JEUDI 7 MAI 2020

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COVID : LA BATAILLE DE LA PROTECTION JURIDIQUE 
▶ Après la lettre des
maires réclamant le report
▶ A leur demande, la majo­
rité sénatoriale a adopté
▶ Cette modification
a été adoptée lundi contre
▶ De leur côté, six organi­
sations d’employeurs dont 1 ÉDITORIAL
de la réouverture des un amendement qui l’avis du gouvernement, le Medef ont également L’IRRESPONSABILITÉ PÉNALE 
classes, les associations restreint la responsabilité qui fait valoir le risque obtenu du Sénat davantage
d’élus lancent une pénale des maires en cas de rupture d’égalité N’EST PAS DÉFENDABLE
de protection juridique
nouvelle offensive de contamination devant la loi pénale PAG ES 8-9 ET 1 2 PAGE 31

Le manifeste
Economie
Les juges allemands 
mettent la BCE 
sous pression…

de Nicolas Hulot
Dans un jugement rendu
public mardi, la Cour cons­
titutionnelle allemande
exige de la Banque centrale
européenne qu’elle justifie
son programme d’achat
de dettes (« quantitative

pour l’après-Covid
easing ») lancé en 2015
PAG ES 14-15

… alors que les 
prévisions de l’UE 
sont très sombres
Selon les prévisions de la
▶ Dans un entretien ▶ « J’espère que cette ▶ « C’est le moment de ▶ Juliette Binoche, Iggy Commission qui doivent
au « Monde », l’ex­ crise va éveiller les es­ débattre du revenu Pop, Madonna et 200 ar­ être publiées mercredi, l’UE
ministre prône une prits », dit­il, invitant universel ou de la re­ tistes refusent un retour va voir son PIB chuter de
7,4 % en 2020. Il lui faudra
« transformation radi­ le chef de l’Etat à en­ valorisation des mé­ au monde d’avant et à sa deux ans pour s’en remet­
cale et cohérente » et gager « un vrai chan­ tiers vitaux », indique­ catastrophe écologique tre. Et les divergences entre
détaille ses priorités gement de modèle » t­il à titre d’exemple P. 10-1 1 ET IDÉES P. 28 À 30 l’Europe du Nord et du Sud
se seront encore accrues
PAGE 14

Europe Géopolitique Analyse Ehpad

L’extrême droite D’un chaos La mémoire Des retards et  Après 55 jours
ne semble pas transitoire émerge collective blessée de tête à tête, vous
tirer profit de une nouvelle de l’ancien des carences  ne pouvez plus
la crise sanitaire normalité empire soviétique catastrophiques le voir en couture ?
PAG E S 6- 7 CHRONIQUE – PAG E 3 1 PAGE 18
Les résidents des établis­
sements pour personnes
LE REGARD DE PLANTU âgées dépendantes repré­
sentent la moitié des victi­
mes de l’épidémie. Faute Espace Topper
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 CORONAVIRUS
0123
2| JEUDI 7 MAI 2020

Ehpad : autopsie 
d’une catastrophe 
annoncée
Plus de 12 700 résidents d’Ehpad sont
morts du Covid. « Le Monde » a enquêté
sur les dessous de cette tragédie, dans
laquelle deux tiers des établissements
ont déclaré avoir eu une contamination

D
epuis le début l’épidémie, le Grand Est. Si le virus a décimé plus de rési­
plus de la moitié des dents à l’est qu’à l’ouest, le Covid­19 est entré
25 531 victimes du Covid­19 partout : pas moins de 66 % des établisse­
vivaient en maison de re­ ments ont déclaré un cas de contamination.
traite. Au total, quelque Ouvrir la boîte noire de cette catastrophe
12 769 résidents en Etablis­ permet d’en mesurer les ressorts.
sements pour personnes âgées dépendantes
(Ehpad) sont morts depuis le 1er mars, selon
le dernier bilan de Santé publique France. Des carences en masques
Parmi eux, 3 298 sont décédés à l’hôpital. Ce premier constat est unanime. Le manque
Alors que les portes de leurs établisse­ de masques a conduit les soignants à trans­
ments s’ouvrent de nouveau aux familles, mettre le virus à des résidents qui l’ont payé
directeurs, soignants, médecins estiment de leur vie. La peur de la pénurie à tous les
avoir mené « une guerre sans arme », sur « un étages – au niveau de l’Etat, des Agences ré­
front sous­estimé » par le gouvernement gionales de santé (ARS) et des directeurs
avec des « directives ministérielles peu claires, d’Ehpad – a conduit à un engrenage funeste.
inadaptées » et « corrigées » trop tard. Pour Depuis le début, assure le ministère, les
ces sentinelles du grand âge, des vies Ehpad ont été « prioritaires ». Pourtant, la
auraient pu être épargnées. « On a vécu une distribution de masques à large échelle n’a
tragédie », s’afflige Malika Belarbi, déléguée démarré que le 22 mars. Entre­temps, malgré
nationale CGT et aide­soignante dans les un approvisionnement au gré des deman­
Hauts­de­Seine. des, les Ehpad ont manqué de visibilité sur teur du Covid­19 est arrivé après son décès… Bourgogne­Franche­Comté, « nous avons eu
Alors que les premières plaintes en justice l’accès à de nouveaux stocks. L’Etat ayant « Un test réalisé plus tôt aurait permis qu’il beaucoup de refus de transferts de la part du
de proches de résidents décédés visent l’Etat réquisitionné la production nationale et les soit soigné », soupire celle qui a enterré son SAMU ou des hôpitaux au début de la crise »,
mais aussi des Ehpad privés lucratifs, « il n’est importations de masques jusqu’au 21 mars, père le 8 avril au pied du mont Aiguille. rapporte la patronne du Synerpa.
pas question que l’on paye l’addition pour il leur était quasi impossible de s’en procurer Au sujet des tests, la critique des acteurs est Des refus liés à la saturation des hôpitaux,
tout le monde », prévient Florence Arnaiz­ sur le marché. La peur du manque s’est ré­ presque aussi virulente. La ligne initiale du mais qui ont « été une perte de chance pour
Maumé, déléguée générale du Syndicat na­ pandue. Des directeurs les ont distribués au ministère a d’abord été restrictive : à partir certains résidents, poursuit Mme Arnaiz­
tional des établissements et résidences pri­ compte­gouttes. D’autant que protocole du de trois cas testés positif en Ehpad, il leur a Maumé. Il a fallu attendre le 23 mars pour que
vés pour personnes âgées (Synerpa). De ministère les y encourageait puisqu’il préco­ été recommandé de cesser le dépistage, con­ le ministère installe une ligne directe permet­
bonne guerre, elle braque les projeteurs sur nisait le port de masques en cas de Covid sidérant que le foyer infectieux était identi­ tant aux Ehpad de joindre le SAMU sans com­
les tutelles. « Force est de constater que quand avéré ou suspecté. Et non de manière pré­ fié. Quand, le 30 mars, le Conseil scientifique poser le 15, trop souvent saturé ». A partir de la
Olivier Véran [ministre des solidarités et de la ventive. Certains directeurs ont même été chargé du suivi de l’épidémie indique « que fin mars, des lits ont été mis à disposition des
santé] a repris nombre de nos demandes, jusqu’à les mettre sous clé. les nouvelles capacités de tests diagnostiques Ehpad dans des hôpitaux de proximité rap­
l’administration a déroulé derrière. Mais on a Le 22 mars, Olivier Véran annonce la devraient être prioritairement orientées vers pelle le ministère. « Les chiffres montrent que
perdu un mois et demi. Un retard à l’allumage distribution de 500 000 masques par jour. « IL Y A EU UNE  les établissements médico­sociaux », rappelle les personnes âgées et même très âgées ont
sans lequel, affirme­t­elle, on peut penser Dès lors, la doctrine évolue : tout Ehpad SOUS­ESTIMATION  le ministère, il a « été alors décidé de flécher été, au final, très nombreuses à avoir été
qu’il y aurait eu moins de morts. » devra recevoir des masques à raison de deux une immense majorité de ces nouvelles capa­ hospitalisées », fait­on valoir. De fait, un peu
Le secteur des Ehpad privés non lucratifs par résident, « même s’il n’a pas de cas de INITIALE DES BESOINS  cités de tests vers les Ehpad ». plus de 43 % des personnes hospitalisées
est tout aussi sévère contre l’exécutif. « Il y a Covid », précise le ministère. La doctrine a failli être fatale pour Jeanne pour Covid ont plus de 80 ans. Avec toutefois
eu un retard coupable de la prise en compte Malgré de multiples consignes envoyées DES EHPAD PARCE  Simon. Sur la foi d’une petite fièvre, cette ré­ d’importants écarts régionaux. En Ile­de­
de la situation dans les Ehpad », lance Marie­ aux ARS pour clarifier la ligne auprès des sidente d’un Ehpad privé à Marseille a été France, 20 % des résidents d’Ehpad victimes
Sophie Desaulle, présidente de la Fédération Ehpad, « un cafouillage » sur les règles de dis­
QUE L’ATTENTION DES  placée dans l’aile des résidents qui mon­ du Covid sont morts à l’hôpital. Soit 1 000
des établissements hospitaliers et d’aide à la tribution a perduré, selon un acteur le dos­ POUVOIRS PUBLICS  traient des symptômes du Covid. Trois tests sur environ 5 000, depuis le 1er mars. Dans les
personne privés (Fehap). Le gouvernement sier. Aide­soignante dans un Ehpad associa­ consécutifs ont établi après coup qu’elle Hauts­de­France, ils sont environ 40 %.
n’est toutefois pas le seul fautif, à ses yeux : tif à Montreuil, Maya (le prénom a été modi­ A ÉTÉ CONCENTRÉE  n’avait pas contracté la maladie. Jeanne a re­
« A chaque crise sanitaire, la France a pour ré­ fié) a vécu des situations qui l’ont révoltée. trouvé sa chambre mais, regroupée une di­
flexe de protéger la filière des soins, donc l’hô­ « J’ai vu des collègues, faute de masque et de UNIQUEMENT SUR  zaine de jours avec des malades, elle a couru Un modèle à revoir
pital. A l’inverse, les pays nordiques, de culture surblouse, refuser de rentrer dans les cham­ CE QUI SE PASSAIT  le risque d’être contaminée faute de test La crise a aussi révélé les forces et des
anglo­saxonne, l’Allemagne notamment, bres de malades du Covid. Des résidents sont préalable. Comme la fille de Georges Joubert, faiblesses des Ehpad. « Les établissements in­
prennent d’abord en compte la situation des alors restés sans médicament et sans manger. EN RÉANIMATION » Marina ne peut s’empêcher de penser que tégrés dans les filières gériatriques, relève
personnes vulnérables. » Les infirmières n’ont pas voulu aller non plus à son père aurait pu être sauvé s’il avait été M. Bourquin de la FHF, ont pu bénéficier de
MARC BOURQUIN
Au sein de l’Etat, « la gestion de crise s’est leur chevet pour leur prodiguer leur traite­ testé plus tôt. En convalescence dans un éta­ moyens supplémentaires : équipes mobiles de
conseiller stratégique
faite, comme souvent en pareilles circonstan­ ment. Certaines avaient pourtant accès aux blissement privé à Sartrouville (Yvelines), gériatrie, appel à des personnels hospitaliers,
de la Fédération hospitalière
ces, de façon séquencée, observe l’ancienne masques, contrairement aux soignants. » « mon père n’a été testé que parce que l’hôpi­ télé­ expertise. »
de France
secrétaire d’Etat, aujourd’hui présidente de la « Il y a eu une sous­estimation initiale des tal où il devait être transféré a exigé qu’il le A l’inverse, un grand nombre d’Ehpad
Caisse nationale de solidarité pour l’autono­ besoins des Ehpad parce que l’attention des soit ». C’est seulement au lendemain de son n’étaient pas préparés au choc. C’est le cas de
mie, Marie­Anne Montchamp. La surchauffe pouvoirs publics a été concentrée unique­ décès que le test a révélé qu’il était positif. petites structures communales démunies
à l’hôpital a fait qu’on a manqué de cerveau ment sur ce qui se passait en réanimation, Certains Ehpad et quelques ARS se sont de tout matériel médical. Une partie de leurs
disponible pour piloter les Ehpad sans, pour confirme Marc Bourquin, conseiller stratégi­ toutefois affranchis de la consigne des « trois résidents auraient eu sans doute plus de
autant, laisser suffisamment la capacité aux que de la Fédération hospitalière de France tests maximum » pour dépister largement chances d’être sauvés s’ils avaient disposé
acteurs de s’organiser sur le terrain ». (FHF). On peut le comprendre mais c’était une les résidents avant le 6 avril. L’ARS de la Nou­ d’appareil à oxygène mural, mais aussi
Au ministère de la santé, on préfère voir erreur, la suite l’a prouvée. Ce n’est pas faute velle­Aquitaine a initié dès la fin mars un dé­ d’aides­soignants ou de médecins généralis­
dans ces mises en cause un « jeu d’acteurs » d’avoir alerté sur la nécessité de traiter les pistage systématique des résidents et des tes alentours prêts à venir en renfort. « Ce
et l’on balaie les reproches. « Il n’y a eu aucun Ehpad comme on a traité l’hôpital. » personnels de tous les Ehpad dès la première constat ne fait qu’accréditer l’idée qu’il faut
décalage entre la gestion de la crise à l’hôpital suspicion de Covid. En Provence­Alpes­Côté renforcer les liens des Ehpad avec l’ensemble
et dans les Ehpad. Elles ont été menées en d’Azur, le dépistage généralisé des résidents des hôpitaux publics sur une même zone »,
même temps. La prise de conscience des pro­ Un manque de tests de l’Ehpad de Mauguio (Hérault) a permis de affirme M. Bourquin.
blèmes a été simultanée. C’est irréfutable ! », A Chichilianne en Isère, le maire a déposé un détecter des symptômes de la maladie jus­ Le bilan humain de la pandémie « surligne
riposte­t­on dans l’entourage d’Olivier bouquet de jonquilles sur la tombe de Geor­ que­là inconnus (diarrhée, chutes). qu’on ne peut plus reproduire le modèle de
Véran. Preuve en est que « beaucoup de déci­ ges Joubert au début du printemps. Le méde­ l’Ehpad tel qu’il existe aujourd’hui », abonde
sions ont été prises début mars pour le secteur cin urgentiste, venu pour tenter de réanimer Une prise en charge Jérôme Guedj, ex­député (PS) de l’Essonne,
médicosocial » : les visites en Ehpad ont ainsi l’ancien enseignant, dans sa chambre à la missionné par Olivier Véran sur la protec­
été interdites dès le 6 mars, bien avant le con­ maison de retraite à Marseille, a obtenu qu’il à l’hôpital inégale tion des plus âgés pendant la crise.
finement national. soit testé in extremis, raconte sa fille, Cathe­ Tous les Ehpad touchés par le Covid ont été D’ores et déjà, à marche forcée, en traver­
L’Etat a beau réfuter tout manquement, les rine Duba Joubert. « Il l’a été sur son lit de confrontés à la difficulté de la prise en charge sant la tourmente, les Ehpad ont dû acquérir
Ehpad n’en ont pas moins livré bataille à ar­ mort alors que je demandais depuis des jours des malades. D’une région à l’autre, les chan­ de nouveaux réflexes. « Nous avons forte­
mes inégales selon les territoires, notam­ à la direction de l’établissement qu’il soit dé­ ces de pouvoir les hospitaliser quand leur ment avancé, en quelques semaines, dans le
ment en Bourgogne­Franche­Comté et dans pisté. » Le résultat indiquant qu’il était por­ état le permettait ont été très inégales. En traitement de difficultés que l’on essayait de
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Dans quelles conditions sont morts

les résidents atteints du Covid­19
Si les détresses respiratoires aiguës ne sont pas si fréquentes, les soins palliatifs
sont compliqués à mettre en œuvre, assurent les soignants des Ehpad

TÉMOIGNAGES Avec toujours les mêmes questions :

« Est­ce que je demande un transfert à « LE PERSONNEL S’EST 
gnante pour l’ensemble des résidents,
les conseils par téléphone ne suffisent

C omment sont­ils morts ? Ont­

ils été accompagnés aux der­
niers moments de leur vie ?
Ont­ils bénéficié de soins antidouleur
lorsqu’ils en avaient besoin ? Telles
l’hôpital ? » ; « Est­ce que je limite les
soins ? », « Si oui, avec quels médica­
ments ? »
« A partir de là, la situation est deve­
nue à peu près contrôlable », résume
RETROUVÉ SEUL POUR 
ACCOMPAGNER
DES PATIENTS QUI 
pas », souligne la docteure Véronique
Fournier, présidente du Centre natio­
nal des soins palliatifs et de la fin de
vie. Une réalité qu’a vécue de près la
docteure Pauline Rabier, de l’équipe
sont les questions, lancinantes, que se Brigitte Klinkert. La présidente du mobile de gériatrie de l’hôpital AP­HP
posent les familles de ceux – et ils sont conseil départemental ne le cache
SONT MORTS PARFOIS  du Kremlin­Bicêtre (Val­de­Marne),
des milliers – auxquels le Covid­19, ces pas : le Haut­Rhin n’était pas préparé à TRÈS BRUTALEMENT » qui participe depuis le début de
dernières semaines, a ôté la vie dans l’augmentation subite des décès l’épidémie à la régulation d’une ving­
les établissements d’hébergement survenue dans la deuxième quin­ PAULINE RABIER taine d’Ehpad dans ce secteur de la ré­
pour personnes âgées dépendantes zaine de mars. « On parle souvent de équipe mobile de gériatrie gion parisienne, soit environ un mil­
(Ehpad) où ils résidaient. Sans que vague, mais chez nous cela a été un de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre lier de résidents.
leurs proches, le plus souvent, puis­ véritable tsunami, rappelle­t­elle.
sent venir leur dire adieu, ni même Dans les Ehpad, la question de l’accom­ Présences des proches
assister à leur mise en bière. pagnement en fin de vie s’est alors po­ dente qui va fêter mercredi prochain « Dans 70 % de ces établissements, j’ai
Dans leur infortune, ces établisse­ sée de manière cruciale. Et la situation ses 100 ans est qui est en pleine forme. vu des médecins coordinateurs et des
ments ont eu une chance : la première a entraîné des situations difficiles, avec Et sur les douze résidents que nous médecins prescripteurs extraordinai­
vague de l’épidémie est survenue parfois un accompagnement insatis­ avons perdus, il y a eu des détresses res­ res, qui ont géré les fins de vie quasi­
dans le Grand­Est, région plutôt bien faisant. » Le Haut­Rhin compte 74 Eh­ piratoires, mais ça n’a pas été la règle. » ment vingt­quatre heures sur vingt­
dotée en matière de prise en charge pad, soit 7 183 places. Au total, 2 088 ré­ A La Roselière (Kunheim, Haut­ quatre, raconte­t­elle. Mais quand il
du grand âge et d’organisation des sidents y ont été suspectés ou confir­ Rhin), Ehpad doté d’un médecin et de n’y avait ni médecin ni infirmière de
soins palliatifs. Présent dans le Haut­ més « Covid + ». Le 28 avril, 630 d’entre huit infirmières, on déplore douze nuit, la prise en charge des détresses
Rhin dès début mars, le coronavirus eux étaient morts, dont 578 sur le lieu morts sur 115 résidents. Mais aucun respiratoires a parfois été extrême­
atteint rapidement le Bas­Rhin. Le de vie et 52 à l’hôpital. cas de détresse respiratoire aiguë. « La ment compliquée. Certains malades
15 mars, la barre du millier de cas plupart sont morts durant la journée, ont pu être transférés d’urgence à l’hô­
déclarés est franchie dans le Grand­ « Fantasme collectif » quasiment d’un instant à l’autre. pital, mais, le plus souvent, ça n’a pas
Est. Les hôpitaux sont au bord de la Morts comment ? Moins mal, semble­ Comme si l’infection avait accéléré leur été possible. Et le personnel s’est
A l’Ehpad de Thise saturation. Dans les Ehpad, les t­il, que ce que l’on a pu craindre. Tous dégradation générale avant qu’ils n’ar­ retrouvé seul pour accompagner des
(Doubs), le 16 avril. premiers décès surviennent. les soignants que nous avons interro­ rivent à des complications pathologi­ patients qui sont morts de manière
SÉBASTIEN BOZON/AFP « Dès ce moment­là, notre ARS gés le répètent : les personnes âgées ques extrêmes », avance le docteur parfois extrêmement brutale. Quand il
[agence régionale de santé] nous a emportées par le Covid n’ont pas Marc Bouché, président du conseil y a 30 décès en quinze jours dans de
saisis pour répondre à la crainte que les toutes connu une détresse respira­ d’administration de l’établissement. telles conditions, comment parler de
résidents développent des symptômes toire aiguë, tant s’en faut. « Les équipes Au centre départemental de repos et soins palliatifs ? Il y a des soignants qui
insupportables et que personne ne s’en du Grand­Est nous avaient avertis que de soins (CDRS) de Colmar (Haut­ ont vu des morts franchement pas
occupe », relate Véronique Legrain, certains patients mourraient en Rhin), le bilan que donne le chef du confortables. »
surmonter depuis des années », se félicite l’en­ médecin au Réseau alsacien de soins s’étouffant. C’est ce que nous voulions pôle médical, Stéphane Carnein, est En Normandie, zone relativement
tourage du ministre de la santé : la présence palliatifs. Très vite, cette structure de absolument éviter, et nos propositions plus contrasté : sur la trentaine de épargnée par l’épidémie, la cellule
médicale a été renforcée, la téléconsultation coordination appelle la dizaine thérapeutiques sont allées dans ce résidents (sur 340) décédés ces derniè­ éthique régionale mise en œuvre au
déployée, des solutions de renforts en per­ d’équipes mobiles de soins palliatifs sens­là. Mais en fait, heureusement, ces res semaines, « certains sont claire­ début de la crise sanitaire est pilotée
sonnels ont été trouvées. du territoire pour que chacune décès difficiles ne sont pas la majorité », ment morts du Covid et l’on a mis en par le professeur Grégoire Moutel,
La perspective du déconfinement et des signale aux médecins coordinateurs affirme Claire Fourcade, vice­prési­ place, quand il le fallait, les protocoles chef du service de médecine légale et
effets du dépistage massif dans les Ehpad des Ehpad de son secteur qu’elle est à dence de la Société française d’accom­ de fin de vie qui avaient été prévus ». droit de la santé au CHU de Caen.
donnent toutefois déjà des sueurs froides à leur disposition. pagnement et de soins palliatifs Autrement dit : beaucoup d’oxygène « Nous venons d’avoir une réunion de
l’équipe d’Olivier Véran. Où trouver les nou­ Le réseau établit une liste de médica­ (SFAP). « On est dans un fantasme pour les aider à respirer le mieux toutes les cellules régionales, et le cons­
veaux bénévoles qui suppléeront les soi­ ments et de matériels nécessaires, collectif d’asphyxie, on imagine toutes possible et, si cela ne suffisait pas, une tat est le même partout : même si de
gnants dépistés malades du Covid, qui ne puis propose un « protocole simplifié ces personnes âgées, seules dans leur sédation profonde et continue. très bonnes choses ont été faites dans
pourront plus travailler ? Jérôme Guedj sug­ pour la prise en charge symptomati­ chambre, en train de s’étouffer. La Dans ces trois Ehpad du Grand­Est, certains Ehpad, les soins palliatifs n’ont
gère la création d’une « réserve de volontaires que de la dyspnée sans intention de réalité est beaucoup plus nuancée. On pourtant relativement privilégiés sur globalement pas pu être mis en œuvre
pour le secteur médicosocial » que les départe­ sédation et de la détresse respiratoire peut mourir du coronavirus par épuise­ le plan médical, le personnel n’en a correctement », estime­t­il.
ments, au titre du grand âge dans leurs com­ avec sédation profonde chez un ment, sans passer par la détresse respi­ pas moins été démuni devant l’am­ Car l’accompagnement de fin de vie,
pétences, pourraient organiser. « Certains ont patient âgé “Covid +” en Ehpad » – pro­ ratoire », confirme Véronique Legrain. pleur et la brutalité des événements. ce n’est pas seulement des médica­
été proactifs pendant la crise. Mais la plupart tocole qui sera par la suite amplement « Sur les 29 résidents de notre Ehpad, Comment, dès lors, s’étonner que les ments, ni même un personnel soi­
ont raté le coche », assène l’ancien élu. relayé sur tout le territoire français. 27 ont été atteints du Covid, et douze en structures défavorisées aient été gnant attentif et aidant. La présence
Entre l’Etat et les départements qui cofi­ Enfin, il organise une astreinte d’infir­ sont morts, détaille Xavier Mattelaer, débordées ? Partout, les remontées des proches est un élément essentiel.
nancent les Ehpad, un autre dossier brûlant mières libérales susceptibles de venir médecin de soins palliatifs à la clini­ sont les mêmes : dans les établisse­ Or, les proches étaient interdits de
est sur la table. Les Ehpad réclament plu­ en renfort, la nuit, dans les Ehpad. A que de la Toussaint, grosse structure ments en difficulté, ce ne sont pas visites. Certains n’ont même été pré­
sieurs centaines de millions d’euros, « d’ici à partir du 30 mars, une astreinte télé­ médicale située au cœur de Stras­ tant les produits sédatifs qui ont man­ venus qu’après le décès, d’autres se
l’été », pour compenser leurs dépenses majo­ phonique avec numéro vert est mise bourg (Bas­Rhin) dont l’Ehpad a dû qué que le manque de personnel, et de sont vu refuser l’accès au dossier mé­
rées par la crise et le manque à gagner du fait en place, pour laquelle gériatres et gérer un cluster. « Au départ, on se di­ personnel formé. « Le plus souvent, les dical. « Il y a donc légitimement des
de l’arrêt des admissions. Emmanuel Maron experts en soins palliatifs se relaient sait : “Ils sont tous âgés, ils ont tous des Ehpad sont en lien conventionnel avec gens dans le doute, qui ne savent pas si
a promis une prime pour tous les soignants. vingt­quatre heures sur vingt­quatre comorbidités, donc ils vont tous mou­ une équipe de gériatrie hospitalière et leurs proches ont bénéficié d’un ac­
Les négociations commencent à peine pour et sept jours sur sept pour répondre rir d’une détresse respiratoire horrible.” une équipe de soins palliatifs. Mais, compagnement de qualité avant de
savoir ce que chacun mettra de sa poche.  aux sollicitations des Ehpad. Environ Mais, finalement, on a eu onze patients dans une crise aiguë comme celle­là, mourir », conclut M. Moutel. 
béatrice jérôme quinze appels sont reçus par jour. asymptomatiques – dont une rési­ lorsqu’il n’y a la nuit qu’une aide­soi­ catherine vincent

Epidémie de Covid-19 : situation au 5 mai, 14 heures

DÉCONFINEMENT DÉCÈS EN FRANCE HOSPITALISATIONS... ... PAR DÉPARTEMENT pour 100 000 habitants EN EUROPE

25 531
Synthèse des deux indicateurs Paris de 100 à 123 Royaume-Uni
retenus par le gouvernement : et départements Personnes 29 501 morts
de 50 à 100
circulation active du virus limitrophes hospitalisées 44 décès / 100 000 hab.
Guadeloupe de 25 à 50
et tension hospitalière
sur les capacités depuis le 1er mars Moins de 25
Italie
en réanimation dont 16 060 à l’hôpital
24 775 29 315 morts
Martinique et 9 471 en Ehpad 49 décès / 100 000 hab.

RÉAMINATION ET SOINS
Espagne
Mayotte INTENSIFS 25 613 morts
Au moins un 55 décès / 100 000 hab.
des deux facteurs
La Réunion
est rouge 3 340 France
Au moins un 2 972 Nouvelles admissions
25 531 morts
des deux journalières
38 décès / 100 000 hab.
facteurs Guyane
est orange 987
Allemagne (au 4 mai)
Les deux facteurs 771
6 993
sont verts
18 mars 5 mai 18 mars 5 mai 8 décès / 100 000 hab.
Infographie Le Monde Sources : Santé publique France, Johns Hopkins University
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4 | coronavirus JEUDI 7 MAI 2020

Le déploiement délicat des « brigades » du Covid­19

Un dispositif inédit devrait permettre de tester, de tracer et d’isoler les patients contaminés à partir du 11 mai

L
e 11 mai, un dispositif sa­ d’assurance­maladie (CPAM) a tif n’étaient toutefois pas tout à « Dans un deuxième temps, après « A un niveau plus large, ça va
nitaire d’une ampleur mobilisé 200 agents, soit presque fait arrêtés. Mardi 5 mai, certaines
Pendant une quinze jours ou trois semaines de être un casse­tête ; quid du patient
inédite démarrera en un cinquième de ses effectifs. Sur ARS étaient, par exemple, incapa­ première période fonctionnement, précise M. Rou­ qui prend la ligne 13 ? », demande
France. Pour briser les toute la France, 4 000 salariés de bles de dire si des équipes mobiles chon, on pourra envisager d’avoir Xavier Geanty, généraliste pari­
chaînes de transmission et ne la CPAM vont être affectés dans un – mises en place en lien avec le
de rodage, recours à d’autres structures et en sien. Autre interrogation : les la­
pas risquer une nouvelle flambée premier temps à ces plateformes préfet – allaient venir en soutien l’Assurance- tout état de cause sur la base d’un boratoires de ville seront­ils en
épidémique à l’heure du déconfi­ d’appel. A partir du 11 mai, chaque aux plates­formes téléphoniques. cahier des charges précis. » capacité de faire les tests de dé­
nement, tous les patients por­ patient diagnostiqué positif sera En Ile­de­France, de telles équipes
maladie a prévu Les médecins généralistes se­ pistage dans les plus brefs délais ?
teurs du Covid­19 et tous ceux recontacté après son passage chez sont en place depuis la mi­avril d’être seule ront en première ligne de ces « bri­ La principale critique porte sur
qu’ils auraient pu contaminer de­ son généraliste de manière à iden­ dans quatre hôpitaux de l’Assis­ gades d’anges gardiens », comme le traçage des patients. « J’ai l’im­
vront être testés, tracés et isolés. tifier toutes les personnes avec tance publique­Hôpitaux de Paris
à la manœuvre les a surnommées le ministre de pression que je vais devoir violer le
Pour y parvenir, une organisa­ qui il a eu un échange d’au moins (AP­HP) dans le cadre du pro­ la santé, Olivier Véran, le 2 mai. A secret médical, confie sous cou­
tion ad hoc a dû être construite de quinze minutes à moins d’un mè­ gramme « Covisan ». Cette fois, compter du 11 mai, si un patient vert d’anonymat un généraliste
toutes pièces en urgence – en seu­ tre depuis quarante­huit heures « c’est ni plus ni moins le déploie­ à s’appuyer dessus », explique Luc est testé positif, il leur sera de­ d’Orléans. On va devoir traquer les
lement une dizaine de jours –, avant l’apparition des symptô­ ment de Covisan à grande échelle, Ginot, directeur de la santé publi­ mandé d’inscrire son identité et gens. Même pour les patients at­
même si à ce stade toutes les mo­ mes. « On ne va pas rechercher les on passe à un niveau “industriel” », que à l’ARS. Alors que le premier de renseigner le maximum de teints de sida on n’a pas fait pas
dalités ne sont pas encore arrê­ personnes croisées dans la rue, ex­ résume­t­on à l’ARS Ile­de­France. ministre avait évoqué la possibi­ noms de personnes qui sont en­ ça. » « Ethiquement j’émets des ré­
tées. A la manœuvre : les méde­ plique Maxime Rouchon, le direc­ Chaque jour, ces intervenants se lité de mobiliser « des personnels trées en contact avec lui, en re­ serves. Il est hors de question qu’un
cins généralistes et, en appui, des teur du site. Mais on sait très bien rendent dans les familles où des des centres communaux d’action montant jusqu’à quarante­huit médecin déclare qui que ce soit
« brigades », comme les a quali­ que dans le milieu professionnel, le cas potentiels ont été signalés sociale, des mairies, des départe­ heures avant l’apparition des sans son accord », renchérit Jean­
fiées le premier ministre, patient n’aura pas forcément tous pour proposer un dépistage et un ments, ou [des personnes] mises à symptômes. Pour les encourager Luc Fontenoy, président du con­
Edouard Philippe, constituées de les contacts. Il y aura donc un tra­ isolement à l’extérieur du loge­ disposition par les grandes asso­ à poursuivre l’enquête au­delà de seil de l’ordre des médecins de Sei­
milliers d’agents de l’Assurance­ vail d’investigation pour recher­ ment si nécessaire. « Idéalement, ciations, par exemple la Croix­ la famille proche, outre les ne­Saint­Denis.
maladie et des agences régionales cher les coordonnées. » il faudrait avoir 500 équipes dé­ Rouge », ces contributions n’ont à 55 euros de forfait pour la consul­ Interrogée sur cette crainte de
de santé (ARS). ployées juste à Paris pour parvenir ce stade pas été retenues. tation, l’Assurance­maladie leur violation du secret médical, la
Le défi est colossal. En Ile­de­ Equipes mobiles à casser la chaîne des transmis­ A Bordeaux, on s’étonne de ne versera 2 euros « à chaque contact CPAM du Loiret assure que la
France, on s’attend par exemple à Objectif de tous ces appels : inviter sions et étouffer le virus », estime pas encore avoir été sollicité : « Les supplémentaire, pour le nom, le question ne se pose pas dans la
un millier de nouveaux cas les cas contacts à se faire tester, Jean­Sébastien Molitor, de l’ONG services de la ville et le maire se prénom, la date de naissance », et mesure où « [ses] agents y sont
Covid­19 par jour (contre 400 à gratuitement et sans prescription, Solidarités international, venu tiennent à la disposition de l’ARS 4 euros « s’ils trouvent les coordon­ eux­mêmes soumis ». Une loi
600 aujourd’hui), pour lesquels dans un laboratoire indiqué par la participer au projet. mais pour l’instant, les brigades nées permettant de le joindre ». fixant un cadre précis sur le
dix à vingt contacts en moyenne CPAM. Des masques seront égale­ Outre cet appui de terrain aux sanitaires, ça reste un point d’in­ champ des structures habilitées à
seront recherchés. Entre 10 000 et ment proposés. Les personnes CPAM, les ARS sont spécifique­ terrogation. Si les communes doi­ « Violer le secret médical » intervenir devrait être votée cette
20 000 personnes devraient donc contaminées seront par ailleurs ment chargées d’enquêter sur les vent être associées, il serait temps « Tracer le patient, c’est facile. Sa semaine. L’un des points les plus
être identifiées et appelées, invitées à rester confinées à leur « cas complexes » de contamina­ de s’en occuper, surtout qu’il y a famille, c’est déjà plus compliqué, délicats, à savoir divulguer le
même si l’ARS table plutôt sur la domicile pendant quatorze jours tion collective. Celle d’Ile­de­ d’autres priorités avec la rentrée, le si elle n’est pas trop nombreuse, je nom du patient contaminé lors
fourchette basse. Chaque départe­ ou à se rendre dans un héberge­ France, en collaboration avec des déconfinement, etc. » Dans le Gers, pourrai éventuellement deman­ de l’appel aux personnes contact,
ment français verra son niveau de ment préconisé par les services de ONG comme Médecins sans fron­ le département a déjà fait des of­ der l’aide de ma secrétaire, mais n’a pas encore été tranché. « Mais
déconfinement lié à l’efficacité de santé. « On s’assure aussi qu’il n’y a tières (MSF), déploie déjà des équi­ fres de service pour mettre à dis­ aller enquêter sur qui nos patients si on le fait, dans tous les cas, ce
son « système local de tests et de pas de difficultés pour se rendre au pes mobiles dans des foyers de position des agents pour apporter ont croisé, je n’aurai pas le sera avec l’accord du patient »,
détection des cas contacts », a pré­ laboratoire ou que l’isolement est migrants, des camps de sans­pa­ de l’aide alimentaire ou du sou­ temps », insiste Xavier Marc­Tu­ assure Maxime Rouchon. 
venu Matignon. possible à domicile », précise le di­ piers, des centres de demandeurs tien psychologiques. dor, généraliste à Nantes. Tous les françois béguin, stéphane
Dans le département du Bas­ recteur de la CPAM de Strasbourg. d’asile… En un mois, environ 230 Pendant une première période médecins interrogés sont scepti­ mandard, elisabeth pineau,
Rhin, où l’on anticipe de 60 à 120 A cinq jours de son lancement, sites ont été visités. « Tout ce qui a de rodage, l’Assurance­maladie a ques sur la faisabilité d’enquêter camille stromboni et
cas par jour, la Caisse primaire les contours définitifs du disposi­ fait ses preuves, on va continuer prévu d’être seule à la manœuvre. au­delà du seul cercle familial. faustine vincent

Application StopCovid : une sortie

ResteRchezsoi espérée « à partir du 2 juin » en France

pouRs’évadeR!
Le secrétaire d’Etat chargé du numérique a annoncé un nouveau
calendrier pour le projet destinée au traçage des malades

pouR faiRe vos choix D es premiers tests à partir

de la semaine du 11 mai ;
une présentation et un
vote au Parlement la semaine du
25 mai, conformément à la vo­
tionnent en « arrière­plan », c’est­
à­dire qui tournent en tâche de
fond mais qui ne sont pas concrè­
tement utilisées et affichées sur
l’écran de l’utilisateur. Or, le
plication ; et qu’elles ne pourront
en aucun cas accéder à la géoloca­
lisation GPS de l’utilisateur. Des
principes plutôt protecteurs, mais
qui n’ont pas convaincu le gouver­
lonté d’Edouard Philippe ; puis, si Bluetooth est l’outil central de nement français. Le projet Stop­
tout fonctionne, le déploiement l’application StopCovid, qui per­ Covid repose sur un autre sys­
en France envisagé à partir du mettra de déterminer si deux tème, davantage « centralisé » et
2 juin. C’est le calendrier prévu personnes ont été en contact pro­ « souverain », utilisant le proto­
pour l’application StopCovid, ac­ longé alors que l’une d’elles est cole « Robert » conçu par l’Inria.
tuellement développée en France malade du Covid­19. Consé­ La France espérait qu’elle pour­
par des chercheurs et des entre­ quence pratique : StopCovid ne rait bénéficier d’une exemption
prises sous la houlette du gouver­ fonctionnera à pleine capacité de la part d’Apple afin de pouvoir
nement, tel que l’a présenté, que si elle est en permanence affi­ accéder sans limitations au
mardi 5 mai, Cédric O, le secré­ chée par l’utilisateur d’un iPhone. Bluetooth pour son application.
taire d’Etat chargé du numérique, Cela devrait aussi être le cas sur la « Qu’une entreprise [Apple] qui,
sur l’antenne de BFM­TV. version de l’application prévue quelque part, ne s’est jamais aussi
Des incertitudes planent tou­ pour Android, Google étant sur bien portée en termes économi­
jours sur le fonctionnement une ligne similaire à celle d’Apple. ques qu’en ce moment n’aide pas
concret de ce projet d’application, un gouvernement à lutter contre la
qui devait originellement être Vie privée et accès aux données crise… On saura s’en souvenir le

découvRez nos sélections

présenté à l’Assemblée et au Sénat Ces limitations sont nécessaires moment venu », a regretté
la semaine dernière, en même pour empêcher tout type d’appli­ Cédric O mardi matin sur BFM­TV.
temps que le reste du plan de dé­ cation d’espionner les utilisa­ Plusieurs pays qui développent
confinement. Faute d’un proto­ teurs à leur insu, et aussi pour une application de suivi des con­
type suffisamment abouti, le protéger la durée de vie des batte­ tacts ont opté pour la solution
projet n’a pas été débattu. ries de téléphone, expliquent proposée par Apple et Google, à
Mais Cédric O a soutenu, mardi Google et Apple. Les deux entre­ commencer par l’Allemagne. Le
matin, qu’un premier jet de l’ap­ prises, dont les systèmes d’exploi­ Royaume­Uni, en revanche, est
plication serait bien fonctionnel tation pour appareils mobiles sur un modèle et un calendrier
au 11 mai pour une phase de (Android et iOS) équipent la qua­ proches du projet français.
tests. En revanche, l’un des si­totalité des smartphones des A Singapour, où la première ap­
points­clés qui limiteront le fonc­ Français, ont du reste proposé plication de ce type avait été déve­
tionnement de StopCovid ne sera une solution alternative : une in­ loppée, le gouvernement a dû
pas réglé à cette date : le secrétaire terface de programmation com­ changer de stratégie : bridé par les
d’Etat au numérique a confirmé, mune, qui ne sera pas soumise à mêmes problèmes d’accès au
mardi, que les discussions en ces limitations. Bluetooth, le gouvernement a
cours depuis deux semaines en­ Elles ont d’ailleurs présenté, instauré, dimanche, en complé­
tre la France et Apple n’avaient lundi 4 mai, les grands principes ment, un système de QR Code que
pas abouti. Le gouvernement et détails techniques de fonction­ les citoyens doivent scanner à
était engagé dans un bras de fer nement de cette interface. Parmi l’entrée des lieux publics.
avec l’entreprise californienne eux, le fait que les applications qui Un seul point fait, en tout cas,

Rejoignez-nous pour tenter d’obtenir une déroga­

tion spécifique, nécessaire pour
reposeront sur le système techni­
que créé par Apple et Google ne
consensus : une application ne
pourra jamais suffire pour retra­
faire fonctionner au mieux pourront être publiées que par cer tous les contacts et isoler les
StopCovid sur les iPhone. des Etats ; qu’il ne pourra y avoir patients à risque. En France, ce
En effet, Apple, autant que qu’une seule application l’utili­ suivi « manuel » sera effectué par
Google, limite l’accès aux cap­ sant par pays ; que les données l’Assurance­maladie et les agen­
teurs Bluetooth des smartphones collectées seront limitées ; que la ces régionales de santé. 
pour les applications qui fonc­ publicité sera interdite dans l’ap­ damien leloup
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JEUDI 7 MAI 2020 coronavirus | 5

Birmanie : une guerre ignorée redouble d’intensité

Le conflit entre l’armée et la guérilla arakanaise est de plus en plus âpre malgré la menace du virus

bangkok­ correspondant avoir récemment placé l’AA sur la

en Asie du Sud­Est liste des organisations « terroris­
tes », le pouvoir se fait menaçant à

C’
est une guerre in­ l’encontre des médias : un journa­
tense et violente qui liste d’une télévision de la ville de
explose à bas bruit Mandalay a brièvement été arrêté
dans le grand désor­ fin mars après diffusion sur sa
dre du monde : en Birmanie, dans chaîne de l’interview d’un porte­
le nord de l’Etat de l’Arakan, déjà parole de la guérilla.
marqué par la tragédie lors de la Une photo publiée sur le site du
violente répression militaire qui journal indépendant The Ir­
s’était abattue il y a trois et quatre rawaddy donne un aperçu crédi­
ans contre la minorité musul­ ble des dangers de la vie quoti­
mane des Rohingya – près de dienne dans les zones affectées
800 000 personnes enfuies au par le conflit : elle montre deux ca­
Bangladesh voisin et sans doute davres étalés sur la route du vil­
une dizaine de milliers de morts –, lage de Kyauk Seik après un bom­
un autre conflit presque ignoré re­ bardement d’artillerie qui a fait
double de violence. huit morts le 13 avril. L’article pré­
Le Covid­19, qui circule sans cise que l’armée a ensuite débar­
faire de ravages, n’empêche pas qué et arrêté près de quarante per­
que la guerre se poursuive dans ce sonnes soupçonnées de collusion
pays perpétuellement confronté avec l’AA.
depuis l’indépendance de 1948 Dans la ville de Mrauk U, an­
aux rebellions d’ethnies minori­ cienne capitale royale, un exem­
taires. Sur le plan sanitaire, l’épi­ ple de ce qui ressemble fort à de la
démie se chiffre, officiellement, à Une victime des tirs justice expéditive agite les cœurs
151 cas d’infections et six morts. croisés entre l’Arakan et les esprits : le 29 avril, un gara­
Pour 54 millions d’habitants… Army et l’armée giste de 26 ans du nom de Zaw Zaw
Ce conflit oppose l’armée bir­ régulière birmane, Oo a été retrouvé mort après son
mane et les combattants de l’Ara­ à Mrauk U, Etat de arrestation à un barrage de sol­
kan Army (AA), une guérilla d’en­ l’Arakan, en Birmanie, dats. Il avait été arrêté la veille avec
viron huit milliers d’hommes – et le 29 juin 2019. des photos « compromettantes »
de femmes – proclamant être en ANN WANG/REUTERS sur son téléphone portable. Selon
lutte pour forcer le gouvernement un habitant de Mrauk U, qui ra­
central à accorder un statut conte l’histoire au téléphone, « des
d’autonomie à leur Etat. Depuis militaires ont appelé le lendemain
que, début 2019, les véritables hos­ dominé par les Bamars [l’ethnie En tout, 150 civils auraient été devant la Cour de justice interna­ prétexte d’un possible soutien l’hôpital pour que des ambulan­
tilités ont été déclenchées entre majoritaire, représentant environ tués depuis le début de l’année. Le tionale de La Haye, la Birmanie des populations à la guérilla, en ciers viennent chercher son cada­
la Tatmadaw – l’armée régulière – 70 % de la population]. » 20 avril, un chauffeur transpor­ pourrait­elle se retrouver à nou­ profite pour pratiquer une politi­ vre ». Des clichés diffusés sur le
et les combattants arakanais, la si­ Comme souvent dans l’histoire tant des prélèvements de l’Orga­ veau sur la sellette ? que de la terre brûlée. « Les Occi­ Web montrent le corps sans vie du
tuation n’a cessé d’empirer. A des rebellions de Birmanie, ce sont nisation mondiale de la santé Il reste cependant difficile d’as­ dentaux ont réagi au calvaire des jeune homme, allongé dans une
l’audace des guérilleros, habiles à les populations civiles qui pâtis­ pour tester la population locale socier la violence parfois aveugle Rohingya mais on tue les Araka­ morgue, une femme en pleurs à
l’embuscade et n’hésitant plus à sent en premier de la guerre. au Covid­19 a été abattu au volant de l’armée avec la stratégie d’épu­ nais dans l’indifférence générale », ses côtés.
assiéger des places fortes de l’ar­ L’ONG Arakan Information Cen­ d’un véhicule pourtant marqué ration ethnique précédemment déplore le jeune homme. La revendication d’autonomie
mée, répond la violente réplique ter, basée en Malaisie, a comptabi­ « ONU ». Les adversaires se sont mise à l’œuvre contre les Rohin­ de la guérilla arakanaise s’ancre
des gouvernementaux. Ces der­ lisé 45 morts non combattants mutuellement accusés de la res­ gya. Cette fois l’ennemi est boudd­ Le regret d’un passé glorieux dans le regret d’un passé glo­
niers, en dépit de leur puissance de pour la seule première moitié ponsabilité de l’incident. histe et parle une langue proche Des photos et des vidéos circulent rieux : entre 1430 et 1784, l’Arakan
frappe supérieure, sont régulière­ d’avril. Juste avant la fin de son mandat du birman, alors que les Rohingya sur Internet et les réseaux so­ fut un royaume indépendant,
ment mis en échec par les rebelles. en tant que rapporteuse spéciale sont souvent désignés comme ciaux, montrant des MIG­29 de fa­ dont l’armée birmane s’empara il
« L’offensive de la dernière saison de l’ONU pour le Myanmar (nom des étrangers et traités de « Benga­ brication russe lâchant des bom­ y a deux cent trente­six ans. La
INDE
sèche par les forces combinées de officiel de la Birmanie), la diplo­ lis » en raison de leurs proximité bes au pied de montagnes, des hé­ date est inscrite au fer rouge dans
l’armée, de l’aviation et de la ma­ BANG. mate sud­coréenne Lee Yanghee a linguistique, religieuse et cultu­ licoptères survolant des villages la conscience collective. Comme
rine contre l’AA a été la plus ample, accusé, le 29 avril, la Tatmadaw de relle avec le Bangladesh voisin. en feu, mais aussi des civils gardés l’explique l’historien Jacques Lei­
la plus intense et la plus longue de BIRMANIE « violer systématiquement les L’accusation de crimes de par l’armée dans des camps de re­ der, représentant à Bangkok et
toutes les opérations militaires principes les plus fondamentaux guerre est cependant plausible : groupement. Le conflit a provo­ Rangoun de l’Ecole française d’ex­
Mandalay
menées en un peu plus de soixan­ au regard des lois internationales « Les soldats birmans tirent sur les qué la fuite d’environ 160 000 per­ trême orient (EFEO), « les Araka­
te­dix ans d’indépendance », af­ Mrauk U sur les droits de l’homme ». Elle a gens et brûlent les maisons, ils sont sonnes. Mais ces témoignages vi­ nais paraissent perpétuellement
firme l’analyste Tony Davis, cor­ Sittwe Naypyidaw également évoqué l’éventualité dingues ! », raconte au téléphone suels, quoique vraisemblables, tournés vers un passé figé autour
respondant en Asie du Sud­Est de de « crimes de guerre et de crimes depuis Sittwe, capitale de l’Ara­ sont difficilement vérifiables. de la mémoire de leur royaume dé­
la revue Jane’s Defence Weekly, contre l’humanité » perpétrés par kan, un jeune homme deman­ Le conflit ne peut plus être cou­ funt. Mais dans le contexte actuel,
spécialisée dans les questions mi­ Golfe Etat de l’Arakan l’armée. dant que son nom ne soit pas vert de manière indépendante, les invocations d’indépendance ou
du Bengale
litaires. Il ajoute : « L’ampleur de (Rakhine) Après avoir été accusée de géno­ mentionné. Des membres de sa une grande partie du nord de de large autonomie semblent dé­
ces opérations reflète la menace cide par l’ONU à propos de la ques­ famille ont vu, comme beaucoup l’Etat étant interdite aux journa­ nuées d’un sens concret des réali­
sans précédent que représente 200 km tion des Rohingya et appelée à d’autres, leurs villages incendiés listes et aux étrangers en général. tés géopolitiques et sociales ». 
l’Arakan Army pour un Etat central comparaître en décembre 2019 et pillés par l’armée. Qui, sous Internet a été coupé et, après bruno philip

Rodrigo Duterte suspend la principale chaîne des Philippines

En pleine pandémie, ABS­CBN, souvent ciblée par le dirigeant populiste, a cessé d’émettre en raison du non­renouvellement de sa licence

A BS­CBN, au service des

Philippins. On rend l’an­
tenne. » C’est ainsi que la
chaîne de télévision la plus regar­
dée de l’archipel aux mains de
« La délivrance d’une information
précise et dans les meilleurs délais
est essentielle dans notre lutte con­
tre le Covid­19 », a lancé mardi la sé­
natrice Risa Hontiveros.
ville du sud du pays, M. Duterte
avait été surnommé « le punis­
seur », pour avoir déjà mis en
place, hors de tout cadre judiciaire,
des escadrons de la mort contre la
« Juste parce
que vous êtes
journaliste,
antennes locales n’ont pu l’être,
c’est du fait des limites de temps
de parole qui ont également af­
fecté ses concurrents.
Le groupe de presse est, depuis
un voile habilement conçu », et en
lançant une chaîne payante.
Mais le président n’a jamais fait
mystère de sa haine pour ce mé­
dia. Il a, un temps, semblé vouloir
Rodrigo Duterte a cessé d’émet­ Quatre ans après l’élection à la petite délinquance. vous n’êtes pas trois générations, aux mains des amadouer ses propriétaires, en
tre, mardi 5 mai au soir, sous les présidence du dirigeant populiste, Or les caméras d’ABS­CBN ont Lopez, une richissime famille éga­ nommant, en 2016, Gina Lopez,
coups de boutoir d’un président le climat s’est nettement détérioré également fait la chronique de
à l’abri lement présente dans la distribu­ fille du président du groupe,
ne dissimulant pas son hostilité dans les médias philippins. Sur­ cette dérive, en suivant aussi tard d’un assassinat » tion d’électricité et le secteur ma­ Eugenio Lopez III, ministre de l’en­
envers les médias qui osent le cri­ tout ceux qui ont couvert en pro­ que nécessaire dans la nuit les nufacturier. Cette dynastie s’était vironnement. Mais cette activiste
RODRIGO DUTERTE,
tiquer. La Commission des télé­ fondeur sa sanglante guerre con­ équipes de la police scientifique déjà retrouvée sous le feu du dicta­ écologiste a agacé le chef de l’Etat
président des Philippines
communications, organe gouver­ tre la drogue, qui, selon la Com­ qui ramassent les cadavres dans teur tant admiré par Duterte, et les hommes d’affaires du sec­
nemental, a ordonné la suspen­ mission des droits de l’homme du les quartiers à risque de Manille. Ferdinand Marcos, qui fit saisir la teur minier qui le soutiennent, et
sion de la diffusion au lendemain pays, pourrait avoir fait plus de « Juste parce que vous êtes jour­ chaîne dès l’instauration de la loi elle n’a pas été confirmée par le
de la date d’échéance de la licence 27 000 victimes lors d’exécutions naliste, vous n’êtes pas à l’abri d’un journalistes seraient aux mains de martiale en 1972, la plaça sous le Congrès dix mois plus tard. Elle a
du groupe de médias, qui n’a pour extrajudiciaires (plus de 5 500, assassinat si vous êtes un fils de la CIA américaine – qui sont repri­ contrôle d’un homme d’affaires succombé à un cancer en 2019.
l’heure pas été renouvelée par un selon la police). pute, avait menacé le président le ses ensuite par l’entourage du chef affidé pour la transformer en or­ L’approche de la date du renou­
Parlement majoritairement ac­ 1er juin 2016, au lendemain de son de l’Etat et enfin par M. Duterte lui­ gane de propagande, jusqu’à sa vellement de la licence d’ABS­
quis au chef de l’Etat. Armée de trolls élection, plantant ainsi le décor de même, lorsque le doute a déjà in­ chute, en 1986, et la restitution CBN, qui était valable vingt­cinq
La suspension survient alors que L’administration Duterte a déjà son mandat. La liberté d’expression fusé chez une partie des citoyens. d’ABS­CBN au clan Lopez. Ce média ans, est devenue pour M. Duterte
les Philippines font face à la propa­ lancé de multiples procès contre ne vous aidera en rien si vous vous Malgré tout le sang versé, l’opi­ particulièrement influent compte un moyen de pression plus évi­
gation du Covid­19, qui a conta­ Maria Ressa, la rédactrice en chef êtes mal comporté. » Dans l’impu­ nion, épuisée par l’insécurité et aujourd’hui 11 000 employés et de dent. Fin décembre 2019, alors
miné 9 684 habitants de l’archipel du site d’information Rappler, qui nité qui s’est imposée depuis qua­ abreuvée de sa communication, multiples chaînes de télévision et qu’il s’exprimait face aux survi­
et causé la mort de 637 d’entre eux. a contribué à révéler le fonction­ tre ans, seize journalistes ont été continue de soutenir largement le de radio, diffusant séries romanti­ vants d’un séisme dans le sud du
Le président a ordonné à la police nement de cette campagne d’exé­ abattus, dont le dernier, un repor­ président dans les sondages. ques, matchs de basketball, et son pays, il intimait à la famille Lopez
d’abattre ceux qui se montre­ cutions sommaires : comment les ter de radio locale de 48 ans, mardi. M. Duterte accuse par ailleurs le rendez­vous d’information de la de céder le géant de l’audiovisuel :
raient réfractaires au confine­ policiers sont devenus des tueurs En parallèle à ses attaques contre groupe ABS­CBN d’avoir refusé de soirée, « TV Patrol ». « Quant à ABS, votre licence va ex­
ment décrété sur l’île principale, à gage abattant les jeunes des bi­ les médias, le président Duterte a diffuser ses spots de campagne Pour la forme, l’administration pirer, et vous essayez de renouve­
Luzon. L’opposition dénonce un donvilles qui oubliaient leurs mal­ lancé une armée de trolls sur les quatre ans plus tôt, ce que son PDG de M. Duterte accuse ABS­CBN ler. Je ne sais pas ce qui va vous ar­
calendrier particulièrement nocif heurs dans la fumée de métham­ réseaux sociaux. Ils y propagent a démenti : toutes ses publicités d’avoir enfreint les termes de sa li­ river, avait lancé le président. Si
pour s’en prendre au premier vec­ phétamine. Durant ses vingt ans à les rumeurs – comme celle selon nationales ont été diffusées et si cence en laissant des investisseurs j’étais vous, je vendrais. » 
teur d’information des Philippins. la mairie de Davao, une grande laquelle Maria Ressa et d’autres une poignée de spots destinés aux étrangers entrer au capital, « par harold thibault
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6 | coronavirus JEUDI 7 MAI 2020

En Allemagne, l’extrême droite à la peine

L’AfD veut précipiter le déconfinement, mais le gouvernement tire profit de sa bonne gestion de la crise

magdebourg (allemagne) ­ niste passé à l’extrême droite ne

envoyé spécial cache pas son incompréhension :
« En 2018, la grippe a fait

F
ace à la scène aux cou­ 25 000 morts en Allemagne et il ne
leurs du parti d’ex­ s’est rien passé. Cette année, alors
trême droite Alterna­ que nous avons 6 000 morts à
tive pour l’Allemagne cause du coronavirus, le gouver­
(AfD), un parterre de nement nous prive de nos libertés
20 mètres sur 40 a été et met notre économie à l’arrêt. On
réservé pour le public. A l’inté­ marche sur la tête ! »
rieur de cet espace délimité par Membre du Bundestag, Martin
des barrières métalliques, des Reichardt partage cet avis. « A
autocollants ont été disposés tous cause des décisions prises par le
les 2 mètres, afin que chacun res­ gouvernement, des dizaines de
pecte les règles de distanciation milliers de petits entrepreneurs ne
sociale. Mais ce mercredi 29 avril, peuvent plus travailler et sont
sur la grande place de Magde­ aujourd’hui obligées de lutter
bourg (Saxe­Anhalt) où l’AfD a ap­ pour leur survie. Et quand on ose
pelé ses partisans à protester con­ soulever le problème, Mme Merkel
tre les mesures de confinement s’indigne en dénonçant des “or­
mises en place dans le cadre de la gies de discussions” qui n’ont pas
lutte contre le Covid­19, seule une lieu d’être », explique à la tribune
poignée d’entre eux assistera au cet ancien officier de la Bun­
meeting dans le quadrilatère deswehr, citant une expression
prévu à cet effet. La majorité des de la chancelière allemande rap­
participants, un peu plus de portée par la presse quelques
200 personnes au total, choisira jours plus tôt et surexploitée par
de rester derrière les barrières. Là ses adversaires.
où il n’y a pas de marquage au sol.
Là où on n’est pas obligé de « s’ali­ Incohérence
gner comme des soldats », expli­ Car pour l’extrême droite alle­
que une jeune femme. Là où on mande, l’affaire est entendue. Les
peut « garder sa liberté de mouve­ autorités, selon elle, dramatisent
ment sans être parqué comme du de façon inconsidérée la gravité du
bétail », complète son petit ami. Covid­19. Notamment dans les
La liberté. C’est précisément au Länder de l’est du pays, où le virus
nom de cette valeur que l’AfD, ce a fait relativement peu de victi­ Manifestation des membres de l’AfD, à Magdebourg en Saxe­Anhalt, 29 avril. KLAUS-DIETMAR GABBERT / DPA VIA AFP
29 avril, affirme avoir organisé mes. C’est le cas en Saxe­Anhalt,
cette réunion publique. « Depuis où, le 29 avril, jour du meeting de
quelques semaines, toutes nos li­ l’AfD, seulement 39 personnes d’année, le parti d’extrême droite, vernement, l’AfD sait qu’il s’ex­ les libertés menacées, selon eux,
bertés se sont réduites comme peau avaient succombé du Covid­19, devenu la première force d’oppo­ ALTERNATIVE  pose à des accusations d’incohé­ par la politique du gouverne­
de chagrin. On ne peut plus circuler selon l’institut fédéral de santé sition au Bundestag en 2017, dans POUR L’ALLEMAGNE rence. Les réseaux sociaux ne se ment contre le Covid­19. Très actif
comme on veut, on ne peut plus se publique Robert­Koch. « Trente­ la foulée de la crise des réfugiés, sont pas privés de le rappeler, met­ sur les réseaux sociaux, ce mou­
réunir avec qui on veut. Ce sont là neuf morts en Saxe­Anhalt, bien sûr plafonne aujourd’hui à 10 %­11 %.  JOUE À FOND  tant en vis­à­vis les appels des res­ vement hétéroclite qui revendi­
des atteintes sans précédent à nos que c’est triste ! Mais est­ce que cela Dans le contexte actuel, favora­ ponsables du parti en faveur d’in­ que plus de 100 000 membres, ce
libertés, et tout ça sans la moindre justifie qu’on mette tout un Land à ble aux partis au pouvoir, conser­ LA CARTE DE LA DÉFENSE  terdictions de circulation aussi qui est sans doute exagéré, se pré­
raison quand on connaît la gravité l’arrêt pour autant ? Nous sommes vateurs et sociaux­démocrates, et strictes que possible, mi­mars, tend totalement indépendant
très relative du virus », explique au une des régions les moins touchées compliqué pour l’ensemble des
DES LIBERTÉS avec leurs plaidoyers actuels pour des partis existants, et assure
Monde Oliver Kirchner, chef de file d’Allemagne et on nous paralyse en formations d’opposition, l’AfD a un retour immédiat à la normale. n’avoir en tête que l’attachement
des députés d’extrême droite au tuant notre économie. C’est crimi­ donc décidé de jouer à fond la Un changement de pied à 180 de­ aux droits fondamentaux.
Parlement de Saxe­Anhalt, juste nel », s’indigne M. Kirchner. carte de la défense des libertés. XXe siècle : celle du nazisme et celle grés en l’espace de six semaines… Pour l’AfD, ce terreau de
avant le début du meeting. Pour l’extrême droite alle­ Libertés économiques, d’abord, du communisme. Nous n’allons Mais en réalité, le parti d’ex­ mécontentement représente
A la tribune, pendant une heure mande, cette position maxima­ celles des petits entrepreneurs, pas maintenant nous soumettre à trême droite se soucie assez peu aujourd’hui un défi. Un peu plus
et demie, les orateurs se relaie­ liste, qui consiste à réclamer une notamment des restaurateurs, celle d’un gouvernement qui se de ces zigzags. A l’heure où l’Alle­ d’un an avant les prochaines lé­
ront pour étayer cette thèse. A levée immédiate de toutes les res­ des cafetiers et des hôteliers, tou­ sert d’un virus pour nous mettre magne déconfine prudemment, gislatives, le parti d’extrême
l’instar de Robert Farle, secrétaire trictions décidées depuis la mi­ chés de plein fouet par la crise. au pas en nous tétanisant de l’AfD fait le pari de pouvoir récu­ droite entend s’adresser aux lais­
général du groupe AfD à l’assem­ mars, peut apparaître comme un Libertés politiques, ensuite, no­ peur », explique ainsi Jörg Benth­ pérer tous les impatients, ceux sés­pour­compte de la crise du
blée de Saxe­Anhalt, un des Län­ pari très hasardeux. Selon les son­ tamment à l’est de l’Allemagne, mann, maçon à la retraite, venu pour qui le mouvement va coronavirus. En espérant que ce
der où ce parti réalise ses plus dages, seule une petite minorité où le parti d’extrême droite n’hé­ assister au meeting de l’AfD à aujourd’hui trop lentement. C’est choix lui profitera autant, sinon
gros scores, bien au­delà de 20 %. d’Allemands, entre 10 % et 20 %, site pas à rattacher les mesures Magdebourg. notamment le cas de tous ces ci­ davantage, que la dernière crise
Pour lui, le Covid­19 n’est « pas souhaiterait en effet que le décon­ prises dans le cadre de la lutte En demandant un déconfine­ toyens en colère qui, sous le mot qui a secoué l’Allemagne : celle
plus grave qu’une grippe ordi­ finement aille plus vite que prévu. contre le coronavirus à la longue ment total et immédiat, un mois d’ordre « Widerstand 2020 » (« Ré­ des réfugiés, en 2015­2016, qui,
naire ». Vêtu de noir de la tête aux Quant à l’AfD, depuis le début de lignée des souffrances subies par et demi après avoir été en pre­ sistance 2020 »), se sont récem­ elle, était survenue un peu moins
pieds, du blouson à la casquette l’épidémie, ses intentions de vote cette partie du pays au cours des mière ligne pour réclamer un con­ ment rassemblés dans plusieurs de deux ans avant les élections
en passant par les lunettes aux ont sensiblement reculé. Crédité dernières décennies. « Nous finement beaucoup plus strict villes du pays, comme à Stuttgart, législatives. 
verres fumés, cet ancien commu­ de 14 %­15 % des voix en début avons connu deux dictatures au que celui mis en place par le gou­ dimanche 3 mai, pour défendre thomas wieder

En Europe, à ce jour , le virus nuit aux droites populistes

De Vienne à Madrid, les partis les plus radicaux multiplient les critiques mais celles­ci ne sont guère payantes face à l’urgence sanitaire

vienne, malmö (suède), madrid, M. Kurz a privé l’extrême droite de tes du premier ministre Stefan les concertations depuis le début l’on peut voir l’artère principale ment le président de cette forma­
bruxelles ­ correspondants son argument­phare. Löfven. Le Covid­19 a tout changé. de l’épidémie. du centre de Madrid, la Gran Via, tion, créditée de plus de 27 % des
Face à cela, le parti a basculé le M. Akesson a d’abord tenté de cri­ recouverte de cercueils. voix en Flandre, ce qui en ferait le

D ans plusieurs pays, l’ex­

trême droite a du mal à
imposer son discours
contestataire face à l’urgence de
la situation sanitaire. En Belgique,
27 avril dans une direction oppo­
sée en accusant le pouvoir d’en
faire trop et a lancé une pétition
contre ce qu’il appelle « la folie
corona ». En essayant de séduire
tiquer la décision du gouverne­
ment de ne pas confiner le pays, ni
de fermer les écoles. Sans succès,
car une très grosse majorité des
Suédois soutient cette stratégie.
Espagne : les vaines provoca­
tions de Vox Depuis le début de la
crise sanitaire, le pari d’extrême
droite Vox accuse le gouverne­
ment de gauche d’être « respon­
Le 20 avril, Vox a à son tour dé­
posé une plainte contre le pre­
mier ministre, Pedro Sanchez,
pour avoir porté « atteinte aux
droits des travailleurs » sanitaires
premier parti de la région.
L’objectif de Tom Van Grieken,
dont la formation n’a jamais pu
accéder au pouvoir, est de profiter
d’une situation inédite : le gou­
le Vlaams Belang est l’un des rares les commerçants durement tou­ Il a ensuite changé d’angle d’at­ sable » des morts du Covid­19 en en ne leur fournissant pas le ma­ vernement minoritaire de la pre­
à tirer son épingle du jeu. chés par la crise, son numéro taque. Le leader des SD accuse dé­ lui reprochant essentiellement tériel de protection adéquat. Mais mière ministre libérale Sophie
deux, Herbert Kickl, a ainsi sormais le gouvernement de ne d’avoir autorisé les manifesta­ il n’est pas sûr que la stratégie de Wilmès est soutenu, pour quel­
Autriche : panne stratégique reproché au gouvernement son pas en faire assez pour soutenir tions féministes du 8 mars, où confrontation virulente de Vox lui ques semaines encore, par dix
pour le FPÖ Alors que le gouver­ « alarmisme » destiné « à faire les entreprises et les salariés. Là plusieurs participants ont été soit très favorable électoralement. partis. Parmi eux, l’Alliance néo­
nement écolo­conservateur di­ peur à la population » et a de­ encore, il semble avoir du mal à se contaminés. Une députée de Vox, Selon le dernier sondage du Cen­ flamande (N­VA), le parti nationa­
rigé par Sebastian Kurz surfe sur mandé une accélération de la sor­ faire entendre. Le Parti social­dé­ Maria Ruiz, a accusé le vice­prési­ tre d’enquêtes sociologiques, Vox liste et conservateur de Bart De
la bonne situation du pays sur le tie du confinement. La pétition mocrate est repassé en tête, avec dent du gouvernement, Pablo stagne autour de 13 % des voix. Wever. L’objectif de l’extrême
front de l’épidémie, le Parti de la du FPÖ n’avait récolté que 40 000 29 % d’intentions de vote, contre Iglesias (Podemos, gauche radi­ droite est d’affaiblir la N­VA pour
liberté d’Autriche (FPÖ) obtient signatures à la date du 4 mai. 21 % pour SD. Quant au premier cale), d’avoir laissé « des milliers de Belgique : le pari flamand du l’amener ensuite à négocier une
des intentions de vote d’à peine ministre, M. Löfven, sa cote de nos anciens enfermés et condam­ Vlaams Belang Le parti d’ex­ entente qui lui permettrait de réa­
10 % des voix, bien loin de 26 % Suède : les SD en chute libre Dé­ popularité atteint 44 %, contre nés à mort » dans les Ehpad. trême droite flamand Vlaams Be­ liser son objectif : prendre en
obtenus aux législatives de 2017. but mars, rien ne semblait pou­ 27 % pour M. Akesson. L’extrême Le 16 avril, le Parti socialiste lang (VB) entend tirer profit de la mains les rênes de la Flandre et
Les intentions de vote pour les voir arrêter Jimmie Akesson, le droite suédoise a au moins une ouvrier espagnol (PSOE) au pou­ crise et de sa gestion parfois chao­ assurer son indépendance. 
élections régionales prévues le leader des Démocrates de Suède raison de se réjouir : tenue à voir a porté plainte contre Vox tique. « Ce pays vit non seulement jean­baptiste chastand,
11 octobre à Vienne sont encore (Sverigedemokraterna, SD) que l’écart jusqu’à présent des négo­ pour la diffusion de mensonges une crise politique, doublée d’une anne­françoise hivert,
plus catastrophiques. En décidant tous les sondages donnaient en ciations multipartites au sein du après la diffusion d’une photo crise sanitaire, mais aussi une crise sandrine morel
très vite de fermer les frontières, tête, devant les sociaux­démocra­ parlement, SD a été inclus dans manipulée publiée sur Twitter, où de système », expliquait récem­ et jean­pierre stroobants
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JEUDI 7 MAI 2020 coronavirus | 7

Salvini fragilisé par Jean­Yves Camus : « La droite radicale

la crise dans le fief aime l’idée des causes cachées »
de la Ligue en Italie Pour le spécialiste de l’extrême droite, la pandémie permet à ces partis européens
de développer leur vision complotiste du monde, avec des résultats disparates selon les pays
L’ex­ministre, privé de meetings, est peu
audible car la Lombardie, dirigée par son ENTRETIEN européen de Vox, l’Espagnol Jorge
« TOUS ONT FAIT PORTER 
meilleurs scientifiques n’ont pas
Buxadé. Les plus radicaux vont réussi à cerner. Mais l’électeur le­
parti, a été débordée par la pandémie

rome­ correspondant
LA LIGUE RESTE 
J ean­Yves Camus, directeur de
l’Observatoire des radicalités
politiques de la Fondation
Jean­Jaurès et senior fellow au
Centre for the Analysis of the
jusqu’à annoncer la mise en place
d’une société orwellienne : Ma­
rian Kotleba, leader de l’extrême
droite slovaque, est persuadé que
le traçage aboutira à ce qu’on vous
LEURS DISCOURS 
SUR LA QUESTION 
DU RETOUR 
péniste ne croit pas aux aléas :
pour lui le pouvoir « sait » et s’il hé­
site, c’est qu’il « cache ».

Les partis d’extrême droite

L e coup n’était pas mal

monté, et en d’autres
temps il aurait sans doute
eu un certain succès. Dans la
nuit du 29 au 30 avril, plusieurs
LE PREMIER PARTI EN 
MATIÈRE D’INTENTIONS 
DE VOTE, MAIS ELLE 
Radical Right (CARR) analyse les
différents positionnements des
extrêmes droites européennes
face à la gestion de la pandémie.
implante des puces sous la peau.

Pourquoi la défense des liber­

tés publiques est elle très pré­
sente dans leur rhétorique ?
AUX FRONTIÈRES »

ciers percutés par une voiture le

gagnent­ils des points à
la faveur de la crise sanitaire ?
Pas partout. En Italie, Matteo Sal­
vini [Ligue] a ainsi tiré à boulets
rouges sur le gouvernement
dizaines de sénateurs de la Ligue Les partis d’extrême droite Les droites radicales entendent 27 avril dans les Hauts­de­Seine]. Conte. Un exercice obligé, puis­
(extrême droite, opposition),
EST DESCENDUE  européens tiennent­ils les mê­ montrer qu’un double standard Ses tropismes habituels. qu’il en était sorti… mais qui ne lui
emmenés par leur dirigeant, SOUS LES 30 % mes discours face à la crise ? s’appliquerait. D’un côté, la res­ profite pas dans les sondages.
Matteo Salvini, ont « occupé » Leurs réponses sont adaptées triction des libertés du citoyen et Elle accuse également le gou­ Pour d’autres, cela semble fonc­
l’hémicycle de la Chambre haute par pays en fonction des mesures de l’autre, le laxisme vis­à­vis de vernement français de mentir tionner. Le Vlaams Belang belge
italienne, pour dénoncer le blo­ gauche) et le Mouvement 5 étoi­ de confinement. Là où il a été le catégories de population qui ne sur « absolument tout »… est ainsi repassé en tête dans les
cage de l’économie, les retards les (antisystème), naguère allié plus strict, les droites radicales ont respecteraient pas le confine­ L’obsession de Marine Le Pen re­ intentions de vote en Flandre. Il a
dans le versement des aides pro­ de la Ligue, dont l’inexorable dé­ instruit un réquisitoire contre un ment. Nigel Farage, fondateur de pose sur l’idée d’un « mensonge d’ailleurs traité la crise du Covid­19
mises, les limitations de la li­ clin des derniers mois paraît pouvoir jugé incompétent et men­ UKIP [le Parti pour l’indépendance d’Etat », positionnement cohérent presque uniquement en fonction
berté de circuler et, plus large­ avoir été stoppé par l’épidémie. teur. Là où les mesures ont été plus du Royaume­Uni], se plaint d’avoir avec la nature de parti antisystème des prochaines échéances électo­
ment, la mise entre parenthèses En se montant très offensif sur légères, les critiques des droites été visité par la police parce qu’il du Rassemblement national. Ce­ rales et de sa concurrence avec la
des pouvoirs parlementaires la scène européenne, réclamant nationalistes l’ont elles aussi été. Si était allé à Douvres tourner un re­ lui­ci perdrait sa crédibilité à se ral­ N­VA [parti nationaliste flamand]
par le gouvernement Conte, à ses partenaires la mutualisa­ les Démocrates suédois et le Fo­ portage sur l’arrivée de migrants. lier à l’union nationale puisque sa de Bart De Wever. Un exemple : ce
pour cause de crise sanitaire. tion des dettes liées à la crise et rum pour la démocratie néerlan­ Marine Le Pen, elle, tonne contre vision du monde repose sur l’op­ dernier a fait distribuer des docu­
Pendant quelques heures, les refusant de privilégier le re­ dais ont pointé des insuffisances des banlieues qu’elle nomme position entre le peuple et les éli­ ments d’informations multilin­
selfies de parlementaires mas­ cours au seul Mécanisme euro­ de leurs gouvernements, Jimmie « zones de non­droit », contre les tes, les « enracinés » et les « noma­ gues à la population anversoise. Il
qués ont envahi les réseaux so­ péen de stabilité (MES) pour ob­ Akesson [leader des Démocrates libérations de détenus ou encore des », les « patriotes » et les « mon­ a été pris à partie par le Vlaams
ciaux, relayés par les habituels tenir des liquidités, le gouverne­ de Suède, SD, extrême droite] s’est contre la réponse jugée faible aux dialistes ». Le président de la Répu­ Belang pour qui, je cite, il fallait
vecteurs de la Ligue. Mais au pe­ ment prive par ailleurs le diri­ borné à critiquer le « package » fi­ actes terroristes de Romans­sur­ blique et le ministre de la santé protéger « les nôtres d’abord » et
tit matin, le happening a pris geant de la Ligue d’un de ses nancier présenté pour aider l’éco­ Isère [deux personnes poignardées [Olivier Véran] expliquent, à raison, n’informer qu’en néerlandais. 
fin, plutôt piteusement. C’est meilleurs arguments électo­ nomie en Suède et le Néerlandais mortellement dans la Drôme le qu’on est face à une crise sanitaire propos recueillis par
que, cette fois, l’initiative a pro­ raux : la dénonciation de la sou­ Thierry Baudet [Forum pour la dé­ 4 avril] et de Colombes [deux poli­ inédite et avec un virus que les lucie soullier
voqué beaucoup plus de raille­ mission de l’Italie aux diktats de mocratie, FvD] a même soutenu le
ries que d’éloges. Comment, en Bruxelles et des marchés. premier ministre des Pays­Bas,
effet, l’ancien ministre de l’inté­ Plus grave encore, pour la Li­ Mark Rutte, face aux pays du sud
rieur peut­il dénoncer la mise gue, est le fait que la crise due au de l’Europe. On retrouve tout de
de côté du Sénat, alors que, de­ coronavirus a frappé au cœur la même les points communs habi­
puis le début de la législature, il Lombardie, qui était depuis des tuels entre l’ensemble des partis
s’est plus mis en scène sur les années la vitrine de son savoir­ de droite radicale : tous ont fait
plateaux de télévision qu’au faire et le gage de sa capacité à porter leurs discours sur la ques­
Parlement ? Et est­il le mieux gouverner. Ainsi les tergiversa­ tion du retour aux frontières.
placé pour dénoncer la mise en­ tions initiales du gouverneur de
tre parenthèses du contrôle la région, Attilio Fontana, puis Tous tirent donc sur les mêmes
exercé par le pouvoir législatif, les images des hôpitaux lom­ leviers idéologiques ?
lui qui, lors du déclenchement bards débordés par l’afflux de Ils ont en commun de répéter
de la crise gouvernementale qui malades risquent­elles d’avoir qu’ils étaient les premiers à avoir
lui fut fatale, à l’été 2019, récla­ des conséquences durables averti des dangers de la délocalisa­
mait les « pleins pouvoirs » ? dans l’opinion. Matteo Salvini tion d’industries stratégiques, de
pourra­t­il continuer à vanter l’immigration et d’une mondiali­
Très offensif partout dans le pays l’excellence sation qui génère des mouve­
Depuis quelques semaines, le di­ lombarde après un tel fiasco ? ments incessants et massifs des
rigeant de la Ligue semble avoir En comparaison, la position de personnes. Norbert Hofer, du FPÖ
perdu la main. Privé d’estrades la dirigeante de Fratelli d’Italia, [Parti de la liberté d’Autriche], ne
et de tribunes par le confine­ Giorgia Meloni, mieux implan­ cesse de rappeler avoir été le pre­
ment, qui a comme suspendu la tée dans le Sud que dans le Nord mier à réclamer des contrôles
campagne électorale perma­ et dont les positions sur l’Eu­ sanitaires aux aéroports, tout
nente dans laquelle il est engagé rope et les migrants sont très si­ comme Marine Le Pen sur la fer­
depuis plus de deux ans, sevré milaires, est plus confortable. meture des frontières en France.
des selfies et des bains de foule Mais celle­ci n’est peut­être Ils affirment aussi tous que
qui étaient jusqu’à il y a peu son pas la concurrente la plus dan­ l’Union européenne est une créa­
carburant quotidien, Matteo gereuse, à court terme, pour tion non naturelle, l’ordre du
Salvini hésite, depuis deux M. Salvini. En effet, la menace monde étant celui des Etats na­
mois, entre deux attitudes in­ pour son leadership pourrait tions. Enfin, il y a la critique de
conciliables – le « chiudiamo tu­ venir de l’intérieur de son pro­ l’impréparation des gouverne­
tto ! » (« fermons tout ! ») pour ra­ pre parti, en la personne du très ments. Le Rassemblement natio­
lentir l’épidémie, et la revendica­ populaire Luca Zaia, président nal va plus loin, en France, avec
tion du rétablissement au plus de la Vénétie, dont la gestion l’idée d’une « connivence » : à l’in­
vite de la liberté de circuler. Elles exemplaire de la crise, fondée térieur du pouvoir d’Etat par une
ne font qu’ajouter de la confu­ sur une priorité absolue à la dé­ « immunité de caste » et entre
sion, tandis que ses dénoncia­ tection et à l’isolement des ma­ l’Etat et « les lobbys ».
tions de l’immigration n’ont lades, a considérablement accru
plus le même écho à l’heure de la l’audience nationale. Des discours, qui flirtent
fermeture générale des frontiè­ Tenant d’une ligne plus auto­ souvent avec le complotisme…
res. Face à lui, le gouvernement nomiste que nationale, au fond La droite radicale aime l’idée des
profite de l’ambiance d’union plus conforme à l’identité origi­ « causes cachées ». Et la pandémie
nationale créée par la crise, mal­ nelle de la Ligue que la posture se prête aux questionnements sur
gré ses hésitations et ses ambi­ souverainiste et anti­euro­ l’origine du virus. La droite radi­
guïtés, et son chef, Giuseppe péenne d’un Matteo Salvini, cale insérée dans le jeu démocrati­
Conte, continue de jouir de plus Luca Zaia n’a jamais cherché à que ne parle pas de propagation
de 60 % d’opinions favorables. contester le primat de Matteo volontaire mais demande – et elle
Bien sûr, les sondages politi­ Salvini depuis son arrivée à la n’est pas la seule – que la lumière
ques réalisés dans un contexte si tête du parti, en 2013. Il s’est con­ soit faite sur l’hypothèse de la
particulier doivent être regardés tenté de creuser son sillon, « fuite » du laboratoire de Wuhan.
avec la plus grande prudence, veillant plus à rassembler les Charlie Weimers, député euro­
mais la tendance qu’ils déga­ forces de droite locales qu’à exis­ péen des Démocrates suédois, a
gent est unanime, et très nette. ter sur les réseaux sociaux – ses même ressuscité le thème de
La Ligue reste le premier parti rapports avec l’ancien président l’anticommunisme, accusant la
du pays en matière d’intentions du conseil Silvio Berlusconi Chine d’en être restée à l’opacité et
de vote, mais elle est descendue sont d’ailleurs excellents. Moins au mensonge découlant de la na­
sous les 30 %, et navigue désor­ europhobe que l’actuelle direc­ ture même du communisme.
mais entre les 26 % et 28 % des tion du parti, il n’a eu de cesse, Mais le sentiment dominant chez
voix. Ce recul profite à son prin­ ces dernières semaines, de rap­ eux est que la crise serait un pré­
cipal allié et concurrent, Fratelli peler qu’il ne s’imaginait pas de texte pour imposer une forme
d’Italia, entre 12 % et 15 % des destin national. Mais d’évi­ autoritaire de gouvernement se
voix, mais aussi aux deux for­ dence, beaucoup, à droite, sont soustrayant au contrôle parle­
mations actuellement au pou­ tentés d’y penser pour lui.  mentaire, comme le dit l’ancien
voir, le Parti démocrate (centre jérôme gautheret phalangiste et désormais élu
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8 | coronavirus JEUDI 7 MAI 2020

Déconfinement :
un cas d’école pour
les élus locaux
Après la lettre ouverte des maires à Emmanuel Macron
demandant le report de la réouverture des classes,
la majorité sénatoriale a renforcé la protection
juridique des élus en cas de contamination
de leurs administrés par le Covid­19

T
andis que le premier parvenu le protocole sanitaire adapter.” Autrement dit, en la ma­
ministre, Edouard édicté par l’éducation nationale, tière, mais j’en ai pris mon parti,
Philippe, essuie des ils ont jugé que c’était trop lourd et quoi qu’on fasse, on est critiqué. »
bordées de critiques se sont inquiétés de voir leur Sur le terrain, la tension monte
et les tirs croisés des responsabilité pénale engagée et la tentation est grande d’ouvrir
oppositions sur la s’ils ne s’y conformaient pas. Il a le parapluie. Les appels se sont
mise en œuvre du plan de décon­ fait l’« effet d’une bombe », expli­ multipliés demandant le report
finement, Emmanuel Macron a que Stéphane Beaudet, le maire di­ de la réouverture des écoles. Des
effectué, mardi 5 mai, une visite vers droite d’Evry­Courcouron­ enseignants font valoir leur droit
dans une école de Poissy (Yveli­ nes, dans l’Essonne et président de retrait. Des élus demandent des
nes) pour tenter de rassurer ceux de l’Association des maires d’Ile­ garanties qu’ils ne risquent pas de
qu’inquiète la réouverture des de­France, à l’initiative d’une let­ voir leur responsabilité engagée
écoles. Et ils sont nombreux, élus tre ouverte à Emmanuel Macron en cas de contamination d’un
comme enseignants, parents demandant le report de la réou­ élève ou d’un membre du person­
d’élèves comme personnels com­ verture des écoles qui a recueilli nel. « La question de la responsabi­
munaux. « Mon objectif, ce n’est plus de 400 signatures de maires. lité des maires doit faire l’objet d’un
pas combien d’écoles, c’est que tous traitement législatif spécifique
les enfants qui ont besoin de reve­ Ouvrir le parapluie pour que ceux­ci bénéficient d’une
nir à l’école parce qu’ils sont décro­ C’est le constat que dressait protection adaptée aux circonstan­
cheurs ou parce que les parents M. Philippe, non sans marquer ces exceptionnelles que nous sanitaire, une multitude d’amen­ constitutionnel après son adop­
doivent retravailler puissent trou­ quelque lassitude, en présentant traversons », exigeait l’Association dements, plus ou moins bordés « EN LA MATIÈRE, MAIS  tion définitive. Le texte doit à pré­
ver une école ouverte, a assuré le lundi au Sénat son plan de décon­ des maires de France (AMF), à l’is­ juridiquement, ont jailli de tous J’EN AI PRIS MON PARTI,  sent être examiné dès mercredi
président de la République. Je veux finement. « Les difficultés liées à la sue de son bureau du 30 avril. les bords de l’Hémicycle, jusque en commission à l’Assemblée
plutôt une bonne rentrée qu’une réouverture des écoles ne m’ont Demande relayée par d’autres dans les rangs de La République QUOI QU’ON FASSE, puis jeudi en séance, en vue d’une
rentrée en nombre. » Interrogé sur pas échappé. Nous essayons d’y associations d’élus. « Il est, certes, en marche (LRM). C’était un peu adoption définitive à la fin de la
les craintes exprimées par de répondre et l’exercice est là encore utile que l’Etat nous transmette des « que cent fleurs s’épanouissent, ON EST CRITIQUÉ » semaine, avant la date du 11 mai,
nombreux élus, le président de la difficile, remarquait le premier protocoles sanitaires, par activité que cent écoles rivalisent ». ÉDOUARD PHILIPPE début du déconfinement.
République s’est voulu conciliant. ministre. Car, donner quelques di­ ou service. Pour autant, il nous pa­ Majoritaire au Sénat, la droite a premier ministre La majorité espère parvenir à un
« Les maires, je comprends leur rections vagues, ou même claires, raît indispensable d’en connaître le imposé sa version. Elle exclut « compromis » sur l’article intro­
angoisse, leurs questions, leurs mais formulées simplement en caractère réglementaire et opposa­ toute responsabilité des élus en duit par le Sénat sur la responsa­
inquiétudes. Ils veulent bien faire, termes de principes, c’est, à coup ble, notamment au plan des cas de contamination par le Co­ la loi pénale ». Sa demande a été bilité pénale des élus. « On ne peut
donc il faut leur laisser le temps et sûr, s’exposer à la critique de ceux risques de mise en cause que le res­ vid­19 pendant la durée de l’état sèchement rejetée puisqu’elle a pas ouvrir grand une protection
la souplesse », a­t­il déclaré. qui diront : “Vous avez formulé pect impossible de tel ou tel mot, de d’urgence sanitaire à moins que recueilli zéro voix. tous risques », estime le président
Ce n’est pas, en effet, le moindre quelques principes mais, sur le ter­ tel ou tel paragraphe, de ces docu­ les faits aient été commis « inten­ Le projet de loi ainsi amendé, du groupe LRM, Gilles Le Gendre.
des paradoxes. Dans l’incertitude rain, vous laissez les gens se dé­ ments pourrait causer », deman­ tionnellement », « par imprudence ainsi que d’autres amendements L’opposition n’entend pas lâcher
face aux multiples questions et brouiller.” Et, en même temps, dire dait France urbaine, qui réunit les ou négligence », ou « en violation portant notamment sur le sys­ l’affaire. L’AMF, de son côté, de­
difficultés que pose la réouverture pratiquement, au cas par cas, les maires des grandes villes et mé­ manifestement délibérée d’une tème d’information et de partage mande au gouvernement et à l’As­
des établissements scolaires après bonnes méthodes, les bonnes pra­ tropoles, dans un courrier adressé mesure de police administrative ». des données envisagé pour lutter semblée nationale de « poursuivre
sept semaines de confinement et tiques, ce qui correspond à la doc­ lundi au premier ministre. La ministre de la justice, Nicole contre l’épidémie, a été adopté le travail parlementaire sur la base
alors que l’épidémie de Covid­19 trine sanitaire, c’est s’exposer à la Le sujet n’a pas tardé à venir sur Belloubet, a tenté en vain d’obte­ mardi au Sénat par une large du texte voté par le Sénat ». De
n’est toujours pas enrayée, les critique de ceux qui disent : “C’est le terrain politique. A l’occasion nir sa suppression, faisant valoir majorité. Le président du Sénat, quoi réalimenter les tensions en­
maires demandaient des consi­ trop lourd, il y en a trop, vous vou­ de l’examen au Sénat du projet de « un risque constitutionnel au re­ Gérard Larcher, a d’ores et déjà tre l’exécutif et les élus locaux. 
gnes claires. Mais, lorsque leur est lez tout régenter, laissez­nous loi prorogeant l’état d’urgence gard du principe d’égalité devant prévenu qu’il saisirait le Conseil patrick roger

« Chacun doit prendre ses responsabilités » « C’est impossible à gérer »

karl olive est maire (divers droite) de la confiance, ce qui est loin d’être évident quand, stéphane beaudet est maire (divers droite) politique qui n’est pas de notre compétence.
Poissy (37 400 habitants), dans les Yvelines. Le tous les jours en allumant la télé, on a des décla­ d’Evry­Courcouronnes (68 000 habitants), J’approuve les modifications qui ont été appor­
15 mars, il a été réélu dès le premier tour avec rations plus anxiogènes les unes que les autres. dans l’Essonne. Le 15 mars, il a été réélu dès le tées par le Sénat [qui a adopté un amendement
75,6 % des suffrages exprimés. premier tour avec 54,8 % des voix. Président de qui exclut la responsabilité des élus en cas de
Quelles dispositions avez­vous prises pour l’Association des maires d’Ile­de­France, il est à contamination]. C’est là qu’on voit qu’il est le
Vous n’avez pas signé la lettre ouverte des pouvoir assurer cette reprise des cours ? l’initiative de la lettre ouverte à Emmanuel Ma­ représentant des collectivités. J’espère que le
maires d’Ile­de­France demandant le report Depuis le début, je ne me suis pas demandé ce cron, signée par plus de 400 élus. gouvernement et la majorité ne reviendront
de la réouverture des écoles. Pourquoi ? que l’Etat allait faire pour moi mais comment pas en arrière.
Il faut relativiser la portée de cette tribune, qui j’allais pouvoir faciliter le quotidien de mes ad­ Qu’est­ce qui vous a poussé à lancer
concerne 332 maires d’Ile­de­France [plus de ministrés, dans des conditions historiques. J’ai cette lettre ouverte ? Comment allez­vous procéder pour prépa­
400 désormais] sur 1 268. Dès le 17 mars, le mis à disposition des kits dans toutes les écoles, J’ai reçu une très forte pression de mes collè­ rer la rentrée dans votre commune ?
groupe scolaire Ronsard a accueilli des enfants tout le personnel est équipé, et jamais je ne me gues qui m’ont fait remonter une crispation J’ouvrirai lundi mais, chez moi, plus de la moi­
des personnels soignants, des forces de l’ordre suis demandé si c’était à moi de le faire ou non, brutale et leurs inquiétudes. Dans leur très tié des foyers sont des familles populaires. C’est
ou d’autres personnels mobilisés : 125 en mater­ si l’Etat allait me filer des masques ou non. Je les grande majorité, les maires ne refusaient pas dans les quartiers populaires, où il y a le plus de
nelle et 190 en élémentaire. Ça fonctionne bien, ai commandés, à une société française, pour par principe de rouvrir les écoles mais, pour les chômage, où les missions d’intérim se sont ar­
main dans la main avec le préfet, la rectrice et être en mesure de répondre aux besoins dans départements en zone rouge, ils estiment qu’il rêtées et où, souvent, il y a la barrière de la lan­
les personnels enseignants. L’école fonctionne ma commune. serait bon de repousser cette date. L’Ile­de­ gue, qu’il y aura le moins d’enfants qui vont re­
tous les jours, de 7 heures à 19 heures, y compris France est en rouge, mais la confirmation de tourner à l’école. Une de mes élus, enseignante,
pour les activités périscolaires, en respectant les Estimez­vous nécessaire de renforcer cette carte n’interviendra que le 7 mai, à la veille a appelé les parents des vingt­cinq élèves de sa
gestes barrières, la signalétique et en assurant la la sécurité juridique des maires ? d’un week­end férié, pour une rentrée prévue le classe : deux iront à l’école si elle rouvre. Com­
restauration. Chacun doit prendre ses respon­ Des dispositions existent, qui sont déjà pro­ lundi 11. C’est impossible à gérer. Recueillir ment expliquer à ces parents qu’on est en zone
sabilités. Les parents peuvent mettre leur tectrices. Maintenant, dans ce contexte d’in­ 332 signatures en deux jours, sur les 1 268 mai­ rouge et qu’on va quand même à l’école ? Qu’on
enfant à l’école ou pas. Alors, allons­y pas à pas. quiétude, peut­être serait­il de bon ton pour le res de la région, plus de 400 aujourd’hui, toutes arrête de nous dire que c’est pour les élèves le
gouvernement d’entendre la demande des élus. tailles confondues, de la plus petite commune plus en difficulté. Ceux qui ont le plus besoin de
Combien d’établissements scolaires rurale à la capitale, c’est du jamais­vu. retourner à l’école ne seront pas ceux qui iront.
et d’élèves sont concernés dans votre ville ? Est­ce que cet appel des maires n’exprime pas Et est­ce que c’est au maire de sélectionner ceux
Nous avons une vingtaine d’écoles. Selon les une volonté « d’ouvrir le parapluie » et, peut­ N’y a­t­il pas nécessité d’encourager les qui vont être acceptés ou non ? Je m’y refuse.
informations qui nous remontent, environ 30 % être, des arrière­pensées politiques ? parents à remettre leurs enfants à l’école ?
des élèves devraient être remis à l’école dans les Je comprends l’inquiétude et les appréhen­ Mais ce n’est pas à l’école qu’on va renvoyer Est­ce que ce n’est pas aussi une manière de
quartiers populaires et de 60 % à 70 % dans le sions d’un certain nombre de mes collègues. les enfants, c’est vers une salle de garderie. Faire manifester votre opposition au pouvoir ?
reste de la ville. Nous commencerons par les Mais on ne peut pas, pendant des années, avoir croire ça, c’est faux. Non, ce n’est pas une fronde politicienne. De­
grandes sections de maternelle, les cours prépa­ clamé qu’on était les oubliés de la République et, puis deux mois, ce sont les maires qui gèrent la
ratoires, les CE1 et les CM2 dans les quartiers po­ au moment où nous sommes en première ligne, Les maires ne cherchent­ils pas à se protéger ? crise. Moi, j’en suis à 300 000 euros de dépen­
pulaires, où les enfants prennent en pleine face se retourner vers l’Etat et dire : « Non merci, sans Ce n’est pas le sujet. Il est vrai qu’il est néces­ ses. Il y a juste un moment où on dit que ce n’est
la fracture numérique. Les enfants veulent re­ nous ». Il faut être cohérent.  saire d’apporter des garanties juridiques alors pas possible. 
prendre l’école mais il faut d’abord reconquérir propos recueillis par p. rr qu’on nous renvoie vers une responsabilité propos recueillis par p. rr
0123
JEUDI 7 MAI 2020 coronavirus | 9

A l’école primaire
Paul­Gauguin
de Vitrolles
(Bouches­du­Rhône),
le 5 mai.
PATRICK GHERDOUSSI
POUR « LE MONDE » A Vitrolles, « ouvrir les écoles, c’est
fondamental et symbolique »
Les quinze groupes scolaires de la ville se préparent à accueillir leurs
élèves le 12 mai, sous l’impulsion déterminée de la mairie socialiste
REPORTAGE Les écoles, cela relève de la compé­
tence du maire, point », note ce fils « RIEN NE POURRAIT 
Cuillière, adjointe à l’éducation à
la mairie, se saisit du mètre en
marseille ­ correspondant
et frère d’enseignant pour qui JUSTIFIER QUE L’ON  bois, accroché au tableau noir. Elle

A l’arrière du groupe sco­

laire Paul­Gauguin, en
plein cœur de la ville nou­
velle de Vitrolles (Bouches­du­
Rhône), les nettoyeuses s’offrent
« rien ne pourrait justifier que l’on
ouvre des magasins de chaussures
et pas les établissements scolai­
res ». « C’est une nécessité pour les
enfants en rupture et pour les
OUVRE DES MAGASINS
DE CHAUSSURES ET PAS 
mesure l’espace entre chaque ta­
ble. « Ça va passer », promet l’élue
en déplaçant de quelques centi­
mètres un bureau. « A Vitrolles,
nos écoles sont majoritairement
un ballet bruyant. Mardi 5 mai, la parents qui n’ont d’autre choix que
LES ÉTABLISSEMENTS  grandes, pensées pour la démogra­
vaste cour de l’école primaire est de travailler », poursuit­il. Même SCOLAIRES » phie de la ville nouvelle dans les
aspergée d’une solution désinfec­ s’il sait par un sondage auprès des années 1980. Aujourd’hui, elles
tante par les agents municipaux. parents que, dans sa ville, c’est LOÏC GACHON accueillent moins d’élèves. Ce sont
L’odeur, prenante, se mêle à celle dans les quartiers d’éducation maire de Vitrolles des circonstances plus conforta­
des pins. Au sol, des morceaux de prioritaire que les élèves seront (Bouches-du-Rhône) bles pour appliquer le protocole »,
scotch d’emballage délimitent les moins nombreux à revenir. concède le maire Loïc Gachon.
déjà les positions que devront gnants qui ont participé au dispo­
occuper les élèves qui feront leur « Période formatrice » sitif, glisse Franck Nicolas, 44 ans, Option pique-nique
rentrée, ici, le 12 mai. Deux rangs Masque en madras sur le visage, directeur de l’école primaire de­ La ville, qui consacre annuelle­
rigoureusement espacés pour les qu’il descend régulièrement pour puis six ans. Le plus compliqué, ment 40 % de son budget de
CP. Et, dix mètres plus loin, une fumer une cigarette, Loïc Gachon c’est de ne pas pouvoir aider les 70 millions d’euros de fonctionne­
vingtaine de bandes marron mar­ est venu à pied de sa mairie pour enfants comme d’habitude, ne pas ment à l’enfance et à l’éducation,
quées au feutre noir « CM2 ». jeter un œil au dispositif de se rapprocher. » Dans la lettre qu’il assure aussi pouvoir compter sur
« Les classes ne se croiseront pas. rentrée. A Vitrolles, près de 450 a adressée aux parents, le direc­ l’implication de son personnel.
Une rentrera au rez­de­chaussée, élèves sur les 1 500 qui pourraient teur a tenu à rappeler une évi­ Quarante­deux agents d’entretien
l’autre montera directement à reprendre leur scolarité le 12 mai dence : « Nous avons bien précisé sur 80 et 37 agents de maternelle
l’étage par un autre accès », dé­ sont prêts à revenir en classe. « La que, malgré toute notre attention, (agent territorial spécialisé des
taille, comme pour mieux mé­ première semaine, nous aurons un les enfants pourraient, à un mo­ écoles maternelles, Atsem) sur 67
moriser le dispositif, Claire Pezet, effectif faible et cela sera facile ment ou un autre, oublier de res­ devraient être sur le pont. « La
directrice de l’éducation à la mai­ à gérer. Le 25, avec tous les pecter la distanciation sociale. » question des Atsem sera une des
rie de Vitrolles. Rouleau de ruba­ niveaux, cela sera une autre paire Masque orné d’un Mickey rieur, clés de la reprise en maternelle »,
lise en mains, elle vient de de manches, prédit­il. Les parents une enseignante qui sort d’une reconnaît Loïc Gachon. « Il faut un
condamner les jeux de la cour de seront consultés chaque mercredi. demi­journée avec des « petites et binôme enseignant­Atsem par
maternelle. « Cela ne va pas faire Nous n’accueillerons que ceux qui moyennes sections » abonde : « En classe, sinon cela ne sera pas possi­

LR critique un plan «mal plaisir aux enfants, mais on ne

peut pas nettoyer les toboggans à
chaque passage », reconnaît­elle.
ont signalé leur présence », insiste
le maire.
L’épidémie de Covid­19 n’a pas
maternelle, je ne vois pas com­
ment tu peux les empêcher de bou­
ger… Et en CP, cela va être pareil. »
ble », complète son adjointe. L’un
comme l’autre auraient préféré
que les petites sections ne ren­
ficelé, ni fait ni à faire» A Vitrolles, 33 000 habitants,
quinze écoles pour 4 500 élèves, la
fermé entièrement l’école Paul­
Gauguin. Depuis le 16 mars, elle
Cette drôle de rentrée, le direc­
teur l’attend sans stress particu­
trent qu’au mois de septembre.
Dans les écoles de Vitrolles, l’ac­
réouverture ne fait pas débat. Le accueille des enfants de person­ lier. « Appliquer le protocole, c’est cueil du matin à 7 h 30 est sup­
Le parti de droite attaque notamment maire socialiste, Loïc Gachon, nels soignants. Ce mercredi, ils faisable si on nous en donne les primé mais la garderie jusqu’à
réélu le 15 mars avec 50,7 % des sont quatorze, divisés en deux moyens », assure­t­il. Mercredi 18 h 30 est maintenue. Et pour la
le caractère volontaire de la rescolarisation voix, l’appelle de ses vœux. « C’est groupes, primaire et maternelle. A 6 mai, il devait recevoir de la mai­ cantine, c’est l’option pique­ni­
fondamental et symbolique », as­ la sortie des sanitaires, où ils se rie le gel hydroalcoolique, les lin­ que, fourni par la mairie, qui a été
sure­t­il, à rebours de bon nombre sont lavé les mains en se savon­ gettes désinfectantes et masques choisie. « Parce qu’elle va nous per­

A ttendue par tous les

Français impatients de
déconfiner, la date du
11 mai devait aussi être celle du
retour à l’école pour leurs
de l’éducation, Jean­Michel
Blanquer, et du premier minis­
tre, Edouard Philippe, créent de
« l’anxiété et un climat difficile »,
s’inquiète l’élu. Eric Ciotti, lui,
de ses homologues qui deman­
dent un report de quelques semai­
nes, ou, plus radicalement, une
fermeture jusqu’en septembre.
« C’est une posture qui rassure la
nant jusqu’aux coudes, les plus pe­
tits ont du mal à respecter les dis­
tances. Leur institutrice a trouvé
un truc. « Allez, vous faites l’avion
pour revenir en classe », lâche­t­elle
de secours que les enseignants
pourront choisir de ne pas mettre.
« Le port est conseillé mais si la dis­
tanciation est respectée, il n’y a pas
de raison de le porter. C’est juste
mettre d’utiliser au mieux les espa­
ces extérieurs. Manger dans les
classes, ce sera le dernier recours,
détaille Nadine Cuillière, derrière
son masque brun fait maison.
enfants. Seulement, rien n’est craint le « manque de moyens » population à peu de frais et évite de à des gamins, ravis de repartir bras pour pouvoir s’approcher des en­ Une chose est sûre, conclut l’élue,
simple au temps du Covid­19, et de certaines petites commu­ se frotter à la réalité. Moi, je n’ai pas écartés, façon vol plané. fants s’il y a un bobo, une urgence on ne va pas retrouver l’école qu’on
l’acte le plus naturel relève nes, incapables, selon lui, de l’impression d’avoir plus de res­ « Cette période a été extrême­ quelconque », note­t­il. Dans une a quittée le 16 mars. » 
aujourd’hui du parcours du fournir gel et masques en quan­ ponsabilité pénale que d’habitude. ment formatrice pour les ensei­ classe de primaire, Nadine gilles rof
combattant. Surtout, explique tité suffisante.
l’opposition, quand le gouver­ « C’est une désorganisation to­
nement « s’évertue à la com­ tale. Qui démontre combien
plexifier ». Déjà peu convaincus
par le plan de déconfinement de
l’exécutif, Les Républicains (LR)
Blanquer est peut­être un théori­
cien mais pas un praticien,
avance pour sa part Aurélien
Réouverture du littoral, l’autre fronde des élus
tirent à vue sur le volet scolaire Pradié, député du Lot. En réalité
de la procédure. « Sur l’école, on c’est une non­décision. Le vrai Plusieurs élus bretons militent contre l’interdiction de réouverture des plages jusqu’au 1er juin
atteint la caricature du macro­ courage politique, c’était de faire
nisme et du “en même temps” : rentrer tout le monde ou per­
l’école est ouverte mais non obli­ sonne. Quand le ministre nous rennes ­ correspondance rêts sont ouvertes au public pour la ou de leur jardin, martèle M. Ches­ être accessibles « sans risque, à
gatoire », moque Eric Ciotti, explique que sa position est cou­ pratique d’une activité sportive in­ nais­Girard. Si le gouvernement des personnes en mouvement ».
député des Alpes­Maritimes.
S’ils ne sont pas tous d’accord
sur la nécessité d’une reprise dès
lundi – Eric Ciotti aurait préféré
attendre le 2 juin –, tous les té­
rageuse, c’est une blague. »
D’autant, explique­t­on sans
fard à LR, que cette rentrée est
une condition sine qua non
pour la reprise du travail de
L e besoin de mer est très fort
en Bretagne. Après le décon­
finement, nous devons
retrouver l’accès à notre littoral.
Sur ce point, le discours du premier
dividuelle », survive à la deuxième
lecture à l’Assemblée nationale.
Plusieurs pétitions et appels ont
vu le jour sur les réseaux sociaux
pour « libérer » les 2 700 kilomè­
semble si crispé sur la réouverture
du littoral, c’est parce que ce n’est
pas son sujet. Les maires sont prêts
à assumer avec discernement cette
problématique. Faisons­leur con­
Baignades et balades autorisées,
rassemblements et bronzette in­
terdits. Un tel dispositif permet­
trait également de réanimer l’éco­
nomie du nautisme local.
nors de la formation de droite nombre de Français. En échos ministre [Edouard Philippe], tres de côtes bretonnes. A com­ fiance. L’Etat doit accepter que les Ce droit à la différenciation ne
fustigent un plan « mal ficelé, ni aux inquiétudes « d’écroule­ mardi 28 avril, a sonné comme un mencer par celui du président de collectivités locales prolongent la trouve pas d’écho dans les minis­
fait ni à faire ». Le « péché origi­ ment » de l’économie émises coup de massue », soupire Didier région, Loïg Chesnais­Girard, force républicaine. » tères. « C’est incompréhensible.
nel », selon François­Xavier Bel­ par Edouard Philippe, le parti es­ Le Gac. Le député (La République posté sur Twitter et amplement Lorsque le gouvernement impose
lamy, eurodéputé et professeur time urgente une reprise de l’ac­ en marche, LRM) du Finistère relayé. L’élu socialiste a rédigé une « C’est incompréhensible » aux élus locaux d’organiser la ren­
de philosophie en classe prépa­ tivité dans les secteurs où cela rumine depuis son incompréhen­ lettre au gouvernement, cosignée Devançant un feu vert du gouver­ trée scolaire, nous assumons cette
ratoire ? Le caractère volontaire est possible. Le travail, une va­ sion : comment justifier que l’on par les représentants bretons de nement, les édiles bretons font décision malgré les risques et les
de la rescolarisation. « Soit les leur cardinale pour le parti mais autorise les Parisiens à retourner l’Association des maires de France. remonter aux préfets des plans difficultés qu’elle présente. Lorsque
écoles sont sûres et c’est impossi­ aussi pour ses électeurs, sensi­ dans une rame de métro et que « Notre demande n’a rien d’un ca­ d’action. A Ploemeur (Morbihan), nous demandons de déverrouiller
ble de les rendre facultatives, soit bles à la bonne santé économi­ l’on refuse aux Bretons l’accès à price. Pour nous, Bretons, le littoral le maire, Ronan Loas, a cerné, sur des poches de respiration pour no­
elles ne le sont pas et on ne les que du pays. « Il faut assumer le leurs plages, pourtant rarement fait partie de notre quotidien. Pour les 17 kilomètres de plage de sa tre population, on ne nous écoute
ouvre pas », remarque celui pour discours sur le retour au travail », bondées, ainsi qu’aux sentiers cô­ certains, il s’agit même de leur parc commune, ceux qui pourraient pas… », s’agace M. Loas.
qui le retour dans les classes de­ affirme ainsi Damien Abad. tiers et à la mer ? D’autant que la Il estime que le maintien de l’in­
vrait « être une priorité ». « Tout cela est compliqué et dé­ péninsule figure parmi les terri­ terdiction d’accès au littoral « cris­

« Désorganisation totale »
licat, mais la vie et l’économie
doivent reprendre pour tous, in­
toires français les moins touchés.
Samedi 2 mai, le ministre de l’in­
Aucune plage n’ouvrira en Nouvelle- tallise » une défiance grandis­
sante des Bretons envers le gou­
Un point de vue partagé par siste Valérie Bazin­Malgras, térieur, Christophe Castaner, a Aquitaine avant début juin vernement pour sa gestion de la
Damien Abad, député de l’Ain et députée de l’Aube, qui a ques­ confirmé le maintien de l’inter­ La préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio, a refusé la pandémie. M. Le Gac tente de
président du groupe LR à l’As­ tionné le ministre de l’éducation diction, au moins jusqu’au proposition de réouverture des plages sur laquelle ont travaillé dompter la fronde contre son
semblée nationale. Pour lui, le sur le sujet au Palais­Bourbon. Si 1er juin, d’accéder aux plages, pro­ les maires de vingt communes balnéaires de la côte atlantique. camp et temporise jusqu’à la pro­
gouvernement crée une « école le virus est encore là en septem­ voquant l’ire des élus bretons de Le 5 mai, en audioconférence, sa réponse a été ferme : aucune chaine prise de parole d‘Edouard
à la carte » avec « trois niveaux bre, on va faire comment ? On va tout bord politique. Et il n’est pas plage de la région ne rouvrira avant début juin, comme l’a or- Philippe : « Je ne peux pas croire
de volontariat » : parental, mu­ rester comme ça jusqu’à quand ? certain que l’amendement voté donné le gouvernement. Les arguments des édiles, qui avancent que le gouvernement n’entende
nicipal et professoral. Des con­ Il va falloir se débrouiller. » Une par les sénateurs dans le cadre de l’ouverture des parcs et jardins dès le 11 mai, n’ont pas pas la volonté des Bretons pour des
ditions qui, mises bout à bout et donnée que nombre de parents la prolongation de l’état d’ur­ convaincu Fabienne Buccio, qui craint que l’appel de l’océan réponses décentralisées, décon­
mélangées aux « injonctions commencent à intégrer.  gence sanitaire, mardi 5 mai, et n’attire les populations en trop grand nombre, même dans une centrées et différenciées. » 
contradictoires », du ministre sarah belouezzane prévoyant que « les plages et les fo­ limite de 100 kilomètres. benjamin keltz
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10 | coronavirus JEUDI 7 MAI 2020

ENTRETIEN

I
l appelle de ses vœux un
« nouveau monde » pour re­
bâtir sur celui mis à genoux
par le Covid­19. Pour Nicolas
Hulot, ancien ministre de la tran­
sition écologique et solidaire, qui a
démissionné de son poste en
août 2018, l’heure n’est pas aux di­
visions, aux querelles de partis ou
à la recherche de responsabilités
dans la crise. Le président de la
fondation qui porte son nom ap­
pelle à l’unité, afin de définir un
horizon commun. Au­delà des
mesures urgentes pour le déconfi­
nement, il propose une transfor­
mation sociale, écologique, éco­
nomique, fiscale et démocratique
« radicale et cohérente ».

Comment analysez­vous
les causes de la crise engendrée
par le coronavirus ?
Cette crise sanitaire, qui trouve
ses racines dans des perturbations
d’écosystème, n’est que l’avatar
d’une crise beaucoup plus pro­
fonde, qui met en relief nos failles,
nos excès, nos vulnérabilités. Le
Covid­19 met à nu les affres de la
mondialisation et les limites d’un
modèle. Tout est lié : crise écono­
mique, écologique, sociale. Il est
temps de s’attaquer aux racines
du mal, de tirer des enseigne­
ments de nos erreurs, de faire l’in­
ventaire, de ce qu’il y a de ver­
tueux et de toxique. Mais si nous
contournons le rendez­vous criti­
que que cette crise sanitaire nous a
imposé, c’est une double peine
que nous infligerons aux plus vul­ Nicolas Hulot à Saint­Lunaire (Ille­et­Vilaine), le 5 mai. Capture d’image réalisée grâce à une application de visioconférence. ED ALCOCK/MYOP POUR « LE MONDE »
nérables. Faisons­en sorte que
cette épreuve ne soit pas vaine.
La crise du coronavirus a égale­
ment mis en évidence notre inca­
pacité collective à anticiper. On a
attendu, ici et ailleurs, que le vi­
rus franchisse les frontières pour
commencer à réagir à la hauteur
Nicolas Hulot : « Ce serait une planification générale, où l’on
fixera des objectifs. Cela ne se fait
pas sur les plateaux de télévision.

erreur pathétique de ne pas

de la situation. On ne réagit que Il faut se poser, prendre acte.
face au danger tangible et immé­
diat. La crise climatique, dont les Faut­il sacrifier des branches,
conséquences sont parfaitement par exemple dans les transports

tirer les leçons de cette crise »

documentées par toutes les insti­ ou les énergies fossiles ?
tutions, on la traite encore avec Il y a trois principes que je vou­
des doses homéopathiques. On a lais mettre en œuvre quand j’étais
un scénario catastrophe, d’une ministre de la transition écologi­
ampleur sans précédent, mais qui que et solidaire : la prévisibilité, la
est évitable. Et, pour y faire face,
on n’est pas au quart des solu­
L’ex­ministre de l’écologie liste ses priorités pour faire émerger progressivité et l’irréversibilité. Il
faut se fixer collectivement de
tions que l’on a prises contre le
coronavirus.
« un nouveau modèle » imposé par la crise née du Covid­19 grands objectifs, dont certains
peuvent être à un an, à dix ans…
Mais il faut faire en sorte qu’aucun
Le gouvernement, ainsi que acteur ne s’imagine que cela
l’Union européenne, prend­il puisse être réversible. Cela doit
la mesure de la gravité de Comment concilier écologie Ce nouveau modèle ne va pas s’éri­ cessaires pour éviter l’aggravation être programmé, et les aides de
la situation et répond­il et reprise économique ? ger spontanément en quelques « C’EST LE MOMENT DE  de la situation, que des grandes ou l’Etat doivent y participer.
de la bonne façon à la crise ? Concilier fin du mois et fin du jours, mais on peut fixer l’horizon DÉBATTRE DU REVENU  des petites entreprises ne mettent Il ne faut pas mettre à bas le sec­
Je ne veux pas faire de procès monde est un exercice très délicat. pour le constituer. Il faut le faire, la clé sous la porte. Il faut des aides teur automobile, mais, en tenant
d’intention. Quand j’entends le Aucun des deux ne doit occulter encore une fois, non pas dans la UNIVERSEL OU immédiates pour les citoyens en compte de contraintes énergéti­
président dire qu’il faudra revisi­ l’autre, et il faut garder à l’esprit confrontation, mais dans l’addi­ difficulté, ne serait­ce que pour ques et climatiques, il faut lui fixer
ter un certain nombre de choses que, pour beaucoup de personnes tion et dans la mutualisation. C’est  DE LA REVALORISATION nourrir leurs enfants. Mais quand un certain nombre d’objectifs.
et que l’impensable doit devenir − et c’est tout à fait légitime et hu­ pourquoi on doit générer un chan­ on commence à faire tourner la Tout cela ne peut se faire au bon
pensable, il faut aller dans ce sens, main −, la fin du mois peut primer gement d’état d’esprit, afin de
DES MÉTIERS VITAUX » planche à billets, essayons de ne vouloir des industriels, l’Etat doit
car on est sur un point de fragilité sur le reste. Avec le collectif du mettre fin à la défiance entre les pas reproduire ce que l’on a fait fixer des normes. La société, qui a
et de vulnérabilité qui nécessite Pacte du pouvoir de vivre, nous uns et les autres. Si, demain, le après la crise financière de 2008. A accepté sans sourciller d’être pri­
de prendre au mot les uns et les avons fait quinze propositions temps des procureurs l’emporte vertueux entre la volonté ci­ ce moment­là, une grande part de vée de libertés fondamentales,
autres. Cette profonde crise systé­ pour essayer de faire face à cette sur le temps des éclaireurs, on ira toyenne et la faculté politique. l’argent est partie dans l’économie rêve de pouvoir retrouver con­
mique peut très bien, par la com­ première urgence : verser une aide dans le mur. spéculative, sans conditions. fiance en l’avenir, il faut donc faire
binaison d’autres crises, provo­ exceptionnelle de solidarité, de Comprenez­vous les citoyens Bien entendu, chaque somme les choses en grand. Le monde
quer un chaos qui nous échap­ 250 euros par mois et par per­ Qui sont ces « procureurs » ? qui se sont sentis mis en investie – de ce qui est l’argent des d’après sera radicalement diffé­
pera totalement. sonne, aux ménages les plus en Je vois le danger poindre, au mo­ danger par l’impréparation citoyens, ces dizaines de milliards rent de celui d’aujourd’hui, et il le
Nous sommes face à une double difficulté, créer un fonds national ment de la sortie du confinement, du gouvernement sur les que l’on ne trouvait pas il y a en­ sera de gré ou de force. Certaines
réflexion et, parfois, elle peut pour aider les locataires fragilisés que quelques­uns veuillent trou­ masques et les tests ou core peu de temps – doit l’être avec choses demeureront compatibles,
sembler antinomique. Il y a à payer leur loyer, revaloriser le ver des responsables ou juste pro­ les appels des soignants ? une perspective claire. Si l’Etat­ d’autres ne le seront plus.
d’abord une urgence sociale, hu­ montant du RSA, etc. fiter du moment de désarroi de Quand on a été atteint dans sa providence est de retour, ce que je
manitaire, à laquelle il faut répon­ Mais, si l’on veut ne pas repro­ l’exécutif pour déjà se projeter chair, quand des proches ont été souhaite, cela ne peut pas être Quelles seront les choses, con­
dre avec les outils disponibles. duire les crises, si l’on veut pouvoir pour 2022. Ils peuvent créer de la touchés, quand on est soignant… sans contrepartie. Le gouverne­ crètement, que les citoyens ne
Mais la responsabilité de celles et retrouver une forme de sérénité confusion au moment où l’on va évidemment que je comprends ment doit prendre date pour un pourront plus faire selon vous ?
de ceux qui ont la tête hors de vis­à­vis de l’avenir, il y a un mo­ avoir besoin d’unité. Pour moi, le ces critiques. Je mets juste en grand rendez­vous, afin de cons­ On ne pourra plus prendre
l’eau est de penser simultané­ dèle que l’on ne peut pas poursui­ moment est à la projection vers garde : l’urgence est le rassemble­ truire cet horizon commun et dé­ l’avion comme avant, plus non
ment, ou en tout cas dans un vre jusqu’à l’absurde et qu’il faut l’avenir, et chacun doit contribuer ment, pas la division. Dans une finir les priorités. plus avoir un produit qui arrive
temps très court, au monde remettre à plat. Cette crise rend re­ à un horizon commun. On peut crise sanitaire, pour un responsa­ par Amazon du bout du monde en
d’après, et de le faire avec cohé­ cevables des propositions qui faire de ce moment un grand mo­ ble politique, la boussole, c’est la Les conditions demandées vingt­quatre heures, par exemple.
rence, le principe­clé pour rétablir semblaient totalement inattei­ ment, ou bien on peut en faire un science. Mais elle a dû elle­même à Air France en contrepartie Pourra­t­on, pour ceux qui peu­
la confiance entre le politique et gnables jusqu’à présent. Donc, petit moment mesquin, fait de di­ faire face à beaucoup d’inconnus. de l’aide de 7 milliards d’euros vent se le permettre, acheter des
le citoyen. C’est là que l’on jugera c’est le moment de débattre, par visions, de confrontations − Dans de telles circonstances, cha­ étaient­elles suffisantes ? bolides ou des SUV, j’espère que
si l’on en a tiré les leçons. Je donne exemple, du revenu universel, de comme l’opposition menée par le que décision est difficile. Cela n’oc­ J’ai eu un échange avec Bruno Le non. Trouvera­t­on des produits
un exemple : quand l’Europe si­ la taxe sur les transactions finan­ Sénat, lundi [les élus du Palais du culte pas que la plupart des na­ Maire, qui n’a pas pris pour argent alimentaires hors saison dans les
gne un accord de libre­échange cières, de la relocalisation d’un Luxembourg ont rejeté le plan de tions, à commencer par la nôtre, comptant la lettre du Medef [dé­ magasins ? Non. Rapidement, il
avec le Mexique ou le Vietnam, la certain nombre d’activités et des déconfinement présenté par le pre­ ont été prises de court pour faire but avril, le syndicat des patrons faudra que l’offre et la consomma­
cohérence n’est pas encore là. Il chaînes de valeur − cette crise a mier ministre]. Nous venons de face à ces situations. avait demandé à Elisabeth Borne, tion changent.
faudra voir si l’on est capable de mis en évidence notre dépen­ faire l’expérience de l’essentiel, re­ la ministre de la transition écologi­
définir l’absolu prioritaire et de le dance aux productions faites au trouvons­nous sur l’essentiel et Vous dites que c’est le temps que et solidaire, « un moratoire sur Finalement, à quoi ressemblera
constitutionnaliser. Un absolu bout du monde, notamment en mettons nos querelles du passé de du débat, mais des aides écono­ les dispositions énergétiques et ce « jour d’après » ?
qui tienne compte des critères so­ Asie −, mais aussi la nécessité du côté pour l’instant. Profitons que miques massives sont en train environnementales »]. L’Etat doit Il faut d’abord le construire. Le
ciaux et écologiques qui doivent juste échange plutôt que du libre­ les esprits ont été bousculés pour, d’être décidées. Etes­vous être clair en demandant des con­ premier rendez­vous à prendre,
guider toutes nos politiques et échange, ou encore de la revalori­ sans dogmatisme, parvenir à une favorable à leur conditionnalité ? treparties concrètes. Pour cela, il dès que les conditions seront réu­
tous nos comportements. sation de tous les métiers vitaux. unité de la nation, à créer un cercle Des aides sont évidemment né­ faudra de la concertation et une nies, c’est celui où l’on définit col­
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JEUDI 7 MAI 2020 coronavirus | 11

lectivement le nouveau modèle soit pas une énième consultation dans un esprit de coopération, Sur quels critères le jugerez­vous ? forme de radicalité. Nous som­
économique et démocratique. Il sans lendemain. Mais à terme, « LA PRIORITÉ EST DE  sans être naïf ni indulgent. L’idée, Nous verrons s’il est capable de mes dans une situation radicale,
ne faudra rien s’interdire en ter­ l’idée est de constituer une troi­ TAXER DE MANIÈRE PLUS  c’est d’être exigeant. Et je vais être sortir des sentiers battus. J’attends je ne m’accommoderai pas de
mes de propositions. Réformer la sième Assemblée, qui prenne de la très exigeant dans les semaines à de voir, par exemple, si l’on reste mesures qui ne soient pas radica­
fiscalité et avoir une TVA incita­ hauteur par rapport au jeu politi­ IMPORTANTE LES REVENUS  venir. dans les traités de libre­échange, les. Cela ne servirait à rien.
tive, en Europe, sur les biens et les cien, mais surtout qui planifie ce que l’on me dira sur la possibi­
services écologiquement et socia­ l’avenir en s’extrayant du rythme QUI NE SONT PAS ISSUS  Croyez­vous Emmanuel lité de mettre en œuvre une taxe Comment vivez­vous
lement vertueux, et qui soit dis­ médiatique et politique. Quand Macron capable de sortir de sur les transactions financières, le confinement ?
suasive sur des biens toxiques, on voit que le Sénat n’a qu’une vo­
DU TRAVAIL » la politique « des petits pas », sur le fait d’aller chercher des res­ Avec des émotions très différen­
permettant de structurer les mo­ cation, c’est de déliter ce que l’As­ que vous aviez dénoncée, pour sources dans les revenus du capi­ tes. D’abord la peur et la tristesse
des de production et de consom­ semblée a fait, il apparaît urgent se montrer plus ambitieux tal. Va­t­on continuer à donner des pour les gens qui se sont retrouvés
mation. Remettre sur la table de sortir de ces petits jeux mortels. les mois qui viennent, avec des dans son action écologique ? avantages à des entreprises qui dans les affres sanitaires. On se
l’idée des monnaies locales com­ décisions majeures à prendre. Je veux y croire. Il a bien dit au sont domiciliées dans des paradis sentait presque coupables de ne
plémentaires qui permettraient à A quoi ressemblerait cette C’est l’heure de vérité pour l’Eu­ Financial Times : « Il faut que les fiscaux ? Voilà les critères pour ju­ pas être plus utiles ou d’échapper
des collectivités de pouvoir aider troisième Assemblée ? rope, par exemple. Soit on conti­ choses impensables deviennent ger sur pièce. Je donne une chance à cette loterie sanitaire. Mais j’ai
les plus démunis à accéder à des Il faut travailler sur le socle du nue avec cette économie de mar­ pensables. » Je dis chiche ! On ju­ et j’accorde crédit pour l’instant. découvert les vertus de prendre
biens et des services de première Conseil économique, social et en­ ché, où règne la loi du plus fort, gera aux actes et à la cohérence. Mais attention : ce serait une er­ son temps pour chaque chose, les
nécessité. Revaloriser très rapide­ vironnemental, qui produit déjà soit on bascule dans une Europe Cela vaut pour notre président, reur pathétique de ne pas tirer les vertus de l’écoute, de la lecture, du
ment ces métiers essentiels que beaucoup. Il faut y intégrer des ex­ des solidarités, qui tende la main comme pour l’Europe. On ne leçons de cette crise. Car la peur dialogue avec ses proches, mais
l’on a redécouverts pendant la perts, des scientifiques, et davan­ à l’Afrique. Soit on va dans une peut pas interdire aux gens peut générer soit de la violence, aussi avec ses adversaires. Il faut
pandémie de Covid­19. tage de citoyens. Il faut associer forme de fanatisme, en repartant d’évoluer. On vient de se prendre soit de l’audace. Maintenant, à que le monde ralentisse. Tous les
Et, dans ce monde où se con­ l’ensemble de la nation à la com­ à l’identique, soit on tire les le­ une énorme claque, beaucoup de nous de choisir. chemins n’ont pas d’issue. Le che­
frontent toutes les inégalités, il plexité pour que chacun com­ çons de cette crise. responsables politiques me di­ min de ce modèle ultralibéral, de
faudra lutter contre le détermi­ prenne que les choses ne sont ja­ C’est la seule chose qui m’anime. sent avoir compris que notre mo­ Que pouvez­vous faire pour cette mondialisation qui échange
nisme social. Cela peut paraître mais ni blanches ni noires. J’ai un engagement politique au dèle n’est plus tenable, qu’on a at­ peser dans la sortie de crise ? des choses qui n’ont aucune uti­
grandiloquent, mais ce monde in­ sens sociétal du terme, qui est to­ teint une rupture physique… J’es­ Avez­vous l’oreille du président ? lité, n’en a pas. Il va falloir distin­
supportable, qui crée de l’humi­ Cela ne risque­t­il pas d’empiéter tal, pour créer de la convergence père que cette crise va éveiller les Je parle avec le président, cer­ guer le toxique du vertueux. 
liation, n’a pas d’issue pacifique. Il sur le terrain de la convention et un cercle vertueux entre ci­ esprits, y compris d’Emmanuel tains ministres, des membres de propos recueillis par
doit être radical en humanité et citoyenne pour le climat, qui toyens et politiques. C’est le seul Macron. A lui de profiter de ce l’opposition. J’essaie de faire con­ rémi barroux, audrey garric,
en solidarité. Il faut donc distri­ doit remettre des propositions rôle que je joue. Alors que le gou­ moment pour engager un vrai verger. Cela peut se faire dans la alexandre lemarié
buer de l’argent, se fixer des limi­ à Emmanuel Macron, en juin ? vernement est en difficulté, je suis changement de modèle. courtoisie, mais aussi dans une et abel mestre
tes dans les revenus, dans la cupi­ Il faut agréger les différentes ini­
dité. Le temps de l’Etat régulateur tiatives. La convention citoyenne
est revenu, mais sur des bases dé­ est une bonne initiative, qui a été
mocratiques, avec des citoyens empruntée à un outil plus vaste.
qui doivent participer à l’énoncé Lors de la campagne présidentielle
de ces règles communes. Dans un d’Emmanuel Macron, ma Fonda­
deuxième temps, il faudra dresser tion avait mis sur la table l’idée
les perspectives d’une troisième d’une « Chambre du futur ». Dans
Chambre dans laquelle on fera en­
trer les citoyens, les corps inter­
médiaires qui contribueront à
les réflexions sur cette troisième
Chambre, il y avait l’idée de ci­
toyens tirés au sort. Au moment
Supermarchés ouverts vendredi 8 mai
dessiner, à planifier le futur. du conflit des « gilets jaunes », le INFORMATIONS ET HORAIRES SUR LIDL.FR
président a décidé de reprendre
Comment, justement, financer cette idée. Je trouve cela bien, mais
ces transformations ? ce n’est pas suffisant. Confronter

SOUTENONS ENSEMBLE
Nous devons sortir d’une grande brutalement des citoyens à la
mystification que je dénonce de­ complexité des dossiers, leur faire
puis très longtemps, et qui est à une formation accélérée… Tout

L’AGRICULTURE FRANÇAISE
l’origine de ce discrédit entre le ci­ cela est très bien, mais cela ne peut
toyen et le politique. L’Etat est qua­ pas se faire en quelques week­ends
siment en situation de banque­ et sans garanties sur l’utilisation
route, si l’on suit les dogmes bud­ de leurs travaux. Il faut pérenniser
gétaires. Et de fait, quand il promet cet outil, en faisant jaillir une dé­
de l’argent, soit c’est de l’argent mocratie vraiment inclusive. Le
qu’il n’a pas, soit de l’argent que cercle vertueux entre des citoyens
l’on promet aux uns et que l’on en­ qui proposent et des politiques qui
lève aux autres. en tiennent compte, cela doit
Nous avons depuis des décen­ avoir lieu en permanence, au sein
nies laissé un pan entier de l’éco­ de cette troisième Chambre.
nomie nous échapper. Tant que
l’Europe s’accommodera de l’éva­ Plaidez­vous toujours pour
sion et de l’optimisation fiscales, un changement institutionnel,
d’une finance qui s’est organisée avec l’émergence d’une

LIDL S’ENGAGE ET VOUS PROPOSE

pour ne pas participer à l’impôt, VIe République ?
on nous promettra de l’austérité. Je ne sais pas s’il faut aller jus­
Et nous n’aurons pas la possibilité que­là mais il y a des révisions
d’atteindre nos objectifs écologi­
ques et sociaux. Tant que nous res­
constitutionnelles qu’il faudrait
faire à l’horizon de début 2021, is­
DES TOMATES ET DES POMMES DE TERRE
tons dans les dogmes budgétaires
et que nous n’acceptons pas d’in­
sues des réflexions de la grande
conférence à venir, sans attendre EXCLUSIVEMENT ORIGINE FRANCE
vestir en grand sur cette transition 2022. Au passage, je le dis d’ailleurs
sociétale, on n’y arrivera pas. La à ceux qui n’ont que la présiden­ OFFRE VALABLE DU MERCREDI 6 AU DIMANCHE 10 MAI
priorité des priorités, c’est d’aller tielle à l’esprit : on s’en contrefiche
chercher l’argent là où il est, de de 2022 ! Tomate allongée type cœur • 2,49 € le kg • Cat. 1
taxer de manière plus importante
les revenus qui ne sont pas issus Pourquoi dites­vous cela ?
Pommes de terre primeurs • 2,89 € le sachet de 750 g • 3,86 € le kilo • De consommation à chair
du travail, de mettre fin à ce capita­ C’est un coup de colère, car je ferme • Diverses variétés selon arrivage en supermarché • Cat. 1 • Calibre 35/55 mm
lisme sauvage. Si on veut éviter les vois la tentation de quelques­uns,
tensions sociales qui vont poindre dans l’opposition, de profiter de la
Dans le contexte actuel, nous avons décidé de donner la priorité voire
|

demain, il faut redonner de fragilité du gouvernement pour se

l’exclusivité quand cela est possible aux fruits et légumes d’origine France.
Année 2020 - Photos non contractuelles - LIDL RCS Créteil 343 262 622

l’équité. Mais dans l’urgence, ne mettre en ordre de marche pour

nous interdisons pas de faire de la 2022. Alors que ce n’est pas le mo­ Ces produits en pleine récolte actuellement, nous vous les proposons non
dette dès lors que cet argent est flé­ ment. Il reste encore deux années seulement parce qu’ils sont bons mais surtout parce que nous renouvelons
ché pour développer massive­ déterminantes pour l’avenir de
ment les solutions et non pour l’Europe et de notre pays. En 2022, ainsi de façon forte et déterminée, notre soutien aux filières agricoles de
prolonger ce qui est la cause de nos tout sera déjà plié dans un sens ou notre pays.
problèmes. On meurt du Covid­19, un autre en fonction de nos choix
de la canicule, pas de la dette. et décisions des prochains mois.
La seule chose qui doit nous ani­
Faut­il rétablir des frontières mer est : qu’est­ce que nous pou­
économiques, physiques ? vons faire maintenant pour ras­
Sans tomber dans le piège des sembler la nation et contribuer à
nationalistes et des protectionnis­ modifier le monde de demain ?
tes, il faut trouver cette troisième
voie entre l’autarcie et le néolibé­ Avec cent principes pour un
ralisme. On doit continuer à com­ nouveau monde, votre mani­
mercer, mais les frontières de l’Eu­ feste pour un pacte social et
rope doivent être des sortes écologique ressemble pourtant à
d’écluses, servir de leviers pour une déclaration de candidature…
imposer des normes environne­ Excluez­vous d’être candidat
mentales, sanitaires et sociales. à la présidentielle de 2022 ?
C’est le juste échange. Encore une fois, je suis à des an­
nées­lumière de cette échéance.
aujourd’hui plus que jamais,
Vous proposez donc une confé­ Notre manifeste n’est pas un acte soutenons ensemble
les producteurs français
rence écologique et sociale pour politique : il a vocation à tenter
que les élus et les citoyens prépa­ de rassembler autour de princi­
rent le « jour d’après »… pes, d’où découleront, je l’espère,
Cela peut éventuellement s’ins­ des choix politiques et économi­
pirer d’un format type Grenelle ques. A mes yeux, 2022, c’est
mais l’important, c’est qu’on défi­ presque de la science­fiction, car
nisse bien la finalité. Et que cela ne tout se joue dans les semaines et
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12 | coronavirus JEUDI 7 MAI 2020

Covid­19 : le patronat veut être protégé par la loi

Le Sénat a adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement excluant la responsabilité des employeurs

L
es patrons ont peur de su­ Dans l’hypothèse où un salarié maintenue ou reprenne en l’économie sociale et solidaire, lui, il conviendrait de prévoir « la
bir les foudres de la jus­ pense que sa hiérarchie a manqué veillant à la sécurité des équipes. l’une des organisations signatai­
« Ce serait reconnaissance du Covid­19 en
tice, même lorsqu’ils à ses devoirs, le contentieux peut Mais les inquiétudes persistent. res du courrier à la ministre du un très mauvais maladie professionnelle » pour
pensent avoir tout fait être porté devant les juges. C’est « On a beau suivre tout ce que travail. Mais cette même lettre in­ l’ensemble des salariés : une telle
pour protéger leurs salariés du alors eux qui apprécient si l’entre­ disent ces guides, on n’est pas ga­ siste sur la nécessité « de limiter et
signal que décision permettrait « de prendre
Covid­19. C’est, en substance, le prise s’est conformée à son « obli­ rantis que quelqu’un ne déclen­ de clarifier le périmètre » de l’obli­ de faire évoluer en charge les personnes concer­
message qu’ils viennent de trans­ gation de moyens renforcée ». Le chera pas une action en justice, gation de moyens renforcée, de nées et de sécuriser les employeurs
mettre à Muriel Pénicaud, la mi­ fait d’être suspendu à une déci­ confie François Asselin, président manière à « éviter d’éventuelles
la loi » qui feraient face à beaucoup
nistre du travail, dans une lettre sion souveraine de magistrats ne de la CPME. La mécanique infer­ mises en cause de la responsabilité LAURENT BERGER moins d’actions juridiques ».
cosignée par six des plus impor­ rassure guère les employeurs, en nale d’une procédure pénale peut civile et pénale de l’employeur qui secrétaire général de la CFDT Lundi 4 mai, les sénateurs se
tantes organisations d’em­ particulier depuis le début de alors se mettre en route et, même a fait diligence ». sont emparés du sujet en adop­
ployeurs, dont le Medef, la Confé­ l’épidémie. A maintes reprises, s’il n’y a pas de condamnation au Pour atteindre cet objectif, une tant, contre l’avis du gouverne­
dération des petites et moyennes des travailleurs se sont plaints des bout, vous aurez subi le terrible solution existe : prendre « une positions », commente Me Marie­ ment, un amendement excluant
entreprises (CPME) et l’Union des conditions dans lesquelles ils parcours initiatique d’une compa­ mesure législative dans l’esprit et Hélène Bensadoun, vice­prési­ toute responsabilité des élus
entreprises de proximité (U2P). exerçaient leur métier : trop rution en correctionnelle. » dans la lettre » d’une directive dente d’Avosial, une association locaux, fonctionnaires et em­
Leur offensive groupée vise à ob­ grande promiscuité avec des col­ « Ça génère une anxiété assez européenne datant de 1989, écri­ d’avocats qui conseille les ployeurs en cas de contamination
tenir un changement de la législa­ lègues, absence de masques et de forte, et ça fait aussi partie des vent les six mouvements patro­ employeurs. Professeur émérite à par le Covid­19 pendant la durée
tion afin de « mettre fin à l’insécu­ gel hydroalcoolique… Plusieurs freins à la reprise d’activité », en­ naux à Mme Pénicaud. La directive l’université Paris­Nanterre, An­ de l’état d’urgence sanitaire, à
rité juridique qui pèse » sur les diri­ plaintes pour « mise en danger de chaîne Geoffroy Roux de Bézieux, en question offre la faculté aux toine Lyon­Caen s’interroge « sur moins que les faits aient été
geants de sociétés. Pour les la vie d’autrui » ont été déposées. le numéro un du Medef. « C’est Etats membres « d’exclure ou de l’utilité d’introduire une exception commis « intentionnellement »,
auteurs de ce courrier, en date du surtout dans les petites boîtes que diminuer » la responsabilité des au régime de la responsabilité de « par imprudence ou négligence »,
30 avril, les textes doivent être « Mécanique infernale » le problème se pose, là où il n’y a employeurs « pour des faits dus à l’employeur » : si ce dernier se ou « en violation manifestement
adaptés « à la situation actuelle, et Le ministère du travail s’est ef­ pas de délégation de responsabi­ des circonstances qui sont étran­ conforme aux instructions du mi­ délibérée d’une mesure de police
notamment au risque pandémi­ forcé de clarifier les règles en dif­ lité, ajoute Jacques Chanut, prési­ gères à ces derniers (…) ou à des nistèrel, « il me paraît difficile de administrative ».
que, dont nul ne peut prétendre fusant des « fiches­conseils » puis dent de la Fédération française du événements exceptionnels ». Le prétendre qu’il aurait manqué à Au ministère du travail, on se
avoir la maîtrise et dont les entre­ un « protocole national de décon­ bâtiment. Il y a un sentiment d’in­ Medef plaide également pour que ses obligations », complète­t­il. retranche derrière des propos
prises ne sont pas à l’origine ». finement » : ces vade­mecum in­ justice totale. Comment peut­on les fiches­conseils et le protocole Sans surprise, les syndicats réa­ tenus, lundi, par Edouard Phi­
La crainte exprimée par le pa­ diquent aux patrons la marche à prouver que le salarié a attrapé le de déconfinement du ministère gissent assez mal à l’initiative du lippe, selon lesquels « l’heure n’est
tronat ne date pas d’hier. Elle ren­ suivre pour que leur activité soit virus en travaillant et pas en ache­ du travail aient « une valeur juridi­ patronat. « Ce serait un très mau­ pas à atténuer la responsabilité
voie à un corpus de règles, sur la tant sa viande chez le boucher ? » que » : si ces documents sont vais signal que de faire évoluer la des maires ou des employeurs ».
santé et la sécurité au travail, is­ Pour Alain Griset, le président de appliqués strictement, l’obliga­ loi », a déclaré Laurent Berger, le « Aujourd’hui, les entreprises ont
sues de la loi et de la jurispru­ l’U2P, « il faut sécuriser tout le tion de moyens pourra être consi­ secrétaire général de la CFDT, une obligation de moyens, pour­
dence. Les employeurs sont sou­
Depuis le début monde : le consommateur, le sala­ dérée comme remplie. dans un entretien au Monde. La suit­on dans l’entourage de
mis à une « obligation de moyens de l’épidémie, rié et le chef d’entreprise ». position affichée dans la lettre à Mme Pénicaud. Pour les accompa­
renforcée, ce qui veut dire qu’ils ne Les leaders patronaux assurent « Malade professionnelle » Mme Pénicaud est « particulière­ gner, nous avons publié 51 guides
seront pas considérés responsa­
plusieurs plaintes qu’ils ne cherchent nullement à « S’il s’agit de protéger les em­ ment violente », juge Jérôme Vi­ et un protocole. Si besoin, on clari­
bles, s’ils démontrent qu’ils ont pour « mise en s’exonérer de leurs devoirs. « No­ ployeurs face au risque de voir leur venza (CGT) : « Surtout pendant le fiera ce qu’est cette obligation de
mis en œuvre toutes les mesures tre démarche ne signifie pas que responsabilité engagée dans le confinement, l’un des principaux moyens mais l’idée n’est pas de di­
nécessaires pour assurer la sécu­
danger de la vie l’employeur ne doit rien faire, ni se contexte de l’épidémie de Covid­19, risques d’attraper le virus, c’est en minuer la responsabilité des em­
rité et protéger la santé physique d’autrui » ont été préoccuper de la santé et de la cette seule directive ne permet pas, allant sur son lieu de travail. » ployeurs, comme l’a indiqué le pre­
et mentale des personnels », expli­ sécurité de ses personnels », af­ selon mon analyse, de garantir Serge Legagnoa (FO) qualifie de mier ministre. » 
que Pascal Lokiec, professeur à
déposées par firme Hugues Vidor, responsable leur exonération, et nécessiterait « scandaleux » le souhait des raphaëlle besse desmoulières
l’école de droit de la Sorbonne. des travailleurs de l’Union des employeurs de donc l’adjonction de nouvelles dis­ mouvements d’employeurs. Pour et bertrand bissuel

Les collectivités territoriales devraient perdre 15 milliards d’euros

Malgré une lourde perte de recettes pour les territoires, le gouvernement a annoncé qu’il maintenait la suppression de la taxe d’habitation

P rès de 15 milliards d’euros.

C’est le montant estimé
des pertes de recettes que
devraient essuyer les collectivités
territoriales en 2020 et 2021 du
difficultés se fera sentir en 2021.
Selon les ministres, la perte de re­
cettes devrait être de l’ordre de
4 milliards d’euros en 2020 et de
10 milliards en 2021, toutes collec­
ront pas affectées de la même
manière. Le choc, néanmoins,
risque d’être très dur pour certai­
nes d’entre elles. Notamment les
collectivités ultramarines, dont
leurs revenus tirés de la taxe de
séjour ou de la taxe casino : ville
touristique plus casino, c’est le tic­
ket perdant, jusqu’à 15 % de recet­
tes en moins.
de la cohésion des territoires,
Mme Gourault, a indiqué que la
baisse des recettes de DMTO
en 2020 devrait être de l’ordre de
25 % et qu’elle représenterait
cales des collectivités du bloc com­
munal », a assuré le secrétaire
d’Etat Olivier Dussopt.
Pas plus que pour les départe­
ments, a­t­il ajouté, évoquant un
fait de la crise provoquée par le tivités confondues. Un montant une partie importante des recet­ L’autre perte importante de 3,4 milliards d’euros pour les possible « effet d’aubaine », la loi
Covid­19, tel qu’il ressort des audi­ qui peut être amené à changer en tes repose sur l’octroi d’outre­ recettes portera sur les droits de départements, soit un peu plus de finances prévoyant que la frac­
tions des ministres Gérald Dar­ fonction de l’évolution de la crise. mer, une taxe perçue sur les pro­ mutation à titre onéreux (DMTO), d’un quart de leurs recettes fisca­ tion de TVA attribuée aux dépar­
manin et Olivier Dussopt, mer­ De plus, il faut réintégrer dans les duits importés qui peut parfois les frais de notaire perçus par les les, et d’environ 1 milliard d’euros tements en 2021 serait équiva­
credi 29 avril, devant la commis­ comptes des collectivités les dé­ représenter jusqu’à 60 % des re­ départements, majoritairement, pour les communes. lente aux recettes de taxe foncière
sion des finances de l’Assemblée penses supplémentaires générées cettes d’une commune, ainsi que et les communes, du fait de la De fortes inquiétudes pèsent sur les propriétés bâties (TFPB)
nationale, et de Jacqueline Gou­ par la crise, mais aussi les moin­ pour les collectivités fortement mise quasi à l’arrêt des transac­ sur les départements, qui perçues en 2020 majorées de
rault et Sébastien Lecornu, mardi dres dépenses, afin d’évaluer pré­ dépendantes de l’activité touristi­ tions immobilières. Mardi matin, risquent d’être confrontés à un 250 millions d’euros. « Pour les dé­
5 mai, devant son homologue du cisément les pertes. C’est l’objet que, comme la Corse. devant les sénateurs, la ministre « effet ciseaux » entre la baisse de partements, la réforme de la taxe
Sénat. L’impact, certes, sera limité de la mission confiée au président leurs recettes de DMTO et la d’habitation est extrêmement pro­
à court terme. D’une part, parce de la délégation aux collectivités Fréquentation touristique hausse de leurs dépenses socia­ tectrice », affirme M. Dussopt, à re­
que la trésorerie des administra­ territoriales et à la décentralisa­ Peu de communes connaissent les, notamment les dépenses de bours des nombreux commentai­
tions publiques locales s’élevait à tion de l’Assemblée, le député du aujourd’hui des difficultés : une Certaines RSA, alors qu’en parallèle devrait res signalant que la substitution
46 milliards d’euros à la fin du Gers Jean­René Cazeneuve (La Ré­ quarantaine, souvent des très se poursuivre la réforme de la de la TFPB par une part de TVA,
mois d’avril, comme l’a révélé le publique en marche), qui devrait petites, qui étaient déjà dans le
communes taxe d’habitation, entraînant dans cette période de chute de la
ministre de l’action et des comp­ rendre son rapport fin juin. rouge avant la crise et auxquelles devraient voir pour eux la perte de cette fiscalité consommation, aurait été drama­
tes publics, M. Darmanin. D’autre Les collectivités locales ne sont la direction générale des finances locale, remplacée par une fraction tique pour les départements.
part, parce que la plupart des re­ pas toutes logées à la même en­ publiques a accordé des avances
brutalement de TVA. Les ministres ont con­ Les régions, qui ont vu en 2017
cettes fiscales – pas toutes – sont seigne, du fait de la diversité de de trésorerie. Mais, avec la crise et chuter leurs firmé que la crise ne la remettait leur dotation globale de fonction­
perçues à l’année n + 1. leurs ressources et des compéten­ la baisse de fréquentation touris­ pas en cause. « Il n’y a pas lieu de nement remplacée par une frac­
Aussi, pour la plupart des collec­ ces qu’elles exercent, mais aussi tique, certaines d’entre elles de­
revenus tirés de s’inquiéter pour la dynamique du tion de TVA, ne devraient
tivités territoriales, l’essentiel des de leurs spécificités. Toutes ne se­ vraient voir brutalement chuter la taxe de séjour nouveau panier de ressources fis­ d’ailleurs subir qu’un impact mo­
déré puisque la loi prévoit un dis­
positif leur garantissant un mon­
Les recettes fiscales de l’Etat sérieusement amputées par la crise tant au moins équivalent à leurs
recettes de TFPB en 2017, soit
4,1 milliards d’euros. Ainsi, leurs
c’est une première photographie, partiel, mais aussi sur les recettes, en Mais, alors que le gouvernement a déjà tendu pour septembre ou octobre. pertes ne devraient pas excéder,
encore parcellaire, des effets sur les baisse de 6 milliards d’euros par rapport déployé un plan de soutien à l’économie Certains secteurs comme l’aéronauti­ au maximum, 264 millions
finances publiques de la pandémie de à 2019. Ainsi, alors que la consommation de 110 milliards d’euros, les compteurs que, l’automobile ou le tourisme seront d’euros. Elles risquent en revan­
Covid­19. Mais elle permet déjà d’esquis­ est en berne, les recettes de TVA ont sont loin d’être arrêtés. Lundi soir, Bercy particulièrement soutenus, a annoncé il che d’être beaucoup plus forte­
ser les conséquences des deux premiè­ fondu de près d’un quart, amputées de a confirmé la décision d’exonérer de y a quelques jours le ministre de l’écono­ ment affectées, en 2021, par la
res semaines de confinement, en vi­ 8,3 milliards d’euros. Quant à l’impôt sur charges sociales et fiscales pour les mois mie, Bruno Le Maire. baisse des impôts de production,
gueur en France depuis le 17 mars. Le dé­ les sociétés, il est en recul de 2,8 milliards de mars, avril et mai les entreprises de Lors d’une audition devant la commis­ comme la contribution sur la va­
ficit du budget de l’Etat s’est établi à d’euros, près d’un tiers, « en lien avec les moins de dix salariés ayant fait l’objet de sion des finances de l’Assemblée, M. Dar­ leur ajoutée des entreprises.
52,5 milliards d’euros au premier trimes­ reports de règlement des échéances fisca­ fermetures administratives durant le manin a d’ailleurs précisé que le budget Enfin, si la participation des ré­
tre 2020, se creusant de 11,8 milliards les accordés aux entreprises en diffi­ confinement – soit l’essentiel des petits 2021, qui sera présenté à l’automne, sera gions au fonds national de solida­
d’euros à fin mars par rapport à la même culté », détaille le communiqué de Bercy. commerces non alimentaires. un budget « de relance ». « Nous sommes rité avec les petites entreprises, à
période de 2019, selon les données pu­ « Il est trop tôt pour donner un chiffre en train de travailler (…) en imaginant (…) hauteur de 500 millions d’euros,
bliées, mardi 5 mai, par le ministère de Les compteurs ne sont pas arrêtés précis » pour ces nouvelles exonérations une construction » qui permette « d’isoler pourra être inscrite en investisse­
l’action et des comptes publics. « Les pre­ Et encore ces pertes sont­elles compen­ de charge, indique­t­on dans l’entourage les dépenses » consacrées à la relance des ment et non en dépenses de fonc­
miers effets de la crise sanitaire sont ob­ sées par une forte hausse des recettes de de Gérald Darmanin, le ministre de l’ac­ budgets alloués aux différents ministè­ tionnement, il n’en ira pas de
servés en recettes et en dépenses », indi­ l’impôt sur le revenu, passées de tion et des comptes publics, évoquant res, a­t­il affirmé. « C’est une proposition même pour les autres dépenses
que le communiqué. 10,6 milliards d’euros à 15,1 milliards un coût de « plus d’un milliard d’euros ». que nous avons formulée au premier liées à l’épidémie de Covid­19. Le
Les mesures exceptionnelles prises en d’euros sur la période, en raison de la Un troisième projet de loi de finances ministre », a­t­il ajouté, précisant que, gouvernement envisage toute­
réponse à la crise sanitaire et économi­ mise en place du prélèvement à la rectificative devra valider ces nouvelles même s’il s’agissait d’une question de fois, ont indiqué les ministres,
que ont pesé sur les dépenses, avec no­ source. Dans le nouveau système en ef­ dépenses, mais « ce n’est pas pour la se­ forme, cela permettrait de rendre plus li­ qu’elles puissent être lissées sur
tamment 2 milliards d’euros consacrés fet, les revenus relatifs à décembre 2019 maine prochaine », se contente­t­on de sible la discussion budgétaire.  plusieurs exercices. 
au dispositif exceptionnel de chômage ont été perçus dès janvier 2020. dire à Bercy. Le plan de relance est, lui, at­ audrey tonnelier patrick roger
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JEUDI 7 MAI 2020 coronavirus | 13

Les banques françaises résistent… pour l’instant

Face au choc de la pandémie, Société générale, BNP Paribas et Crédit agricole accumulent les provisions

L
e confinement sanitaire
aura des répercussions
économiques majeures
qui, si elles étaient dura­
bles, pourraient bouleverser le
secteur bancaire. A ce stade, néan­
moins, les grandes banques euro­
péennes et américaines font face
avec plus ou moins de brio.
« Comme le système est arrosé de
liquidités, de garanties, de protec­
tions, il est trop tôt pour observer
des défauts d’entreprises », note
Nicolas Véron, économiste du
centre de réflexion européen
Bruegel et au Peterson Institute
de Washington.
Mais, au premier trimestre, les
institutions françaises ont affiché
des résultats marqués par la crise.
Si Société générale, grevée par sa
banque de financement et d’in­
vestissement, a essuyé une perte
de 326 millions d’euros, BNP Pari­
bas et le Crédit agricole enregis­
trent des bénéfices confortables
(respectivement de 1,3 milliard et
908 millions d’euros) bien qu’en
net recul, de 33 % pour chacun.

Des « méga­provisions » en pré­

vision de crédits non rembour­
sés C’est l’indicateur le plus évi­
dent des graves dommages éco­
nomiques que va provoquer le
Covid­19. Les comptes du premier
trimestre 2020 des banques euro­
péennes, et surtout américaines,
font apparaître une flambée du
« coût du risque », c’est­à­dire des
provisions qu’elles doivent cons­
tituer pour faire face à des pertes
potentielles de crédits, parce que Des bureaux de BNP Paribas à Issy­les­Moulineaux (Hauts­de­Seine), en avril 2017. GONZALO FUENTES/REUTERS
de nombreux prêts souscrits par
leurs clients, en particuliers les
entreprises, ne pourront pas être trapoler. Bien moins rentables sur le trimestre. Particulièrement tement bousculées. Elles ont en­ chaque année, une part impor­
remboursés. que leurs concurrentes américai­ touchées, les activités « actions »
Les comptes registré des revenus négatifs à tante de leurs bénéfices en ré­
Les chiffres les plus impression­ nes, elles ne disposaient pas des ont vu leur revenu chuter de 99 %, du premier hauteur de 87 millions d’euros, serve, pour accumuler des fonds
nants ont été relevés aux Etats­ mêmes marges de manœuvre pour n’atteindre que 9 millions mais la taille et la diversité des ac­ propres et ainsi se préparer au
Unis. Ainsi, Bank of America a pour mettre de côté des « méga­ d’euros. Que s’est­il passé ?
trimestre 2020 tivités de marché de la première prochain choc financier. C’est ce
provisionné 4,8 milliards de dol­ provisions ». Certains métiers de la banque font apparaître banque européenne lui ont per­ capital qui leur permettra de ré­
lars (4,4 milliards d’euros), le Chez BNP Paribas, le coût du ris­ d’investissement prospèrent en mis d’absorber le choc. sister en cas d’impayés massifs de
montant le plus élevé depuis que a crû de plus 85 % sur les trois temps de crise, lors des pics de vo­
une flambée De son côté, le Crédit agricole leurs clients. Or, cet indice­là est
2010, ce qui a fait chuter son béné­ premiers mois de l’année, à latilité, en particulier les produits du « coût n’a pas subi les turbulences de aujourd’hui au vert.
fice net trimestriel de 48 %, à 1,4 milliard d’euros. Il a été multi­ de flux, les actions et les obliga­ marché. « Notre activité de dérivés Les ratios de solvabilité (instru­
3,5 milliards. Le profit de Citi­ plié par trois au Crédit agricole, tions que les investisseurs ven­
du risque » actions est de taille beaucoup plus ment de mesure de la solidité des
group a plongé de 47 %, à 2,5 mil­ comme à la Société générale. dent et achètent dans des volu­ réduite que celle de nos concur­ banques) de Société générale,
liards, après une provision de Cette dernière a ajouté qu’il était mes importants. Les banques rents », a souligné Jacques Ripoll, BNP Paribas et Crédit agricole ont
7 milliards de dollars pour parer susceptible de peser sur ses résul­ américaines, leaders sur ce mar­ duits ont généré de lourdes per­ le directeur général de Crédit agri­ reculé au premier trimestre, mais
aux futurs impayés. JPMorgan tats annuels à hauteur de 3,5 mil­ ché, ont ainsi profité à plein du tes ». Dans son activité de pro­ cole CIB, au cours d’une confé­ ils restent très nettement supé­
Chase a provisionné 8,3 milliards, liards à 5 milliards d’euros. choc sur les marchés financiers duits dérivés, la banque a égale­ rence téléphonique. rieurs au minimum réglemen­
Wells Fargo 4 milliards et Gold­ au mois de mars, au début de la ment subi des défauts de contre­ taire. « Nous ne sommes cepen­
man Sachs, 937 millions. De lourdes pertes dans les acti­ crise sanitaire. partie de la part de clients hedge Des matelas de sécurité impor­ dant qu’au début de la phase de
De ce côté­ci de l’Atlantique, « la vités de marché La Société géné­ Cependant, « la force de Société funds (les fonds spéculatifs). Elle tants Les banques françaises, à bouleversement du secteur ban­
Banque centrale européenne a en­ rale a été la première banque fran­ générale, le fleuron de la banque, a, enfin, dû faire face à deux dos­ l’instar de la plupart des grandes caire. Tout dépendra de l’ampleur
couragé les banques à ne pas se çaise à publier ses comptes tri­ ce sont les produits structurés “ac­ siers exceptionnels de fraude. banques européennes et améri­ du choc économique, prévient Ni­
montrer trop pessimistes », note mestriels, jeudi 30 avril, avec six tions”, explique David Benamou, « Avec une crise comme celle­ci, caines, sont entrées dans la crise colas Véron. C’est comme une tra­
Nicolas Véron, afin qu’un excès de jours d’avance sur l’agenda initial, associé gérant au sein du cabinet dans la banque d’investissement, il actuelle avec des matelas de capi­ versée du désert : nous savons
provisions ne provoque pas, en parce que des rumeurs de marché Axiom. Ils peuvent proposer un ef­ faut de très bonnes équipes pour taux élevés. Une solidité qui leur aujourd’hui ce que nous avons
définitive, de la défiance. Chaque faisaient état d’une « paume » fet de levier important sur les divi­ tenir la barre. A la Société générale, avait fait défaut lors de la crise fi­ dans le réservoir, à savoir les fonds
institution européenne a donc dans sa banque de financement dendes qui vont être payés pour ils ne les ont plus », estime un opé­ nancière de 2008. propres élevés des banques, mais
tenté de fixer le niveau de réser­ et d’investissement (BFI). Et, en ef­ l’action sous­jacente. Avec la va­ rateur de marché. Depuis dix ans, à la demande nous ne savons pas quelle sera
ves le plus adéquat, à l’aveugle, fet, ces activités ont enregistré gue d’annulation de dividendes de BNP Paribas a également vu ses des superviseurs, les établisse­ l’étendue du désert. » 
puisque nul n’est en mesure d’ex­ une perte de 537 millions d’euros nombreux groupes côtés, ces pro­ activités de courtage actions for­ ments de crédit mettent de côté, véronique chocron

En Allemagne, la prime à la casse reste controversée

Berlin devrait décider en juin quel soutien il accorde à l’industrie automobile, très affectée par les conséquences de la crise du coronavirus

berlin ­ correspondance du capitalisme allemand. Les pa­ chance, la mesure se finance d’el­ par les syndicats. Et 1,8 million de videndes portent sur l’année pas­ pes ne sont pas encore capables
trons des grands constructeurs, le­même. L’expérience en a été salariés sont, directement et indi­ sée et qu’il est important de sou­ de produire des véhicules électri­

L’ Allemagne a ouvert la
voie, mardi 5 mai, à la
création d’une prime à la
casse pour soutenir son industrie
automobile, durement frappée
les représentants du syndicat IG
Metall, les présidents de régions
dépendantes de l’automobile ont
plaidé en faveur d’une mesure
qu’ils réclament depuis des jours :
faite en 2009, et la prime d’alors
est, depuis, célébrée par l’indus­
trie comme une des mesures
ayant permis à l’Allemagne de
sortir rapidement de la crise.
rectement, dépendants de l’in­
dustrie automobile outre­Rhin.

Réserves de liquidité
Pourtant, malgré l’urgence de la
tenir le cours pour ne pas froisser
les investisseurs étrangers. Un ar­
gumentaire de moins en moins
tenable, à l’heure où la solidarité
est demandée partout pour sortir
ques en grand nombre. Quant au
réseau de recharge allemand, il
est très insuffisant. Les consom­
mateurs ne s’y trompent pas : les
primes à l’achat de véhicules élec­
par les conséquences de la crise une prime à la casse, largement En amont du sommet de mardi, situation pour l’industrie, le gou­ de la crise du coronavirus. triques actuellement en cours
sanitaire en cours. Mais aucun en­ distribuée, permettrait de faire re­ les présidents de Bavière, de Ba­ vernement veut maintenir la D’autres branches industrielles remportent peu de succès.
gagement chiffré n’a été pris pour partir l’activité des groupes et des de­Wurtemberg et de Basse­ pression sur l’industrie. Car, con­ ont par ailleurs exprimé leur in­ Pourquoi ne pas investir l’argent
le moment. Des « mesures de sou­ milliers de sous­traitants. Saxe, très sûrs d’eux, avaient trairement à 2009, les critiques quiétude que l’influente automo­ public dans ce réseau plutôt que
tien à la conjoncture » seront exa­ Beaucoup de leurs salariés sont même annoncé à la presse le sont nombreuses contre le dis­ bile impose ses priorités au gou­ dans une prime, qui risque de dé­
minées dans les prochaines se­ actuellement au chômage partiel. montant qu’ils souhaitaient positif envisagé, y compris au vernement, là où toute l’écono­ caler encore une fois la transition
maines, a annoncé le porte­pa­ Si les chaînes de montage sont faire adopter : de 3 000 euros à sein des milieux économiques. mie a subi des dommages consi­ vers une mobilité économe en
role du gouvernement, sans faire bien reparties, la demande de vé­ 4 000 euros par véhicule neuf D’abord parce que les groupes dérables. Qu’un tel débat puisse CO2 ? interrogent les représen­
plus de précisions. Le dispositif, hicules est tombée à un niveau acheté en fonction des motorisa­ automobiles disposent cette avoir lieu cette fois­ci en dit long tants des associations écologistes.
présenté comme indispensable historiquement faible. tions, la prime devant, bien en­ fois­ci d’importantes réserves de sur la perte de prestige qu’a en­ Mardi, Greenpeace avait organisé
par l’industrie, est encore loin de A priori, tout semble justifier tendu, couvrir les véhicules es­ liquidités, qu’ils envisagent de caissée l’automobile ces dix der­ une manifestation devant le Bun­
faire l’unanimité. une telle stimulation de la de­ sence et diesel « modernes ». distribuer en partie à leurs ac­ nières années. destag, mettant en scène un SUV
Angela Merkel avait réuni mande. Au lieu de payer l’assu­ Le moteur à explosion reste la tionnaires. S’ajoute à cela la question envi­ écrasant symboliquement une
autour d’elle, mardi, par vidéocon­ rance­chômage, l’Etat verse une grande spécialité de l’automobile La justification de Volkswagen ronnementale, gênante pour les pile de vélos. « La prime à la casse
férence, un « sommet de l’automo­ prime à l’acheteur qui se réper­ allemande. Il est le plus souvent (25 milliards d’euros de réserves), constructeurs. Contrairement à détruit la transition des trans­
bile », pour discuter des mesures cute sur l’activité et sur les ren­ fabriqué en Allemagne, par des de Daimler (18 milliards) et de leur discours officiel sur l’électri­ ports, » clamait une banderole. 
de soutien à l’industrie centrale trées fiscales. Avec un peu de ouvriers payés au tarif négocié BMW (12 milliards) est que les di­ fication de leur gamme, les grou­ cécile boutelet
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14 | coronavirus JEUDI 7 MAI 2020

La BCE mise sous

pression par la Cour
constitutionnelle
allemande
La Banque centrale européenne est sommée de s’expliquer
sur ses achats de dettes. Les retombées juridiques,
économiques et politiques pourraient être profondes

berlin, bruxelles, londres ­ correspondants contourner la Bundesbank, si nécessaire.

« Nous pouvons faire les achats de titres sans

L
a Cour constitutionnelle alle­ passer par elle », notait une source de la BCE
mande a posé une bombe à retar­ vendredi, en prévision de la décision.
dement juridique sous les fonda­ Les marchés ont d’ailleurs réagi avec modé­
tions même de la zone euro, ration : après avoir légèrement chuté, l’euro
mardi 5 mai. Dans un jugement est revenu à son niveau de la veille, à 1,08 dol­
qui va faire date, elle a exigé de la lar, tandis que le taux des obligations italien­ « SI LES COURS 
Banque centrale européenne (BCE) qu’elle nes, déjà sous tension, est passé de 1,8 % à DE TOUS LES ÉTATS 
justifie son programme d’achat de dettes 1,9 %. Mais les conséquences de long terme
(« quantitative easing ») lancé en 2015. Après risquent d’être très nombreuses, juridiques, MEMBRES 
un long processus juridique, et un aller­retour politiques et économiques. L’eurodéputé
avec la Cour de justice de l’Union européenne Guy Verhofstadt – qui fut à la tête du gouver­ SE METTENT 
(CJUE), les huit juges constitutionnels alle­ nement belge de 1999 à 2008 – s’est emporté
mands ont décidé par sept voix contre une sur Twitter : « Si toutes les cours constitution­
À DONNER LEUR 
que l’institution monétaire n’avait pas expli­ nelles de tous les Etats membres se mettent à INTERPRÉTATION 
qué pourquoi son action était « proportion­ donner leur interprétation de ce que l’Europe
nelle » aux dangers économiques auxquels la peut ou ne peut pas faire, c’est le début de la DE CE QUE L’EUROPE 
zone euro faisait face à l’époque. fin. » Paolo Gentiloni, le commissaire euro­
Ils mettent en demeure la BCE de se justifier péen au marché intérieur, a abondé : « La BCE PEUT OU NE PEUT 
dans les trois mois. Sinon, ils ordonnent à la est indépendante. Son indépendance est à la PAS FAIRE, C’EST LE 
Bundesbank – principale actionnaire de l’ins­ base de la politique monétaire européenne. » neuf banques centrales de la zone euro, ainsi dernière a répondu que l’action de la BCE
titut d’émission de Francfort – de cesser de Franz Mayer, professeur de droit à l’université DÉBUT DE LA FIN » que la BCE elle­même, se sont mises à ache­ était légale, notamment parce qu’elle ache­
participer au programme de rachat de titres. de Bielefeld (Allemagne), invité par le cercle ter des obligations des Etats membres sur les tait les obligations non pas directement
GUY VERHOFSTADT
Alors que la BCE a lancé en mars un « plan de réflexion européen Bruegel, s’inquiète de marchés financiers. En Allemagne, un auprès des gouvernements, mais seulement
ancien premier ministre
pandémie » de 750 milliards d’euros d’achats la boîte de Pandore ouverte : « Que va­t­on groupe d’eurosceptiques décide de porter sur les marchés secondaires. Sur ce point, la
belge
de titres, et que le retour d’une crise de la zone dire à un juge polonais qui dira que la loi euro­ plainte, estimant que la BCE ne respectait Cour constitutionnelle allemande, malgré
euro n’est pas écarté, le jugement tombe au péenne ne s’impose pas à lui ? (…) La CJUE ne pas les traités européens. Ceux­ci interdisent quelques réserves, a accepté l’interprétation.
plus mauvais moment. A court terme, les peut pas laisser faire, elle doit réagir, c’est une en particulier le « financement monétaire », En revanche, elle critique, dans des termes
conséquences sont limitées. D’abord, parce question de survie. C’est une guerre des juges. » c’est­à­dire le financement direct des gou­ très sévères, le manque de contrôle de la CJUE
que la BCE a trois mois pour réagir. Son Le verdict de ce mardi concerne une vernements par la banque centrale. Une fois sur l’action de la BCE. Une telle attaque est
conseil des gouverneurs, réuni dans l’urgence plainte qui remonte à 2015. En pleine crise de saisie, la Cour de Karlsruhe avait décidé, inédite : « Le pouvoir de la CJUE s’arrête là où
mardi soir, s’est contenté de « prendre note » l’euro, la BCE débute alors un programme en 2017, de consulter la CJUE, pour lui de­ l’interprétation des traités n’est plus fondée et,
du jugement. Ensuite, l’eurosystème peut d’achat de dettes. Concrètement, les dix­ mander son interprétation des faits. Cette de là, devient objectivement arbitraire. » La

Les sombres prévisions de la Commission européenne

Le produit intérieur brut de l’Union devrait chuter de 7,4 % en 2020. La Grèce, l’Espagne et l’Italie vont souffrir davantage

bruxelles ­ bureau européen l’Union européenne devrait chu­ proie à une dette qui reste très éle­ et 116,5 % du PIB (contre 8,5 % et plus, il sévit surtout là où le tou­ prendre à sa charge une grande
ter de 7,4 % en 2020, avant de re­ vée, Athènes n’a pas les moyens 102,7 % en moyenne dans la zone risme – gravement et durable­ partie des dépenses que devront

C’ est une récession sans

précédent que va con­
naître l’Europe en 2020.
Et il lui faudra au moins deux ans
pour s’en remettre. Entre­temps,
monter de 6,1 % en 2021. Tous les
moteurs de la croissance (con­
sommation, production, investis­
sements, exportations) sont à
l’arrêt. Un certain temps sera né­
de soutenir son économie.
L’Espagne et l’Italie, qui ont subi
de plein fouet les ravages du
Covid­19, ne font pas beaucoup
mieux, avec, elles aussi, une
euro). L’Allemagne, qui présentait
des surplus budgétaires avant
que le Covid­19 s’abatte sur le
monde et qui a moins été atteinte
par le virus que l’Italie, l’Espagne
ment affecté – pèse lourd dans
l’économie et où les moyens bud­
gétaires sont les plus faibles.
Comme l’a fait remarquer Paolo
Gentiloni, commissaire à l’écono­
faire Rome, Athènes ou Madrid
pour se remettre de cette réces­
sion sans précédent. Une vision
qui ne fait l’unanimité ni au sein
de la Commission ni au sein des
le chômage se sera envolé, l’infla­ cessaire avant qu’ils retrouvent baisse de leur PIB supérieure à 9 % ou la France, s’en sort mieux, avec mie, dans un entretien accordé Etats membres, où les lignes de
tion aura plongé, les comptes pu­ leur niveau d’avant­crise. cette année. Très endettés, ces un recul de son PIB de 6,5 % aux Echos le 30 avril, les dépenses fracture restent fortes entre le
blics se seront dégradés… et les di­ Pour les dix­neuf pays de la zone deux pays ne disposent pas non en 2020. C’est en Pologne (– 4,3 % publiques pour soutenir l’activité Nord et le Sud.
vergences entre l’Europe du Nord euro, l’économie devrait se con­ plus d’une marge de manœuvre en 2020) que les effets de la pan­ « s’établissent en moyenne à 2,5 % Lors du dernier Conseil euro­
et du Sud se seront accrues, met­ tracter encore davantage (– 7,7 % budgétaire à la hauteur de la crise. démie se font le moins sentir. ou 2,6 % du PIB dans l’Union péen, le 23 avril, les Vingt­Sept ont
tant en péril la cohérence de la en 2020 et + 6,3 % en 2021), Quant à la France, elle arrive européenne, mais la réalité va de chargé la Commission de réflé­
construction européenne. Tel est compte tenu du poids relative­ juste derrière, dans ce triste pal­ « Divergences » 1 % à 3 %. Même constat au sujet de chir à un plan de relance à même
le tableau apocalyptique que ment élevé des pays du Sud en marès. En 2020, son activité de­ Il y a, dans cette crise, une triple la liquidité injectée pour soutenir de prendre la relève des mesures
dresse la Commission dans ses son sein. C’est la Grèce qui, bien vrait se contracter de 8,2 % et le injustice, qui relève du pur ha­ les systèmes bancaires et les d’urgence d’ores et déjà actées et
prévisions de printemps, qu’elle qu’elle ait été jusqu’ici peu at­ taux de chômage repasser la sard. Non seulement le Covid­19 entreprises : elle va de 7 % à 18 % d’aider l’Europe à rebondir quand
devait publier, mercredi 6 mai. teinte par la pandémie, souffre le barre des 10 %. Dans la foulée, le ne frappe pas de la même ma­ des PIB nationaux ». le virus aura été éradiqué. Celle­ci
A en croire ses économistes, le plus : après des années de réduc­ déficit et la dette publics y grim­ nière d’un pays à l’autre, du Conséquence : ce ne sont pas les devrait présenter ses proposi­
produit intérieur brut (PIB) de tion de la sphère publique, et en peraient, respectivement, à 9,9 % moins pour l’instant. Mais, en pays les plus meurtris par la pan­ tions le 20 mai. « Elle le fera quand
démie qui rebondiront le plus elle pensera qu’une convergence
quand le virus aura disparu. de vue entre la France et l’Alle­
Le temps de la chasse aux déficits excessifs est suspendu Ainsi, fin 2021, le PIB italien sera
encore 3 % en dessous de son ni­
magne sera devenue possible. On
n’y est pas encore », commente un
veau de fin 2019, l’écart sera de 2 % diplomate.
le pacte de stabilité et de croissance a lité – laquelle s’annonce complexe, compte commissaires chargés du sujet, le très pour l’Espagne et de 1 % pour la Ces prévisions, prévient la Com­
été suspendu, délivrant provisoirement tenu de la flambée des dépenses publiques orthodoxe letton Valdis Dombrovskis et le France. A l’inverse, la richesse na­ mission, pourraient être encore
les Européens de leurs obligations en ma­ partout en Europe – soit à l’ordre du jour. moins orthodoxe italien Paolo Gentiloni, tionale allemande sera, à cette plus sombres. Car son scénario
tière budgétaire. En l’occurrence, afficher En réalité, comme souvent en matière sont convenus de s’abstenir. échéance, supérieure de 1 % à part du principe que le déconfine­
une dette publique inférieure à 60 % du communautaire, les choses sont plus com­ Le 20 mai, comme elle y est contrainte celle qu’elle était deux ans plus ment sera graduel à partir de mai,
produit intérieur brut (PIB) et un déficit en pliquées qu’elles en ont l’air. Surtout juridiquement, la Commission publiera tôt. Quatre autres pays auront et exclut donc une seconde vague
dessous des 3 % de la richesse nationale. A quand elles touchent aux thématiques ses recommandations, pour chacun des également effacé les dégâts de la de confinement. Tout comme il
l’heure du coronavirus, « les gouverne­ budgétaires, que Berlin n’appréhende pas Vingt­Sept, ainsi qu’un rapport sur l’état de crise : l’Autriche, la Croatie, la n’anticipe pas que les échanges
ments peuvent injecter dans l’économie comme Paris ou Rome… leurs finances publiques. Elle ne fixera pas Slovaquie et la Pologne. entre le Royaume­Uni et l’Union
autant qu’ils en auront besoin », a plusieurs Voilà pourquoi la Commission s’est inter­ d’objectif chiffré pour la suite. « On sera « Ces divergences, répète l’ex­ européenne, actuellement en
fois expliqué la présidente de la Commis­ rogée : devait­elle lancer vingt­six procé­ dans le qualitatif, plus que le quantitatif, président du conseil italien en pleine négociation sur leur rela­
sion européenne, Ursula von der Leyen. dures pour déficit excessif, dès lors que commente­t­on à la Commission. Ce n’est présentant ces prévisions, mena­ tion future après le 31 décembre,
On aurait pu croire le dossier classé jus­ seule la Bulgarie reste pour l’heure dans les pas le moment de dire qu’il faut commencer cent le marché unique et la zone seront appelés à diminuer.
qu’à ce que la conjoncture s’améliore et clous ? « Le signal politique aurait été désas­ à normaliser les politiques budgétaires… »  euro. » Dès lors, insiste­t­il, l’Eu­ Autant d’aléas à la baisse… 
que la question du retour du pacte de stabi­ treux », juge un diplomate. Finalement, les v. ma. rope doit se montrer solidaire, et virginie malingre
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JEUDI 7 MAI 2020 coronavirus | 15

Le président de la Cour
«Sur l’euro, les Allemands sont schizophrènes»
constitutionnelle
allemande, Andreas Pour l’économiste Frederik Ducrozet, Berlin ne peut pas à la fois vouloir faire partie
Vosskuhle, à Karlsruhe, de la zone euro et s’opposer à l’intervention de la Banque centrale européenne
le 5 mai. SEBASTIAN GOLLNOW/AFP

ENTRETIEN Il y a effectivement une ambi­

guïté à ce niveau­là. Je me rassure
de la Cour constitutionnelle
allemande ?
la crise de la zone euro. Soit la BCE
passe en force, se dit que les pour­
londres ­ correspondance
cependant en voyant la réaction Pas à court terme, ni même d’ici suites judiciaires prendront des

F rederik Ducrozet est éco­

nomiste à la banque privée
Pictet. Il est l’un des
meilleurs spécialistes de la Ban­
que centrale européenne (BCE),
de Jens Weidmann [le patron de la
Bundesbank], qui a affirmé qu’il
irait expliquer l’action de la BCE à
la Cour constitutionnelle. En clair,
il soutient la BCE et l’aidera. Si
douze ou dix­huit mois. Le juge­
ment concerne le PSPP [Public
Sector Purchase Programme], qui
est le programme d’achat de det­
tes lancé en 2015. Depuis mars, ce
années, et que, d’ici là, les achats
de dettes auront été faits.

Le jugement ne démontre­t­il
pas, une fois de plus, que
qu’il suit depuis plus de dix ans. Weidmann a toujours critiqué la qui compte vraiment sur les mar­ la BCE n’est pas une banque
politique de QE, il n’a d’ailleurs chés est le PEPP [Pandemic Emer­ centrale comme les autres ?
Comment réagissez­vous jamais dit qu’elle était illégale. gency Purchase Programme, pro­ Si, elle est à la fois beaucoup plus
à la décision de la Cour gramme pandémie de 750 mil­ indépendante, là où la Fed améri­
constitutionnelle allemande ? Etes­vous inquiet après cette liards d’euros], qui est séparé. La caine et encore plus la Banque
On a affaire à huit juges, dont décision ? cour de Karlsruhe l’exclut explici­ d’Angleterre au Royaume­Uni
cinq sont connus pour leurs opi­ Oui, je le suis, parce que c’est un tement de son jugement. Le pro­ sont très influencées par leur
nions très négatives contre la po­ problème politique. L’Allemagne blème concerne le long terme. gouvernement, mais aussi beau­
litique d’achat de titres, le QE est le pays qui a le plus poussé à coup plus politique. Il y a en per­
[Quantitative Easing, ou assou­ l’indépendance de la BCE. Pourquoi ? manence des luttes d’influence
plissement quantitatif] menée par Aujourd’hui, c’est elle qui cherche La Cour constitutionnelle re­ entre les pays.
Mario Draghi [président de la Ban­ à empiéter dessus. Les Allemands prend à son compte les règles que En revanche, je ne suis pas d’ac­
que centrale européenne de 2011 à sont schizophrènes sur l’euro. On la BCE s’était auto­imposées cord avec l’idée que la BCE a
2019]. Est­ce qu’une banque cen­ ne peut pas à la fois vouloir être en 2015 en lançant le plan de ra­ moins de marge de manœuvre
trale se permettrait de donner un dans l’euro, refuser la mutualisa­ chat de dettes. L’une d’entre elles que les autres. Bien sûr, annuler la
avis sur le travail d’une cour cons­ tion des dettes et être contre l’in­ est que la BCE ne doit pas possé­ dette des pays européens qu’elle
titutionnelle ? Jamais. De même, tervention de la BCE. der plus de 33 % de la dette d’un possède est impossible : ça néces­
la Banque centrale européenne J’espère qu’Emmanuel Macron même pays. Or, quand on addi­ siterait de changer le traité euro­
est indépendante et n’a d’ordres à ou Angela Merkel comprennent tionne le PSPP et le PEPP, on se péen [lequel interdit explicitement
recevoir de personne. Il n’y a pas la gravité de ce qui se passe. Si les rapproche très dangereusement le financement monétaire]. Mais
de base légale sur laquelle s’ap­ Etats ne prennent pas des mesu­ de cette limite. D’ici à la fin de la BCE a, par exemple, inventé un
puie ce jugement. Il n’est pas pos­ res pour soulager la BCE, en mu­ l’année, la BCE va être très près programme de prêts aux banques
sible à une cour nationale d’or­ tualisant les dettes d’une façon d’avoir plus de 33 % des dettes al­ à un taux de – 1 % [les banques
donner l’action de la BCE. ou d’une autre, le problème ne lemandes, en particulier. sont donc payées pour prêter aux
sera pas résolu. Cela est néces­ Il y a deux solutions. Soit on es­ entreprises, notamment aux
La Cour constitutionnelle alle­ saire pour éviter le retour d’une time que le plan pandémie est dif­ PME]. C’est une forme de mon­
mande n’a­t­elle cependant pas crise financière. Les enjeux sont férent, et juridiquement ne doit naie hélicoptère. Et on pourrait
de pouvoirs sur la Bundes­ très importants. pas être comptabilisé avec le reste avoir d’autres approches « exoti­
bank, qui effectue une partie des rachats d’actifs. Ça peut se jus­ ques » de la BCE. 
des achats de titres pour La BCE risque­t­elle d’être im­ tifier, puisqu’il s’agit d’un choc propos recueillis par
le compte de la BCE ? mobilisée avec cette décision extérieur qui n’a rien à voir avec éric albert

Cour de Luxembourg, en appréciant les pou­ La question est d’autant plus sensible qu’elle
voirs de l’institution de Francfort de façon a été au cœur de la création d’Alternative pour Tarifs 01/01/20 Tél. : 01 57 28 29 94
large et en limitant son contrôle judiciaire l’Allemagne (AfD), en 2013. Ce parti,

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sur son action, « ouvre la voie à une érosion aujourd’hui classé à l’extrême droite, n’était Forfait 5 lignes 65€ HT 65€ TTC
continuelle des responsabilités des Etats mem­ pas, à son origine, une formation anti­immi­ Forfait 10 lignes 110€ HT 110€ TTC
bres », estiment les juges allemands. Le « prin­ gration, mais un mouvement qui refusait la Reproduction interdite
cipe de proportionnalité » n’aurait ainsi pas mise en commun des dettes au niveau euro­
été observé, la BCE n’ayant pas assez pris en péen. C’est d’ailleurs, entre autres, sur une
compte les effets économiques négatifs de sa plainte de ses membres fondateurs que la JAMES le couturier de l’homme
politique : la bulle immobilière, la baisse de la Cour constitutionnelle allemande s’est pro­ Le prêt-à-porter à votre mesure BIJOUX ACHAT LUXE
rémunération de l’épargne ou encore les en­ noncée. Mardi, certains commentateurs sou­
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treprises soutenues artificiellement par les lignaient cependant que l’arrêt rendu par les Tailles Costumes -------------- au comptant
taux d’intérêt faibles et les rachats de titres. juges de Karlsruhe était davantage un rappel à
l’ordre qu’une menace réelle. Il n’interdit pas
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Au minimum, la Cour de Karlsruhe rappelle « Le jugement ne changera rien de fonda­
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leur devoir de supervision. Mais son message
va bien au­delà : il s’adresse à tous les gouver­
la lutte contre les crises. Il sera facile pour la
BCE de prouver la proportionnalité de ses ra­
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nements des Etats membres de la zone euro. chats », a réagi dans un communiqué Marcel Du mardi au vendredi de 14 h 30 à 19 heures,
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sujet éminemment politique. Les partis fondamentaux, elle a profondément évolué télévisées sur le marché
conservateurs (CDU et CSU), qui forment le
plus gros groupe parlementaire au Bundes­
depuis une décennie, mais a été obligée de se
lancer dans de difficiles contorsions juridi­
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tag, ont fait inscrire le principe de frein à la ques et politiques pour pouvoir agir. La Cour UN RENDEZ-VOUS
dette dans la Constitution allemande en 2011 de Karlsruhe vient de rappeler que ces méta­ POUR VOS DEMANDES
– qui impose un budget à l’équilibre. Ils esti­ morphoses n’ont pas éliminé le débat sur D’ESTIMATIONS,
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ment que les Etats européens devraient avoir l’ampleur du mandat de la BCE. 
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16 | management 0123
JEUDI 7 MAI 2020

Le Covid­19 accélère la numérisation des CARNET DE BUREAU 

CHRONIQUE PAR ANNE RODIER 

centres de formation d’apprentis d’entreprise

Le confinement a contraint les groupes à adapter leur processus de recrutement
Médecine du travail :
dilemme à l’hôpital
U
ne soixantaine d’en­ gistrions un retard de 5 % à 8 % sur Le premier CFA cours digitalisés, accès à des

P
treprises se sont em­ les admissions par rapport aux plates­formes de « learning ma­ rotéger ou remettre au travail : une alternative qui
parées de la possibi­ autres années, explique Pascal Pi­
interentreprises, nagement system » (LMS) et se pose à l’hôpital, même pour les plus fragiles.
lité offerte par la loi cault, directeur du Formaposte, créé par Adecco, des classes virtuelles. Chez Comme pour tous les travailleurs, le Haut Conseil
de choisir son avenir profession­ CFA des métiers de La Poste. Mais L’Oréal, l’ensemble des cours de la santé publique s’est prononcé sur la protection
nel (2018) pour créer leur propre nous avons réussi à maintenir le
Accor, AccorInvest, était déjà numérisé et en une des soignants vulnérables, qui de par leur état de santé (dia­
centre de formation d’apprentis sourcing des candidats : jury à dis­ Korian et Sodexo, demi­journée, la formation a bète, maladie cardio­vasculaire, mucoviscidose, etc.) dévelop­
(CFA). « Malheureusement, la crise tance, visioconférences, salons été réorganisée. peraient en cas de contamination par le Covid­19 une forme
sanitaire va leur donner un coup virtuels… L’utilisation du digital
a dû fermer ses Dernier enjeu : l’accompagne­ grave de la maladie. Il a recommandé « une exclusion des ser­
de frein car le nombre d’apprentis était prévue avant la crise, nous portes le 16 mars ment renforcé des jeunes. Le CFA vices à haut risque de transmission » ou « un réaménagement
est toujours lié à la conjoncture avons juste accéléré. » Le CFA des de Schneider Electric accueillera, du poste de travail ».
économique », estime Aurélien chefs devait accueillir ses pre­ comme prévu, une cinquantaine Concrètement, le médecin du travail informe les responsa­
Cadiou, président de l’Associa­ miers apprentis à partir du pour préparer un diplôme de ni­ de jeunes au mois de septembre bles des ressources humaines que l’agent doit être en « auto­
tion nationale des apprentis de 23 mars à Paris, Lyon et Marseille veau bachelor en coiffure et en­ à Grenoble et à Beaupréau­en­ risation d’absence ». Sauf que les hôpitaux ont manqué de
France (ANAF). Un avis que ne mais, confinement oblige, le pre­ trepreneuriat, « le recrutement a Mauges (Maine­et­Loire) dans bras. « On était en guerre », rappelle Jean­Dominique Dewitte,
partage pas Yann Bouvier, chargé mier CFA interentreprises, créé dû être entièrement digitalisé et trois classes de BTS domotique. Il le président de la Société française de médecine du travail
de mission à la Fondation inno­ par Adecco, Accor, AccorInvest, ce, très rapidement via les ré­ a pour vocation de répondre aux (SFMT). Avec le double objectif de « contribuer à la protection
vation pour les apprentissages Korian et Sodexo, a dû, comme seaux sociaux, dont notamment besoins de l’ensemble de la fi­ des agents » et de « maintenir la capacité soignante des établis­
(FIPA), qui regroupe treize entre­ les autres, fermer ses portes le des “live” sur Instagram. Le site lière. Or « l’accueil des jeunes n’est sements », la SFMT a publié le 23 mars une recommandation
prises dont Air France, BNP, Veo­ 16 mars. Realcampus.fr a été reformaté », pas la préoccupation première de qui préconise une application variable de la mise en arrêt des
lia… « Les ouvertures et les projets indique Nathalie Roos, directrice nos entreprises partenaires à l’ins­ personnels soignants fragiles, en fonction
de CFA d’entreprise restent totale­ Assurer des cours en ligne générale de la division des pro­ tant T, reconnaît François Mi­ de la gravité de leur cas. Elle classe les servi­
ment d’actualité, même s’il peut y « Même s’il n’y a plus de forums de duits professionnels du groupe lioni, directeur de la formation QUEL QUE SOIT  ces hospitaliers en quatre catégories de ris­
avoir quelques reports. Le pro­ recrutement ou de journées portes de cosmétiques. du groupe Schneider Electric. LE SERVICE, IL N’Y  que de contamination et détaille le seuil de
blème va être pour eux de remplir ouvertes, nous organisons des Autre leçon à tirer de la pandé­ Nous allons devoir accompagner fragilité en deçà duquel elle estime non in­
les classes, car le confinement est réunions d’informations collecti­ mie : la nécessité pour les CFA davantage les apprentis ». Adecco A PAS DE RISQUE  dispensable l’éviction d’un agent vulnéra­
tombé en pleine campagne de re­ ves à distance », explique Fran­ d’assurer des cours en ligne. « Les insiste également sur le besoin ble. Les médecins du travail qui suivent la
crutement des apprentis. » çoise Merloz, directrice du CFA entreprises ont tout intérêt à créer de resserrer le lien avec les jeu­ ZÉRO DE  recommandation le réaffectent alors dans
Pour cela, les entreprises adap­ des chefs. L’inscription se fait en une plate­forme de formation nes. « Dans cet environnement
tent leur communication vers les ligne, de même que les tests de ouverte et à distance (FOAD), fi­ anxiogène, nous avons renforcé le
CONTAMINATION  un autre service. « Aucune des personnes
qu’on a laissées au travail dans notre hôpital
candidats. « A mi­avril, nous enre­ sélection. Un entretien par télé­ nancée via le fléchage de la taxe suivi individuel, explique Hélène À L’HÔPITAL n’a été contaminée », note M. Dewitte.
phone ou en visioconférence d’apprentissage. Sans la crise, on Fourrier. Nous gardons un lien Y a­t­il un risque pour les agents vulnéra­
complète le dispositif. Les jeunes n’aurait pas percuté ! », note Yann étroit avec les apprentis déjà re­ bles ? « Probablement un petit peu », reconnaît Jean­François
sélectionnés – avant et pendant Bouvier. Adecco a ainsi adapté la crutés. Nous tenons à les garder ! » Gehanno, l’ancien président de la SFMT. « Quand on a rédigé
LES CHIFFRES le confinement – ont un accès pédagogie de son CFA Recruter Malgré l’incertitude ambiante, en urgence la recommandation, beaucoup nous demandaient
gratuit à des cours en ligne jus­ autrement, ouvert depuis sep­ les CFA gardent le cap. Si le CFA de les aider à prendre des décisions, car à l’Est, il n’y avait plus
qu’à fin juin, afin de les faire pa­ tembre 2019. des chefs revoit à la baisse – de suffisamment de médecins ni de personnel soignant. Il fallait
tienter jusqu’aux premières for­ l’ordre de 30 % – le nombre d’ap­ préserver les forces », ajoute M. Dewitte. « Les recommanda­
92 % mations reportées à fin août­dé­ L’accueil des jeunes renforcé prentis accueillis en 2020, il con­ tions de la SFMT peuvent être interprétées au détriment de la
C’est la part des CFA qui ont mis but septembre. « Avant le confinement, une tren­ serve pour objectif d’étendre son protection des salariés fragiles, s’inquiète un interne en méde­
en place des cours à distance Autre report, chez Engie : taine d’heures seulement sur les dispositif à trois autres régions cine du travail. C’est évidemment moins protecteur d’être réaf­
dès la fin mars, d’après un son- « L’ouverture du CFA prévue en quatre cents heures que compte en 2021. Schneider Electric mise fecté dans un service hors­Covid que de rester chez soi ».
dage de la Fédération nationale septembre 2020 est reportée à jan­ la formation étaient digitalisées, toujours sur la création de quatre Selon nos sources, depuis le 23 mars, le nombre d’« avis de
des associations régionales de vier 2021, a annoncé le DRH indique Hélène Fourrier, direc­ à cinq nouvelles unités de forma­ distanciation physique » formulés par les médecins du travail
directeurs de centres de forma- Groupe Pierre Deheunynck. On trice du CFA. Nous allons capitali­ tion en apprentissage (UFA). à l’employeur public pour des agents vulnérables a considéra­
tion d’apprentis, réalisé auprès s’est reconnecté avec Pôle emploi ser sur des sessions en distanciel Quant à l’ouverture éventuelle de blement diminué. Or, quel que soit le service, il n’y a pas de
de ses 560 CFA membres. et les réseaux écoles. Sur le recrute­ que nous dispenserons égale­ deux autres filières de formation risque zéro de contamination à l’hôpital. Une enquête de l’As­
ment, on envisage des entretiens ment à nos propres collabora­ dans les trois ans, « nous allons sociation nationale de médecine du travail et d’ergonomie
digitaux. Nous décentraliserons le teurs permanents. » observer le dynamisme de l’écono­ du personnel des hôpitaux menée du 15 au 23 avril relève, sur
75 % recrutement et on aura à réorien­ Afin d’assurer la continuité mie. Pour le moment, nous som­ un panel de 1 417 médecins, des taux de contamination supé­
C’est la part de ceux qui avaient ter les équipes. Mais on saura re­ pédagogique, en une semaine, mes dans l’urgence de la gestion rieurs dans les secteurs hors­Covid (4,01 %) au taux observé
déployé une solution de forma- contractualiser les alternants. » les partenaires pédagogiques de la crise, prévient François Mi­ en réanimation (3,82 %). La recommandation du 23 mars est
tion à distance avant Chez L’Oréal, qui a ouvert son de FormaPoste ont mis en place lioni. Mais je reste confiant ! ».  toujours effective. Le dilemme prévention ou reprise du tra­
le confinement. CFA Real Campus en janvier les outils nécessaires : envoi de myriam dubertrand vail a franchi la porte de l’hôpital. 

AVIS D’EXPERT  |   GOUVERNANCE LES DÉRIVES DU NÉOTRAVAIL

Transition écologique : le choc des réalismes

D L
ans l’incertitude actuelle sur la violence Dans les deux cas, il s’agit d’affronter des réalités e travail humain n’est robots », estime la philosophe,
de la récession économique, faut­il re­ difficiles. Pour les partisans de la croissance pas près de déserter nos doctorante à l’université Paris­I­
tarder ou accélérer la transition écolo­ verte, il n’est plus possible d’espérer financer la vies, n’en déplaise aux Panthéon­Sorbonne.
gique ? Une lettre de Geoffroy Roux de Bézieux à transition grâce à la prospérité économique glo­ apôtres de sa disparition. Puisque l’exploitation massive
la ministre de la transition écologique, Elisabeth bale. En période de récession, on devra compter Ce qui est à l’œuvre avec la nou­ du travail humain perdure, com­
Borne, a lancé le débat. Le président du Medef seulement sur la création de richesses nouvelles velle révolution industrielle n’est ment expliquer le foisonnement
demandait un moratoire de six mois pour l’ap­ permise par l’économie verte, quitte à accepter pas tant une dématérialisation de récits futuristes annonçant
plication de la loi du 10 février 2020 visant à lut­ que la transition conduise, momentanément, à qu’une numérisation du travail, l’avènement d’une humanité li­
ter contre le gaspillage et à développer l’écono­ de la casse sociale. autrement dit l’avènement du bérée du travail, de voitures sans
mie circulaire, et de la loi de 2015 sur la transition Selon le concept de « destruction créatrice », « digital labour », le travail du chauffeurs, d’entrepôts sans ou­
énergétique pour la croissance verte. l’émergence d’une économie nouvelle passe par chiffre (« digit »), mais aussi du vriers et de champs sans agricul­ LES DÉPOSSÉDÉS 
Selon ses arguments, la chute du PIB pourrait la destruction d’une partie des infrastructures et doigt (« digit »), celui des hom­ teurs ? Comment interpréter le DE L’OPEN SPACE
dépasser 3 % en 2020, ce qui condamnerait nom­ des emplois de l’ancienne. La crise donne l’occa­ mes et des femmes qui, derrière succès de cette rhétorique de de Fanny Lederlin, PUF,
bre d’entreprises à la faillite et détruirait sion d’accélérer la transition dont les effets so­ les écrans des machines, entraî­ l’automation ? « L’étonnement fi­ 276 pages, 19,90 euros
au moins 500 000 emplois. Pour M. Roux de Bé­ ciaux à court terme nent des algorithmes, regardent nit de se changer en suspicion de­
zieux, les conditions ne sont pas remplies pour pourront être mis des images, lisent des informa­ vant l’effort d’occultation de ce tra­
appliquer ces lois, en particulier dans certaines sur le compte de
LA QUESTION EST  tions, cliquent sur des liens, pro­ vail humain de masse persistant. « tâcheronisation » et d’une indis­
industries, comme l’automobile. Quand les en­ la récession. Pour DE SAVOIR SI CETTE  duisent, nettoient et classent Car si les professions de “start­ tinction croissante entre­temps
treprises doivent lutter pour relancer leurs acti­ les partisans du re­ des contenus. upeur”, d’artiste ou d’“expert” sont de travail et temps libre ; la dépré­
vités et parfois leurs marchés, il ne serait pas tour à l’économie TRANSITION PEUT  Ce n’est pas de disparition, mais aujourd’hui médiatisées au point ciation de la nature des gens, avec
sage de les accabler de contraintes environne­ « comme avant », de dégradation que les mutations de donner l’illusion qu’elles sont l’avènement d’une époque où
mentales supplémentaires. Quand elles retrou­ tel le Medef, retar­
CONSTITUER UNE  technologiques menacent le tra­ accessibles à tous, les métiers du il ne s’agit plus de prendre soin de
veront leurs marges, elles pourront répondre der les effets des SOURCE DE PROSPÉRITÉ  vail, tranche Fanny Lederlin dans soin comme ceux du clic sont cons­ notre environnement ; et, enfin,
aux normes d’une « croissance verte » : tel est contraintes écolo­ Les Dépossédés de l’open space tamment invisibilisés. » la totalisation des esprits par le
l’avis du Medef, qui est respectable et discutable. giques aidera tou­ ÉCONOMIQUE FUTURE (PUF). Eclatement des formes tra­ biais de la généralisation des mo­
La transition énergétique a souvent été pré­ tes les entreprises – ditionnelles d’emploi assurant Créateur et non destructeur des d’évaluation qui rendent pos­
sentée comme une opposition entre réalistes y compris, il est vrai, les « canards boiteux », aux salariés la stabilité d’un re­ Agentes d’entretien priées de pas­ sible l’endoctrinement de tra­
et idéalistes ou entrepreneurs et écologistes. c’est­à­dire celles qui ne pourront pas répondre, venu, dissolution des frontières ser avant 7 heures pour éviter de vailleurs coupés de leur faculté
Or cette division crée un faux débat, car la ques­ à terme, aux exigences « vertes » des marchés et entre les sphères professionnelles croiser les salariés des entreprises de juger.
tion n’est pas d’opposer les contraintes écono­ de la production. Faisant fi de l’argument libéral et privées, renforcement des logi­ qu’elles nettoient, chauffeurs de A ces trois manifestations du
miques aux contraintes environnementales, contre l’interventionnisme, les dépenses publi­ ques productivistes, réduction VTC à qui l’on demande de se faire néotravail, l’auteure envisage la
mais de savoir si la transition énergétique et éco­ ques financeront donc des entreprises à l’avenir des facultés des travailleurs à la discrets aux sorties des aéroports, possibilité d’un autre travail qui
logique peut constituer ou non une source de incertain, au lieu d’accélérer l’assainissement de seule capacité d’adaptation et myriade de petites mains dont les ne serait pas destructeur mais
prospérité économique future. l’appareil productif. Mais c’est le prix à payer étouffement des facultés créatri­ plates­formes numériques tai­ créateur. « Un travail qui, en re­
Le clivage véritable se situe donc plutôt entre pour éviter faillites et casse sociale. ces du travail… sent l’existence… « Jamais, sem­ trouvant ses vertus médiatrices
ceux qui croient que cette transition est un relais Les deux options sont défendues par des en­ ble­t­il, le travail n’a été aussi bien – entre les hommes et la nature –,
de prospérité, même si la prospérité passe par trepreneurs, des économistes et des militants « Servir les robots » dissimulé par le capital. » ainsi que ses vertus socialisantes,
une adaptation des entreprises et parfois des « réalistes ». Désormais, l’urgence de la situa­ « Il semblerait non seulement que L’ouvrage isole trois manifesta­ subjectivantes et émancipatrices,
faillites ; et ceux qui n’y croient pas et considè­ tion oblige à trancher entre elles et à assumer le travail humain doive coexister tions à l’œuvre dans le néotravail : pourrait contribuer à faire adve­
rent qu’il faut revenir à l’économie « comme leurs conséquences de manière inédite.  avec le travail automatisé, mais l’atomisation sociale et mon­ nir une société plus juste et plus
avant », pour pouvoir répondre aux exigences aussi qu’il soit amené à se dévelop­ daine, à savoir la disparition de la viable : une société écologique. » 
environnementales dans un second temps. Pierre­Yves Gomez est professeur à l’EM Lyon per et à s’étendre… pour servir les notion d’emploi au profit d’une margherita nasi
0123
JEUDI 7 MAI 2020 économie & entreprise | 17

Amazon à nouveau rattrapée Vilnius affiche son soutien

aux petits commerces
par la politique aux Etats­Unis D ans les ruelles baroques du vieux Vilnius, classé au Pa­
trimoine mondial de l’Unesco, les restaurants et cafés
abrités par les bâtisses étroites peuvent difficilement
L’entreprise dirigée par Jeff Bezos accuse notamment Donald Trump appliquer les mesures de distanciation physique édictées par le
gouvernement lituanien. Celles­ci sont strictes : 2 mètres
de mener une « vendetta personnelle » à son encontre d’écart minimum entre les clients assis à des tables différentes,
pas plus de deux personnes par table, sauf pour les membres
d’une même famille, et à l’extérieur, plus de 1 mètre de distance
entre les tables et les piétons.

U
ne hirondelle ne fait parce qu’ils gèrent des paquets tants de demander l’audition de Pour permettre à ces petits commerces de reprendre une acti­
pas le printemps. Au pour Amazon et les autres entre­
« L’antipathie Jeff Bezos en personne. « Si les faits vité, la municipalité de la capitale les a autorisés à installer une
début de la crise du co­ prises Internet, et, à chaque fois, ils persistante de la exposés sont exacts, alors les décla­ terrasse, dès le 27 avril, sur les places, rues et squares publics
ronavirus, certains si­ perdent de l’argent dessus », a­t­il rations passées faites par Amazon alentour, sans payer de redevance supplémentaire. Plus de
gnes semblaient annoncer un argué. Le président a même me­
Maison Blanche devant ce comité sont trompeuses 160 restaurants ont déjà demandé à poser le couvert dans ces
apaisement du climat politique nacé de ne pas accorder de prêt fé­ représente et constituent potentiellement un lieux à ciel ouvert, divisés en trois catégories : ceux ne nécessi­
pour Amazon aux Etats­Unis. Las ! déral à l’US Postal Service s’il ne crime ou un parjure », écrivent ces tant aucun aménagement particulier et n’entrant pas en
Ces dernières semaines, plusieurs relevait pas ses prix. Ce raisonne­
un danger responsables de l’enquête parle­ concurrence avec des cafés déjà sur place, ceux exigeant de mo­
responsables américains ont de ment ravive un discours tenu de­ potentiel pour mentaire sur les pratiques anti­ difier la circulation piétonne ou automobile, et, enfin, ceux où
nouveau pointé du doigt l’entre­ puis longtemps par le président concurrentielles présumées des il est nécessaire de diviser l’espace
prise de Jeff Bezos. A commencer Trump, pour qui Amazon profite
l’entreprise » géants du numérique, dont Ama­ équitablement entre les tables de
par le président, Donald Trump. Le des services postaux. Certains ob­ WILLIAM KOVACIC zon. M. Bezos évitera difficile­ ÉCONOMIE OUVERTE,  plusieurs restaurants.
16 mars, lors d’un briefing avec des servateurs répondent que la poste ancien membre de l’autorité ment une inconfortable audition Selon Remigijus Simasius, le maire,
journalistes, M. Trump avait re­ ne vend pas techniquement à américaine de la concurrence sous serment, selon M. Kovacic. LA LITUANIE A VU  cette mesure aidera les petits établis­
connu que la Maison Blanche perte et qu’elle doit gérer un mar­ La crise du coronavirus attire de LES VENTES AU DÉTAIL sements à survivre et à préserver des
était, dans le cadre de la gestion de ché très concurrentiel. plus l’attention politique sur le emplois, alors que la saison touristi­
l’épidémie, en contact régulier « La sortie sur la poste n’est que dans le cloud de l’armée améri­ leader de l’e­commerce. Dans une PLONGER DE 6 % que, cruciale pour les recettes de la
avec Jeff Bezos. « Nous avons reçu l’exemple le plus récent de l’antipa­ caine, attribué en octobre au rival lettre du 22 avril, la procureure de ville, tarde à démarrer. Instauré par
un soutien important d’un grand thie persistante de la Maison Blan­ Microsoft. Dans sa plainte dépo­ New York Letitia James s’est in­ AU MOIS DE MARS le gouvernement le 16 mars, le ré­
nombre de gens qui peuvent aider. che envers Amazon. Cela repré­ sée en novembre, Amazon estime quiétée que les conditions de sé­ gime de quarantaine, progressive­
Et je pense qu’il en fait partie », avait sente un danger potentiel pour avoir été défavorisé en raison de curité dans ses entrepôts puissent ment allégé depuis le 23 avril, devrait être levé le 11 mai.
déclaré le président. l’entreprise », décrypte William « pressions du président Trump, être « inadéquates ». Cette respon­ Petite économie ouverte, la Lituanie a vu les ventes au détail
Mais, depuis, le ton est de nou­ Kovacic, ancien de l’autorité amé­ qui a lancé des attaques répétées, sable s’était déjà indignée du li­ plonger de 6 % en mars. « Comme ses voisins baltes, elle devrait
veau monté. Le 29 avril a eu lieu ricaine de la concurrence (Federal de façon publique et en coulisses ». cenciement de Chris Smalls, un connaître une récession de la même ampleur que celle de la crise
un sérieux accrochage, à l’occa­ Trade Commission, FTC) et pro­ Le 17 avril, un juge a accordé au dé­ employé qui avait organisé une de 2008, mais les vulnérabilités structurelles sont moindres qu’à
sion de la publication du rapport fesseur de droit à l’université de partement de la défense le droit de manifestation devant son site, à l’époque, ce qui devrait permettre un rebond rapide », juge
annuel du représentant améri­ Georgetown, à Washington. mener sa propre réévaluation du New York. Amazon a toujours af­ William Jackson, chez Capital Economics. D’après lui, le produit
cain au commerce sur les risques contrat, jusqu’en août. Mais Ama­ firmé que le salarié avait violé les intérieur brut (PIB) lituanien devrait reculer de 7,3 % en 2020
de contrefaçon et de piratage. Plu­ Bataille judiciaire zon continue de demander une règles de quarantaine. Mais elle (après + 3,9 % en 2019) et remonter de 5,3 % en 2021. Afin de li­
sieurs sites étrangers d’Amazon − Dans son éditorial, le quotidien forme de réparation. n’a pas éteint cette affaire. miter les dégâts, le gouvernement a annoncé un plan de re­
ceux du Canada, d’Allemagne, de USA Today a aussi vu dans l’accro­ La détérioration de la météo po­ Lundi 4 mai, Tim Bray, un ingé­ lance de 2,5 milliards d’euros, soit 4,6 % du PIB.
France, du Royaume­Uni et chage une « vendetta » aux racines litique pour Amazon ne s’arrête nieur émérite de sa branche De son côté, la mairie de Vilnius a pris d’autres initiatives
d’Inde − ont été placés sur la liste anciennes : « Le président ronge cet pas à l’imprévisible président « cloud », a annoncé sa démission, pour soutenir l’économie locale, en particulier l’hôtellerie­res­
des acteurs à surveiller. os depuis qu’il est élu, parce que le Trump. Une enquête du Wall en protestation contre le licencie­ tauration. Et elle ne manque pas de créativité en la matière.
La réaction d’Amazon a été cin­ PDG d’Amazon, Jeff Bezos, est aussi Street Journal a suscité de vives ment de « lanceurs d’alerte ». Une Outre l’autorisation d’étendre les terrasses, elle a assoupli les
glante. Ce rapport n’est qu’un le propriétaire du Washington réactions. Selon le quotidien, des référence à Emily Cunningham et règles encadrant la circulation des camions­restaurants et dis­
« acte purement politique », a dé­ Post, qui est connu pour avoir pu­ employés d’Amazon ont utilisé Maren Costa, deux employées tribué pour 400 000 euros de bons au personnel soignant, va­
noncé l’entreprise par communi­ blié des articles qui déplaisent au des données sur des produits de d’Amazon connues pour leur en­ lables dans les cafés locaux, pour les remercier de leur dévoue­
qué. Elle a accusé M. Trump président. » Depuis 2016, Donald marchands tiers de sa plate­ gagement en faveur d’une politi­ ment – une façon d’injecter de l’argent dans le secteur.
« d’utiliser le gouvernement amé­ Trump a accusé Jeff Bezos et Ama­ forme, afin de lancer des articles que plus écologique et congé­ En outre, le tarmac de l’aéroport de Vilnius, à l’arrêt de plus
ricain » pour « mener une vendetta zon de mettre à mal le petit com­ concurrents. Amazon a répondu diées après avoir relayé une péti­ plusieurs semaines, a été converti en cinéma drive­in : le
personnelle contre Amazon ». merce ou de ne pas payer assez qu’une telle exploitation n’était tion demandant plus de protec­ 29 avril, 150 voitures espacées de 2 mètres, avec deux passagers
Quelques jours plus tôt, le d’impôts. Désormais, le groupe pas autorisée et a annoncé une tions contre le coronavirus. maximum, ont ainsi pu regarder le film sud­coréen Parasite
24 avril, le président américain met en scène l’hostilité du diri­ enquête interne. Mais cela n’a pas M. Bray a dénoncé « une toxicité (Bong Joon­ho, 2019). Des concerts drive­in sont également or­
avait déjà taclé l’entreprise, lors geant américain. Notamment empêché un sénateur républicain qui irrigue la culture de l’entre­ ganisés sur un aérodrome au sud de la ville. Si les artistes sont
d’une conférence de presse sur les dans sa bataille judiciaire pour de demander une enquête pénale. prise ». En espérant porter le com­ présents sur scène, le son est en revanche diffusé directement
difficultés du service postal. « L’US tenter de récupérer l’énorme con­ Ni six membres du comité anti­ bat sur le terrain de l’image.  dans les véhicules, sur une fréquence radio spécifique. 
Postal Service est une vaste blague, trat d’hébergement de données trust de la Chambre des représen­ alexandre piquard marie charrel

PERTES & PROFITS | NUMÉRIQUE
Arnaud Lagardère remporte une manche p a r p h il ip p e es c an de

face au fonds Amber, son premier actionnaire M. Zoom

La nomination de nouveaux administrateurs a été repoussée lors de l’assemblée générale du groupe à l’Assemblée
I l est apparu fatigué et mo­
rose. L’effet d’une assemblée
générale (AG) à huis clos ? Ou
le symptôme d’un stress dû à plu­
sieurs semaines de combat ? En
Ce n’est donc pas un blanc­seing
qu’Arnaud Lagardère a obtenu.
« Ce score démontre le souhait
d’Amber et de ses coactionnaires
de voir le groupe se transformer.
nouveaux chevaliers blancs, a
voté, selon nos informations, en
faveur de l’héritier. Le gestion­
naire de fonds Amundi, filiale du
Crédit agricole, confirme officiel­
« Désigner votre successeur au
trône ne serait pas un déshonneur,
mais un acte rédempteur. En re­
vanche, demeurer avec quelques
mercenaires claquemurés dans
Le ministre chargé du numéri­
que, Cédric O, a produit son petit
effet devant les députés, mardi
5 mai. Alors que tous les hiérar­
ques politiques se gargarisent du
monde de la technologie n’ap­
partient pas qu’au quintette
Google­Apple­Facebook­Ama­
zon­Microsoft. Aucun d’eux, pas
plus que Cisco, pourtant leader
donnant le coup d’envoi de l’AG de Des questions ont été posées ; elles lement s’être abstenu lors du vote. votre féodalité, en attendant mot « souveraineté », il leur a fait du secteur, n’a été capable de
son groupe, mardi 5 mai, Arnaud ne pourront plus rester sans ré­ Reste à savoir ce que va devenir qu’elle trépasse, serait une lourde­ remarquer que le système de vi­ concurrencer Zoom dans sa faci­
Lagardère, malmené par le fonds ponse », a commenté le fonds acti­ le propriétaire des boutiques rie, une de plus ! » sioconférence par lequel ils com­ lité d’usage, d’accès, et dans la
Amber, qui l’accuse de mauvaise viste. Impression inverse dans d’aéroport, du JDD, d’Europe 1 ou Une allusion à peine voilée au muniquaient avec lui, la plate­ qualité de son service. Eric Yuan
gestion, aurait dû être radieux. Il l’autre camp : « C’est un échec cui­ de Paris Match. « Ces actionnaires système de commandite, qui a forme américaine Zoom, lui po­ travaillait chez Cisco dans les an­
savait déjà que les résolutions de sant pour Amber, qui avait fait de [Vivendi et Fimalac] sont des ac­ fait l’objet d’âpres tractations. De sait problème. « Je n’ignore pas nées 2000. Il leur a proposé de
son premier actionnaire, qui pro­ l’AG un référendum sur Arnaud La­ tionnaires comme les autres, et bonne source, Grégoire Chertok, qu’en termes d’expérience utilisa­ développer une application sim­
posait la révocation du conseil de gardère », explique­t­on dans l’en­ cette entrée ne s’est faite sans de la banque Rothschild œuvrant teur, c’est probablement la ple, fonctionnant entièrement
surveillance, n’avaient pas été vo­ tourage du groupe. aucun accord particulier » avec pour Lagardère, avait évoqué, no­ meilleure solution, mais ça pose sur Internet et utilisable sur un
tées par les actionnaires. eux, a assuré Pierre Leroy, le cogé­ tamment devant Amber, dans quand même des vraies questions smartphone. La firme n’en a pas
Il s’en est félicité après la réu­ Rumeurs de démantèlement rant du groupe. Une façon de cou­ quelles conditions financières Ar­ en termes d’indépendance straté­ voulu. Google ou Facebook ten­
nion. « L’espace médiatique a été Si Arnaud Lagardère n’avait pas per court aux rumeurs de déman­ naud Lagardère serait prêt à aban­ gique de la France », leur a­t­il tent de rattraper leur retard. C’est
pris par des contestataires, ce qui a fait appel à l’entregent de Nicolas tèlement qui prêtent l’intention donner ce statut particulier. Mais lancé, rappelant que ses services la force de la Silicon Valley de
donné lieu à des “fakes news”. Mal­ Sarkozy, ou à Vincent Bolloré (11 % au duo d’être venu se partager les maintenant que le vote est passé, déconseillent fortement son faire émerger constamment de
gré cela, vous [les actionnaires] du capital par le biais de Vivendi) actifs. Mais la déclaration d’inten­ cette séquence liée à un change­ usage, compte tenu des lacunes nouveaux concurrents.
avez voté sans appel en faveur de et Marc Ladreit de Lacharrière tion déposée par Vivendi auprès ment de gouvernance serait dé­ au niveau de la protection des Mais cette histoire met en lu­
la gérance et du conseil de sur­ (3,5 % du capital à travers Fimalac), de l’Autorité des marchés finan­ sormais close, fait savoir une données, et que des alternatives mière également la négligence
veillance, et je vous en remercie. » deux actionnaires venus le soute­ ciers, et qui évoque un investisse­ source proche du dossier. françaises existent. de chacun, député ou entrepre­
L’assemblée n’a pas été sereine nir, c’était la déroute assurée. ment purement financier, ne l’en­ Ce n’est pas ce qu’ont compris les Zoom est devenue, à la faveur neur de start­up, à prendre en
pour autant. Le groupe a refusé de Outre le Qatar (19 % des droits de gage que pour six mois. actionnaires en écoutant Pierre de la crise sanitaire, l’application compte l’impératif de sécurité à
transmettre les votes à l’huissier vote), la Caisse des dépôts (5 % des Arnaud Lagardère, lui, a l’inten­ Leroy mardi matin. Il a fait remar­ Internet la plus téléchargée au l’heure du télétravail. Pirater
nommé par le tribunal de com­ droits de vote), qui était pourtant tion de rester aux commandes du quer que « le conseil de surveillance monde, avec près de 300 millions Zoom était facile ; le système a
merce, à la demande d’Amber. sceptique aussi bien sur Amber groupe. « Je vous retrouverai l’an [n’avait] pas été saisi » d’un tel pro­ d’utilisateurs. Pas mal pour une été piraté. Aujourd’hui, d’autres
Signe que le gérant comman­ que sur Arnaud Lagardère et ses prochain et l’année d’après », a­t­il jet. « Il n’a pas dit : la question ne se solution lancée en 2012 dans la assaillants s’attaquent, sur ordre,
dité – un statut particulier qui le assuré. A­t­il déjà l’accord de Vin­ pose pas », a déduit Colette Neu­ Silicon Valley par un ingénieur aux laboratoires pharmaceuti­
rend indéboulonnable – reste cent Bolloré, généralement peu ville, la présidente de l’association sino­américain, Eric Yuan, émigré ques et agences de santé des pays
contesté, le vote était serré. Les généreux avec le partage du pou­ des actionnaires minoritaires. quinze ans plus tôt en Californie. luttant contre le Covid­19. La cy­
nouveaux administrateurs pro­
Les nouveaux voir ? Ou est­ce un message « Nous serons présents dans tous Comme tout un chacun, les par­ berguerre frappe à notre porte.
posés par Amber, et contestés par administrateurs adressé à ce nouveau sauveur ? les débats à venir, notamment celui lementaires ont été séduits par la Et à cela non plus nous ne som­
Lagardère, ont été rejetés à 57 % C’est dans un style volontaire­ qui portera sur la transformation simplicité de cette application mes pas prêts. Comme si nous
des suffrages. Or, habituellement,
proposés par ment moyenâgeux qu’un fidèle de la commandite en société ano­ gratuite, qui ne nécessite aucun étions projetés d’un coup, par la
les résolutions obtiennent des Amber ont été petit actionnaire, Christopher nyme », a lancé Joseph Oughour­ téléchargement. Cette mésaven­ faute d’un virus, dans un futur
scores soviétiques, les actionnai­ Calmann­Levy, a mis les pieds lian, fondateur d’Amber. La bataille ture appelle deux remarques. dont nous n’avons pas assimilé
res suivant scrupuleusement les
rejetés à 57 % dans le plat, en demandant à Ar­ n’est pas terminée.  Tout d’abord, en dépit de ce que les codes, celui de la civilisation
recommandations de la société. des suffrages naud Lagardère « d’abdiquer ». sandrine cassini l’on raconte trop facilement, le numérique. 
18 | international 0123
JEUDI 7 MAI 2020

La mémoire collective blessée de l’ex­URSS

L’agressivité de Moscou exacerbe les tensions chez ses anciens alliés et dans les pays de l’ex­empire soviétique

ANALYSE ajoutait aussitôt la réalisatrice de

L’Ombre de Staline (qui devait sor­

I
l n’est pas rare de voir resur­ tir en France le 18 mars), « si cela a
gir, des années après, les trau­ fonctionné pendant des années,
matismes du passé à l’échelle malheureusement, aujourd’hui,
d’une nation. En Espagne, le l’effet s’est évaporé… »
transfèrement de la dépouille de
Franco de son mausolée vers un Guerre mémorielle
cimetière de la banlieue de Ma­ La mémoire collective, dans l’ex­
drid, en octobre 2019, a rouvert des URSS, est blessée. Non seulement
blessures mal cicatrisées. Un pro­ parce que les archives sont restées
jet de réforme du code pénal, an­ pour la plupart sous scellés, mais
noncé par le gouvernement de parce que, surtout, Moscou
Pedro Sanchez en mars, et destiné exerce une pression constante
à criminaliser l’apologie du fran­ sur ses anciens satellites. Sans re­
quisme, a remis du sel sur la plaie. lâche, les réseaux de propagande
Quarante­cinq ans après sa mort, du Kremlin, RT et Sputnik, atta­
le Caudillo hante encore la mé­ quent le « passé nazi » de ces pays,
moire de son pays. et leur supposée condescendance
En Corée du Sud, en Argentine, pour les fascistes d’hier et l’ex­
en Algérie, partout, des événe­ trême droite d’aujourd’hui.
ments traumatiques, hier sur­ Ailleurs, notamment en Polo­
montés tant bien que mal dans la gne, la montée du populisme
douleur, restent aujourd’hui produit aussi ses effets. Consé­
source de profondes divisions. quence : la guerre mémorielle
Mais une région du monde, pres­ s’est ranimée entre Moscou et
que un continent, occupe toujours Varsovie. D’autre part, une brus­
une place à part : l’ex­URSS. Trente que poussée de fièvre a été enre­
ans après sa disparition, l’Union gistrée entre la Russie et la Répu­
soviétique, formellement déman­ blique tchèque, lorsque, le 3 avril,
telée en 1991, continue de nourrir la statue de l’ancien maréchal so­
les peurs et les rancœurs avec une viétique Ivan Koniev a été débou­
acuité renouvelée. Soumis au lonnée. En retour, l’ambassade
même joug communiste que les tchèque à Moscou a été la cible
Russes, les anciens territoires et ré­ Au « KGB Espionage Museum » de New York, qui abrite quelque 3 500 objets d’époque, en janvier 2019. TIMOTHY A. CLARY/AFP d’un commando muni de fumigè­
publiques liés par le pacte de nes. Pas de trêve, même pendant
Varsovie affichent une animosité la pandémie due au coronavirus.
décuplée vis­à­vis de Moscou. récemment le secrétaire général tion. Conséquences psychologi­ joue un rôle déterminant. Estimée « La perspective historique peut
de son ministère des affaires ques du trauma culturel (Eugri­ à 16 pour 100 000 habitants au dé­
Les réseaux changer les choses et amplifier les
Dépression collective étrangères, Laimonas Talat­ mas, 2015, non traduit), qui con­ but des années 1960 (les données de propagande problèmes géopolitiques », souli­
La faute à Vladimir Poutine, dont Kelpsa, « bénéficie aujourd’hui clut que, malgré le rétablissement antérieures n’étant guère exploi­ gnait, à Vilnius, le diplomate
l’agressivité, alimentée par une d’une présence physique des trou­ de l’indépendance lituanienne tables), la proportion des suicides
du Kremlin, Lamberto Zannier, commissaire
propagande sans limite, n’a cessé pes de l’OTAN et des Etats­Unis ; reconnue par l’URSS en 1991, « les atteint 36 pour 100 000 habitants RT et Sputnik, aux minorités nationales de l’Or­
d’augmenter depuis l’annexion de pourtant, sa population men­ conséquences du régime soviétique en 1984, avant de décroître soudai­ ganisation pour la sécurité et la
la Crimée en 2014 et le conflit dans tionne toujours la Russie et la totalitaire pendant cinq décennies nement avec l’arrivée de la peres­
attaquent coopération en Europe (OSCE),
l’est de l’Ukraine ; mais aussi à une guerre en premier lieu lorsqu’on lui sont toujours présentes dans la vie troïka, la politique de réformes sans relâche alertant sur une année 2020 « po­
Europe divisée face aux crises, demande de définir une menace ». des individus, comme dans la mise en place par le dernier diri­ tentiellement très critique », alors
tiraillée par le départ des Britanni­ « Se peut­il, poursuivait­il en fai­ société tout entière ». geant de l’URSS, Mikhaïl Gorbat­
le « passé nazi » que les divisions grandissent au
ques ; et à une Amérique dominée sant référence aux difficultés in­ L’étude de l’évolution du taux de chev. La même tendance est alors de ces pays fil de l’interprétation de l’his­
par l’imprévisibilité de son diri­ ternes, que notre société soit ma­ suicide, surtout chez les hommes, observée en Hongrie. toire. « La reconnaissance, les ex­
geant, Donald Trump. lade et que le nom de la maladie ne particulièrement élevé dans ce Puis, de 1990 à 1996, le choc de la cuses publiques et les réparations
Les traumatismes d’hier, qui se soit pas lié à un coronavirus ? » petit pays de moins de 3 millions transition vers le capitalisme et les sont des éléments­clés dans la re­
sont transmis aux générations « Dépression collective ». Le so­ d’habitants, est saisissante. Com­ difficultés endurées par la popula­ « passé non digéré », organisée par cherche d’une “fermeture histori­
post­soviétiques, refont en effet ciologue polonais Piotr Sztompka paré à la Suède, où ce taux reste re­ tion se traduisent par une hausse le ministère lituanien des affaires que” », ajoutait­il. A l’approche
surface, de façon particulièrement a mis des mots sur cette question lativement stable entre 1830 et spectaculaire des suicides, dont la étrangères, en présence de psy­ des soixante­quinze ans de la vic­
vive, dans les trois petits Etats bal­ en définissant le « traumatisme 1990, il fluctue considérablement courbe a baissé à nouveau avec chothérapeutes, de diplomates et toire de l’URSS sur l’Allemagne
tes (Estonie, Lettonie et Lituanie) culturel » vécu par les anciens pays en Lituanie. Or, si les raisons du l’adhésion à l’Union européenne d’intellectuels de plusieurs pays, la nazie, le 9 mai, dont les célébra­
annexés en 1940 après avoir été communistes. Cette théorie a été passage à l’acte sont toujours déli­ (UE) en 2004. Or, depuis 2012, elle a cinéaste polonaise Agnieszka tions ont été reportées pour
envahis et vidés de leurs commu­ reprise dans un ouvrage collectif cates à globaliser, ici, il ne fait recommencé à grimper. Holland avançait cette explica­ cause de pandémie de Covid­19,
nautés juives par Hitler et les colla­ dirigé par Danuté Gailiené, La guère de doute pour les cher­ A Vilnius, où se tenait les 5 et tion : « L’Union européenne a été on en est loin. 
borateurs. La Lituanie, rappelait Lituanie fait face après la transi­ cheurs que la situation politique 6 mars une conférence sur le notre réponse au trauma. » Mais, isabelle mandraud

Comment Poutine a raté son entrée dans une cathédrale de Moscou

Une mosaïque représentant le président russe dans une célébration de l’annexion de la Crimée a été retirée après de nombreuses critiques

moscou ­ correspondant tion plus… canonique : des moines une tradition », a alors fait valoir c’est un peu tôt. » Peine perdue, le de la figure de Staline. Celui­ci est
tenant l’icône de Notre­Dame­de­
« Un jour, nos l’évêque Stefan, prévôt de la ca­ lendemain, 27 avril, l’Eglise con­ honoré en tant que commandant

C’ est l’histoire d’une oc­

casion manquée. Pour
la première fois depuis
qu’il est au pouvoir, Vladimir
Poutine aurait pu être représenté
Chersonèse (qui est tout de même
originaire de Crimée).
Pour comprendre de quoi il re­
tourne, revenons en arrière. La
« Cathédrale des forces armées »,
descendants
apprécieront nos
mérites, mais le
thédrale. L’artiste à l’origine de la
mosaïque a aussi rappelé que les
empereurs byzantins étaient, en
leur temps, représentés dans les
églises. De fait, l’alliance des pou­
firmait ses intentions… avant de
changer d’avis brusquement le
1er mai. La hiérarchie orthodoxe a
clairement attribué ce revire­
ment à « l’opinion » exprimée par
en chef victorieux dont les crimes
peuvent ou doivent être occultés,
le symbole d’une histoire de la
Russie nécessairement glorieuse
et l’emblème d’un patriotisme
dans une église, au même titre comme on appelle d’ores et déjà
faire maintenant, voirs spirituel et temporel est une le président, preuve que si ce der­ auquel l’Eglise se rallie volontiers.
que les saints qui ornent les édifi­ cette église de la Résurrection du c’est un peu tôt » constante de l’Etat russe, et la cé­ nier n’est pas encore prêt à cô­ Ce rôle est d’autant plus fort que
ces religieux orthodoxes. A vrai Christ, doit être inaugurée à l’oc­ lébration des victoires militaires toyer les saints sur les murs des la guerre elle­même est élevée au
VLADIMIR POUTINE
dire, il l’a été, durant quelques casion des 75 ans de la victoire sur un motif classique des églises. cathédrales, sa parole est d’ores et rang de mythe national numéro
jours. Précisément jusqu’au ma­ l’Allemagne nazie, le 9 mai (ce sera Comme dans de nombreux déjà d’évangile pour l’Eglise. un, celui qui doit unir aussi bien
tin du 1er mai, où l’Eglise ortho­ probablement un peu plus tard, diés aux saints patrons des diffé­ autres pays, les religieux n’ont ja­ les différentes composantes du
doxe a annoncé le démontage pour cause de coronavirus). rentes armées (on apprendra mais eu aucun complexe à bénir Mythe national peuple russe que les morceaux
d’une mosaïque montrant le pré­ Le projet est bel et bien conduit ainsi que les forces de missiles les armées, jusqu’aux avions de Fin de l’histoire ? Non, car une épars et parfois contradictoires de
sident russe entouré d’un aréo­ par le ministère de la défense, et stratégiques sont placées sous le chasse aspergés d’eau bénite autre mosaïque continue de sus­ son histoire. Au rang des mythes
page de fidèles : les ministres de la l’édifice est en passe d’être achevé patronage de sainte Barbara…). avant leur départ pour la Syrie. Un citer des débats enflammés, celle unificateurs, la Crimée arrive non
défense et des affaires étrangères, dans le parc Patriote, un parc d’at­ Les marches menant à l’église se­ débat a toutefois cours au sein de représentant le défilé de la vic­ loin derrière.
le directeur du FSB (service de sé­ tractions et d’expositions sur le ront, elles, édifiées à partir d’ar­ la hiérarchie de l’Eglise pour ex­ toire de 1945. On y voit une autre Parmi les commentaires les
curité), ou encore le chef de l’état­ thème de l’armée, à l’ouest de mes de la Wehrmacht coulées. clure de ces pratiques « les armes personnalité inattendue : Joseph plus percutants sur cette étrange
major, Valéri Guerassimov, con­ Moscou. S’il subsistait un doute, On l’aura compris, l’annexion frappant sans discrimination et les Staline. La personnalité du dicta­ association, le sociologue Igor
cepteur de la célèbre doctrine de la structure vert sombre virant au de la Crimée devait donc rejoin­ armes de destruction massive ». teur soviétique fait l’objet d’une Eidman évoque la naissance
la « guerre hybride » (utilisant sub­ kaki, recouverte de métal et de dre la seconde guerre mondiale « Il s’agissait de guerriers mar­ réhabilitation progressive dans la d’une « religion syncrétique », à
version, espionnage, propagande verre, l’aurait ôté. au panthéon des épisodes « sa­ tyrs ou de souverains pieux, lui a société russe, mais voir honoré l’image de celles qui, « en Afrique
et cyberattaques). crés » de l’histoire russe. Vladimir répondu l’historien Sergueï par l’Eglise le responsable de la ou en Amérique latine, mélangent
La mosaïque intitulée « La réuni­ Concentré de symboles Poutine n’avait­il pas un jour évo­ Brioun dans les colonnes du quo­ mort de plusieurs dizaines de des éléments du christianisme et
fication pacifique de la Crimée », Cette cathédrale – la troisième du qué ce territoire comme un équi­ tidien économique Vedomosti. milliers de prêtres (plus de des cultes païens ». Pour M. Eid­
dans l’église de la Résurrection du pays, avec une capacité d’accueil valent du « mont des Oliviers pour Pas des généraux triomphants du 100 000 pour les seules années man, la religion syncrétique for­
Christ, devait célébrer l’annexion de 6 000 personnes – est un les juifs et les musulmans » ? défilé de 1945 ou les petits hommes 1937­1938) a de quoi surprendre. mée dans la Russie de Poutine
de la péninsule. Y figuraient aussi concentré de symboles. Exem­ Le 24 avril, la fuite des premières verts avec fusils d’assaut. » En réponse aux critiques, le pa­ « est une synthèse d’orthodoxie et
des hommes masqués armés de ples : le diamètre du tambour du images sur le site MBKh Media a Restait à entendre l’avis du prin­ triarcat de Moscou a évoqué le de culte de la victoire. (…) On re­
kalachnikovs, les fameux « petits dôme principal est de 19,45 mè­ toutefois déclenché une avalan­ cipal intéressé. Selon le porte­pa­ respect de la « vérité historique, trouve dans l’histoire des cultes
hommes verts » apparus par en­ tres, évocation de l’année 1945 ; la che de commentaires, volontiers role de Vladimir Poutine, celui­ci dont il est impossible d’arracher comparables dans des tribus indo­
chantement dans cette région hauteur du petit dôme est de critiques ou sarcastiques. « La re­ aurait souri en apprenant cette arbitrairement certaines pages ». européennes païennes, qui véné­
ukrainienne au printemps 2014. 14,18 mètres, rappel des 1 418 jours présentation sur les murs des tem­ consécration, et dit : « Un jour, nos Cette déclaration illustre bien le raient la Guerre, les guerriers tom­
Tout juste achevée, la mosaïque a qu’ont duré les combats. Les six ples d’événements historiques et descendants apprécieront nos mé­ rapport qui s’est imposé ces der­ bés, les armes… » 
été remplacée par une représenta­ dômes dorés sont d’ailleurs dé­ de personnalités historiques est rites, mais le faire maintenant, nières années en Russie vis­à­vis benoît vitkine
0123
JEUDI 7 MAI 2020 carnet | 19
Mme Renata Cortinovis, New York. Jérusalem. France Brécard, Vigoux. Argenton-sur-Creuse.
son épouse, Paris. San Francisco. sa compagne,
Livia Cortinovis, Charles et Laure Brécard, Jacqueline et Maurice Benassayag,
sa fille, Judith Guéron, née Mitchell, leurs enfants et leurs petits-enfants, Jeanne Burton, Louis Pradel et
en vente Le Carnet Tanguy, Jean-Marie et Alicia, Alba Jacqueline Martin,
son épouse, Thierry et Christine Brécard,
actuellement et Côme, leurs enfants et leurs petits-enfants, ses enfants, son gendre et sa belle-
Michèle et Zev Golan, Nicole fille,
Le Monde à paraître
K En kiosque le jeudi 7 mai 2020
ont le chagrin d’annoncer le décès de Guéron et Carter Strickland, ont la douleur de faire part du décès Amélie, David, Elisa, Louis et
ses enfants, de Servane, Mathieu, Nelson et Marya,
sera daté du 8-9 mai. M. Marc COLOMBARD-PROUT, ses petits enfants et leurs conjointes,
Réviser son bac Julien, Charlotte, Alisa, Shmuel,
directeur de recherche,
2020

ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants,

Vital MISRAKI,
HORS-SÉRIE

avec Le service du Carnet producteur de musique, Ses neveux et nièces,

Maurice et Jacqueline Guéron,
TERMINALE, SÉRIES L ES S
sera fermé
PHILOSOPHIE ce vendredi 8 mai. survenu le 30 avril 2020, Frédéric et Anelly Guéron, Susan survenu le 2 mai 2020.
Mitchell et John Sikorski, ont la douleur de faire part du décès
à l’âge de soixante et onze ans. de
L’équipe du Carnet ses frères, belles-sœurs, beau-frère, Les obsèques auront lieu dans
CAHIER

assurera une permanence Compte tenu des circonstances, leurs enfants et petits-enfants, l’intimité le 13 mai. Gabrielle PRADEL,
SPÉCIAL
16 pages pour
se tester avant

la cérémonie aura lieu, dans la plus Étienne et Hélène Eisenmann

le bac

le samedi 9 mai, née LANCHIER,

stricte intimité, le 10 mai. Et les familles Guéron, Mitchell,
L’ESSENTIEL DU COURS

de 9 heures à 13 heures, [email protected]

LES SUJETS CORRIGÉS

LES ARTICLES DU MONDE

LES TEXTES CLÉS

pour notre édition Berrnheim, Hirsch, Le Cœur, Saglier,

La famille tient à remercier survenu à Paris, le 30 avril 2020,
datée du mardi 12 mai. Les proches,
du Covid-19, à l’âge de cent ans.
En partenariat avec

le personnel du service d’oncologie M. Alain Dufour

Hors-série de l’hôpital Saint-Antoine pour son ont la tristesse d’annoncer le décès et sa famille,
Merci de nous adresser humanité et sa bienveillance. La famille Haut, Comme elle l’avait toujours
de souhaité, elle reposera auprès de son
0123 EMPLOI vos demandes par mail
[email protected]
La famille Etienne Moulin,
époux,
en précisant impérativement
IMMIGRATION
HORS-SÉRIE
SANTÉ
MOBILITÉ Henri GUÉRON, La famille Albert Moulin,
ÉLECTIONS
votre numéro de téléphone Supaéro 1958, PhD MIT 1966, La famille Claude Moulin,
personnel, Louisou,
Félix Damette, avocat au barreau
40 CARTES
votre nom et prénom,
adresse postale
son époux,
Agnès et Eliane,
de New York Fordham 1993, ont la tristesse d’annoncer le décès
de
de sa mère et de ses beaux-parents
POUR COMPRENDRE
au cimetière de Vigoux (Indre).
LA
FRANCE et votre éventuelle ses filles, survenu le 1er mai 2020,
référence d’abonnement. Louisette Deldique, à New York, du Covid-19, Jacqueline MOULIN, L’inhumation aura lieu dans
L’équipe du Carnet sa sœur, officier
à l’âge de quatre-vingt-trois ans. l’intimité.
reviendra vers vous Achille, Julia et Hugo,
dans l’ordre des Palmes académiques,
dans les meilleurs délais. ses petits-enfants,
Cet avis tient lieu de faire-part. professeur de philosophie, Une cérémonie en sa mémoire
Hors-série ont la douleur de faire part du décès professeur de littérature sera célébrée ultérieurement.
de [email protected] (Maison d’éducation
[email protected] [email protected] de la Légion d’honneur), [email protected]
& CIVILISATIONS

N° 60
AVRIL 2020 Josette DAMETTE, psychanalyste [email protected]
& CIVILISATIONS [email protected]
née DELDIQUE, Ses enfants, (séminaires psychanalytiques
AU CARNET DU «MONDE»
Ses petits-enfants, de Paris, ALI),
survenu le 2 mai 2020, Et l’ensemble de la famille, Mme Marie-Claire Ramelot,
POMPÉI Décès dans sa quatre-vingt-quatrième année. survenu à Paris, son épouse,
D’INCROYABLES
DÉCOUVERTES
ont l’immense tristesse de faire part dans sa quatre-vingt-neuvième année, Mme Isabelle Ramelot,
30 PAGES

Danièle Ballèvre, L’inhumation a eu lieu le mardi sa fille,

le 1er mai 2020.
AU CŒUR DES

du décès de
NOUVELLES
FOUILLES

son épouse, 5 mai, au funérarium de Grammont, Adrien et Paul,

Ses enfants, à Montpellier.
CHAQUE MOIS UN PRÉSIDENT

Elle reposera dans le cimetière de ses petits-fils,

Marcel KURZ,
ÉGYPTE MAGELLAN JACKSON

Ses petits-enfants
DES FEMMES LE PREMIER IL FONDE
EN LIBERTÉ TOUR DU MONDE LE PARTI
SURVEILLÉE VIRE AU DRAME DÉMOCRATE

géomètre honoraire Champdolent (Charente-Maritime),

Et ses arrière-petits-enfants, Thomas Dayan, Marine Dayan, ont la douleur de faire part du décès
Mensuel de l’Institut géographique national, auprès de ceux qu’elle a aimés en
Stéphanie Massare et Antonin Cois, de
ses enfants et leurs conjoints, Algérie et en France.
ont la tristesse de faire part du décès

Collections de Robin, Alexis, Violette, Lou et

Mathilde,
ses petits-enfants,
survenu le 24 avril 2020,
dans sa quatre-vingt-seizième année. Elise Natali,
sa fille,
Monsieur Jacques RAMELOT,
M. Jean-Marie BALLÈVRE, fils de
préfet honoraire, Sonia Dayan-Herzbrun, Nicole Perat,
Compte tenu de la situation M. Pierre RAMELOT,
ancien administrateur Françoise Gertler, sa mère,
sanitaire, ses obsèques se dérouleront
de la France d’Outre-mer, Carine Natali,
ont l’immense tristesse d’annoncer dans la plus stricte intimité. petit-fils de
officier sa sœur,
le décès de M. Olivier de GOURCUFF,
du 1 ordre national mauritanien,
er Carole Natali
Cet avis tient lieu de faire-part. Et Alexis Barazer,
officier Maurice DAYAN, survenu à Paris, le 3 mai 2020,
de l’ordre national du Mérite, sa belle-mère
ancien élève dans sa quatre-vingt-septième année.
chevalier de la Légion d’honneur, Nicole Baudrier, et son beau-frère,
de l’École normale supérieure, sa compagne, Achille, Danaé, Antigone,
agrégé de philosophie, Les obsèques religieuses auront
suite à une crise cardiaque, Ses filles, son gendre son neveu et ses nièces,
psychanalyste, lieu dans l’intimité familiale.
le 1er mai 2020, Et ses petits-enfants, Marion Delaigue
professeur honoraire
à l’âge de quatre-vingt-onze ans. à l’université Paris Paris-Diderot, Denys et Amiel Lable, Et tous ses amis proches,
Agnès Léger, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.
Les obsèques ont eu lieu dans survenu le 2 mai 2020. son frère, sa belle-sœur ont la grande tristesse de faire part
Actuellement en vente, et sa sœur du décès de M. et Mme Xavier Roth,
la plus stricte intimité, à Saint-Cast-
le volume n° 7 et leurs enfants, Mme Jean Ligouzat, née Roth,
le-Guildo. Christine Clerici,
Cécile Gall, Jean-Marc NATALI, Mme Georges Roth
DE GAULLE présidente d’université de Paris,
sa tante, Et leurs enfants,
Cet avis tient lieu de faire-part. Sylvain Moutier,
doyen de la faculté sociétés et Les familles Lable, Gall et Berthier, survenu le 25 avril 2020, à Paris 14e,
ont la tristesse de faire part du décès
FEMMES PF Urvoix, L’Hermitage, humanités,
ont la grande tristesse d’annoncer
à l’âge de cinquante ans.
de
D’EXCEPTION Tél. : 02 99 64 12 49. Isée Bernateau,
le décès de La crémation aura lieu dans
directrice du département d’études
psychanalytiques, l’intimité familiale, le lundi 11 mai. Pierre ROTH,
Dominique et Florence Bouvier, lieutenant-colonel de réserve
Ses collègues Richard LABLE,
Isabelle et Bernard de la du service d’état-major,
Et amis, Une cérémonie sera organisée
Bourdonnaye-Blossac, ancien président-directeur général
survenu le 25 avril 2020, ultérieurement et ses cendres
Vincent et Florence Bouvier, ont la grande tristesse d’annoncer des Ets Roth et Cie
dans sa soixante-dixième année. reposeront dans son village de
Fabrice et Catherine Bouvier, le décès de Cafés Ras d’Amhara.
Haute-Corse.
ses enfants,
Cet avis tient lieu de faire-part.
Ses quatorze petits-enfants, « L’Eternel parlait avec Moïse Nîmes. Banne.
Ses dix-huit arrière-petits-enfants, Maurice DAYAN, face à face, comme un homme
[email protected] Saint-Paul-le-Jeune. Berrias.
professeur honoraire parle à son ami. »
ont la tristesse de faire part du décès, en psychopathologie et Exode, 33, 11.
La famille de Mme Jacqueline Thibon,
Actuellement en vente, survenu le 2 mai 2020, de psychanalyse d’Université de Paris,
son épouse,
le volume n° 11 COLETTE et sur : Geneviève Pignol, Gilles et Dominique Duvert-
Mme Albert BOUVIER, M. Jean-Pierre LECLERE
www.femmes-dexception.fr survenu le 2 mai 2020 son épouse, Broguière,
née Muriel PEUGEOT.
Maguelone, Arnaud, Olivier, Hervé et Kerstin Thibon,
a la douleur d’annoncer son décès,
et s’associent à la peine de sa famille ses enfants Denis et Pascale Thibon-Vicat,
L’inhumation aura lieu au survenu à Compiègne, le 29 avril 2020,
et de ses proches. et leurs conjoints, Michel, Catherine, ses enfants,
cimetière de Senlis, le 7 mai, dans la à l’âge de soixante-dix-huit ans.
Déborah, Vincent, Ariane, Marion, Claire,
plus stricte intimité familiale.
Franck Tinland, Quentin, Julie, Alexandre, Matthias, Louise, Adèle,
Sa profonde humanité aura Thomas, ses petits-enfants
La cérémonie religieuse sera professeur des Universités,
marqué, nous l’espérons, tous ceux ses petits-enfants Et toute la famille,
célébrée dès que les circonstances le Ses enfants
Et ses petits-enfants, qui l’ont côtoyé. Ainsi que la famille Vincent-
permettront.
Brueder, ont la tristesse de faire part du décès
ont la très grande peine de faire part Il sera enterré au cimetière de de
La famille remercie très
chaleureusement le personnel de du décès de leur épouse, mère et Verrière-le-Buisson. ont la profonde tristesse de faire part
l’Ehpad Orpea Batignolles de son
grand-mère, du décès de M. René THIBON,
dévouement et de sa gentillesse. Une cérémonie conviviale sera médecin généraliste à Nîmes,
Blanche TINLAND, organisée dès que possible. Roland PIGNOL, chevalier
186, boulevard Pereire, ancien délégué général de l’ordre national du Mérite,
survenu le 30 avril 2020, de l’Union sociale pour l’habitat,
Actuellement en vente, 75017 Paris. Nicolas Meyer,
à l’âge de quatre-vingt-douze ans. officier de la Légion d’honneur, survenu le 2 mai 2020,
le vol. n° 11 LES CONSTANTES son époux,
à l’âge de quatre-vingt-sept ans.
UNIVERSELLES et sur : Mme Nicole Cherchi, La cérémonie a eu lieu dans la plus Jérôme et Karine Meyer,
survenu le dimanche 26 avril 2020,
www.collectioncosmoslemonde.fr son épouse, stricte intimité. Anne et Dimitri Rejl,
dans sa quatre-vingt-douzième année. En raison des circonstances
Catherine et Agnès, ses enfants,
actuelles, les obsèques auront lieu
En raison du contexte,nous avons suspendu ses filles, Lyon, René Meyer,
Selon ses souhaits, il a été inhumé au cimetière de Banne (Ardèche),
la vente de certaines collections chez Louis, son beau-frère
le jeudi 30 avril, dans l’intimité dans l’intimité familiale.
les marchands. Elle reprendra dès que son gendre, Camille et Sophie, Et toute sa famille,
familiale.
possible. Nous vous présentons toutes nos Nicolas, Victor et Alice, Cet avis tient lieu de faire-part et
excuses pour ce désagrément. son petit-fils, ses enfants, ont la tristesse de faire part du décès Cet avis tient lieu de faire-part. de remerciements.
Pierre Cherchi, Claire, de

Nos services son neveu,

Ses neveux et nièces,
sa petite-fille,

ont la tristesse d’annoncer le décès

Janine MEYER, Société éditrice du « Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
née CAVALER, Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
Lecteurs ont la tristesse de faire part du décès
de
de agrégée de l’Université,
officier
Directeur de la rédaction Luc Bronner
Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo
Mme Elisabeth GENTY.
K Abonnements dans l’ordre des Palmes académiques, Direction adjointe de la rédaction Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle Chevallereau, Alexis Delcambre,
Benoît Hopquin, Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
M. Lucien CHERCHI, Une cérémonie d’hommage aura Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
ENS Saint-Cloud 1946, survenu le 26 avril 2020, à Lens, Rédaction en chef numérique Hélène Bekmezian
lieu quand les conditions le Rédaction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws, Franck Nouchi (Débats et Idées)
professeur émérite permettront. dans sa quatre-vingt-dixième année. Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles van Kote
www.lemonde.fr/abojournal de l’université de Bourgogne, Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert

K Le Carnet du Monde Ni fleurs ni couronnes, mais une Les funérailles ont eu lieu au Chef d’édition Sabine Ledoux
Directrice du design Mélina Zerbib
survenu le 2 mai 2020, donation à l’association « échanges crématorium d’Hénin-Beaumont, le
[email protected] Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
dans sa quatre-vingt-quinzième année. Birmanie ». jeudi 30 avril, dans la stricte intimité Photographie Nicolas Jimenez
Infographie Delphine Papin
de la famille.
Directrice des ressources humaines du groupe Emilie Conte
Les obsèques ont eu lieu dans PF Chaboud, Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
l’intimité familiale. Tél. : 04 78 29 87 17. [email protected] Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
20 | horizons 0123
JEUDI 7 MAI 2020

2010­2011

Le changement
de doctrine
AUX RACINES DE LA CRISE SANITAIRE FRANÇAISE 3|5
« Le Monde » revisite la stratégie
nationale en matière d’épidémie

I
l n’en peut plus. En cinq ans passés à la
tête de l’incontournable direction gé­
nérale de la santé (DGS), où il a été
depuis vingt ans. Une manière de
nommé en mars 2005, le professeur
Didier Houssin s’est rarement senti
mieux comprendre, documents
aussi amer qu’en ce printemps 2010. La
controverse sur la gestion de la grippe A(H1N1)
inédits et témoignages à l’appui,
et l’achat, dans des quantités jugées excessi­
ves, de vaccins et de masques est venue enta­
les polémiques actuelles.
cher un parcours sans faute aux côtés des mi­
nistres de la santé, d’abord Xavier Bertrand
Aujourd’hui, le lent glissement
puis Roselyne Bachelot. La période est peu
charitable pour ce médecin­fonctionnaire : il a
vers un « désarmement »
les médias sur le dos, mais aussi certains res­
ponsables politiques, et voilà même que la po­
lice s’en mêle. « J’ai passé une journée rue du
Château­des­Rentiers [siège à l’époque de la lume, se pose désormais. » En d’autres termes,
police financière parisienne], parce que, en le directeur général de la santé indique, il y a
gros, on voulait savoir si on avait été, au mieux, dix ans exactement, que le matériel en ques­
roulés par l’industrie, au pire, corrompus pour tion est sur le point d’être périmé, et de­
l’achat des vaccins ! On en a bavé des ronds de mande des éclaircissements sur « les types de
chapeau, avec Roselyne… », se rappelle Didier masques devant constituer ce stock Etat » et
Houssin. L’ancien chef de service de l’hôpital des recommandations sur « un dimensionne­
Cochin a une bonne tête de bouc émissaire. ment de ces stocks ».
De fait, l’heure est aux grandes explications. Le temps des économies n’est certes pas en­
Sur France 3, la journaliste Elise Lucet somme core arrivé, mais il se profile. En attendant la
le ministère de la santé de battre sa coulpe sur réponse des experts sollicités sur un sujet qui
l’argent dilapidé ; les médecins libéraux, mis intéresse si peu de monde à l’époque – c’est­à­
de côté pendant la campagne de vaccination, dire les masques de protection –, Roselyne
sont furieux. Quant à l’opposition, elle est sur Bachelot doit déjà lutter contre la tempête
le qui­vive, déterminée à discréditer un peu politique, y compris dans son propre camp.
plus un pouvoir sarkozyste par ailleurs encal­ Le sénateur UMP Philippe Marini est ainsi
miné dans l’affaire Bettencourt à partir du l’un des premiers à dégainer. Le 29 juin 2010,
mois de juin. Une commission d’enquête par­ dans son rapport sur la loi de finances 2009,
lementaire sur la gestion de la crise A(H1N1) a il vise notamment les crédits alloués à la lutte
vu le jour quelques mois plus tôt, en fé­ contre la grippe A(H1N1).
vrier 2010, au grand dam de l’UMP. Au beau Intéressant, ce rapport… Il est le premier à
milieu de ce capharnaüm, il y a donc le profes­ envisager le fameux « désarmement » sani­
seur Houssin, usé par la fonction. Au point taire à venir. Il mérite qu’on s’y arrête. « Selon
qu’il utilise une drôle d’unité de mesure pour le ministère de la santé, écrit le parlementaire, son rôle a finalement été très limité. Dans ces plus en odeur de sainteté sarkozyste. « Je suis
étalonner les piles de dossiers entassées dans ces dépenses peuvent être évaluées à environ conditions, votre rapporteur spécial s’inter­ alors dans un tel état de souffrance psycholo­
son bureau : le « kilomètre ». 757,3 millions d’euros au titre de l’acquisition roge sur l’opportunité de la création de cette gique, ça fait un peu midinette, mais c’est
des vaccins et des consommables, des indem­ nouvelle agence. » vrai », relate­t­elle. D’autant que les avanies
GARE AU RETOUR DE MANIVELLE nités de résiliation versées aux laboratoires, Tout est là, en germe. L’inutilité supposée s’accumulent…
Mais la vraie victime est ailleurs. Ci­gît la poli­ des dépenses de logistique et d’édition des des masques, et celle de l’Eprus. En général, Le 17 février 2011, la Cour des comptes
tique de sécurité sanitaire française, durable­ bons de convocation, de la campagne de com­ les rapports du Sénat émeuvent peu de prend le relais du sénateur Marini. Dans son
ment touchée par le scandale. « J’étais très munication, de l’indemnisation des profes­ monde, mais Philippe Marini est écouté, il a rapport annuel, l’institution critique elle
amer, se souvient M. Houssin. On a essayé de sionnels de santé, de l’achat de masques, d’an­ de l’influence, d’autant qu’il fait partie de la aussi, en termes choisis, la gestion du dossier
faire notre boulot, tout simplement. Et on s’en tiviraux et de respirateurs. » Mais cette majorité. Dans ces circonstances, difficile A(H1N1). Elle parle d’une « stratégie vaccinale
est pris plein la poire… » Le discours de raison somme, déjà considérable, paraît sous­éva­ pour Roselyne Bachelot de s’imaginer un ave­ trop ambitieuse et non évolutive », d’un plan
n’est plus audible. A la prochaine crise sani­ luée aux yeux du pointilleux sénateur : « Il nir radieux, avenue de Ségur, malgré la pro­ pandémie grippale fournissant « un cadre in­
taire, gare au retour de manivelle, se pren­ convient néanmoins d’y ajouter d’une part, les tection bienveillante du locataire de Mati­ complet et trop rigide », étrille le « choix discu­
nent à penser les professionnels de la santé. dépenses supplémentaires supportées par l’As­ gnon, son ami François Fillon. Le 14 novem­ table d’une couverture large de la popula­
C’est donc là que se situe le nœud de l’affaire. surance­maladie au titre des prescriptions de EN 2010, bre 2010, au prétexte d’un remaniement, elle tion » par la vaccination, et des « contrats
Les prémices du « désarmement ». médicaments, des honoraires des médecins LES DÉPENSES est contrainte de passer le relais à un reve­ d’acquisition de vaccins mal négociés ». Con­
Il convient d’habiller une politique publi­ généralistes et des indemnités journalières, nant, Xavier Bertrand, nanti d’un portefeuille clusion abrupte : « Une campagne coûteuse
que, quelle qu’elle soit, avec une doctrine ha­ ainsi que le surcroît d’activité des hôpitaux ; LIÉES À LA GRIPPE  démesuré : il gère le travail, l’emploi et donc au regard des résultats obtenus. »
bilement tricotée. Quel est, à l’époque, le d’autre part, les frais liés au fonctionnement la santé, qui perd au passage son autonomie. Les « sages » de la rue Cambon, pas si bien
choix qui se profile, pour Roselyne Bachelot, des centres de vaccination. Au total, les dépen­ A(H1N1) La première organisation syndicale de méde­ nommés pour le coup, concentrent leurs flè­
en grosse difficulté ? Continuer à anticiper, ses liées à la grippe A(H1N1) peuvent ainsi être cins, la Confédération des syndicats médi­ ches sur l’échec de la campagne de vaccina­
donc à dépenser au cas où, rester sur ses gar­ évaluées à environ 1 milliard d’euros. »
SONT ÉVALUÉES  caux français (CSMF), se réjouit : très critique tion de masse : 5,4 millions de personnes
des devant l’imprévisible sanitaire, afin d’être Le chiffre est lâché. Un chiffre rond, parfait À 1 MILLIARD  envers Roselyne Bachelot pour sa gestion du vaccinées, soit moins de 8,5 % de la popula­
prêt, l’hypothétique jour J ? « Roselyne était pour frapper les esprits. Un milliard d’euros, dossier A(H1N1), elle a fait campagne pour tion. Le coût total est de 662,6 millions
comme moi, explique Xavier Bertrand, son pour 342 décès recensés. De quoi scandaliser D’EUROS, M. Bertrand. A charge pour ce dernier de re­ d’euros selon la Cour, soit bien davantage
prédécesseur et successeur, avenue de Ségur, les tenants de l’orthodoxie budgétaire. conquérir un électorat marqué à droite… que les 510 millions d’euros annoncés par
il faut prévoir le scénario du pire, même si ça D’autant que Philippe Marini a encore quel­ POUR 342 DÉCÈS  Roselyne Bachelot, au cours de son audition,
coûte. Ecole Chirac, il n’y a pas de débat. » Autre ques agacements en réserve : « Des quantités RECENSÉS. DE QUOI  « UN POISON LENT, QUI INFUSE » en juin 2010, par la commission d’enquête de
option : en finir avec ce fameux principe de importantes de masques ont, tout d’abord, été Bien qu’ovationnée par ses troupes, Mme Ba­ l’Assemblée. Avenue de Ségur, Xavier Ber­
précaution, qui n’a plus bonne presse ? Ralen­ commandées alors que peu semblent avoir été SCANDALISER chelot quitte le ministère profondément trand n’en mène pas large. Il se sait observé,
tir, tergiverser, jusqu’à ressentir, fatalement, effectivement distribués : 508 millions de mas­ meurtrie. Au­delà de son cas personnel, elle guetté. On ne le raterait pas, lui non plus, s’il
les symptômes d’une drôle de maladie, « la fa­ ques FFP2 et 121 millions de masques chirurgi­ LES TENANTS pressent qu’un glissement est en train de venait à trop dépenser en vue d’une crise po­
tigue pandémique », comme la surnomme le caux pédiatriques – venant abonder un stock DE L’ORTHODOXIE  s’opérer. « Ça ne se passe pas comme si on tentielle. Nous sommes en 2011, et les effets
professeur Houssin. S’engourdir dans Le Dé­ initial conséquent d’un milliard de masques éteignait la lumière dans une pièce, juge­t­elle du choc financier planétaire de 2008 se font
sert des Tartares imaginé par Dino Buzzati, à chirurgicaux et de 667,7 millions de masques BUDGÉTAIRE avec le recul. C’est un poison lent, qui infuse, et plus que jamais sentir. Mais Bertrand garde
attendre désespérément la bataille finale. FFP2. » Le sénateur Marini fait les comptes… qui amène des décisions budgétaires successi­ ses certitudes : « le scénario du pire » con­
S’installe alors, comme le dit ce même Didier et règle celui de l’Eprus, créé par Xavier Ber­ ves. L’Etat s’est imposé une rigueur, une diète, serve ses faveurs, même s’il ne s’en vante pas,
Houssin, « la ruse du diable : l’oubli ». trand en 2007. « Or, poursuit donc Marini, sur à travers la RGPP de Sarkozy, que d’autres ne ça vaut mieux.
On en est là quand la DGS, le 27 avril 2010, ce total de 2,2 milliards de masques, seuls s’imposaient pas », lâche­t­elle à propos de la Au ministère, Didier Houssin a été rem­
décide de saisir le Haut Conseil de la santé pu­ 423 millions ont été livrés par l’établissement Révision générale des politiques publiques placé à la DGS par Jean­Yves Grall, mais sa sai­
blique (HCSP), l’instance chargée de délivrer dans le cadre du plan pandémie ; les calen­ lancée, en juillet 2007, par Sarkozy et Fillon sine, au printemps 2010, du Haut Conseil de
des avis sanitaires, d’une demande précise : driers de livraison font apparaître des récep­ dans le but de réduire les dépenses de l’Etat. santé publique (HCSP) sur les masques a en­
que faire du milliard de masques chirurgi­ tions de commandes tardives ce qui pose la « Et cela a été dramatique, notamment pour fin été suivie d’effets. Le HCSP, le
caux et des 700 millions de FFP2 dont dis­ question de l’opportunité de tels achats. » la prévention des risques épidémiques », dé­ 1er juillet 2011, tente d’apporter des éléments
pose désormais l’Etat, à travers sa structure La conclusion du sénateur a tout de l’exécu­ plore­t­elle. L’ex­ministre dénonce les effets de clarification. Déjà, selon le Haut Conseil, le
dédiée, l’Etablissement de préparation et de tion : « De façon plus générale, votre rappor­ de manche, éclipsant les réalités cruelles : « stock Etat de masques respiratoires devra
réponse aux urgences sanitaires (Eprus) ? teur spécial insiste sur deux éléments : l’ur­ « L’Etat, derrière les salons dorés, c’est une fa­ être constitué de masques antiprojections (chi­
En effet, écrit alors le professeur Houssin : gence des solutions à apporter à la question de çade. Le reste, c’est la misère, la déshérence to­ rurgicaux) et d’appareils de protection respira­
« La compliance [l’acceptation] au port du la gestion de la péremption des produits de tale, des conditions de travail dramatiques, toire (FFP2) ». Rien de neuf, dans ce rapport,
masque FFP2 de la part des professionnels a santé et la reconsidération du rôle de l’Eprus. alors que, dans le même temps, les collectivi­ mais au moins une certitude : l’Etat doit con­
été faible. (…) Une partie importante des mas­ D’une part, l’Eprus n’a pas, contrairement à tés territoriales ont multiplié les bureaux, les tinuer d’abonder son stock, pour le grand pu­
ques FFP2 arrivant à péremption, la question l’objectif affiché lors de sa création, résolu tou­ voitures… Moi, j’ai été écœurée. » blic comme pour les professionnels, à qui il
de la reconstitution d’un stock national tes les difficultés rencontrées auparavant par Recasée au ministère des solidarités et de la faudra réserver les FFP2, plus protecteurs. En
adapté, quant à sa composition et à son vo­ la direction générale de la santé ; d’autre part, cohésion sociale, Roselyne Bachelot n’est effet, et c’est une donnée à prendre en consi­
0123
JEUDI 7 MAI 2020 horizons | 21

situations sanitaires exceptionnelles ». Et le

ministre de préciser le modus operandi : « L’ac­
quisition et la maintenance de ces équipe­
ments seront financées par les établissements
de santé [hôpitaux, Ehpad…] dans le cadre de
leur mission d’intérêt général. »
D’autre part, il est fait mention des « stocks
stratégiques » : « En complément de ces équipe­
ments tactiques, l’Etat va maintenir une capa­
cité d’intervention en renfort, notamment
dans les cas où la réserve sanitaire est mobili­
sée. Ces équipements feront partie des stocks
stratégiques de l’Etat et gérés par l’Eprus à par­
tir de ses plates­formes zonales. »
Il s’agit bien là d’une nouvelle doctrine. Xa­
vier Bertrand le précise ensuite dans le texte :
« Selon ces nouvelles modalités de gestion,
l’Eprus pourra apporter un appui technique
aux ARS (…), proposer aux établissements de
santé qui le souhaitent des marchés­cadres na­
tionaux pour l’acquisition des matériels et
équipements requis. »

« ERREUR STRATÉGIQUE »
C’est dans cette circulaire, et non dans l’avis
du HCSP, que la différenciation entre « stocks
stratégiques » et « stocks tactiques » est donc
mentionnée pour la première fois. Rien de
choquant, a priori. L’Etat décentralise et res­
ponsabilise ses autorités régionales, tout en
maintenant un stock national de belle enver­
gure. Sur le papier, le dispositif paraît plutôt
rationnel. « C’était finalement assez voisin de
ce qu’on avait utilisé jusqu’alors, remarque Di­
dier Houssin. Mais le problème, c’est qu’il y a
eu un premier changement stratégique, que
je considère moi plutôt comme une erreur
stratégique : dire que les masques FFP2, c’est
pour les professionnels. Il faut donc que ce
soient les employeurs qui les acquièrent.
STÉPHANE OIRY Mais les employeurs, c’est qui ? Les appels
d’offres, vous voyez un peu le bazar pour un
hôpital qui a quand même autre chose à
faire. La gestion des stocks stratégiques dans
dération au regard des atermoiements obser­ progressivement le programme de prolonga­ trand, « doit fixer chaque année le nombre de la durée, des matériels qu’on va peut­être uti­
vés lors de la crise due au Covid­19, les experts tion de durée de validité des produits au profit masques à commander, pour renouveler ou liser dans dix ans, ce n’est pas du boulot d’hô­
du HCSP concluent ceci : « La revue systémati­ d’un programme de lissage des renouvelle­ augmenter le stock ». pital ou d’Ehpad. »
que d’études observationnelles suggère une ments ». Pour les masques, « le renouvelle­ Si tout est si clair, à l’époque, d’où vient, en ce Mais l’administration s’est mise en marche.
efficacité préventive élevée des masques de ment d’une partie du stock de chirurgicaux et printemps 2020, ce vent mauvais qui replace Déléguer, c’est accorder sa confiance. A l’Etat
soins et des appareils de protection respira­ FFP2 ne semble pas justifié ». Xavier Bertrand dans le collimateur ? Marisol de s’occuper de stratégie, le reste relève de la
toire. » En 2011, les masques sont donc consi­ En effet, argue­t­il, les réserves disponibles Touraine, la ministre socialiste qui lui succé­ tactique. Pure sémantique, aux conséquen­
dérés comme efficaces et indispensables lors n’indiquent pas de pénurie prévisible : dera en mai 2012, renvoie sans hésiter la balle ces pourtant déterminantes. Xavier Bertrand
d’une pandémie. 600 millions de FFP2 et 800 millions de mas­ dans son camp. Pour elle, c’est bien en 2011 que s’agace. « Le truc, “en 2011, on change la doc­
ques chirurgicaux reposent encore à l’époque tout s’est joué. « Nous arrivons et trouvons une trine…”, pfff… » Il le redit avec force : « Je ne suis
EXPERTISES PRÉMONITOIRES dans les entrepôts de l’Eprus – des chiffres qui stratégie qui a été élaborée dans le contexte pas complètement con au point de casser ce
Pas question pour autant de verser dans l’à­ laissent rêveur, aujourd’hui. Il sera toujours post­épidémie A(H1N1), rappelle Marisol Tou­ que j’avais mis en place ! Les stocks de l’Eprus
peu­près. Les attributions de masques sont temps, en 2013, de vérifier s’il convient de raine. Tout le monde marche sur des œufs. » Et avaient baissé, oui, mais les seringues, les vac­
gravées dans le marbre : ceux de type chirur­ procéder à de nouvelles commandes. Il n’est À PARTIR DE 2011,  de donner son interprétation du texte du Haut cins, on ne les avait plus après l’épisode
gical seront destinés aux personnes poten­ donc pas encore question de changement de Conseil de juillet 2011 : « L’avis dit clairement A(H1N1) (en 2009­2010). On a essayé de m’ac­
tiellement exposées en raison de leur pro­ doctrine sanitaire, à ce stade. Simplement de
VOILÀ LES HÔPITAUX  que les stocks stratégiques, en gros, sont com­ crocher, ces temps derniers, il faut voir politi­
fession (caissières, éboueurs…), mais égale­ précautions budgétaires à prendre. ET AUTRES  posés des masques chirurgicaux et des FFP2, et quement d’où ça vient… En tout cas, on n’a pas
ment obligatoires pour les usagers des trans­ Le terme « lissage » est un grand classique de on renvoie aux hôpitaux qui doivent avoir leur baissé la garde sur les masques ! »
ports publics ; les FFP2 seront destinés aux la gestion minimaliste. Mais Xavier Bertrand ÉTABLISSEMENTS  propre stock de masques. Il y a ce qui est local, et Une certitude, tout de même : à partir de
personnels de santé. « La reconstitution régu­ n’a aucune envie d’encaisser des critiques a ce qui est Etat, c’est déjà en germe dans la diffé­ 2011, voilà les hôpitaux et autres établisse­
lière d’une partie du stock devra être assu­ posteriori, ni de se laisser refiler le mistigri RÉGIONAUX  rence stratégique/tactique. » ments régionaux sommés d’acheter du ma­
rée », disent également les experts, qui préci­ en 2020. Il a bien compris, en ces temps d’épi­ SOMMÉS D’ACHETER  tériel, quand ils sont déjà aux abois financiè­
sent, prémonitoires : il faudra « une organi­ démie, que d’aucun(e)s aimeraient bien dater DÉBÂCLE SANITAIRE DU PAYS rement. Le désengagement s’esquisse claire­
sation pour l’utilisation de ces stocks en situa­ le début du désarmement sanitaire de la DU MATÉRIEL,  Mme Touraine va un peu vite en besogne. Car ment. D’autant que les hauts fonctionnaires
tion de crise, qui permette de couvrir France à 2011, à l’époque où il était en fonc­ l’avis de juillet 2011 du HCSP ne fait pas men­ de l’intérieur comme les pontes de la défense,
rapidement toutes les populations et tous les tions, avenue de Ségur. Il s’en défend : « Je ne QUAND ILS SONT  tion d’une distinction stock stratégique/stock bien plus préoccupés par le risque d’attentat
personnels de soins ». suis pas un perdreau de l’année ! Pourquoi, DÉJÀ AUX ABOIS  tactique. Un distingo qui est à l’origine, chimique que par une éventuelle pandémie,
En clair, même si les médecins ne peuvent en 2011, j’irais flinguer tout ce que j’ai fait aupa­ d’après la plupart des témoins interrogés par estiment avoir leur mot à dire – ils entendent
conclure, en l’absence d’une littérature tran­ ravant ? On ne m’a pas fait un lavage de cer­ FINANCIÈREMENT Le Monde, de la débâcle sanitaire du pays. En même imposer leurs vues. La guerre sani­
chée, à l’absolue efficacité des masques en cas veau quand je suis devenu secrétaire général fait, il faut attendre le 2 novembre 2011, et une taire est une chose trop sérieuse pour être
d’épidémie d’ampleur, mieux vaut en avoir de l’UMP en 2008 ! Je suis parano par rapport à circulaire signée par Xavier Bertrand, pour laissée aux médecins.
en quantité, et c’est à l’Etat de les fournir. Le ces pandémies, donc toujours dans le même qu’effectivement une première évolution de Placé sous l’autorité de Matignon, le Secré­
HCSP suggère d’ailleurs « d’évaluer les capaci­ état d’esprit. » Claude Guéant, à l’époque bras la doctrine sanitaire soit signifiée. tariat général de la défense et de la sécurité
tés de fabrication et d’approvisionnement », droit de Sarkozy à l’Elysée, souligne pour sa Intitulée « préparation de la réponse aux si­ nationale (SGDSN), déjà aux manettes, dans
puis de définir « une durée minimale que le part que « le document de 2011 souvent cité [le tuations exceptionnelles dans le domaine de la l’ombre, en 2009, prépare son grand retour
stock permanent devra couvrir ». rapport du HCSP], proposant de ventiler autre­ santé », cette circulaire – peu aisée à dénicher sur le front. « Le SGDSN va se sentir interpellé
Fort de ces recommandations, le directeur ment le stock entre un niveau national et des neuf ans plus tard – mérite le détour. Il est par les critiques post­A(H1N1), explique l’an­
général de la santé, Jean­Yves Grall, alerte son niveaux déconcentrés, était un document de question des agences régionales de santé cien député PS, spécialiste de santé publique,
autorité de tutelle, Xavier Bertrand. « Je pense préconisation et non une décision ». (ARS), si contestées aujourd’hui, dont la créa­ Jean­Marie Le Guen. Le SGDSN va faire en
que la stratégie était tout à fait rationnelle à Bertrand a relu, attentivement, l’avis du tion, en avril 2010, supposait la mise en place quelque sorte son autocritique en disant, on a
l’époque, observe M. Grall. Ce truc a mouliné, HCSP du mois de juillet 2011. « Le HCSP fixe de plates­formes régionales de stockage. Xa­ pris trop de masques en 2009, etc., et donc on
ensuite… » Le rapport du HCSP se diffuse, et une chose très précise : il y a beaucoup de mas­ vier Bertrand, à rebours du sénateur Marini, va passer par la décentralisation des moyens
infuse. Mais quid des stocks usagés, au fait ? ques en France, et il faut donc préciser ce qui est en profite pour ancrer le rôle de l’Eprus, sa au niveau des grandes entreprises. Toujours
Le 27 juillet 2011, la DGS adresse à M. Ber­ prévu, pour qui et pour quoi. Les FFP2, c’est « créature », dans l’arsenal sanitaire. « Depuis dans une logique de bioterrorisme. Donc le
trand un courrier d’alerte sur la péremption pour les soignants, et les masques chirurgi­ la pandémie grippale A(H1N1), l’Eprus a mon­ SGDSN va penser, structurer son plan, dès
prévisible des stocks de l’Eprus : « Le montant caux, pour tous les autres », martèle­t­il. La tré tout son savoir­faire », se félicite alors le mi­ 2011. » Le très respecté économiste de la santé
des produits ainsi prolongés concerne montée en puissance est même actée, selon nistre dans cette circulaire. Claude Le Pen, décédé le 6 avril, en était aussi
aujourd’hui une part importante des stocks lui : « On est à 80 % de l’objectif cible sur les Toujours se pencher sur les détails : c’est persuadé : « Le point décisif, c’est le SGDN. Il
détenus, soit 25 % du montant total des stocks masques chirurgicaux. Et on estime qu’avec ce dans une annexe au texte principal de ce do­ joue un rôle qui est occulte. » Plus pour très
stratégiques. » Autrement dit, un quart des que sont capables de faire les productions en cument que l’on trouve l’amorce d’une évolu­ longtemps. 
masques et autres antiviraux conservés par France dès le début d’une épidémie, en dopant tion du dispositif. D’une part sont évoqués les gérard davet et fabrice lhomme
l’Eprus sont quasi inutilisables. Les sommes à la production, on atteint notre objectif cible de « équipements tactiques », ceux « dont doivent
engager pour les renouveler sont conséquen­ 100 %. Voilà tout ce qui est dit en 2011. » Avec à disposer les établissements de santé, sièges de Prochain article 2011­2017, la mécanique
tes. Du coup, M. Grall propose « d’abandonner la barre un ministère de la santé qui, dixit Ber­ SAMU ou de SMUR, pour assurer la gestion des du délitement
22 | culture 0123
JEUDI 7 MAI 2020

Les plates­formes profitent du confinement
Les audiences du leader Netflix, mais aussi d’UniversCiné, de FilmoTV ou de Tënk, ont largement augmenté

ENQUÊTE

P
rivée de ses lieux d’ex­
pression habituels – thé­
âtres, salles de concerts
et de cinéma, musées, li­
brairies –, la culture n’a pas pour
autant déserté la vie des Français.
Selon le dernier baromètre de
consommation culturelle, réa­
lisé en avril par la Haute Autorité
pour la diffusion des œuvres et la
protection des droits sur Internet
(Hadopi), l’accès aux biens cultu­
rels arrive en tête des activités
considérées comme indispen­
sables à l’équilibre des personnes
interrogées. Après quatre semai­
nes de confinement, 89 % d’entre
elles déclarent avoir consommé
séries, films, expositions numé­
riques, musique et jeux vidéo.
Une pratique qui profite large­
ment aux plates­formes de strea­
ming, par abonnement (SVoD), à
l’achat ou à la demande (VoD).
La contrainte du « rester chez
soi » renforce ainsi la plate­forme
américaine de streaming Netflix
dans sa position de leader qui,
pour ce premier trimestre 2020,
a attiré 15,8 millions de nouveaux
abonnés. Soit deux fois plus
que les 7 millions escomptés et
beaucoup plus que les 9,6 mil­
lions recrutés en 2019 sur la
même période.
Si la direction de la compagnie « Un divan à Tunis » (2019), de Manele Labidi, avec Golshifteh Farahani, l’un des films les plus visionnés sur la plate­forme UniversCiné. CAROLE BETHUEL
demeure prudente, attendant
« une décélération de la croissance
des abonnements avec la fin du pectateurs, Tanguy (2001), Thrones et fait bondir les théma­ s’y retrouvaient pas, et nombreux 700 films documentaires de
confinement », elle doit à cette d’Etienne Chatiliez, qui en a re­ tiques cinéma, notamment la étaient ceux qui pensaient que les
« L’appétence création, dont la plupart des
parenthèse de consolider son as­ tenu 1,8 million et quasi autant spéciale Tarantino. tarifs proposés étaient élevés. Le des Français réalisateurs sont inconnus du
sise, au moment propice. L’arri­ pour Venise n’est pas en Italie Néanmoins, ce ne sont pas confinement a fait voler tout ça, en grand public, n’échappe pas aux
vée en France, le 7 avril, du géant (2019), d’Ivan Calbérac. Canal+ seulement les séries, les block­ créant une curiosité, en favori­
pour un cinéma effets positifs du confinement.
américain Disney + a introduit un Séries, quant à elle, bénéficie à la busters, ou même les comédies sant une démarche. L’appétence de qualité « Notre taux d’abonnements a
concurrent de poids. Même si ce fois de la période, mais aussi de la populaires, qui tirent profit de la des Français pour un cinéma de trouvé un rythme de soixante
dernier n’a pas dévoilé les retom­ diffusion de Validé, la série de situation. Les grands classiques, qualité a pu se vérifier. » Résultat :
a pu se vérifier » abonnés supplémentaires environ
bées de son lancement, son al­ Franck Gastambide, Charles Van les films d’auteur, les documen­ depuis mardi 17 mars, la plate­ DENIS ROSTEIN par jour, contre une vingtaine
liance avec Canal+ (distributeur Tieghem et Xavier Lacaille, qui, taires parmi les plus pointus sus­ forme est passée de 350 à 2 200 ac­ directeur général auparavant. Ce qui nous a permis
exclusif du service pour ceux qui depuis vendredi 20 mars, explose citent eux aussi un intérêt dont tes de location en semaine, et d’UniversCiné d’atteindre notre équilibre finan­
n’ont pas choisi de s’abonner avec pas moins de 18 millions de témoignent les plates­formes de 600 à 3 000 les week­ends. cier », remarque le président,
directement sur la plate­forme), visionnages. plus confidentielles. « Le confine­ Une consommation qui a plus Jean­Marie Barbe.
qui a permis au groupe de diffu­ ment aura permis de mettre en que quadruplé. regardaient d’habitude, lesquels Opportunité pour ces plates­
ser en exclusivité, sur plusieurs Classiques et films d’auteur lumière, notamment grâce à la « L’usage de la VoD et du cinéma étaient, en général, les derniers formes, le confinement a cepen­
de ses chaînes, The Mandalorian, La consommation des chaînes presse, le marché de la vidéo à la par abonnement n’avait pas été sortis. » Si les usagers de la plate­ dant ses limites. Car « le paradoxe
une première série dérivée de OCS, la plate­forme de télévi­ demande », précise Denis Rostein, intégré ou essayé par la majorité forme, anciennes ou nouvel­ est que, si le confinement se
Star Wars, fournit des signes en­ sion d’Orange, a pour sa part été directeur général de la pre­ des Français », confirme Bruno les recrues, ont privilégié en prolonge, dans trois mois, nous
courageants, avec 3,4 millions de multipliée par trois. Parmi les mière plate­forme de VoD fran­ Delecour, directeur général de grand nombre les films grand pu­ n’aurons plus de films récents à
téléspectateurs réunis. gros succès sont à noter la sé­ çaise UniversCiné, dont le catalo­ FilmoTV, qui, avec son catalogue blic familiaux, ils ont aussi large­ ajouter à notre offre, comme nous
En outre, le passage en clair de rie américaine de science­fiction gue regroupe 7 300 films indé­ de 700 films, a triplé ses abonne­ ment goûté aux classiques et aux le faisons habituellement », souli­
Canal+ au début du confinement Westworld, de Jonathan Nolan pendants de diverses nationali­ ments et doublé ses locations à films d’auteur. gne M. Delecour, qui, à l’unisson
a multiplié par deux ses audien­ et Lisa Joy, qui pulvérise les tés, récents et anciens. l’unité. « Or, en disposant soudain Passée de 8 200 à 10 000 abon­ avec ses confrères, espère que cet
ces en première partie de soirée. audiences habituelles, chaque « Avant, je crois qu’il y avait une d’un bien rare – le temps –, ils sont nements (en plus de ses engouement laissera des traces.
Plaçant au rang de succès la dif­ nouvel épisode séduisant 20 % méconnaissance, voire une in­ allés jeter un coup d’œil et se sont 10 000 abonnés institutionnels, Et qu’au moins une partie
fusion de films comme Rebelles de spectateurs en plus. Le confi­ compréhension sur toutes ces of­ autorisés à regarder, sans risque, écoles d’art et de cinéma, média­ des nouveaux usagers leur reste­
(2019), d’Allan Mauduit, qui a nement a également fait repartir fres. Plate­forme par abonnement, puisqu’ils avaient du temps, thèques…), la jeune plate­forme ront fidèles. 
rassemblé 2,1 millions de télés­ à la hausse la série Game of vidéo à la demande… Beaucoup ne des films différents de ce qu’ils coopérative Tënk, qui regroupe véronique cauhapé

« Nous voulons faire de La Villette une grande plaine artistique »

Le président du parc et de la Grande Halle, Didier Fusillier, a imaginé une programmation pour l’été qui prend en compte la crise sanitaire

ENTRETIEN Il reste une quarantaine de

personnes sur le site, dont les
travaillé sur ce que nous pour­
rions proposer dans les diffé­
cause du confinement, mais aussi
avec l’Académie Fratellini. Ces « la­
Dans le cadre des Micro­Folies,
nous pensons, à partir de septem­
reportées. On a remboursé 52 000
billets jusqu’à fin juin. D’ici à sep­

A lors que la réouverture

des petits lieux, musées,
médiathèques et biblio­
thèques après le déconfinement a
été annoncée mardi 28 avril par
jardiniers qui l’entretiennent afin
qu’il soit opérationnel dès que
nous pourrons reprendre nos
activités.
rents espaces verts avant d’écha­
fauder ce que l’on peut aussi
présenter dans la Grande Halle,
au Zénith, sous les chapiteaux et
au Cabaret sauvage.
boratoires » seraient installés
dans différents sites et accessibles
entre 14 heures et 21 heures dans
les conditions sanitaires requises.
Il s’agirait de proposer des expé­
bre, avec la ville de Bastia par
exemple, y inviter des dessina­
teurs de BD, des graffeurs que l’on
pourra voir au travail, des dan­
seurs de hip­hop. Les jauges
tembre, on atteindra 3 millions
d’euros de déficit et 5 millions
d’ici à décembre. Si on n’ouvre pas
d’ici à octobre, nous courons à la
catastrophe.
Edouard Philippe, Didier Fu­ Sous quel angle allez­vous riences. Le tout serait gratuit. seront de dix à quinze personnes Mais il est évident aussi que
sillier, président de l’établisse­ tenter de reprendre Quels sont vos projets ? Sans doute est­ce une utopie, au maximum et les visites plutôt certains spectacles coûtent cher
ment public du parc et de la une programmation artistique Nous avons envie de profiter de mais, au fond, le concept même courtes, de dix à trente minutes. et ne sont rentables qu’avec des
Grande Halle de La Villette, met dans les différents espaces cet immense espace pour en faire de La Villette en est une ! Nous commençons aussi à salles de 1 000 personnes. Ré­
en place pour début juillet une de La Villette ? une sorte de grande plaine artisti­ réfléchir à des collaborations avec duire les jauges à 45 spectateurs
programmation spéciale dans les On va d’abord rester humble et que. Le public pourrait découvrir Conservez­vous le rendez­vous d’autres institutions, comme le n’a aucun sens économique.
jardins et autres espaces de cet progresser au plus près des consi­ à cette occasion des moments estival du cinéma en plein air, Grand Palais, le Centre Pompidou, Nous avons proposé à quelques
immense parc culturel parisien. gnes sanitaires. Nous devons artistiques qu’il ne voit jamais, prévu du 17 juillet au 18 août ? le Théâtre de la Ville, qui sont metteurs en scène comme
penser à entretenir le lien entre sans horaire de début ni de fin. Oui. Nous allons dessiner des partantes pour des initiatives Romeo Castellucci et Crystal Pite
Comment gérez­vous les artistes et les spectateurs. Dans le cadre de ces « laboratoires emplacements au sol par cellules d’artistes dans le parc. de parrainer de jeunes artistes
au quotidien les 55 hectares Lorsqu’on sait que, en Allemagne d’artistes », je pense aux échauffe­ de 2 ou 3, comme dans un français que l’on pourrait valori­
confinés du parc de La Villette ? par exemple, les théâtres ne vont ments des danseurs et des comé­ drive­in. Ici, nous avons la chance Comment envisagez­vous ser dans des contextes plus
Le barriérage, réalisé dès le pas rouvrir avant fin décembre, diens, aux répétitions… La fabri­ d’avoir des espaces nombreux et la rentrée dans les murs restreints. C’est une autre vision
début du confinement, a été bien on peut se poser des questions cation des œuvres constitue des très différents, qu’il s’agisse par en septembre ? de l’art et de la culture, d’autres
fait, mais il est quasiment impos­ sur ce qui nous attend. Se projeter instants précieux. exemple des Micro­Folies [mu­ De mars à septembre, nous pratiques culturelles qu’il s’agit
sible de clôturer les 55 hectares. Il est difficile, mais on peut imagi­ Pour élaborer ces événements, sées numériques modulables] ou avons dû annuler près d’une tren­ d’imaginer sans sombrer dans
y a peu d’intrusions à l’exception ner des hypothèses. nous dialoguons avec Bartabas, du WIP, la maison en pierre octo­ taine de manifestations, dont Vil­ l’idée d’un art confiné qui ne
de quelques noctambules ou Les premiers lieux que l’Autri­ David Bobée, Thomas Jolly, gonale pour la magie. Cela nous lette sonique et les deux grosses s’ouvrirait plus vers l’extérieur. 
nageurs, très rares, qui arrivent che a rouverts, ce sont les parcs. Angelin Preljocaj, Marion Motin, permet une certaine agilité pour expositions « Sorties d’écoles » et propos recueillis
par le canal de l’Ourcq. Nous avons donc d’abord qui ont été déprogrammés à déployer notre imagination. « Révolutions », qui doivent être par rosita boisseau
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JEUDI 7 MAI 2020 télévision | 23
Mathieu Amalric tragique et drôle en agent immobilier VOTRE
SOIRÉE
TÉLÉ
Les auteurs du film « Les Méduses », Shira Geffen et Etgar Keret, signent une minisérie poétiquement absurde

ARTE plus pourrait­on dire que L’Agent

JEUDI 7 MAI immobilier est un conte furieu­ JEUDI  7  MAI
20 H 55 - SÉRIE sement noir et bruyamment
comique. Un conte fantastique TF1

I
l était une fois, en Israël, dans lequel un prince désar­ 21.05 Les Visiteurs 2 :
Shira Geffen, femme libre genté déambule dans sa vie plus les couloirs du temps
d’esprit et d’opinion, qu’il ne l’habite. Film de Jean-Marie Poiré. Avec Jean
auteure et réalisatrice née « Avec Etgar, tout est possible », Reno, Christian Clavier, Muriel Robin
dans une famille d’artistes. Dans résume Mathieu Amalric, qui se (Fr., 1998, 105 min).
ce même pays, Etgar Keret, fils de souvient du choc qu’il a éprouvé à 22.50 Les Experts : Manhattan
rescapés de la Shoah, est l’auteur la lecture des premiers livres Série. Avec Gary Sinise, Sela Ward, AJ
d’une œuvre où se télescopent d’Etgar Keret. « Il inverse les pôles, Buckley (EU, 2011).
poésie et sens de l’absurde, ironie et c’est ça qui est beau. Ainsi, on
grinçante et goût du surréa­ pourrait croire que mon person­ France 2
lisme. Ces deux êtres si différents nage n’est pas adapté ou normal 21.05 Cellule de crise
et si semblables se rencontrent et dans un monde qui le serait, nor­ L’histoire secrète de la victoire.
décident d’écrire et de réaliser mal. Or, peu à peu, ces pôles­là Magazine présenté par Julian Bugier.
ensemble en 2007 un film, s’inversent, ce qui est la marque 23.00 Cellule de crise
Les Méduses, qui met en scène des grands films burlesques, des L’histoire secrète du débarquement.
une jeune femme en quête de re­ grandes comédies américaines », Magazine présenté par Julian Bugier.
pères, distingué par la Caméra ajoute l’acteur, qui dit avoir reçu
d’or au Festival de Cannes. L’Agent ce rôle comme un « cadeau » : « Il y France 3
immobilier, série en quatre épiso­ a un côté magique à devenir un 21.05 Wonder
des diffusée sur Arte, est, de leur personnage du monde d’un écri­ Film de Stephen Chbosky. Avec
propre aveu, la version au mas­ vain qu’on aime. C’est comme si Jacob Tremblay, Julia Roberts,
culin de ce premier film. Eddy Mitchell (Rémi Tronier) et Mathieu Amalric (Olivier Tronier). LES FILMS DU POISSON Stendhal ou Musil me deman­ Owen Wilson (EU, 2017, 110 min).
Ici, le personnage principal est daient de jouer dans leurs livres. Et 23.00 Roubaix : la nouvelle face
donc un homme (Olivier Tronier, puis Etgar a raison, on devrait vi­ du Pile
génial Mathieu Amalric), 50 ans contrôlable, vit dans une maison outre occupé par une vieille l’animal pour donner une nou­ vre comme ça. D’ailleurs, on vit Documentaire de Ghislaine Buffard
et des poussières, divorcé, père de retraite où il dépense ce qu’il dame qui refuse de quitter les velle impulsion à sa vie. comme ça dans nos têtes. »  (Fr., 2020, 55 min).
d’une fille en crise d’adolescence n’a pas en jouant au poker. A la lieux et ne peut être vendu. En disant cela, il faut accepter émilie grangeray
dont il n’a pas la garde, qui tente mort de sa mère, Olivier apprend La disparition brutale − et d’avoir tout et rien dit à la fois. Canal+
de gagner sa vie en exerçant le qu’elle possédait un immeuble à cocasse − d’un de ses amis Parce que cette série ne répond à L’Agent immobilier, série d’Etgar 21.00 Wake Up
métier d’agent immobilier. Il erre Paris et qu’il en est l’héritier. conduit l’agent immobilier à aucun genre clairement identifia­ Keret et Shira Geffen. Avec Film d’Aleksandr Chernyaev. Avec
sans domicile, passant ses nuits adopter un poisson rouge qui se ble. « Ranger une histoire dans Mathieu Amalric, Eddy Mitchell, Jonathan Rhys-Meyer, Francesca
dans les appartements dont il as­ Conte furieusement noir révèle doté de pouvoirs extraor­ un genre me semble artificiel ou Nicole Shirer, Sarah Adler Eastwood, William Forsythe, Malik
sure les visites. Le père d’Olivier Le « cadeau » se révèle rapide­ dinaires – il parle, exauce les réducteur car, dans la vie, on (France/Belgique, 2019, 4 × 45 min). Yoba (EU, 2019, 90 min).
(joué par un Eddy Mitchell impec­ ment encombrant. Aussi délabré vœux et permet de voyager dans change constamment de regis­ Les quatre épisodes seront 22.30 Le Cheval pâle d’après
cable), aussi irresponsable qu’in­ que sa vie, le bâtiment est en le temps. Olivier compte sur tre », explique Etgar Keret. Tout au diffusés ce soir­là. Agatha Christie
Série. Avec Rufus Sewell, Sean
Pertwee, Kaya Scodelario (RU, 2020).

France 5

Chronique d’une victoire des Alliés longtemps incertaine 20.50 Le Mystère des géants
disparus
Documentaire d’Eric Ellena et Paul-
Un documentaire inédit sur France 2 raconte astucieusement la fin de la seconde guerre mondiale en Europe Aurélien Combre (Fr., 2018, 95 min).
22.25 C dans l’air
Magazine présenté
par Caroline Roux.
FRANCE 2 interdisant tout repli, assimilé à de la Libération, la rocambolesque ber » Harris, commandant de la mentionner que la guerre est loin
JEUDI 7 - 21 H 05 une trahison, rien ne permet de aventure des SS déguisés en GI qui RAF, ou l’escrimeur René Bon­ d’être finie et que le Pacifique est Arte
DOCUMENTAIRE conclure avant la Noël 1944. sèment le chaos sur le front arden­ doux, chef de cabinet du général encore à feu et à sang. L’arrivée aux 20.55 L’Agent immobilier
Bénéficiant du concours de la nais et le traumatisme du bom­ de Lattre, qui assiste à la signature commandes du président Tru­ Série. Avec Mathieu Amalric, Eddy

S ouvent présenté comme les

prémices de la victoire des
Alliés, le Débarquement de
Normandie, en juin 1944, n’a pas
eu l’impact décisif qu’on lui prête
documentaliste Marie­Hélène
Barbéris et de l’historien Olivier
Wieviorka, cette évocation, qui
mêle images d’archives – certai­
nes rares – et scènes reconsti­
bardement de Dresde, le récit, as­
tucieusement mené, convoque le
témoignage de protagonistes plus
ou moins fameux.
de la capitulation nazie à Berlin,
le 8 mai, la narration alterne leçon
générale, chapitres singuliers et
paroles d’acteurs. Un cocktail qui
soutient l’intérêt d’une geste
man, à la mort de Roosevelt, aurait
justifié d’évoquer Hiroshima et la
capitulation du Japon, le 2 sep­
tembre 1945. Dommage que
l’européocentrisme ait éliminé un
Mitchell, Sarah Adler (Fr., 2020).
22.30 L’Agent immobilier
Série. Avec Mathieu Amalric, Eddy
Mitchell, Sarah Adler (Fr., 2020).

souvent. Outre une progression tuées, a une vertu précieuse : Chapitres singuliers qu’on croyait plus simple. Plus chapitre aussi essentiel pour évo­ M6
territoriale plus difficile que prévu, montrer à quel point l’issue a pu De Vassili Grossman, correspon­ glorieuse aussi. quer la victoire des Alliés.  21.05 Why Women Kill
les tensions entre les généraux sembler incertaine. Entre les dant de guerre soviétique, et Gri­ Bien sûr, ce programme entend philippe­jean catinchi Série. Avec Lucy Liu, Ginnifer
alliés, la délicate manœuvre de ultimes complots contre le gory Pomeranz, alors simple lieu­ célébrer les 75 ans de la reddition Godwin, Reid Scott (EU, 2019).
De Gaulle pour se faire admettre à Führer, qui aggravent, si possible, tenant de l’Armée rouge, à de l’Allemagne nazie, tenue pour la Cellule de crise : l’histoire secrète 21.55 This Is Us
la table des vainqueurs, le cynisme sa paranoïa, le martyre du Ver­ Nicolaus von Below, officier d’or­ fin du conflit mondial. C’est toute­ de la victoire, de Caroline Série. Avec Mandy Moore, Justin
parallèle d’un Staline et d’un Hitler cors, tache terrible dans l’histoire donnance d’Hitler, Arthur « Bom­ fois un peu rude de ne pas même Benarrosh (Fr., 2020, 115 min). Hartley, Milo Ventimiglia (EU, 2016).

0123 est édité par la Société éditrice

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GRILLE N° 20 - 108
PAR PHILIPPE DUPUIS
gros. II. Pas prêt pour le grand saut
en avant. Risque de se casser. III. A
N°20­108 Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui,
construit pour Tzara à Paris. Solide 75707 Paris Cedex 13. Tél. : 01-57-28-20-00
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IX chaos. Chanteur au bec jaune. 4. Titre
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 LIVRES
0123
24 | JEUDI 7 MAI 2020

Du pangolin dans l’assiette des historiens

L’irruption du Covid­19 montre à nouveau que la surprise, ou la contingence, est bien le vrai moteur de l’histoire

ANALYSE

I
l en va du pangolin de ce marché
chinois où, peut­être, tout a com­
mencé, comme du nez de Cléopâtre
selon Blaise Pascal, « s’il eût été plus
court » : si le petit mammifère à écailles
n’avait pas été mangé par des humains,
« toute la face de la terre aurait changé ».
Nous ne saurons jamais à quoi elle aurait
alors ressemblé, et ce n’est pas le plus pe­
tit effet de la pandémie, que le cours nor­
mal des choses ait rejoint le monde énig­
matique de ce qui aurait pu advenir.
Nous ignorons aussi, il est vrai, ce qui va
se passer maintenant, dans la réalité où
ce repas incongru nous a soudain jetés.
Un seul point est indubitable pour l’ins­
tant : nous ne nous étions pas assez mé­
fiés du pangolin, ou plus exactement de Dans un centre
l’histoire, ce massif qui paraît écrasant, et de soins aux
que les pangolins – ou les nez – balayent. pangolins,
L’histoire, cependant, est un objet de à Harare, au
connaissance. Tout incertaine qu’elle Zimbabwe,
soit, elle s’explore, ou s’escalade, puisque en 2018.
le massif se reforme toujours, et qu’il y a BRENT STIRTON/
des Sisyphe pour remonter sempiternel­ GETTY IMAGES
lement la pente, laborieux et rationnels,
s’efforçant de comprendre. Les histo­
riens analysent, expliquent, établissent
des liens, exhument des causes, tracent
des lignes plus ou moins continues à tra­
vers les sociétés, les nations, les conti­
nents, les siècles. Mais comment font­ils
avec les pangolins ? Comment raconter
l’histoire en s’efforçant de la rendre intel­
ligible, quand on prend conscience de
l’imprévisible dont elle est le jouet ?
René Rémond (1918­2007) soulignait,
dans un article du premier numéro de la
revue Vingtième siècle (1984), « Le Siècle
de la contingence ? », le paradoxe consti­
tutif de son métier : l’historien, écri­
vait­il, « aspire à établir entre les événe­ 1954), ont été pour les contemporains des hasard », propre à l’histoire tradition­ pourra le connaître, et connaître ce qu’il
ments des relations logiques. A le lire, on surprises presque totales. » nelle. Le saugrenu et la surprise étaient
Vous n’empêcherez aura entraîné, par une analyse de l’en­
est presque toujours conduit à conclure L’histoire est contingente – ce qui ar­ renvoyés à l’histoire événementielle, au pas l’histoire, comme chaînement des causes qui n’en sera que
que cela devait normalement arriver ». Et rive aurait pu ne pas exister –, mais la rai­ biographique. Le nez de Cléopâtre eût­il plus assurée. Mais on ne connaît rien si
pourtant, il suffit de prendre l’histoire son a besoin, pour s’exercer, du néces­ été plus court, l’esclavage n’en aurait pas
matière vivante, on ne le connaît contingent. La surprise,
du XXe siècle, de se remettre en mé­ saire, de la solidité de ce qui avait de bon­ moins continué à structurer l’économie d’être hasardeuse, dès lors, n’est plus un accident dans le dé­
moire les espoirs soulevés, les désirs nes raisons d’être. Leur mésentente est des sociétés antiques, d’une manière roulement du temps : elle en est la subs­
d’émancipation, les rêves de paix et de inévitable. Il est ainsi dans la nature de que l’historien peut décrire avec fer­
fluctuante, sujette tance même, et le moteur.
justice, et d’observer en regard les guer­ leur relation que des ajustements s’im­ meté. La raison mène au score. Sous les aux retournements Vous aurez beau, en somme, élaborer
res mondiales, le totalitarisme, les posent à chaque instant. C’est du moins coups de boutoir de la longue durée, la l’instrument d’analyse du passé le plus
génocides qu’il a finalement produits. le cas depuis que l’histoire a commencé à défaite de l’incertain, de l’impondérable, précis, vous n’empêcherez pas l’histoire,
« Presque tous les événements qui dessi­ se penser comme science, au XIXe siècle, du pangolin chinois, si l’on veut, paraît l’historien, à savoir l’histoire vivante, de­ comme matière vivante, d’être hasar­
nent l’aventure de ce siècle, commente en se dotant progressivement de métho­ inéluctable. meure incertain. deuse, fluctuante, sujette aux retourne­
l’auteur des Droites en France (Aubier, des, de règles, de tout l’appareillage ra­ Sauf que ce n’est pas si simple. Le rôle Raymond Aron (1905­1983), dans son ments. C’est ce que nous sommes en
tionnel qui, de fait, la rattache à la recher­ de la surprise n’est pas d’égayer les ma­ Introduction à la philosophie de l’histoire train de vivre dans les grandes largeurs.
che scientifique. nuels d’histoire. Elle a une vertu plus (Gallimard, 1938), l’une des expressions Non seulement nous ne savons pas ce
Les progrès ensuite impulsés par profonde, et plus corrosive, qui, à l’heure les plus puissantes de ce doute fonda­ que nous ferons dans un mois, mais
Comment raconter l’école des Annales, dans le sillage de Lu­ où le monde est soumis à l’imprévisible mental, mettait en garde contre « l’illu­ nous prenons conscience – du moins le
l’histoire en cien Febvre (1878­1956) et Marc Bloch par excellence qu’est le surgissement sion rétrospective de la fatalité ». S’inspi­ devrions­nous – de l’incertitude foncière
(1886­1944), ont contribué à renforcer d’un virus inconnu, peut se révéler plus rant de la réflexion de Max Weber sur la de l’histoire. Et nous savons, ou devrions
s’efforçant de la cette emprise rationnelle en ouvrant la utile que jamais. Une vertu d’avertisse­ causalité en histoire, il notait : « Tout his­ savoir, que toute rationalisation que
rendre intelligible, focale historienne sur le temps long, ment et de rappel des limites. Aucun ac­ torien, pour expliquer ce qui a été, se de­ nous en tirerons ne sera que tentative,
l’histoire économique, sociale, cultu­ quis scientifique de l’histoire, rien dans mande ce qui aurait pu être. » En d’autres approximation, et que nous n’aurons
quand on prend relle, et les constantes qui en ressortent. l’accroissement de nos capacités de con­ termes, tout fait ne peut être connu adé­ pas le dernier mot sur le cours du
conscience de Febvre, dans Combats pour l’Histoire (Ar­ naître le passé dans toutes ses dimen­ quatement que si on le reconnaît monde. Les historiens, à leur tour, ne de­
mand Colin, 1952), dénonçait la « mise en sions et à toutes les échelles temporelles comme un possible parmi d’autres, faute vront pas l’oublier quand nous serons
l’imprévisible dont page chronologique, tout au plus, d’évé­ n’a besoin d’être remis en cause pour de quoi « on substitue au monde vécu une devenus de lointains souvenirs. 
elle est le jouet ? nements de surface, le plus souvent fils du comprendre que l’objet visé par nature ou une fatalité ». Après cela, on florent georgesco

BANDE DESSINÉE
Casser des crapules à DC Le retour
En voiture pour les quartiers
La foule du « Monde
chauds de Washington !
taine à ce jour –, Michael Hudson doit
bientôt payer sa dette. De mauvais gré, il des des livres »
Quel meilleur guide pour cela accepte donc de servir de chauffeur à
que George Pelecanos
et son nouveau roman,
Ornazian et à son équipier, un ex­policier
devenu garant de cautions judiciaires.
Leur cible : dépouiller des crapules, bra­
Parisiens LA SEMAINE PROCHAINE,
jeudi 14 mai, retrouvez
« Le Monde des livres »,
« A peine libéré » quer des proxénètes, grâce aux tuyaux de le supplément littéraire
prostituées auxquelles ils accordent leur DANS UN PARIS D’AVANT LE du Monde, qui
part du butin. Le job ne sera pas si aisé. CONFINEMENT – métro bondé, accompagnera le
artères congestionnées, grands déconfinement du
monde du livre :
NOIR Une ville divisée
Partenaire d’écriture de David Simon
magasins surpeuplés –, une
jeune vendeuse ne résiste pas à réouverture des

M ichael Hudson n’est pas un

mauvais bougre. Bon fils, c’est
aussi un jeune homme intelli­
gent, et un as du volant passé par l’uni­
versité du Maryland. Incarcéré pour vol
pour les magistrales séries télévisées
que sont Sur écoute, Treme et The Deuce,
George Pelecanos allie, comme roman­
cier, l’art visuel de la description (vête­
ments, rues, maisons) à la finesse de
la tentation de ramasser un sac
vermillon, abandonné dans une
gare, elle aussi grouillante de
monde. Son contenu, un album
photo montrant un couple des
RUE DE SÈVRES
librairies et reprise des
parutions par les
maisons d’édition.
UN NUMÉRO SPÉCIAL
et possession d’arme – il encourt cinq ans l’exploration psychologique. En contre­ Années folles occupé à se diver­ n’en paraît pas moins extra­ DE 16 PAGES,
de réclusion –, il découvre en prison les point d’une ville divisée par la fracture tir, va l’entraîner sur ses traces, à ordinairement bruyante. Sorti comprenant enquête
joies de la lecture en attendant son pro­ sociale et gangrenée par les tensions ra­ travers les rues d’une capitale juste avant l’instauration des et entretien sur le
cès. Finalement celui­ci n’aura pas lieu. Le ciales, il magnifie ici le pouvoir rédemp­ (partiellement) transfigurée. mesures de distanciation sociale, « monde du livre
détenu est relâché après la rétractation teur de la littérature.  Nostalgie et illusion confluent cet hommage au Paris éternel d’après », ainsi qu’un
de l’unique témoin, un trafiquant de ma­ macha séry allègrement dans la première réconfortera ceux à qui manque, grand dossier où des
rijuana, qu’un détective privé nommé bande dessinée de l’illustrateur en ce moment, de s’enfoncer dizaines de personna­
Phil Ornazian a menacé. A charge de à peine libéré Joris Mertens, disciple belge de dans la moleskine des brasseries lités dévoileront les
revanche, lui a­t­il dit. (The Man Who Came Uptown), Nicolas de Crécy, avec qui il par­ des grands boulevards, un livre ouvrages qui leur per­
Embauché comme plongeur dans un de George Pelecanos, tage le goût pour les verticalités à la main.  mettent de rêver un
restaurant hispanique de Washington DC traduit de l’anglais (Etats­Unis) urbaines et les enseignes lumi­ frédéric potet autre monde, celui qui
– la capitale des Etats­Unis, dont est natif par Mireille Vignol, neuses. Véritable héroïne d’un  Béatrice, de Joris Mertens, suivra la pandémie.
George Pelecanos, forme le cadre de la Calmann­Lévy, « Noir », 264 p., 19,90 €; album dépourvu de toute parole, Rue de Sèvres, 112 p., 19 €;
quasi­totalité de ses romans, une ving­ numérique 15 €. sa Ville Lumière reconstituée numérique 9 €.
0123
JEUDI 7 MAI 2020 livres | 25

LE FEUILLETON
CAMILLE LAURENS être crue serait pire que celle d’avoir à por­
ter cette croix toute seule ». Son ami Max DES POCHES
lui­même, à qui elle a fini par se confier, SOUS LES YEUX
Couleur douleur
bien que solidaire, pense que « peut­être
il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas MATHIAS ÉNARD
trop gratter ».
Rosie Price donne à sa fiction tout son
poids de réel en montrant sans faiblir les LE 8 MAI, MÊME SANS CÉLÉBRATIONS,
conséquences d’un acte qui exclut la vic­ N’EN RESTE PAS MOINS UNE DATE PROPICE
time « du registre des émotions humaines À LA MÉDITATION. Il y a soixante­quinze
normales » : culpabilité, sentiment d’être ans, dans une villa du quartier de Lichten­
« défectueuse », difficulté à retrouver le berg, dans l’est de Berlin, qu’on peut encore
désir sexuel, « envie de masochisme » qui visiter aujourd’hui, alors que la capitale al­
l’amène à se scarifier les cuisses. Au lemande était totalement conquise depuis
risque du cliché, la romancière rappelle une semaine déjà, le maréchal Joukov rece­
quelques évidences : « Je crois que les vait du général Keitel la capitulation de
gens oublient combien un viol est doulou­ l’armée allemande comme, la veille, le 7, à
reux, en plus du reste. Ça a tellement à Reims, le général Eisenhower avait reçu
voir avec la déshumanisation, l’humilia­ celle de Jodl et Dönitz. L’Allemagne nazie
tion, le pouvoir. On oublie que c’est un est enfin détruite. Le na­
acte de violence. » Cependant, au terme zisme lui­même semble
d’un long parcours dans une tristesse qui avoir sombré avec le sui­
cide d’Hitler, quelques
Le roman de Rosie Price jours plus tôt. Dans Les
Cent Derniers Jours d’Hitler,
s’organise autour Jean Lopez raconte les
de deux questions mois qui conduisent à
l’effondrement. Le jus­
fondamentales : qu’au­boutisme incompré­
comment, après un viol, hensible, la maladie, l’en­
fermement, les ordres
continuer à vivre, d’exécutions qui suivent les ordres de mas­
et quel rôle donner sacres. Pour rien. Dans le simple but de ne
pas se résoudre à disparaître. Je tue car j’en
à la parole dans la ai encore le pouvoir, je tue jusqu’à mon
reconquête de soi ? chien, ma femme et moi. Bon titre pour un
film d’horreur, « Mon chien, ma femme et
« vidait le monde de sa couleur, de sa moi ». Car l’Allemagne est à feu et à sang ; la
lumière », une rencontre amoureuse et la féroce répression des dernières semaines et
détermination de Kate à ne pas laisser les bombes incendiaires alliées ont fait des
son passé la dominer laissent entrevoir, centaines de milliers de victimes civiles.
fût­il instable, l’espoir d’un nouvel Des millions de cadavres. La planète entière
équilibre. n’est plus qu’un très long thrène.
ALINE BUREAU
On peut regretter que ce fil narratif
puissant – métaphorisé par l’ineffaçable LE NAZISME EST LA MYCOSE MORTELLE
LE ROUGE N’EST PLUS UNE COULEUR est Tout en ayant chacun de leur côté des ruban rouge aperçu sur le col de chemise QUI A POUSSÉ SUR LA PAUVRE RÉPUBLI­
en soi un titre suffisamment mystérieux aventures sans lendemain, ils dorment de l’agresseur pendant le viol – soit en­ QUE DE WEIMAR, première république par­
pour qu’on ait envie d’en savoir davan­ parfois dans le même lit, se montrent chevêtré dans une torsade d’intrigues lementaire de l’histoire de l’Allemagne,
tage sur ce premier roman de l’écrivaine nus corps et âme l’un à l’autre sans que lentes ou inabouties. Si l’histoire d’ami­ certes accablée par bien des maux – hyper­
britannique Rosie Price, née en 1992. jamais leur relation platonique change tié est dense et belle, l’auteure a distribué inflation, blocage des institutions –, mais
L’étrange négation renvoie à un passé au fil du temps : ce n’est « pas de l’amour, des rôles dont les enjeux ne sont pas tou­ grand moment de littérature, de peinture,
révolu que le titre anglais, What Red Was pas vraiment. Mais c’est l’une de ces jours bien définis, et l’on a parfois l’im­ d’architecture et de musique. La nouvelle
(« ce qu’était le rouge »), délimite avec la amitiés de jeunesse qui vous fait décou­ pression que le récit est délayé en vue Cocaïne, de Walter Rheiner, publiée en 1918,
netteté tranchante d’une lame. Il y a en vrir le monde sous un jour neuf, diffé­ d’un scénario de série en plusieurs sai­ est une curiosité : certes,
effet dans ce livre comme dans la vie de rent », résume Zara. sons. Ainsi le violeur, dont on apprend c’est peut­être un des pre­
Kate, son personnage principal, un avant La vie plutôt heureuse de Kate bascule les menus complets et, sans surprise, les miers textes de fiction
et un après, et il lui faudra du temps pour lors d’une fête chez les Ribbon, au cours vues misogynes, a un père peu affec­ consacrés à cette drogue,
pouvoir se le formuler : « “J’ai été violée”, de laquelle elle est violée par un proche tueux et a perdu sa mère très jeune : on mais c’est surtout un
déclara­t­elle, pour voir ce que ça faisait. de Max. Le roman s’organise alors autour ne sait trop que faire de ces précisions texte brut, un voyage dans
Mais le mot était outrancier, elle se cen­ de deux questions fondamentales, tous azimuts qui relèvent davantage la nuit de Berlin jusqu’au
sura : “J’ai dit non. J’ai dit non, mais c’est constamment rencontrées dans les té­ d’une fiche­personnage pour un projet quartier de Friedenau,
arrivé quand même.” » moignages de victimes réelles : com­ Netflix que d’une analyse approfondie. promis lui aussi, comme
le rouge n’est plus Les cent premières pages ra­ ment continuer à vivre – à vivre parmi Mon point de vue, non sur le viol, bien la cocaïne, à un grand ave­
une couleur content la naissance d’une ami­ les autres, aussi – et quel rôle donner à la sûr, mais sur la littérature, est sans doute nir littéraire. Tobias
(What Red Was), tié entre Kate et Max, tous deux parole dans la reconquête de soi ? Car le générationnel. La primo­romancière, achète son flacon de co­
de Rosie Price, étudiants en première année viol, dès la sidération engendrée par évidemment désireuse de créer tout un caïne à crédit. Ce récit de mort et de dégé­
traduit de l’anglais dans la même université, et le l’agression, amène Kate à se dissocier : monde, semble avoir voulu montrer que nérescence, où « les étoiles gouttent », sent
par Jakuta Alikavazovic, récit semble d’abord s’orienter « Elle ferma son esprit, lui abandonnant la vie continuait à foisonner autour de la pharmacie et la décadence, le pus et
Grasset, 416 p., 24 € ; vers le genre du « roman de cam­ son corps. Enfermée hors d’elle­même. son héroïne, que chacun avait ses moti­ l’éther échappé des tranchées pour envahir
numérique 17 €. pus », sans fioritures stylistiques. Eteinte. » Plus tard, dans le miroir, elle ne vations. Mais un roman n’est pas la vie, il la capitale allemande, qui s’est toujours te­
Max Ribbon appartient à une fa­ se reconnaît pas : « Il lui semblait impossi­ assume des choix. « Notre douleur, il fau­ nue loin de la guerre. Le sang sacrificiel se
mille de riches aristocrates londoniens, ble que cette image, en face d’elle, fût la drait en faire de l’art », conseille juste­ répand dans Berlin par les veines percées
certes tous « assez baisés de la caisse », sienne, que le visage qu’elle y voyait lui ment Zara à Kate. En diluer ou en disper­ d’aiguilles des drogués.
mais très charismatiques aux yeux de appartienne encore. » Pour lutter contre ser le sens au fil de plus de 400 pages en
Kate, élevée par une mère seule, an­ la « toxicité » de l’événement, elle hésite neutralise quelque peu la portée. Sur le QUAND J’ENTENDS CES JOURS­CI DANS LE
cienne alcoolique – celle de Max, Zara, entre le silence et les mots, l’impossible sujet toujours si dramatiquement actuel JOURNAL PARLÉ L’EXPRESSION « NOU­
est une réalisatrice célèbre. En dépit de oubli et l’insoutenable souvenir. « Si elle des violences faites aux femmes, traité VELLE NORMALITÉ », j’ai l’impression d’en­
leur différence de classe sociale, Kate se taisait, peut­être que ça refluerait », se ici dans un souci de vérité quasi docu­ tendre un exposé sur le post­exotisme, ce
et Max deviennent quasi inséparables. dit­elle. Et puis aussi, « l’horreur de ne pas mentaire, c’est dommage.  courant littéraire auquel des auteurs
comme Lutz Bassmann, Manuela Draeger
ou Antoine Volodine donnent ses lettres de
suppose des forces adverses, dont pour le vaincre, mais ce n’est pas noblesse depuis près de quarante ans déjà.
HUIS CLOS • 7 l’une finit par faire plier l’autre. Le une guerre, à proprement parler, Voilà ce à quoi ils se préparaient : le jour
schéma se vérifie sur tous les re­ faute d’un ennemi pensant. Si d’après, le post­épidémi­
ROGER-POL gistres : militaire, cela va de soi, nous parvenions à endiguer les que. « SIGNAL TEMPÊTE,
DROIT mais aussi sportif, commercial, méfaits de ce coronavirus, voire à DEUX FEUX VERMEILS,
politique… Sans oublier la défaite l’éradiquer, serait­ce donc une OUVRE LA TÊTE ! SIGNAL
d’une partie de soi­même contre victoire, et aurions­nous la paix ? DÉSASTRE, FEU NOIR

Qu’est-ce une autre, dans tout conflit moral

ou psychologique qui se respecte.
Chaque fois, combat, compé­
Pyrrhus, cette fois, serait sans
doute le bon modèle. Guerrier in­
trépide, ce roi de Macédoine a su
BRILLANT, OUVRE LES
YEUX ! » Frères sorcières,
d’Antoine Volodine, consti­

qu’une victoire ? tition, lutte – agôn, disaient les

Grecs – et une issue finale : des
perdants, des gagnants. Mais le
résultat du processus exige d’être
jadis contrer la puissance de
Rome. En 280 avant notre ère, il a
remporté la bataille d’Héraclée,
mais au prix de pertes si lourdes
tue une répétition générale
de l’agonie, dernier sabbat
avant destruction. Conçu
en trois parties, « Faire
CONTRE LE COVID 19, EST­CE BIEN constamment reprise. Que serait mis en récit, car sa répétition que cet avantage laissa son armée théâtre ou mourir », « Vociférations » et
UNE GUERRE QUI EST MENÉE ? Ajax sans Homère, et ses lecteurs régulière peut seule garantir que affaiblie. D’où l’expression classi­ « Dura nox sed nox », le roman repousse les
Que serait la victoire, si elle avait au fil des siècles ? l’instant du triomphe soit dura­ que : une victoire « à la Pyrrhus » limites poétiques du monde, explore l’es­
lieu ? Qui pourrait la célébrer ? Et Sans doute parce qu’elle semble blement inscrit dans la mé­ laisse chancelant celui qui la rem­ pace sacrilège d’entre­les­genres, fracasse
en quels termes ? Ces questions, évidente, la notion de victoire est moire collective. Machiavel – qui porte. Personne, de ces triomphes notre quotidien en l’intégrant à un nou­
aujourd’hui, ne sont pas là par peu scrutée. Platon y voit la conçoit, dans Le Prince (1532), la cruels, ne chante la gloire. Il n’y a veau Livre des morts. « Hadeff Kakaïne une
PHOTOS PHILIPPE MATSAS, PIERRE MARQUÈS, BRUNO LEVY

hasard. passion risquée des guerriers : politique comme une guerre, où pas d’épopée des catastrophes. fois encore va connaître l’origine du
En effet, il y a soixante­quinze l’amour de la victoire « rend vio­ la victoire consiste à s’emparer du Plutarque, dans sa Vie de Pyr­ monde. » Le livre, constellé d’humour, re­
ans, le IIIe Reich capitulait. Le lent », lit­on à la fin de La Républi­ pouvoir, puis à le conserver – sait rhus, insiste également sur son tentit du grand rire de Celui qui sait : le
8 mai devint alors un jour férié. que. L’ardeur s’enflamme, la dé­ bien que les exploits doivent être caractère impulsif, insatiable, post­exotisme est notre monde et Volodine
Puis ne le fut plus, finalement le mesure guette… Pour le mathé­ narrés et célébrés pour que leurs toujours porté à « réparer ses est son prophète. 
redevint, au gré des présidents de maticien ou le philosophe, accé­ effets perdurent. échecs par d’autres entreprises ».
la République et des fluctuations der à la vérité n’est pas une Comme tant d’hommes aujour­  Les Cent Derniers Jours d’Hitler,
politiques de la commémoration. victoire en ce sens, puisque per­ Le modèle Pyrrhus d’hui, il aime la guerre plus que de Jean Lopez, Tempus, 256 p., 8 € ; numérique 8 €.
Car une victoire n’est pas seule­ sonne n’est battu et que chacun Voilà qui suffit pour compren­ la victoire, préfère l’ambition à  Cocaïne (Kokain), de Walter Rheiner,
ment un fait, la conclusion d’un peut en faire autant. dre que notre situation est diffé­ la paix, l’agitation au repos. Il ne traduit de l’allemand par Pierre Deshusses,
combat et d’un rapport de force. Toutefois, sous son apparente rente. Le virus qui assiège la pla­ songe qu’à la prochaine ba­ Rivages poche, « Petite bibliothèque », inédit,
C’est aussi, peut­être avant tout, simplicité, l’idée de victoire nète n’a aucune intention, aucun taille. Une victoire remportée a 96 p., 7,50 € ; numérique 7,50 €.
une célébration continuée, un pourrait bien renfermer quelque plan. Il ne livre, en fait, aucune ba­ moins de saveur que celles dont  Frères sorcières, d’Antoine Volodine,
exploit chanté, une histoire piège. A première vue, elle taille. C’est nous qui faisons tout on rêve.  Points, 288 p. 7,50 € ; numérique 15 €.
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26 | livres JEUDI 7 MAI 2020

Les Assises du roman, toujours debout!

Les 14es Assises internationales du roman, rencontres avec des écrivains conçues par la Villa Gillet, à Lyon,
en partenariat avec « Le Monde », se réinventent en ligne du 11 au 17 mai, confinement et déconfinement
obligent. Nous publions ici les contributions écrites par quelques­uns des nombreux auteurs invités

QUESTIONS À
LUCIE CAMPOS,
directrice de la Villa Gillet

Lucie Campos dirige la Villa Gillet, à

Le temps des désillusions, par Andrew Ridker
Lyon, depuis le mois de novembre
2019. Plutôt que d’annuler l’édition
2020 des Assises internationales du autres se mettaient au service d’associa­ avec ses enfants, dans l’espoir qu’ils lui
roman, elle a fait le choix d’adapter « Lettres de mon pays », avec tions caritatives comme Teach for Ame­ céderont leur part de l’argent légué par
le programme et d’organiser l’évé­ Andrew Ridker, Klester Cavalcanti rica ou City Year (associations venant en sa défunte épouse (…).
nement entièrement en ligne. et Zhang Yueran. aide aux élèves des écoles publiques si­ J’entendais ainsi inverser le schéma
Vendredi 15 mai à 19 heures tuées dans des zones urbaines défavori­ non seulement du roman d’héritage
Avez­vous hésité à maintenir sées) (…). Si mes amis financiers rougis­ classique de l’Angleterre victorienne
les assises ? saient de gagner autant d’argent à une mais du rêve américain lui­même, en fai­

L
Parmi les missions de la Villa Gillet, es Etats­Unis souffrent d’un pro­ époque d’inégalités historiques (…), mes sant circuler l’argent dans le « mauvais
il y a celles­ci : faire entendre la voix blème narratif : toutes les histoires amis de Teach for America se sentaient sens », des descendants vers les ascen­
de l’écrivain dans la cité, et permet­ que se raconte notre pays ont été eux aussi coupables : ils étaient mal for­ dants. Cet angle insolite m’a permis d’ex­
tre une conversation entre des clairement démenties par les faits. Nous més, les écoles où ils enseignaient man­ plorer les thèmes nationaux beaucoup
auteurs du monde entier. Il était nous percevons en grands praticiens – et quaient de moyens et, au fond d’eux, ils plus communs qui me préoccupaient
évident pour nous que, dans le con­ exportateurs – mondiaux de la démocra­ redoutaient que leur inexpérience ne les alors et continuent de me préoccuper
texte de pandémie de Covid­19, on tie, or, selon une étude récente (…), notre conduise à faire plus de mal que de bien. aujourd’hui : l’insécurité financière, l’in­
ne pouvait pas faire silence au citoyen moyen exercerait sur la politique Argent et prestige d’un côté, bienfai­ compréhension intergénérationnelle et,
prétexte que les voyages et les ren­ publique une influence « statistiquement sance de l’autre, à chaque camp son at­ également, la désillusion qui s’installe
contres sont empêchés. On ne pou­ non significative ». (…) Nous nous répé­ trait et ses problèmes distincts : je tenais quand les histoires qu’un pays et ses ha­
vait cesser de donner la parole aux tons qu’en Amérique n’importe qui peut le point de départ de mon roman. bitants se racontent sur eux­mêmes fi­
romanciers, aux chercheurs, aux « réussir », qu’il suffit de s’en donner la nissent par tourner court.
penseurs, en un moment où l’on a peine, tout en fermant les yeux sur l’ex­ Le rêve américain inversé
plus que jamais besoin de pistes de trême consolidation des privilèges et de Les deux premiers personnages aux­ J’ai écrit le texte ci­dessus quelques se­
réflexion. l’inégalité des chances qui s’est opérée quels j’ai donné vie étaient des créatures maines seulement avant que le nouveau GEORGE BAIER IV
ces dernières décennies (à commencer de ce nouveau monde étrange. Maggie coronavirus ne mette de nombreux pays
Comment avez­vous repensé par le durcissement des conditions d’en­ veut aider les autres, mais les principes – et leur économie – à l’arrêt. Je constate ANDREW RIDKER est un
la programmation ? trée sur le territoire). Ces histoires ont­el­ éthiques écrasants qu’elle s’impose et sans plaisir qu’il m’a donné raison, écrivain américain. Il a
Nous avons recentré le programme les été vraies un jour, ne serait­ce que impose à autrui l’empêchent de s’inté­ même si j’étais loin d’imaginer la ré­ signé un premier roman
autour de la question de l’incerti­ pour une certaine catégorie d’individus ? grer dans toute association ou commu­ ponse déplorable qu’apporteraient les remarqué dans le monde
tude, qui est un point de croisement On peut en discuter, mais il est désor­ nauté dépassant sa propre personne. Etats­Unis à la crise, dont nous pouvons entier, « Les Altruistes »
fertile entre ce que nous vivons et mais clair pour la grande majorité des Ethan, son frère aîné, a amassé un capital remercier notre président. La précarité, (Rivages, 2019).
le travail des écrivains et des Américains ordinaires que leur pays a important grâce à son travail de consul­ qui définit déjà la vie de tant d’Améri­
chercheurs. Nous avons alors cher­ déçu les espoirs et les attentes qu’il avait tant financier, capital qu’il s’empresse de cains, s’est propagée avec le virus. Beau­
ché quels étaient les auteurs dont fait naître en eux. Et s’il y a deux choses dilapider pour acquérir des biens de con­ coup d’entre nous perdront, au mieux,
les récits pouvaient le plus évoquer auxquelles sont enclins les Américains, sommation qui ne font que l’isoler du leur travail. Je suis né en 1991 et, même
les questions d’aujourd’hui : ce sont l’espoir et l’attente. monde extérieur. Tous deux sont désen­ sans compter la récession économique
raconter un quotidien qui change, En tant qu’écrivain, je m’intéresse aux chantés, Maggie par les compromis que de 1990 qui s’est poursuivie cette an­
comment on regarde l’autre, com­ histoires que les gens – et les pays – se ra­ le « monde réel » exige d’elle, Ethan par le née­là, j’ai connu trois récessions impor­
ment on fait face à l’incertitude à content sur eux­mêmes, et à la manière vide spirituel que sa réussite profession­ tantes, en 2001, 2008 et 2020. Je me
tous les niveaux… dont ils réagissent quand elles ne se ter­ nelle et financière n’a pu combler. Tout considère comme un romancier comi­
Nous avons aussi voulu donner la minent pas comme ils l’escomptaient. cela s’ajoutant à la mort de leur mère, qui que – j’aime faire rire – mais, à l’heure où
parole aux écrivains les plus éloi­ J’ai commencé à écrire mon roman Les a fracturé leur famille. (…) j’écris ces lignes, plus de 6 millions
gnés – ces invités américains, chi­ Altruistes en 2015, moins d’un an après Enfant du baby­boom, Arthur, leur d’Américains se sont inscrits au chô­
nois ou mexicains dont les noms avoir terminé mes études. (…) Durant les père, se croyait promis à la stabilité pro­ mage, tandis que Trump continue de mi­
sont familiers en librairie, mais qui mois qui ont suivi l’obtention de mon di­ fessionnelle, à la sécurité financière et à nimiser la gravité de la pandémie. En ce
semblent plus loin que jamais plôme, il m’a semblé observer chez mes une maison en banlieue avec une belle moment, c’est nous qui faisons les frais
aujourd’hui. amis deux grandes tendances d’orienta­ clôture blanche, mais la mort de sa de la plaisanterie. 
Il nous a également semblé néces­ tion : les uns partaient gagner des salai­ femme et l’enlisement de sa propre car­
saire d’ouvrir un espace nouveau res faramineux dans la finance en tant rière ont contrecarré ses plans. Il élabore Traduit de l’anglais (Etats­Unis)
pour entendre des libraires, des que banquier ou consultant, quand les donc un stratagème pour se réconcilier par Olivier Deparris
éditeurs et des directeurs de festival
du monde entier, afin de prendre le
pouls du monde du livre à travers la
planète. 
propos recueillis par
raphaëlle leyris

RENDEZ-VOUS Si vous m’annonciez préoccupation première, existe­

t­il un terme dans le fonds de la
langue française pour décrire cet
nation. Lisez la puissance d’arrêt
de cet aveu de Jules Renard dans
son Journal, le 14 juillet 1896 : « Si

Le programme complet et tous

les événements des Assises 2020
la mort de ma petite fille, homme ?
Regarder les gens. Les écouter,
les sentir, les toucher parfois, tout
vous m’annonciez la mort de ma
petite fille que j’aime tant, et si,
dans votre phrase, il y avait un
sont à découvrir, du 11 au 17 mai,
sur Villagillet.net.
Les rendez­vous du « Monde »
par Hugo Boris est bon pour les cannibales que
nous sommes. La vie est une
forme proto­artistique, un maté­
mot pittoresque, je ne l’entendrais
pas sans en être charmé. » Lisez
encore une fois, c’est ahurissant :
aux Assises sont également riau inépuisable. « Si vous m’annonciez la mort de
visibles sur Lemonde.fr Cliché. Ce matériau­là est sures­ ma petite fille que j’aime tant, et si,
à sa hauteur et je ne peux déjà timé. « Un peintre, écrit André dans votre phrase, il y avait un
 Les rendez­vous du « Monde » « Au plus proche de nous : plus respirer, le cœur au bord des Malraux, n’est pas d’abord un mot pittoresque, je ne l’entendrais
Quatre entretiens vidéos croisés raconter l’autre », avec Hugo lèvres. (…) Il est au­delà de la sa­ homme qui aime les figures et les pas sans en être charmé. »
Boris, Marie-Hélène Bacqué leté, protégé du monde par une paysages : c’est d’abord un Regarder les gens, donc, les
Lundi 11 mai à 20 heures et Chloé Cruchaudet. puanteur qui le signale plus sûre­ homme qui aime les tableaux. » écouter, s’y frotter, les honnêtes
« Le temps de l’incertitude », avec Jeudi 14 mai à 19 heures ment qu’une crécelle de lépreux. gens, les mauvaises, les gens du
Regina Porter, Hisham Matar et La crasse seule ne pourrait pas vi­ Etat de veille linguistique monde, les petites, les gens bien,
François Hartog, animé par cier l’atmosphère d’un couloir J’ai honte de l’avouer, mais je les gens de rien, les simples, les

D
Florence Noiville ans un long couloir d’ac­ entier, des emplâtres d’excré­ préfère souvent l’image des cho­ jeunes, les vieilles… tout cela
cès au quai, je suis pris à ments ne suffiraient pas à saturer ses aux choses elles­mêmes. Je vient dans un deuxième temps.
Mardi 12 mai à 19 heures la gorge par une odeur un tel volume d’air, il y a autre veux dire par là que la façon dont Les figures, les paysages, c’est
« Raconter le travail », avec Joseph tiède et acidulée qui ne se dissipe chose, un ulcère creusant peut­ une personne est décrite peut pour après. Les tableaux d’abord.
Ponthus, Alexis Potschke et Mary pas, ce genre d’odeur qui, respirée être, des plaies qui se gangrènent m’intéresser davantage que la Voilà pourquoi je parle de maté­
Dorsan, animé par Raphaëlle JF PAGA/GRASSET trop longtemps, finirait par me en silence, des abcès qui suppu­ personne elle­même. Pis, la ren­ riel surévalué.
Leyris droguer. Je n’en décèle pas la pro­ rent, je ne sais pas ce qui peut contrer ne peut m’intéresser que Disons­le plus simplement. Je
HUGO BORIS est écrivain. venance mais je sais d’instinct sentir à ce point, mais cet homme pour mieux la décrire. regarderais le monde différem­
Jeudi 14 mai à 20 heures Il est notamment l’auteur qu’elle est d’origine organique. est en train de mourir. Est­il seu­ Je vis dans un état de veille lin­ ment si je n’avais d’abord lu Guy
« Le huis clos », avec Franck de « Je n’ai pas dansé Je franchis un coude du couloir lement transportable ? guistique permanent, dans un de Maupassant, Stefan Zweig,
Bouysse, Imma Monso et Burhan depuis longtemps » et ne peux retenir un mouve­ Je le dépasse en ayant une pen­ rapport au monde qui est celui Henri Bosco, Michel Tournier, Ni­
Sönmez, animé par Nicolas Weill (Belfond, 2010), ment de recul. Un clochard me sée pour les équipes mobiles du du Facteur Cheval. Tout m’inté­ colas Fargues, Maylis de Kerangal
de « Police » (Grasset, tourne le dos. Il avance avec une Samusocial, en me convain­ resse pour lever un mur, une co­ et tant d’autres. J’aurais plus de
Vendredi 15 mai à 20 heures 2016) et du « Courage des lenteur de zombie, des chaussu­ quant, parce que cela me rassure, lonne, une tour de Barbarie, un mal à regarder les gens, à mettre
« Portrait de l’auteur en enquê­ autres » (Grasset, 2020). res éclatées aux pieds, le jean rigi­ qu’il existe forcément un mot temple hindou, sculpter un péli­ des mots sur les visages, à cher­
teur », avec Hélène Gaudy, Frédé­ difié par des traînées de chiasse. dans leur jargon professionnel can, un chien ou un crocodile. cher les miens, à décrire l’in­
rique Toudoire­Surlapierre, Jorge Les passants accélèrent le pas, dé­ pour désigner ce genre de mal­ Cette relation aux autres et aux congruité de nos présences, de
Volpi et Alex Marzano­Lesnevich, crivent un large détour pour le heureux. Je passe mon chemin choses, par le truchement des nos trajectoires, de nos rencon­
animé par Macha Séry contourner. Je ne suis pas encore en pensant d’abord à ça, c’est ma mots, porte en elle sa propre alié­ tres, les cadeaux du hasard. 
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JEUDI 7 MAI 2020 livres | 27

Ecrire le travail, par Mary Dorsan Chercher

« Raconter le travail », avec Mary Dorsan,
sommes les témoins de grandes injusti­
ces. Nous sommes confrontés à la plus
l’inspiration, c’est
Joseph Ponthus et Alexis Potschke.
Mardi 12 mai, à 19 heures
grande misère humaine. Nous assistons
aux conséquences de l’austérité budgé­
taire, nous vivons leurs conséquences
prendre l’air,
dans notre chair.
par Paolo Cognetti
E
crire le travail pour le faire exister. Cet hiver, en janvier, un matin, j’ai pris
D’abord tout simplement pour ça. froid dans la pièce qu’on appelle pharma­
Cette première explication peut cie du service où je travaille. Le chauffage
paraître banale, mais on en est là. Il s’agit ne fonctionnait pas. Nous réclamions
de faire exister la maladie psychique, ses des réparations depuis l’hiver dernier, Calmann­Lévy, 1994] – l’un des
symptômes, les comportements qu’elle celles­ci n’ont pas été réalisées. J’ai sorti Café-lecture. Mise en voix premiers qui raconta cette ten­
engendre. Ses effets. Il s’agit de faire le thermomètre du réfrigérateur où sont d’extraits de romans de Paolo sion vers l’Asie, et un bréviaire
exister les soins. Alors ils sont décrits. conservés certains médicaments. A la Cognetti, Christian Garcin pour les pèlerins qui, comme
Les soins sont essentiellement d’ordre pharmacie, il faisait 15 °C. A l’intérieur de et Martin de la Soudière. moi, viendraient ensuite. Je
relationnel. D’affirmer l’existence de cette pièce on demande aux patients de Samedi 16 mai, à 14 heures comptais refaire l’itinéraire de
l’équipe, de l’ensemble des personnes relever leur manche pour prendre leur Matthiessen à quarante­cinq an­
réunies au service des malades, des pa­ tension, de baisser leur pantalon pour nées de distance. Lors de cette

J’
tients. De rappeler qu’il est question de que l’on administre une injection. J’ai dé­ ignore s’il existe une biblio­ marche, Hesse, Terzani et lui
symptômes psychiatriques graves, terri­ placé le thermomètre de pièces en bu­ thèque avec une section étaient les auteurs dont je me
blement invalidants et difficiles à soi­ reaux. Dans le bureau de la cadre : 12 °C. « Ecriture du paysage » sentais le plus proche.
gner. J’écris de la place où je me trouve : A la cuisine, après la mise en chauffe des HÉLÈNE BAMBERGER/OPALE VIA LEEMAGE quelque part, la mienne en Dans un voyage comme ce­
actuellement, un hôpital de jour (HDJ) repas et après la mise en route du lave­ tout cas en a une. Sur ses étagè­ lui­là, le temps pour lire et écrire
psychiatrique de secteur. vaisselle, le thermomètre affichait 13 °C. MARY DORSAN est res, je conserve avec soin les car­ ne manque pas. On part en se
Ecrire le travail aussi pour qu’il ne soit soignante en psychiatrie nets des voyageurs (Chatwin, disant que les journées seront
pas nié. Pour empêcher que l’effort et Ecrire pour tenir à l’hôpital et écrivaine. Terzani, Tesson), les mémoires éprouvantes et chargées, et c’est
l’engagement de chacun soient ignorés Des rapports officiels prônent le virage Elle a signé trois livres chez des lieux habités (Blixen, Hemin­ vrai, mais on ne peut pas mar­
ou méprisés, on en est là. Pour affirmer ambulatoire, mais je travaille en extra­ P.O.L, « Le présent infini gway), les observations du cher en montagne plus de six ou
que la présence et l’écoute sont du tra­ hospitalier, en ambulatoire ! Où il n’y a s’arrête » (2015), « Une monde naturel (Thoreau, Rigoni sept heures d’affilée, si on le fait
vail. Que les soins longs sont incontour­ pas de « lits » mais des « places ». Pour les passion pour le Y » (2018) Stern). Peu importe qu’il s’agisse vingt jours de suite. Nous quit­
nables. soins, il faudra toujours des espaces, des et « Rencontrer Darius » de Paris ou de la taïga sibérienne, tions notre tente au lever du so­
Ecrire le travail pour faire apparaître en lieux, des bâtiments, c’est incontourna­ (2019). le paysage est ce qui nous en­ leil et, peu après midi, dressions
littérature ce qui est gommé sur le ter­ ble. Et on ne peut pas faire l’économie de toure, ce qui est hors de nous : les déjà le camp où nous passerions
rain, ou gommé du terrain par le dis­ leur entretien ! Nous­mêmes habitons grands écrivains sont capables de la nuit. Dans un monde sans télé­
cours gestionnaire, les politiques d’éco­ quelque part ! A room of our own que le rendre sur le vif, de construire phones, ordinateurs, télévisions,
nomie budgétaire : souligner que les nous aménageons plus ou moins une relation entre l’extérieur et j’avais l’impression de replonger
décisions organisationnelles affectent agréablement, en tout cas, que nous leur personnalité, leur histoire, dans l’adolescence, cette époque
des êtres humains. Au­delà des logiciels, chauffons ! en se sondant eux­mêmes à tra­ de grand vide où, pour tirer jus­
au­delà des cases à cocher, il y a des hom­ Chez nous, nous disposons d’eau recommencer impliquent l’écriture. Je vers l’âme d’un lieu (…). « La ville qu’au soir, il ne restait qu’à parler
mes et des femmes, patients et profes­ chaude. Pas les éviers du réfectoire et de refuse de devenir une personne aigrie. ne répondit pas » : c’est ainsi que avec un ami, ou ouvrir un livre.
sionnels du soin. Tous peuvent souffrir. la pharmacie du HDJ : nous nous lavons Ou résignée. Car la vie des plus fragiles se termine une vieille nouvelle Le moment de l’écriture arrivait
Ecrire très concrètement le travail, c’est les mains à l’eau froide… dépend de la lutte de ceux qui ont la d’Erri De Luca qui m’est très en fin d’après­midi. Mon seul ré­
opposer à un discours idéologique l’écri­ Où logent les patients ? Toujours dans force de lutter. Les soignants qui se sont chère. Le regard interroge, le pay­ confort était une gourde de
ture de la fragilité humaine. Mettre sur le mon service, sur une file active de près engagés dans une grève de la faim sage répond ou reste muet ; l’écri­ whisky écossais que je rationnais
devant des personnes incertaines, tâton­ de 40 patients, trois sont hébergés à l’hô­ en 2018 à l’hôpital psychiatrique du Rou­ ture du paysage est la transcrip­ pour qu’elle me tienne jusqu’à la
nantes, mais absolument réelles. tel dit social, le même hôtel social du vray ont mis leur santé en danger pour tion de ce dialogue. fin : dans le froid des 4 000 mè­
Ecrire le travail, c’est surmonter la criti­ quartier où est situé le HDJ. Ça coûte un défendre celle de leurs patients. tres, avec la toux et la légère fiè­
que du franchissement ou le dilemme pognon de dingue : l’Etat verse des Dans mon service, les fenêtres tien­ L’écriture du paysage vre qui sont le lot de la haute alti­
du dévoilement. C’est sortir de l’ombre, aides… que récupère le propriétaire de nent avec du scotch. Et, en m’y essayant à mon tour tude, je buvais du whisky dilué
décider de montrer, de se montrer, ac­ cet hôtel… Croyez­vous que nous disposions de [au Népal, pour Sans jamais at­ dans de l’eau bouillante, la pana­
cepter de raconter, de se raconter. Aussi Parlons concret. suffisamment de masques chirurgicaux teindre le sommet (Stock, 2019)], cée. Dans mon carnet, je ne met­
dans notre laideur, notre violence. J’écris le soir après le travail, le matin ou FFP2 afin de faire face au corona­ il y a autre chose que j’ai décou­ tais aucune pensée. Je m’étais
Actuellement, à l’hôpital, le devoir de avant le travail, le week­end, pendant les virus ? vert : je sens qu’elle soigne la fixé comme règle de m’en tenir
réserve annihile le travail auprès des vacances. Pas parce que je ne suis pas fa­ Cette vie, il s’agit de la chroniquer, de la claustrophobie du roman autant strictement à la description de
plus démunis et des plus vulnérables. tiguée – je le suis. Mais parce que je dois narrer, d’en faire le récit, c’est mon devoir que le voyage me permet de ce que je voyais, et m’interdisais
Nos existences liées. Nous, soignants, le faire pour tenir. Continuer, persévérer, d’en témoigner.  m’évader de chez moi. Je veux toute photographie. Je voulais
dire qu’un roman aussi est une me servir de mon œil relié à ma
maison : c’est une maison qu’on main comme d’un appareil
habite pendant des années avec photo et, dans le temple le plus
ses personnages, qui n’existent sacré que je croisai sur mon che­
que pour nous, un genre de mai­ min, une source jaillissant d’une
son hantée en somme (…). Par­ paroi rocheuse là où tout était
fois, j’étouffe entre ces quatre aride et désert, je passai de l’eau

Pouvoir ne pas sortir, murs, il faut que je sorte, que je

marche, que je respire. Je crois
que c’est ce que l’écriture du pay­
sur mes paupières et mes lèvres
et formulai cette prière : « Faites
que j’aie de bons yeux pour regar­

par Imma Monso sage représente pour moi, c’est

un bol d’air, ce qui, à y regarder de
près, n’est pas si éloigné de l’idée
der et que je trouve les mots pour
raconter ce que j’ai vu. » Je crois
que c’est là que réside le sens de
d’inspiration. Chercher l’inspira­ mon écriture. 
tion, c’est prendre l’air ; sortir de
ou bien à l’école déserte qui, avec sentiment d’avoir raison pour la chez soi inspire une écriture nou­ Traduit de l’italien
« Le huis clos », avec Imma ses encriers en porcelaine, ses première fois et avons pu dé­ velle. par Anita Rochedy
Monso, Franck Bouysse cartes accrochées au mur, sa ba­ culpabiliser de notre manque En voyage, j’ai toujours un livre
et Burhan Sönmez. lance ancienne avec les poids et la d’intérêt à sortir. Cette première sur moi, quand ce n’est pas plu­
Jeudi 14 mai, à 20 heures planche murale des os, muscles phase a été d’une grande beauté ; sieurs, mais de préférence du
et nerfs, offrait un encoura­ en plus d’apaiser les remords de même auteur. J’aime en faire
gement inouï à toutes sortes de notre conscience agoraphobique, mon compagnon de voyage. C’est

J’
ai toujours adoré le huis rêveries. C’est pourquoi j’ai long­ nous avons plongé dans un un maître qui me montre les cho­
clos. Les espaces fermés, temps caressé le rêve de pouvoir temps suspendu qui était en ac­ ses et m’apprend à les compren­
l’isolement, les chambres, un jour rester confinée entre cord parfait avec notre soif de dre, mais il finit aussi par devenir
les espaces réduits. Enfant, quatre murs. calme et de silence : il n’était plus mon ami intime. Cette fois, le li­
je passais l’hiver dans une ville Cependant, ce rêve, je n’ai réussi nécessaire de se lever à 6 heures vre n’était autre que Le Léopard
submergée par le brouillard. Obli­ à le réaliser que cinquante ans du matin ou de lire jusqu’à 3 heu­ des neiges, de Peter Matthiessen
gée de sortir pour aller à l’école, après. Quand, il y a quelques an­ res la nuit pour avoir l’impres­ [Gallimard, 1983], un auteur peu
j’attendais le beau temps avec im­ nées, j’ai enfin pu abandonner sion d’être seul au monde. Le connu en Italie mais incontour­
patience pour ne plus sortir. En mon travail à l’extérieur, j’ai tout monde extérieur et le monde in­ nable pour les amateurs de na­
juin, je partais à la campagne et je de suite compris que mon petit térieur se confondaient dans une ture writing américain, et tout
restais jusqu’au mois de septem­ appartement ne me suffisait pas : harmonie sans précédent. simplement culte au Népal, où Le
LM PALOMARES bre chez mes grands­parents. j’avais besoin d’un espace plus ré­ Par la suite, le bonheur s’est Léopard des neiges est en vitrine
C’était une maison adossée à une duit. Je me suis installée dans ma étiolé. Les morts ont commencé de toutes les librairies en diverses
IMMA MONSO est une petite école entourée de forêts, chambre, mais puisque même à peser, les mauvaises nouvelles à langues et éditions (aussi étrange
écrivaine catalane. Elle a car ma grand­mère était institu­ ses douze mètres carrés me pa­ aigrir les esprits et l’excès de vir­ que ça puisse paraître, Katman­
notamment publié « La trice dans un village épars, cons­ raissaient trop, j’ai choisi d’habi­ tualité à nous submerger, susci­ dou fourmille de librairies). ROBERTA ROBERTO
Femme pressée » (Robert titué de fermes et maisons iso­ ter mon lit. Une décision, il faut le tant un état bizarre de manque Le Népal est à Matthiessen ce
Laffont, 2013), « Un sacré lées, au pied du Montseny. dire, qui s’est avérée être une des de solidité du corps. Pendant ces que la Patagonie est à Chatwin : PAOLO COGNETTI est un
caractère » et « L’Anniver­ On ne voyait personne sauf le plus enrichissantes de ma vie. derniers jours, j’ai beaucoup ré­ Peter y réalisa ce voyage existen­ écrivain italien, né en 1978.
saire » (Jacqueline facteur trois fois par semaine, fléchi aux origines de notre tiel à l’automne 1973, à l’âge de Il est notamment l’auteur
Chambon, 2014 et 2019) que je ne voyais pas non plus L’autre confinement malaise général, mais aussi à 46 ans, officiellement pour obser­ du « Garçon sauvage » (Zoé,
puisque je restais tout le temps Jusqu’à maintenant. Mais de­ ceux de mon malaise particulier, ver les moutons bleus de l’Hima­ 2016), des « Huit monta­
dans ma chambre. J’adorais. Mes puis deux mois, malheureuse­ que j’imagine provoqué par le laya et leur prédateur, le léopard, gnes » (Stock, 2017) et de
grands­parents s’inquiétaient. ment, le confinement n’a plus à fait d’être obligée d’accomplir en réalité pour sortir d’une lon­ « Sans jamais atteindre le
« Victoria ! Elle s’est enfermée de mes yeux le charme qu’il avait. comme un devoir ce dont j’ai gue saison d’illusions et trouver sommet » (Stock, 2019).
nouveau ? », criait mon grand­ Strictement enfermés depuis rêvé toute ma vie comme une li­ ce qu’il y avait qui ne soit pas illu­
père. « Je ne la vois pas dehors ! », mars, les premiers jours ont été berté. Bref, comme mes conci­ soire dans la montagne, la
disait­il. « Elle va tomber ma­ beaux et terribles, excitants et ef­ toyens, j’attends, anxieuse, la fin solitude, la marche, les monas­
lade », s’inquiétait ma grand­ frayants. Nous, les confinés voca­ du confinement. Pas pour sortir, tères tibétains isolés. L’expédi­
mère, car ils avaient tout l’air pur tionnels et pascaliens, déjà et de­ mais pour dissiper l’impuissance tion tourna au « pèlerinage en
à me donner et ils n’avaient que puis toujours convaincus que le de ne pas pouvoir sortir et re­ Orient », pour reprendre le titre
ça, tandis que moi je ne rêvais malheur est dans la rue et le bon­ prendre la puissance de pouvoir italien d’un livre d’Hermann
que de rester cloîtrée à la maison heur dans la chambre, avons eu le de ne pas sortir.  Hesse [Le Voyage en Orient,
 IDÉES
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28 | JEUDI 7 MAI 2020

Nicolas Hulot
LE CONTEXTE

100 pripourncipes
Le 10 mai 1994, Nelson Mandela,
premier président noir d’Afrique
du Sud, élu deux semaines plus
tôt, prononce un discours d’in-
vestiture qui marque les esprits.
Il y prône notamment les valeurs
de réconciliation et déclare : « Le
temps est venu de panser nos
blessures. Le moment est venu de
réduire les abîmes qui nous sépa-
rent. Le temps de la construction
approche ». S’inspirant de cette
phrase, Nicolas Hulot, militant
écologiste et ancien ministre
d’Emmanuel Macron, a décidé de

un
décliner à sa façon son « temps
est venu », à travers cent princi-
pes fondateurs, selon lui, d’un

nouveau monde
nouveau monde pour l’après-
crise du Covid-19.
La Fondation Nicolas Hulot inau-
gure par ailleurs, mercredi 6 mai,
un site Internet pour inviter
chacun à endosser ces principes.

« Réparer la planète », « relocaliser des pans

entiers de l’économie », « entendre la jeunesse »,
1. Le temps est venu, ensemble,
« de la dignité pour tous »… L’ancien ministre
Gaël Giraud de poser les premières pierres de la transition écologique et solidaire énonce
Ancien chef économiste de l’Agence d’un nouveau monde ses propositions pour l’après-Covid-19, renforcées
française de développement
2. Le temps est venu par celles de neuf personnalités, parmi lesquelles
« Former les jeunes de transcender la peur en espoir
la militante écologiste Vandana Shiva,
à l’agroécologie » 3. Le temps est venu pour
une nouvelle façon de penser le photographe Sebastiao Salgado et la
4. Le temps est venu de la coprésidente du GIEC Valérie Masson-Delmotte
le temps est venu d’une relocalisation de lucidité
pans entiers de notre économie. Le Covid­19
et les politiques de confinement pour y faire 5. Le temps est venu de dresser
face ont mis en lumière la fragilité de chaînes un horizon commun
de valeur internationales à flux tendu, vulné­
rables aux prochaines pandémies comme 6. Le temps est venu de ne plus 12. Le temps est venu de prendre 16. Le temps est venu
aux conséquences du dérèglement climati­ sacrifier le futur au présent soin et de réparer la planète de créer du lien
que et de la destruction des écosystèmes.
Pour être durable, cette relocalisation indis­ 7. Le temps est venu de résister 13. Le temps est venu de traiter 17. Le temps est venu
pensable exige l’apprentissage de métiers à la fatalité les racines des crises de miser sur l’entraide
nouveaux : ceux de l’agroécologie et d’une
industrie verte qui reste largement à initier. 8. Le temps est venu 14. Le temps est venu 18. Le temps est venu
Sans une stratégie ambitieuse de renouvelle­ de ne plus laisser l’avenir d’appréhender l’ensemble d’applaudir la vie
ment radical de l’enseignement, de la mater­ décider à notre place des crises écologiques,
nelle aux doctorats, afin d’y donner toute 19. Le temps est venu d’honorer
leur place aux enjeux écologiques et aux mé­ 9. Le temps est venu climatiques, sociales, la beauté du monde
tiers de demain, la jeunesse d’aujourd’hui de ne plus se mentir économiques et sanitaires
reste prisonnière des manières de faire, de comme une seule et même crise : 20. Le temps est venu
travailler, de consommer et de s’informer 10. Le temps est venu une crise de l’excès de se rappeler que la vie
d’hier. L’Etat doit prendre sa part du renou­ de réanimer notre humanité ne tient qu’à un fil
vellement de l’offre de formation et l’ouvrir à
11. Le temps est venu 15. Le temps est venu d’entendre
la reconversion des salariés déjà engagés la jeunesse et d’apprendre des 21. Le temps est venu de
dans des secteurs incompatibles avec la re­ de la résilience anciens nous réconcilier avec la nature
construction écologique de notre pays.

Vandana Shiva, Sebastiao Salgado Rob Hopkins Laurent Berger

militante féministe et écologiste indienne photographe brésilien Fondateur du mouvement Secrétaire général de la CFDT
des villes en transition
« Reconnaître que tous « Sauver les gardiens « Développer le droit « Opérer une transition
les êtres ont droit de la forêt amazonienne » à l’imagination » écologique
aux dons de la Terre » le temps est venu de nous lever pour
socialement juste »
protéger les tribus d’Indiens d’Amazonie, le temps est venu de développer, comme
le temps est venu de prendre conscience pour préserver leur culture et pour sauve­ partie intégrante de notre réponse à l’ur­ le temps est venu de partager le pouvoir dans
que nous faisons partie de la nature. Nous ne garder notre histoire. A cause du corona­ gence climatique, les conditions optimales les entreprises et les administrations. A l’échelle
sommes pas séparés d’elle, ni supérieurs aux virus, une partie de ces Indiens, peut­être à l’épanouissement de l’imagination hu­ de l’entreprise, comme à celle de la société pour
autres êtres avec lesquels nous partageons même la totalité, risquent de disparaître. maine. En effet, faire face à la crise climati­ les citoyens, faire s’exprimer et participer les
notre planète. Le temps est venu de renoncer Les assauts du président Jair Bolsonaro ont que suppose de repenser et de reconstruire travailleurs ne peut plus être considéré comme
aux illusions de l’esprit mécaniste qui, dans fait sauter tous les filtres qui protégeaient le monde. Pourtant, nous vivons à une épo­ un frein à la décision, alors que le dialogue social
son ignorance et son aveuglement, autorise ces peuples. On assiste à la ruée dans la que où l’imagination est pressée, dépréciée, et professionnel est la condition d’une perfor­
la violation des limites planétaires et écologi­ forêt amazonienne des orpailleurs et des dévalorisée. Le temps est venu d’un système mance globale, c’est­à­dire économique, sociale,
ques, et décrit ces violations comme un exploitants forestiers, mais aussi des sec­ éducatif qui place le développement de écologique et sanitaire. Plus que jamais après la
progrès. Le temps est venu d’aller au­delà de tes religieuses qui, en apportant la parole l’imagination en son cœur. Le temps est crise que nous vivons, les employeurs doivent
l’économie de la croissance illimitée et de la de leur dieu à ces Indiens isolés, vont les venu d’un système politique qui accueille identifier ce qui fait sens collectivement. Un
cupidité sans limites. Le moment est venu de contaminer. notre imagination. Le temps est venu d’un projet d’entreprise, sa raison d’être, doit s’ins­
reconnaître que tous les êtres ont droit aux Le temps est venu de nous mobiliser système économique qui ose dire « et si… ? ». crire aujourd’hui et demain dans le projet global
dons de la Terre pour leur subsistance. Le pour sauver ces gardiens de la forêt, Le temps est venu de reconnaître le « droit à d’une société qui, comme le propose la CFDT
temps est venu de se souvenir de l’enseigne­ comme cela a été fait l’été dernier pour l’imagination » de toutes et tous, et de le avec les 55 organisations du « pacte du pouvoir
ment de Gandhi : la Terre a assez pour les faire pression sur Jair Bolsonaro afin que protéger. A quoi ressemblerait une époque de vivre », doit opérer sa transition écologique
besoins de chacun, mais pas assez pour la cessent les incendies de la forêt. C’est, pour où tout semble possible ? Nous devons être socialement juste, sans rien céder à l’impératif
cupidité de quelques­uns. eux, une question de vie ou de mort. celles et ceux qui découvrent cela. démocratique.
0123
JEUDI 7 MAI 2020 idées | 29

22. Le temps est venu de respecter 45. Le temps est venu relocaliser des pans entiers 86. Le temps est venu de l’unité
la diversité et l’intégrité du vivant de la transparence et de l’économie 87. Le temps est venu
23. Le temps est venu de laisser de la responsabilité 65. Le temps est venu de la de l’humilité
de l’espace au monde sauvage 46. Le temps est venu d’une cohérence, et de réorienter nos 88. Le temps est venu
24. Le temps est venu de traiter économie qui préserve activités et nos investissements de la bienveillance
les animaux en respectant leurs et redistribue à chacun vers l’utile et non vers le nuisible
intérêts propres 47. Le temps est venu de mettre 66. Le temps est venu d’éduquer 89. Le temps est venu
de l’empathie
25. Le temps est venu de un terme à la dérégulation, à la nos enfants à l’être, au civisme,
reconnaître l’humanité plurielle spéculation et à l’évasion fiscale au vivre­ensemble, et de leur 90. Le temps est venu
apprendre à habiter la terre de la dignité pour tous
26. Le temps est venu d’écouter 48. Le temps est venu d’effacer
les peuples premiers la dette des pays pauvres 67. Le temps est venu 91. Le temps est venu de déclarer
de nous fixer des limites que le racisme est la pire des
27. Le temps est venu de cultiver 49. Le temps est venu de dans ce qui blesse et aucune pollutions mentales
la différence s’émanciper des politiques
partisanes dans ce qui soigne 92. Le temps est venu
28. Le temps est venu d’acter 50. Le temps est venu de 68. Le temps est venu de la modestie et de l’audace
notre communauté de destin de la sobriété 93. Le temps est venu de
avec la famille humaine et tous s’extraire des idéologies stériles
69. Le temps est venu combler le vide entre nos mots
les êtres vivants 51. Le temps est venu des et nos actes et d’agir en grand
démocraties inclusives d’apprendre à vivre plus
29. Le temps est venu de simplement 94. Le temps est venu où chacun
reconnaître notre vulnérabilité. 52. Le temps est venu de 70. Le temps est venu de doit faire sa part et être l’artisan
30. Le temps et venu s’inspirer des citoyens du monde de demain
nous réapproprier le bonheur
d’apprendre de nos erreurs 53. Le temps est venu 71. Le temps est venu de nous 95. Le temps est venu de
31. Le temps est venu de d’appliquer le principe de l’engagement
précaution libérer de nos addictions
l’inventaire de nos faiblesses consuméristes 96. Le temps est venu de croire
et de nos vertus 54. Le temps est venu de graver qu’un autre monde est possible
dans le droit les principes d’une 72. Le temps est venu de ralentir.
32. Le temps est venu de nous politique écologique, sociale et 73. Le temps est venu de voyager 97. Le temps est venu d’un élan
adapter aux limites planétaires effréné pour ouvrir de nouvelles
civilisationnelle près de chez nous
33. Le temps est venu de changer 55. Le temps est venu de faire 74. Le temps est venu de nous voies
de paradigme 98. Le temps est venu, partant de
mentir le déterminisme social défaire de nos conditionnements
34. Le temps est venu d’opérer 56. Le temps est venu de mentaux individuels et collectifs ces principes, de choisir,
la mue d’un système périmé encourager et accompagner nos
combler les inégalités de destin 75. Le temps est venu de faire dirigeants ou représentants
35. Le temps est venu 57. Le temps est venu de l’égalité naître des désirs simples
de redéfinir les fins et les moyens
absolue entre les femmes et les 76. Le temps est venu de 99. Le temps est venu pour
36. Le temps est venu chacun de faire vivre ce
hommes distinguer l’essentiel du superflu manifeste
de redonner du sens au progrès
58. Le temps est venu de tendre 77. Le temps est venu d’arbitrer 100. Le temps est venu de créer
37. Le temps est venu la main aux humbles et aux dans les possibles un lobby des consciences 
de l’indulgence et de l’exigence invisibles 78. Le temps est venu de
38. Le temps est venu 59. Le temps est venu d’exprimer renoncer à ce qui compromet
de s’émanciper des dogmes plus qu’une juste gratitude à l’avenir
39. Le temps est venu celles et ceux, souvent étrangers, 79. Le temps est venu de la
de l’intelligence collective qui dans nos pays, hier et créativité et de l’impact positif
aujourd’hui, exécutent des
40. Le temps est venu d’une tâches ingrates 80. Le temps est venu de lier
mondialisation qui partage, notre « je » au « nous »
60. Le temps est venu de
qui coopère et qui donne
aux plus faibles valoriser prioritairement les 81. Le temps est venu de croire Alain Grandjean
métiers qui permettent la vie en l’autre Economiste, président de la Fondation
41. Le temps est venu de préférer Nicolas Hulot pour la nature et l’homme
61. Le temps est venu du travail 82. Le temps est venu de
le juste échange au libre­échange
42. Le temps est venu de
qui épanouit revisiter nos préjugés « Construire une
globaliser ce qui est vertueux et 62. Le temps est venu de
l’avènement de l’économie
83. Le temps est venu du
discernement économie sobre
et résiliente »
de déglobaliser ce qui est néfaste
sociale et solidaire 84. Le temps est devenu
43. Le temps est venu de définir, d’admettre la complexité
préserver et protéger les biens 63. Le temps est venu d’exonérer
communs les services publics de la loi du 85. Le temps est venu le temps est venu de se donner de
rendement de synchroniser science vrais moyens pour financer un futur du­
44. Le temps est venu et conscience rable. Nous demandons la création d’un
de la solidarité universelle 64. Le temps est venu de fonds européen de relance et de trans­
formation écologique de 2 000 mil­
liards d’euros sur sept ans, financé à très
long terme. Cette mise en commun des
moyens budgétaires européens – par la
mutualisation des dettes – doit nous
protéger des aléas des marchés finan­
Christophe Robert Mathilde Dupré Valérie Masson-Delmotte ciers et assurer le financement dans
Délégué général de la Fondation Abbé Pierre Codirectrice de l’Institut Veblen paléoclimatologue, coprésidente chaque Etat membre, quelle que soit sa
du Groupe d’experts intergouvernemental situation, d’une économie plus rési­
« Débloquer des moyens pour plus « Produire et consommer sur l’évolution du climat (GIEC ) liente face aux futures crises, créatrice
d’emplois, alignée avec les objectifs

d’écologie et de justice sociale » d’abord local » « Protéger la biodiversité écologiques et moins dépendante de la
mondialisation.

le temps est venu de mettre en place un fonds exception­ le temps est venu de passer du libre­
et les écosystèmes » La hausse de l’endettement public ne
doit pas justifier le retour de politiques
d’austérité. L’Europe a les moyens de
nel de plusieurs milliards d’euros alloué aux communes, aux échange au juste échange. Cela suppose s’en protéger. Les financements dans la
départements et aux régions, pour les accompagner dans la de produire et de consommer d’abord le temps est venu de mettre en transition écologique et nos services de
mise en place de politiques publiques visant à éradiquer la local, d’introduire une traçabilité sociale œuvre une stratégie de gestion de santé ne doivent pas être de nouveau
grande pauvreté, accélérer la transition écologique et réduire et environnementale des biens et servi­ risques par anticipation et non de ges­ mis sous la coupe de logiques étroite­
les inégalités. Le temps est venu de donner des moyens im­ ces afin de pouvoir les distinguer selon tion de crise après crise. Vis­à­vis des ment comptables, meurtrières. Nous
portants aux territoires qui veulent agir pour plus d’écologie leurs conditions de production et d’exi­ risques croissants liés au changement devons changer nos modes de calcul
et de justice sociale, en fixant des contreparties mesurables et ger pour les produits importés le respect climatique en cours et aux pressions pour intégrer ce qui compte vraiment.
suivies dans le temps. des normes européennes de production. sur les écosystèmes et la biodiversité, Ce fonds doit donc s’accompagner
Mettre en place des plans « logement d’abord » pour en finir Ce que ne permettent pas les règles de cela demande d’agir pour réduire les d’une révision du pacte de stabilité
avec le « sans­abrisme », rénover les 7 millions de passoires l’OMC et les accords bilatéraux de type vulnérabilités et l’exposition aux aléas pour sécuriser les investissements
énergétiques [les logements] et les bâtiments publics énergi­ CETA (l’accord de libre­échange entre climatiques en métropole et dans les massifs dont nous avons besoin dans la
vores, développer d’autres possibilités que la voiture indivi­ l’Union européenne et le Canada). La outremers, et pour réduire les émis­ durée – partout en Europe – pour cons­
duelle, servir des repas bio et locaux dans les cantines… mondialisation des activités est allée sions de gaz à effet de serre par des truire une économie sobre et résiliente.
Autant de mesures indispensables à la construction du trop loin et il faut aujourd’hui redonner changements structurels dans tous les Si nécessaire, les dettes publiques déte­
« monde d’après » ; autant de mesures défendues collective­ des marges de manœuvre aux Etats secteurs, pour construire un dévelop­ nues par les banques centrales pour­
ment avec les 55 organisations du « pacte du pouvoir de pour conduire la transition écologique pement permettant à tous de vivre di­ ront être cantonnées pour que leur
vivre » ; autant de mesures qui ne verront le jour qu’avec le et sociale sans risquer d’être attaqués par gnement, résilients, protégeant les remboursement soit très fortement
déploiement de moyens importants, réinjectés grâce à une des partenaires commerciaux ou des in­ écosystèmes et la biodiversité, et allant étalé, ou annulées. Il en va de la survie
fiscalité plus juste et un nouveau partage des richesses. vestisseurs étrangers. vers la neutralité carbone. de l’Europe.
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30 | idées JEUDI 7 MAI 2020

Lynsey Addario, grand reporter ; Imany, chanteuse ; Jeremy Irons, acteur ;

Isabelle Adjani, actrice ; Roberto Un collectif de 200 artistes et scientifiques lance Agnès Jaoui, actrice, réalisatrice ; Jim
Alagna, chanteur lyrique ; Pedro un appel, à l’initiative de l’actrice Juliette Binoche Jarmusch, réalisateur ; Vaughan Jones,
Almodovar, réalisateur ; Santiago et de l’astrophysicien Aurélien Barrau, aux dirigeants médaille Fields de mathématiques ; Spike
Amigorena, écrivain ; Angèle, Jonze, réalisateur ; Camélia Jordana,
chanteuse ; Adria Arjona, actrice ; Yann et aux citoyens pour changer nos modes de vie. chanteuse ; Jean Jouzel, climatologue,
Arthus-Bertrand, photographe, Sans quoi, la catastrophe écologique prix Vetlesen ; Anish Kapoor, sculpteur,
réalisateur ; Ariane Ascaride, actrice ; ne pourra être évitée peintre ; Naomi Kawase, réalisatrice ;
Olivier Assayas, réalisateur ; Josiane Sandrine Kiberlain, actrice ; Angélique
Balasko, actrice ; Jeanne Balibar, actrice ; Bang Hai Ja, peintre ; Javier Kidjo, chanteuse ; Naomi Klein, écrivaine ; Brian Kobilka, Prix Nobel de
Bardem, acteur ; Aurélien Barrau, astrophysicien, membre honoraire de chimie ; Hirokazu Kore-eda, réalisateur ; Panos Koutras, réalisateur ;
l’Institut universitaire de France ; Mikhail Baryshnikov, danseur, Antjie Krog, poétesse ; La Grande Sophie, chanteuse ; Ludovic Lagarde,
chorégraphe ; Nathalie Baye, actrice ; Emmanuelle Béart, actrice ; Jean metteur en scène ; Mélanie Laurent, actrice ; Bernard Lavilliers, chan-
Bellorini, metteur en scène ; Monica Bellucci, actrice ; Alain Benoit, teur ; Yvon Le Maho, écophysiologiste, membre de l’Académie des scien-

NON
physicien, Académie des sciences ; Charles Berling, acteur ; Juliette ces ; Roland Lehoucq, astrophysicien ; Gilles Lellouche, acteur, réali-
Binoche, actrice ; Benjamin sateur ; Christian Louboutin,
Biolay, chanteur ; Dominique créateur ; Roderick MacKinnon,
Blanc, actrice ; Cate Blanchett, Prix Nobel de chimie ; Madonna,
actrice ; Gilles Bœuf, ancien chanteuse ; Macha Makeïeff,
président du Muséum national metteuse en scène ; Claude
d’histoire naturelle ; Valérie Makélélé, footballeur ; Ald Al
Bonneton, actrice ; Aurélien Malik, rappeur ; Rooney Mara,
Bory, metteur en scène ; Miguel actrice ; Ricky Martin, chanteur ;
Bosé, acteur, chanteur ; Carmen Maura, actrice ; Michel
Stéphane Braunschweig, Mayor, Prix Nobel de physique ;
metteur en scène ; Stéphane Médine, rappeur ; Melody Gar-
Brizé, réalisateur ; Irina Brook, dot, chanteuse ; Arturo Men-
metteuse en scène ; Peter Brook, chaca Rocha, physicien, ex-pré-

à un retour
metteur en scène ; Valeria Bruni sident de l’Académie des sciences
Tedeschi, actrice, réalisatrice ; du Mexique ; Raoni Metuktire,
Khatia Buniatishvili, pianiste ; chef indien de Raoni ; Julianne
Florence Burgat, philosophe, Moore, actrice ; Wajdi
directrice de recherche à l’Inrae ; Mouawad, metteur en scène,

à la normale
Guillaume Canet, acteur, auteur ; Gérard Mouroux, Prix
réalisateur ; Anne Carson, poète, Nobel de physique ; Nana Mous-
écrivaine, Académie des arts et kouri, chanteuse ; Yael Naim,
sciences ; Michel Cassé, chanteuse ; Jean-Luc Nancy,
astrophysicien ; Aaron Ciechano- philosophe ; Guillaume Néry,

L
ver, Prix Nobel de chimie ; champion du monde d’apnée ;
François Civil, acteur ; François a pandémie de Covid­19 est une tragédie. Pierre Niney, acteur ; Michaël
Cluzet, acteur ; Isabel Coixet, Cette crise, pourtant, a la vertu de nous Ondaatje, écrivain ; Thomas
réalisatrice ; Gregory Colbert, inviter à faire face aux questions essentiel­ Ostermeier, metteur en scène ;
photographe, réalisateur ; Paolo les. Le bilan est simple : les « ajustements » ne Rithy Panh, réalisateur ;
Conte, chanteur ; Marion Vanessa Paradis, chanteuse, ac-
suffisent plus, le problème est systémique.
Cotillard, actrice ; Camille trice ; James Peebles, Prix Nobel
Cottin, actrice ; Penélope Cruz, La catastrophe écologique en cours relève d’une de physique ; Corine Pelluchon,
actrice ; Alfonso Cuaron, réalisa- « méta­crise » : l’extinction massive de la vie sur philosophe ; Joaquin Phoenix,
teur ; Willem Dafoe, acteur ; Terre ne fait plus de doute et tous les indicateurs acteur ; Pomme, chanteuse ;
Béatrice Dalle, actrice ; Alain annoncent une menace existentielle directe. A la Iggy Pop, chanteur ; Olivier Py,
Damasio, écrivain ; Ricardo différence d’une pandémie, aussi grave soit­elle, metteur en scène ; Radu Mi-
Darin, acteur ; Cécile de France, il s’agit d’un effondrement global dont les consé­ haileanu, réalisateur ; Susheela
actrice ; Robert De Niro, acteur ; quences seront sans commune mesure. Raman, chanteuse ; Edgar Ra-
Annick de Souzenelle, écrivaine ; mirez, acteur ; Charlotte Ram-
Johann Deisenhofer, biochi- Nous appelons donc solennellement les diri­ pling, actrice ; Raphaël, chan-
miste, Prix Nobel de chimie ; Kate geants et les citoyens à s’extraire de la logique teur ; Eric Reinhardt, écrivain ;
del Castillo, actrice ; Miguel intenable qui prévaut encore, pour travailler Residente, chanteur ; Jean-Mi-
Delibes Castro, biologiste, enfin à une refonte profonde des objectifs, des chel Ribes, metteur en scène ;
Académie royale des sciences valeurs et des économies. Matthieu Ricard, moine boudd-
espagnole ; Emmanuel Le consumérisme nous a conduits à nier la vie histe ; Richard Roberts, Prix No-
Demarcy-Mota, metteur en en elle­même : celle des végétaux, celle des ani­ bel de médecine ; Isabella Ros-
scène ; Claire Denis, réalisatrice ; maux et celle d’un grand nombre d’humains. sellini, actrice ; Cecilia Roth,
Philippe Descola, anthropolo- La pollution, le réchauffement et la destruction actrice ; Carlo Rovelli, physicien,
gue, médaille d’or du CNRS ; membre honoraire de l’Institut
des espaces naturels mènent le monde à un point
Virginie Despentes, écrivaine ; universitaire de France ; Paolo
Alexandre Desplat, composi- de rupture. Roversi, photographe ; Ludivine
teur ; Arnaud Desplechin, Pour ces raisons, jointes aux inégalités sociales Sagnier, actrice ; Shaka Ponk
réalisateur ; Natalie Dessay, toujours croissantes, il nous semble inenvisa­ (Sam et Frah), chanteurs ; Van-
chanteuse lyrique ; Cyril Dion, geable de « revenir à la normale ». La transforma­ dana Shiva, philosophe, écri-
écrivain, réalisateur ; Hervé Dole, tion radicale qui s’impose – à tous les niveaux – vaine ; Abderrahmane Sissako,
astrophysicien, membre hono- exige audace et courage. Elle n’aura pas lieu sans réalisateur ; Gustaf Skarsgard,
raire de l’Institut universitaire de un engagement massif et déterminé. A quand les acteur ; Sorrentino Paolo, réali-
France ; Adam Driver, acteur ; actes ? C’est une question de survie, autant que de sateur ; Sabrina Speich, océano-
Jacques Dubochet, Prix Nobel dignité et de cohérence.  graphe, médaille Albert Defant ;
de chimie ; Diane Dufresne, Sting, chanteur ; James Fraser
chanteuse ; Thomas Dutronc, Stoddart, Prix Nobel de chimie ;
chanteur ; Lars Eidinger, acteur ; Barbra Streisand, chanteuse,
Olafur Eliasson, plasticien, sculpteur ; Marianne Faithfull, chanteuse ; actrice, réalisatrice ; Malgorzata Szumowska, réalisatrice ; Béla Tarr,
Pierre Fayet, membre de l’Académie des sciences ; Abel Ferrara, réalisa- réalisateur ; Bertrand Tavernier, réalisateur ; Alexandre Tharaud, pia-
teur ; Albert Fert, Prix Nobel de physique ; Ralph Fiennes, acteur ; Ed- niste ; James Thierré, metteur en scène, danseur ; Mélanie Thierry, ac-
mond Fischer, biochimiste, Prix Nobel de médecine ; Jane Fonda, actrice ; trice ; Tran Anh Hung, réalisateur ; Jean-Louis Trintignant, acteur ;
Joachim Frank, Prix Nobel de chimie ; Manuel Garcia-Rulfo, acteur ; Karin Viard, actrice ; Rufus Wainwright, chanteur ; Lulu Wang, réalisa-
Marie-Agnès Gillot, danseuse étoile ; Amos Gitaï, réalisateur ; Alejandro trice ; Paul Watson, navigateur, écrivain ; Wim Wenders, réalisateur ;
Gonzales Iñarritu, réalisateur ; Timothy Gowers, médaille Fields de ma- Stanley Whittingham, Prix Nobel de chimie ; Sonia Wieder-Atherton,
thématiques ; Eva Green, actrice ; Sylvie Guillem, danseuse étoile ; Ben violoncelliste ; Frank Wilczek, Prix Nobel de physique ; Olivia Wilde, ac-
Hardy, acteur ; Serge Haroche, Prix Nobel de physique ; Dudley R. Hers- trice ; Christophe Willem, chanteur ; Bob Wilson, metteur en scène ;
chbach, Prix Nobel de chimie ; Roald Hoffmann, Prix Nobel de chimie ; Lambert Wilson, acteur ; David Wineland, Prix Nobel de physique ; Xuan
Rob Hopkins, fondateur des villes en transition ; Nicolas Hulot, président Thuan Trinh, astrophysicien ; Muhammad Yunus, économiste, Prix Nobel
d’honneur de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme ; de la paix ; Zazie, chanteuse.
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JEUDI 7 MAI 2020 0123 | 31

GÉOPOLITIQUE | CHRONIQUE L’IRRESPONSABILITÉ 

par sy lv i e kau f fmann
PÉNALE N’EST PAS 
devant le parquet de Paris pour « violences teur pour les maires. Il stipule que, pendant
DÉFENDABLE
Du chaos émerge involontaires », « mise en danger de la vie
d’autrui » ou « abstention de prendre des
mesures de nature à éviter un sinistre ».
l’état d’urgence sanitaire, « nul ne peut voir
sa responsabilité engagée du fait d’avoir soit
exposé autrui à un risque de contamination,
une nouvelle normalité Nul ne sait, à ce stade, si elles aboutiront.
Des mois, voire des années, seront néces­
saires pour les trier et éventuellement les
soit causé ou contribué à causer une telle
contamination », à moins que les faits aient
été commis « par imprudence ou négli­
instruire, mais le fait même que la menace gence » ou « en violation manifestement dé­

O
n vous l’a dit et répété judiciaire existe est une épée de Damoclès libérée (…) d’une obligation particulière de
depuis que le Covid­19 L’ÉTAT FAIT SON  qui suscite deux réflexes protecteurs. Le prudence ou de sécurité ».
s’est emparé de notre
univers : il y aura le
GRAND RETOUR ;  premier consiste à se conformer scrupu­
leusement à la norme, y compris lorsque
La garde des sceaux, Nicole Belloubet, y
était hostile car l’amendement revient à
monde d’avant et le monde PLUS TARD, À  l’urgence sanitaire nécessiterait, au con­ supprimer la faute caractérisée qui permet
d’après. Les contours du « monde traire, de s’en affranchir. Un certain nom­ d’engager la responsabilité pénale. Le gou­
L’HEURE DES BILANS, 
d’après » nourrissent des débats
d’autant plus passionnants qu’ils
relèvent forcément de la fiction.
Du chaos transitoire où nous
nous trouvons, pourtant, quel­
ON TENTERA 
DE DISCERNER DE 
D epuis le début de l’épidémie liée au
Covid­19, la crainte des décideurs
est que leur responsabilité pénale
puisse être engagée. La pénurie de mas­
ques et de tests ayant alimenté un profond
bre de lenteurs administratives constatées
notamment lors de l’élaboration de la poli­
tique de tests peuvent être directement rat­
tachées à cette préoccupation. L’autre ré­
flexe vise à obtenir du législateur des dispo­
vernement se donne jusqu’à la fin de la se­
maine pour tenter de trouver un accord
autour d’un dispositif moins dérogatoire,
sans être cependant assuré d’avoir la force
politique pour convaincre.
ques éléments émergent, qui des­ QUEL ÉTAT ON PARLE doute sur la capacité de l’Etat à lutter effica­ sitions plus protectrices. Or, en l’état actuel, le texte voté pose trois
sinent une nouvelle normalité. cement contre la propagation de la mala­ A la veille du déconfinement, les entrepri­ problèmes. D’abord, il crée une forte distor­
Ce « nouveau normal », comme die, des dizaines de plaintes émanant de ses privées, qui vont devoir gérer le retour sion de traitement entre les maires et les
disent les Américains, sera­t­il pagne le secteur privé, ou l’Etat particuliers, de médecins, d’associations progressif des salariés sur leurs lieux de tra­ autres décideurs sans qu’on en comprenne
durable ? Nul ne le sait, mais il dis­ pesant et bureaucratique, dont ont été enregistrées par la Cour de justice vail, et les maires, à qui il incombe d’assu­ la raison. Ensuite, il revient à amoindrir le
tingue déjà ce qui a changé par le mille­feuille administratif a de la République, seule instance habilitée à rer une rentrée scolaire à haut risque, ac­ principe de responsabilité en généralisant
rapport au monde d’avant. freiné tant d’actions urgentes juger des actes commis par des membres centuent la pression sur le gouvernement l’idée que, durant l’état de siège sanitaire,
Il y a, d’abord, le plus visible, ce dans cette crise ? du gouvernement dans leurs fonctions. afin que leur responsabilité pénale puisse on peut être responsable mais pas coupa­
qui modifie de manière specta­ L’Etat fait aussi un retour en Elles invoquent « l’homicide involon­ être largement dégagée. Lundi 4 mai au ble. De ce fait, il ouvre la voie au soupçon de
culaire nos comportements quo­ force sur la scène internationale. taire », la « non­assistance à personne en soir, lors de l’examen en première lecture l’amnistie, déjà brandi par Marine Le Pen.
tidiens : le port du masque et la Et là, surprise ! C’est la revanche danger » ou encore « l’entrave aux mesures du projet de loi prorogeant l’état d’urgence Pour ces trois raisons, il est souhaitable que
distanciation physique. Sourire des petits. Les puissants du d’assistance », visent le premier ministre et sanitaire, le Sénat a ainsi voté, contre l’avis les élus reviennent à la raison, car si la peur
avec les yeux et ne plus se tou­ monde d’avant sont les plus at­ d’autres membres du gouvernement. du gouvernement, et à la quasi­unanimité, est compréhensible, elle peut aussi devenir
cher. La comparaison avec la crise teints : la Chine d’où est parti le vi­ D’autres plaintes ont été déposées contre X un amendement particulièrement protec­ mauvaise conseillère. 
de 2008, souvent évoquée en rai­ rus, les Etats­Unis qui battent le
son du choc économique, est ici record du nombre de morts, la
trompeuse ; c’est plutôt la crise Russie qui affronte à son tour une
des attentats du 11 septem­ accélération brutale du taux d’in­
bre 2001 et ses conséquences fection, le Brésil qui ne maîtrise
qu’il faudrait rappeler. C’est de ce plus rien. En Europe, à l’exception
moment­là – et de ses répliques de l’Allemagne qui a su se prépa­
en Europe – que datent la sécuri­ rer à la crise, ce sont surtout les
sation des lieux de travail avec « grands pays » qui accusent le
badges individuels et les lourdes coup : Grande­Bretagne, France,
procédures de contrôle dans les Italie, Espagne. Alors que l’Espa­
aéroports. Il faudra s’habituer, di­ gne se débattait dans une catas­
sait­on alors, à ce « new normal ». trophe majeure, son « petit » voi­
Il fallait maîtriser la peur du terro­
risme, comme il faut à présent
sin, le Portugal, a impressionné
par la rapidité avec laquelle il a su
MESSAGE POUR LES ABONNÉS LIVRÉS PAR LA POSTE – COVID-19
maîtriser la peur du virus. prendre les mesures préventives

Notre défense, tout changer

et produire des tests en quantité
suffisante pour isoler les malades MESURES EXCEPTIONNELLES DE DISTRIBUTION
Ces peurs, cependant, se combat­ et limiter la circulation du virus.
tent différemment. Après les at­ La petite République d’Irlande,
tentats du 13 novembre 2015 à Pa­ elle, maîtrisait assez bien la si­
ris, on conjurait la peur en allant, tuation jusqu’à ce que la pro­
comme un acte militant, se ser­ vince britannique d’Irlande du En raison de la situation sanitaire, nous vous informons
rer aux terrasses des cafés : notre Nord décide d’aligner sa stratégie
défense alors, c’était de ne rien anti­Covid sur Londres. Impossi­ que La Poste modifie l’organisation de ses tournées
changer à notre mode de vie.
Aujourd’hui, notre défense, c’est
ble alors, en l’absence de fron­
tière entre les deux, de bloquer la de distribution de courrier. Tous vos journaux continuent
de tout changer : adieu, les terras­
ses de café bondées. La convivia­
circulation du virus. Malgré cela,
Dublin affiche un bilan meilleur
d’être livrés, mais les jours de livraison sont adaptés.
lité, les fêtes, les concerts, les boî­ que la Grande­Bretagne.
tes de nuit, les manifs, les stades Là aussi, les invisibles relèvent L’ensemble de vos journaux sont livrés 4 jours par semaine,
en délire, tout cela ne reviendra la tête. Taïwan, ostracisée par Pé­
que lorsque la peur aura été vain­ kin, s’est révélée un modèle de les mardis, mercredis, jeudis et vendredis. À partir du
cue. Cette liberté que nous affi­
chions en réponse à ceux qui
gestion de l’épidémie. Une con­
seillère du chancelier autrichien
lundi 27 avril, compte tenu des jours fériés du 1er mai
voulaient la bafouer, il faut Sebastian Kurz, Antonella Mei­ et du 8 mai, vous les recevrez exceptionnellement le lundi,
aujourd’hui la mettre en berne Pochtler, pense avoir trouvé l’ex­
pour se protéger. plication, dont elle a fait part au le mardi, le mercredi et le jeudi. Pour les abonnés livrés
Les gouvernants, eux, voient
leurs projets d’il y a six mois par­
Financial Times : « Il y a une arro­
gance innée chez les grands pays par portage, la distribution reste assurée quotidiennement
tir en fumée ; ils ne savent pas qui pensent qu’aucun autre pays pour le moment.
non plus vers quoi les mène cette n’est comme eux, dit­elle. Les pe­
période de transition. En France, tits pays, eux, ont tendance à ap­
le premier ministre, Edouard Phi­ prendre beaucoup plus les uns Nous vous rappelons que, en tant qu’abonnés, vous pouvez
lippe, a eu le 28 avril une formule des autres. »
pour résumer la nouvelle ligne de Peut­être sont­ils conscients consulter le journal papier en version numérique tous
crête : « Protéger la France sans
l’immobiliser au point qu’elle s’ef­
aussi des limites de leurs moyens,
qui incitent gouvernants et gou­
les jours, avant 13 heures, sur le site journal.lemonde.fr
fondrerait. » Le point d’équilibre à vernés à plus de précautions et à ou l’application Journal Le Monde sur mobile et tablette.
trouver entre la santé des ci­ serrer les rangs quand le danger
toyens et la santé de l’économie, menace. Exemplaire dans cette
afin que l’un ne dévaste pas crise, la Grèce savait que ses in­
l’autre, et inversement. frastructures de santé publique,
L’épidémie a brouillé les repè­ après dix ans de plans d’austérité, Pour y accéder, vous avez deux possibilités :
res : au travail, les invisibles sont n’auraient pas résisté à une circu­
devenus les plus visibles ; en po­
litique, la santé, la solidarité, la
lation massive du virus.
Les petits pays ont autre chose
K JE CRÉE MON COMPTE au moyen de mon numéro
confiance s’affichent en valeurs en commun : beaucoup ont eu le de client + mon code postal + mon adresse e-mail sur
suprêmes. L’économie du bien­ réflexe immédiat de fermer leurs
être, autrefois raillée par les gens frontières pour se protéger. Les lemonde.fr/sfuser/account
sérieux, prend soudain tout son Etats d’Europe centrale, où la cir­
sens. L’Etat, relève­t­on, fait son culation des personnes est
grand retour ; plus tard, à l’heure
des bilans, on tentera de discer­
moins dense que sur les plaques
tournantes de l’Ouest, n’ont pas
K JE POSSÈDE DÉJÀ UN COMPTE sur le site du Monde
ner de quel Etat on parle : l’Etat hésité. Remparts ou obstacles ? rattaché à mon adresse e-mail : je n’ai pas besoin de
souple et agile, qui laisse vivre
les initiatives locales et accom­
Les frontières sont en tout cas de
retour, autour mais aussi au sein
créer un nouveau compte, je m’identifie directement sur
de l’espace Schengen, que l’on ne secure.lemonde.fr/sfuser/connexion
peut plus arpenter librement – la
France est une des exceptions.
BEAUCOUP  Aller en Grèce est à nouveau une
DE PETITS PAYS ONT  odyssée. La Nouvelle­Zélande, Nous vous remercions pour votre compréhension et vous
EU LE RÉFLEXE 
ayant maîtrisé le virus, annonce
que ses frontières ne seront pas
tiendrons informés de l’évolution de la situation.
IMMÉDIAT DE FERMER  ouvertes « avant longtemps » et Plus que jamais, votre soutien nous est indispensable pour
parle de former une « bulle trans­
LEURS FRONTIÈRES  Tasman » avec l’Australie. Le continuer à défendre un journalisme rigoureux et indépendant.
« nouveau normal » a évincé la
POUR SE PROTÉGER mobilité. 

Tirage du Monde daté mercredi 6 mai : 140 886 exemplaires

Aujourd’hui chez E.Leclerc, notre rôle, c’est aussi de protéger
votre santé et celle de nos collaborateurs. C’est pourquoi
nous avons renforcé les mesures sanitaires en magasin :

RÉGULATION DES ENTRÉES EN CAS D’AFFLUENCE

GEL HYDROALCOOLIQUE À DISPOSITION DANS LE MAGASIN
SURGANT OU SAC DE PROTECTION AUX RAYONS FRUITS ET LÉGUMES
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