vous
seront pas utiles. Le panorama dressé dans ces pages est bien trop large pour
que vous puissiez tout retenir ou tout mettre en œuvre d’un coup. Vous allez donc devoir
choisir et en laisser de côté. Rien de grave à cela. Au contraire, c’est exactement le but.
Tout d’abord parce que cet ouvrage est prévu pour que vous puissiez y revenir tout
au long de votre parcours rôliste : selon vos objectifs du moment, votre groupe ou
le jeu auquel vous jouez, vous n’aurez sans doute pas envie de privilégier les mêmes
approches. Pour tout dire, nous sommes persuadés que l’idée comme quoi nous joue-
rions tout le temps de façon identique est une ineptie et nous espérons que ce recueil
vous donnera justement envie d’essayer d’autres pratiques.
Ensuite, parce que comme nous vous le disions il y a presque quatre cents pages de
cela, on devient un meneur expérimenté en décidant non plus uniquement de jouer,
mais de la façon dont on veut jouer. Lorsqu’on se fixe des objectifs et sélectionne
certaines approches, mais aussi et surtout lorsqu’on en délaisse d’autres. C’est pour
cette raison que, de notre point de vue, dans le cas improbable où il faudrait mesurer
la maturité d’un MJ, le critère déterminant ne serait ni l’ancienneté ni les heures de vol,
mais les réponses aux questions suivantes : puis-je obtenir des parties satisfaisantes
de façon répétée ? Même avec un groupe que je ne connais pas ? Puis-je définir mon
391
propre style ? Puis-je en changer, ou au moins sortir de ma zone de confort, et mes
parties rester plaisantes ? Puis-je me fixer certains objectifs, les tenir et mesurer ma
capacité à le faire avec plus ou moins de succès ? Suis-je à même de percevoir mes
automatismes ? Puis-je les rectifier si nécessaire ?
Mais ces interrogations n’ont rien d’obligatoire pour apprécier une partie de JdR,
et il n’y a rien de honteux à savourer ce plaisir sans se créer de pression supplémentaire.
Car si une fois la lecture de ce livre finie se pose la question de savoir comment conti-
nuer à progresser en tant que meneur, il s’agit surtout de trouver de nouvelles façons
d’apprécier notre loisir. En effet, le but n’est pas de se rapprocher d’une perfection
idéalisée ou de rentrer dans une espèce de course insensée à la performance, mais
simplement d’éviter de stagner, de se lasser ou de lasser ses joueuses.
Comment continuer ?
Passée la lecture de conseils, voici quelques principes à suivre pour continuer à
améliorer sa capacité à préparer ou animer une partie. Les premiers font logiquement
l’objet des prochaines publications de la collection Sortir de l’auberge. D’autres sont
juste de bonnes habitudes à prendre.
392
Échouez !
Peu enthousiasmante, il s’agit d’une des façons les plus efficaces de progresser et sans
doute la seule que nous partagerons tous. Lire ou écrire des conseils réduira certes le
risque, mais ne vous sauvera pas : chez Lapin Marteau, nous avons loupé plus de
parties qu’à notre tour, reçu quelques mails d’insultes et sommes sur la liste noire
d’une poignée de joueuses. Mais tous ces échecs ont été de formidables leçons.
Rassurez-vous, il y a très peu de chances que de tels extrêmes vous arrivent : vos
joueuses sont probablement vos amies et il y a fort à parier qu’elles seront encore plus
bienveillantes si vous les prévenez. Gardez juste en tête que vous ne jouez pas votre
vie sur une partie ni le fait que vous soyez un bon ou un mauvais meneur. Par contre,
si vous n’échouez pas de temps en temps, c’est sans doute que vous n’osez pas sortir
de votre zone de confort et jouez constamment de la même façon. Là encore, rien de
grave tant que vous ne commencez pas à vous ennuyer ou à avoir l’impression de faire
du surplace. Sinon, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même…
393
Jouez, jouez et rejouez !
Enfin, le plus important : jouez comme un concepteur de jeux ! Parce que concevoir
des jeux et des parties est finalement très proche. Cherchez en priorité les jeux différents
de ceux auxquels vous êtes habitués, jouez-y tels qu’ils sont écrits et poussez-les dans leurs
retranchements. Essayez toutes les options, toutes les possibilités et découvrez en quoi les
expériences qu’ils vous proposent diffèrent de vos habitudes ou peuvent les enrichir.
La diversité est en effet une richesse qui est inscrite dans l’ADN même du JdR.
Certains jeux sont également excellents pour s’entraîner à une compétence particu-
lière de meneur. Ainsi, en plus des très nombreux exemples déjà cités dans cet ouvrage,
en voici quelques-uns que nous avons l’habitude de défendre : Ryuutama donne de
nombreuses pistes sur la façon d’enseigner un jeu, la création de scénarios, certaines
scènes spéciales et certaines émotions, Agôn1 et Cold City2 sur la compétition et les
façons de diviser ou rassembler le groupe, Breaking the Ice sur d’autres scènes spéciales
(rendez-vous amoureux), Épées & Sorcellerie3 sur le jeu old school, Fiasco sur la création
de scénario, Montsegur 1244 ou Witch: The Road to Lindisfarne4 sur les notions de linéa-
rité, Monsterhearts5 sur l’improvisation et la façon de rendre les choses personnelles,
On Mighty Thews6 ou Oltrée ! sur la narration partagée, Tenga sur comment passer du
scénario à la campagne, Apocalypse World sur à peu près tous les points précédents, etc.
Enfin, n’hésitez pas à jouer avec des gens que vous ne connaissez pas et acceptez
qu’ils n’apprécient pas les mêmes choses que vous. Il n’y a pas de meilleur moyen
de s’apercevoir que certaines de nos habitudes peuvent être remises en cause, ou au
contraire qu’elles font partie intégrante de notre façon de jouer.
À très bientôt !
Associations
À La Croisée Des Fers, Association Grands Jeux, Association Némésis, le Club
des Aventuriers, La Guilde des Joueurs, Ligue Ludique, Rêves De Jeux
Boutiques
Arcadia (54), Descartes (33), Jeux du monde (31), La Boutique du manoir (34),
Philibert (67), Rocambole (59), Tempus Ludi (89), Trollune (69)
particuliers
Abel, Ackinty Strappa, Acritarche, Adrien Denis, Aka Fioroni, Akairetos, Akhad,
Alban Quadrat, Aldaric, Aldo « Pénombre » Pappacoda, Alexandre Diss, Alexis
Hoarau, Alias, Allan Gautron, Anthony « Infornographie » Avila, Anthony Salapete,
Antoine Bauza, Antoine Boegli, Antoine « Damask » Foing, Antoine Pempie,
Anton, Arik, Arius Moghador, Arkel, Arnaud B., Arnaud Celard, Arnaud Lecointre,
Arnaud Pichon, Arnulphe de Lisieux, Asphy, Audibert Sébastien, Auquier Maxime,
Aurèle Nicolet, Aurélien Vincenti, Aymeric Pelzer, BadHub, Baktov, Baron H.,
BarthusVulgaris, Basha, Bashar, Bastien Lyonnet, Bastien Tabary, BatsaxIV, Beaucier,
395
Becker Vincent, Beltran, Benjamin Diebling, Benjamin Méquignon, Benoît Chérel,
Benoit D., Benoît Philibert, Berger Cyril, Bertrand Bry, Bertrand Mullon, Bigcoco18,
Bimbo, le jeu qu’il vous faut !, Boegen David, Botharu, Bouletsama, Brezeler,
BriseBarbe, Bruno Bosc-Zanardo, Bruno Cabioch, Buggy, Bzjeurd, C. Mongodin,
Cadaric, Cadavre, Calie, Capitaine Némo, Carpe, Casque Noir, Cédric Jeanneret,
Cédric Zobrist, Charline Bernier, Chernobyl & Druideria, Childéric Maximus,
Chilibak, Chris Costard, Christophe « BJ » Breysse, Christophe Asnar, Christophe
Jankowski, Christophe Joveneau, Christophe Laudon, Claude Féry, Clément Trénit,
Colvalkir, Coocz, Corren, Cousin Nalesk, Croc, Cryoban, Cyol, Cyril, Cyril « NbM »
Deveautour, D3x, DaBaru, Damien « damsdreg » Rodrigues, Damien « MatFenric »
Léger, Damien Reimert, Dansimati, dargoss, Darkbubu, Darthnull, David « Ktar »
Garnarat, David « Nursus » Benoist, David B. Capricorne, David Colom-Arnoux,
Davy Gérard, Decrouy Xavier, Denis Souly, Dhaanyeel, Dieu, Dilvich, Dimitri
Chaignat, Dmonchaux, Doc Dandy, Doc Edderskopp, Docteur Fox, Docteur
Half, Dominique « Zeylion A. » Suchaire, Doops, Dorothée Duval, Dr Stapelton,
Drulaan, Druzil, Durieu, E.Contesse, Eathanor, Edak, Edern « Crêpe » Le Meut,
Édouard Gonzalez, Eimef, El Pulpo Mecanico, Eloso, Elyandel, Emilie et Matthieu
Dumoulin Bouget, Emmanuel « Ketzol » Landais, Emmanuel Dufour, Emmanuel Le
Bouter, Emmanuel Ponette, Equites, Eric Bonnet, Eric Brambilla, Eric Dedalus, Eric
Delamour, Eric Le Nouy, Erwan Le Corre, ET_SYL20, Etienne Goos, Etienne Guerry,
Ewell, Excoriateur, F. Vincent, Fabien Lewandowski, Fabien Lotz, Fabien Morel,
Fabrice Girardot, Fabrissou, Félix Reinmann, Feyd, Fin, Florent Moragas, Florent
Sacré, Florian Briand, Florian Dufour, ForgeJdR, Franck Mercier, Francois Bastier,
François Cedelle, François Lalande, François Roussel, François-Pierre Crinon, Fred le
Farfelin, Frédéric Gérard, Frederic Le Saux, Frédéric Seraphine, FredMelison, Fustir,
Gaëtan « Wang » Tessier, Gauthier « Go@t » Lion, Gauthier Damoran, Gauthier
Lahache, Gil, Gilles B., Gilles Donnarumma, Ginkoko, Globo, Gobelin Nounours,
Golgoroth, Grafxx, Grégoire « Qui revient de Loin » Macqueron, Grégor, Grégory
Thonney, Grey, Grimbou, Guilhem Arbaret-Fischbach, Guillaume « Gap » Pasquier,
Guillaume Agostini, Guillaume Faure-Lenormant, Guillaume Fouillet, Guillaume G.,
Guillaume Godet-Bar, Guillaume Nonain, Guillaume Saint-Sorny, Guillemot Didier,
Guylène Le Mignot, Gzavier, Hadrien Lleida, HAENELST, Hardbox, Hazel Lions,
Heedio, Héphaistos, Iloria, Inarus, Iranon de Aira, Jacky Bauer, Jamin-Normand,
Janique, Janus, Jean Gagnon, Jean S., Jean-Antoine Mounier, Jean-François Lévêque,
Jean-Luc Vassal, Jean-Michel Armand, Jean-Patrice Albrand, Jean-Paul Gourdant,
Jean-Philippe Guérard, Jean-Yves Gaucher, Jeff de Raise Dead, Jérémie « Jemrys »
Rueff, Jérémie Lautour, Jérome Bianquis, Jérôme Buard, Jérôme Isnard, Jérôme
Javelas, Jices, Jicey, Jolhan, Jordan Brunier, Julian « Labelle Rouge » Lemonnier, Julien
« Zemd » Flamant, Julien Becker, Julien Delabre, Julien Palluel, Julien Pouard, Kadus,
Kakita Inigin, KamiSeiTo, Kardwill, Karfael, Keljumg, Kerrubin, KF, Kirdinn, Knil,
Kobal, KoteMenDo, Kristobald, Kylar, Kyldan, Ladaline, Lapin, Laurent Condon,
Laurent Devernay, Laurent Mata, Laurent Schenkel, Lavisse guillaume, Le Nay, Le
Roi en jaune, Les Arpenteurs, Lhotseshar & Lindanae, Lionel François, Lobo, Loïc
Dublanc, Loïc Girault, Loïc Weissbart, Looping du Secteur 51, Loris, Lou Ainsel,
LouFredou, Loup Vaillant, Ludieikos, Ludo, Ludovic Poiret, Luke, Lulvaran, M.
Fénot, Madtroll, Magisterphamtom, Magnamagister, Alexandre « Magnapocryphe »
Charles, Malateste, Manoli Chalaris, Manuel Bedouet, Marc « Marchiavel »
396
Dubouchet, Marc « Yrka » Eusebio, Marc Lafon, Marc Rivault, Marc Sautriot, Marc
Verdier, Marcello, Marcellus Lesendar, Marek, Marie « Ayla » Olive, Markov, Martin
Terrier, Masoj, MastaDaddy, Mathieu Canonier, Mathieu Mertz, Matthieu Burel,
Matthieu Galk, Matthieu jagu, Matthieu Sauveur, Maxence Lagalle, Mcu, Melarno
Anskhein, Melnuur, Merryneils, Metazeta, Meuh, Mickael Letertre, Mickey, Mike
Winter, Mike11210, Miss Mopi, Misterwest, Mithriel, Modran, Monsieurv, Mr
Tweedy, MrCaribooo, Najai, Nalzur, Natha, Nathalie Hauzeur, Nathaniel Henel,
Necroline, NecroZephir, Nekith, Neuromancien, Nevym, Nico Dobin, Nico du
dème de Naxos, Nicodemauss, Nicolas « Yoda Mister » Tauzin, Nicolas Benloulou,
Nicolas Bernard, Nicolas Fuseau, Nicolas Regal, Nilebog, Oberon, Oligotron, Olivier
Jacquemin, Olivier Roullier, Olivier Simpère, Olivier Tétaz, Olivier « Overb62 »
Verbreugh, Onirions, Ook, Or77, ORP & Dragon Mouche, Orygins, Paindesegle,
Palpacwel, Papyrolf, Pascal Viette, Patrice « Walking-Pat » Granieri, Patrice Hédé,
Patrick « Roll’n’Rôle » Trempond, Paul Enguehard, Paul Valette, Pauline, Payet
Cédrique, Pelon, Peres Christophe, Pernic « Black Pharaoh » N., Peroys, Perrot
Claude-Arnaud, Philippe “Sildoenfein” D., Philippe Marichal, Philmer, Philou,
Phoenryll, Pierre Becker, Pierre Gavard-Colenny, Pierre Gay, Pierre Rosenthal, Pierre
Vanhulst, Pierre-Emmanuel, Pierre-Louis Fugazzi, Pierre-Olivier Grange, Pierre-Yves,
Pierrick, Pierrick « Picric » Boyer, Pierrick Revol, Piouh, Pivent, PM, Polla con Alas,
Poulpiche, Poulpy, Poupy Kerloc’h, Quenie, Raphaël Granier de Cassagnac, Ratafia,
Ravanel, Red, RedJericho, Rémy Catalan, Renaud Velter, René-Philippe Gimenez,
Renz, Réorx, Richard Berthet, Richard Poitras, Roberto, Roland Guissani, Romain
« Howdy » Ayoul, Romain Barriquand, Romain Darmon, Romain Hommette, Romain
Pocachard, Romain Rougé, Romain S., Romaric Bolzan, Roxane Collet, S@m, Sam.,
Samuel De Azevedo, Samuel Moullé, San Pedro Frederic, Sanchez Nicolas, Sandra
H. Bruel, Sanne Stijve, Sébastien « Aranduir » Pons, Sébastien Crapart, Sebastien
Hauguel, Sébastien Kervella, Sébastien Schwendimann, Sebastien Torres, Sébastien
Vicard, Serge « Hobbit » Salvé, Serge Billarant, Severin, Siprilius, Sisko, Skav,
Somalucard, Sombre69, Sourismaniac, Spassinando, St Gaillard, Stéphane Bagnier,
Stéphane Devouard, Stéphane Julien, Stéphane Lebonnois, Steve Dempsey, Steve
Jakoubovitch, Superfred, Sylvain « Da Profezzur » Dabriou, Sylvain L., Sylvain Pouilly,
Tagan Adrien, Talhouët Gwénaël, Taliesin, Taranto, Tarpagnan, Templeton, Tenaul,
Thabanne, Thibaut « Peabee » Mermet, Thibaut Bleger, Thibaut Martin, Thierry
« Mister ti » Doisneau, Thierry Delpierre, Thierry Gebelin, Thierry Nouza, Thierry
Sabot, Thjazi, Thomas Da Silva Perret, Thomas Giot-Mikkelsen, Thomas Herubel,
Thomas Rey, Timothée « Silenttimo » Bossin, Timothy Story, Tirodem, Tistakel, Tixu
Oty, Tnidelet, Tom_Bombadil, Toulza Aymeric, Toussaint Pigeon, Tristan Lhomme,
Troleur, Ufum, Uiop, Valentin Roussel, ValladeD, Vignemesle, Vincent ‘Groscouic’
Lamoque, Vincent Jedat, Vincent Lajoanie, Vincent Mottier, Vincent P., Vincent
Plana, Vincent Thomas, Vincent Ziec, Vladkergan, Walter, Whidou, XavGangrel,
Xavier Algoud, Xavier Etchebes, Xavier Oziouls, Xavier Van Roy, Xefantion, Xiangh,
Yanakin, Yann Lerculeur, Yann Morlot, Yann Thollon, Yannick Le Bret, Yannick
Recht, Yannick T. Himber, Yapados, Yragaël, Ysneyd, Ze Great Pat, Zeben, Zechrub,
Zelis, ZotoPatate.
table des matiÈres
I. LA PRÉPARATION
Organiser des parties, le b.a.-ba : Fabien Deneuville, p. 17.
Créer un scénario : Tristan Lhomme, p. 31.
Adapter une œuvre pour en faire un scénario : Isabelle Périer, p. 55.
Construire un donjon, une méthode aléatoire : Éric Nieudan, p. 73.