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Maison Peuple Clichy - 1

La Maison du Peuple de Clichy est un bâtiment construit entre 1935 et 1939 par les architectes Eugène Beaudouin et Marcel Lods pour la municipalité de Clichy. Conçu à l'origine comme un marché couvert multifonctionnel, le bâtiment a fait l'objet de plusieurs campagnes de restauration depuis sa construction.

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Maison Peuple Clichy - 1

La Maison du Peuple de Clichy est un bâtiment construit entre 1935 et 1939 par les architectes Eugène Beaudouin et Marcel Lods pour la municipalité de Clichy. Conçu à l'origine comme un marché couvert multifonctionnel, le bâtiment a fait l'objet de plusieurs campagnes de restauration depuis sa construction.

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Maison du Peuple de Clichy

Fiche DOCOMOMO

Ill.1. Vue sur la façade principale, rue du Général Leclerc, 2018. Olivier Nouyrit, D.R.

Fichier international de DoCoMoMo


_________________________________________________________________
1. IDENTITÉ DU BÂTIMENT OU DE L’ENSEMBLE
Nom usuel du bâtiment : Maison du Peuple et marché couvert à Clichy
Nom actuel : Maison du Peuple
Numéro et nom de la rue : 39 - 41 Boulevard du Général Leclerc, 92110 Clichy-la-Garenne
Ville : Clichy-la-Garenne
Pays : France

PROPRIÉTAIRE ACTUEL
Nom : Municipalité de Clichy-la-Garenne, commune des Hauts-de-Seine
Adresse : Mairie de Clichy, 80 Boulevard Jean Jaurès, 92110 Clichy
Téléphone : 01 47 15 30 00
E-mail : Contact http://www.ville-clichy.fr/191-contact.htm
Internet : http://www.ville-clichy.fr/

ETAT DE LA PROTECTION
Type : Classé au titre des Monuments historiques
Date : 30 décembre 1983

ORGANISME RESPONSABLE DE LA PROTECTION


Nom : Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France.
Adresse : 45 - 49 Rue Le Peletier 75009 Paris
Téléphone : 01 56 06 50 00
1
2. HISTOIRE DU BÂTIMENT
Commande : À la demande du maire Charles Auffray, militant de la Section française de
l’Internationale ouvrière (SFIO) puis adhérent du Parti communiste français (PCF), les architectes
Eugène Beaudouin et Marcel Lods étudient en 1935 la construction d’un marché couvert, le long du
boulevard de Lorraine dans la ville de Clichy-la-Garenne. Sur un terrain de 2 000 m2 est envisagée
le programme d’un marché couvert, que les architectes feront évoluer en l’enrichissant d’autres
services : une salle des fêtes (1500 à 2000 personnes), une salle de conférences et cinéma pour
500 spectateurs, ainsi que des bureaux mis à la disposition de sociétés locales et syndicats.

Architectes : Eugène Beaudouin (1898-1983) et Marcel Lods (1891-1978).


Tous deux élèves d’Emmanuel Pontrémoli à l’École des Beaux-arts, Marcel Lods et Eugène
Beaudouin sortent respectivement diplômés en 1923 et 1928. Eugène Beaudouin est premier grand
prix de Rome puis architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux (1933-1968), architecte
agréé par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme pour la région de Toulouse, puis
architecte-urbaniste de la ville de Marseille. C’est à l’agence de son oncle Albert Beaudouin,
qu’Eugène Beaudouin et Marcel Lods sont amenés à travailler ensemble de 1923 jusqu’en 1928,
avant de s’associer pour former leur propre agence. Leur collaboration dure jusqu’en 1940. Cette
décennie d’activité commune est une période fructueuse : l’agence est pionnière dans le domaine
de la préfabrication et de l’industrialisation du bâtiment. Ils travaillent avec des ingénieurs et
constructeurs, notamment avec Vladimir Bodiansky pour la cité de la Muette à Drancy (1931-1934),
et Jean Prouvé pour l’École de plein air de Suresnes (1934-1935), l’aéroclub de Buc (1936) ou
encore le prototype de la maison de week-end démontable B.L.P.S. (1938).
Autres intervenants : André Salomon (1891-1970), éclairagiste ; Henri Trezzini (1902-1976) ; André
Szivessy (dénommé également André Sive, 1899-1958) à partir de 1937 ; Jean Prouvé (1901-1984).
Jean Prouvé dessine l’ensemble des détails de l’édifice. L’étude des Ateliers Jean Prouvé débute en
août 1936, correspondant à la date de l’appel d’offre et s’étend jusqu’en mars 1939, période durant
laquelle 838 plans sont réalisés, dont la plupart sont dessinés par Jean Boutemain.

Ingénieurs : Vladimir Bodiansky (1894 – 1966)

Contractants :

Établissements Schwarz-Haumont (charpente métallique)


Entreprise Robart&Fils (chauffage)
Ateliers Jean Prouvé

CHRONOLOGIE

Date du concours : Procédure sans concours, commande de la municipalité de Clichy-la-Garenne.


Date de la commande : 1935
Période de conception : 1935-1937
Durée du chantier : 1937-1939
Inauguration : mai 1940. L’ouverture se fait en deux temps. Le chantier s’achève durant l’été 1939 ;
une inauguration officielle est prévue pour le mois d’octobre mais la guerre interrompt cette
ambition. Le 24 novembre 1939, le nouveau « marché de Lorraine » à rez-de-chaussée est ouvert.
Puis, la grande salle à l’étage est ouverte le 5 mai 1940 : elle accueille la réunion du conseil de la
Fédération socialiste de la Seine, bien que le bâtiment ne soit pas totalement achevé (les peintures
ne sont pas terminées et le plafond lumineux rhodoïd n’est pas posé).

2
Ill. 2. Vue à l’angle des rues Martissot et Morillon, 2018. Olivier Nouyrit, D.R.

ETAT ACTUEL DU BÂTIMENT

Usage : Le bâtiment abrite un marché au niveau du rez-de-chaussée trois fois par semaine.

Résumé des restaurations et des autres travaux conduits, avec les dates correspondantes :

Le bâtiment a subi des modifications depuis l’achèvement du chantier. Les panneaux du rez-de-
chaussée ont été démontés et remplacés par de la brique, et le plancher amovible a été rendu
immobile en 1979 par le coulage d’une dalle en béton. L’abandon de la mobilité initiale modifie alors
l’usage du bâtiment, qui perd sa fonction polyvalente originelle. La perte de sens qui en découle
entraine une lente désaffection du public pour l’édifice, encore d’actualité aujourd’hui.

Après l’étude menée en 1990 par le Service des Monuments historiques, un chantier de restauration
est confié à l’architecte en chef des Monuments Historiques, Hervé Baptiste, qui s’étendra de 1995 à
2005. L’extérieur de l’édifice est particulièrement en mauvais état : les façades et les toitures, bien
qu’en fer, « n’avaient jamais reçu une seule peinture d’entretien en soixante ans d’exposition aux
intempéries1 ». Une première phase en trois tranches annuelles (1995-1997) est retenue pour la
restauration des extérieurs, c’est-à-dire pour les façades, les toitures, puis le comble roulant, tout en
excluant provisoirement les façades du rez-de-chaussée.

Achevée à l’automne 1998, cette première phase de travaux a permis le désamiantage de la grande
salle puis de l’ensemble de la scène, la machinerie haute et les bureaux (sols et plafonds). Les
façades n’ont pas été désamiantées car l’enfermement des fibres dans les panneaux sandwich ne
présente pas d’effets nocifs. La restauration a également concerné la charpente métallique : les
parties essentielles de la structure et les pieds de poteaux au rez-de-chaussée ont été renforcés. De
plus les deux poteaux d’angle sur le boulevard du Général Leclerc ainsi que la grande poutre en
toiture ont été refaits à neuf. Les bacs en tôle formant la couverture ont tous été changé, car trop
corrodés. Les vitres de la façade de la grande salle, l’ensemble du dispositif du comble roulant (qui
fonctionnait encore partiellement lors du démarrage du chantier de restauration en 1995) ont été

1Hervé Baptiste, La Maison du Peuple (Clichy). Étude préalable à la restauration, Paris, 1991, DRAC Île-de-France,
CRMH, Paris.
3
entièrement refaits. Enfin, les panneaux métalliques des façades de la grande salle ont été en
majeure partie refaits à neuf tandis que ceux de la grande partie arrière en mur-rideau ont été traités
sur place.

Cette restauration suscite des réactions, qui sont notamment exposées en 1998 par Catherine
Dumont d’Ayot et Franz Graf dans la revue Faces2. La critique principale porte sur l’absence
d’intervention pour la remise en état du plancher amovible, élément central de la compréhension et
de l’intérêt de l’édifice. Les réserves concernent également les effets miroitants produits par les
nouveaux vitrages, qui sont présentés comme contradictoires avec l’aspect mat originel. Plus
généralement, c’est la méthodologie d’intervention qui est à interroger, puisqu’elle s’appuie sur une
intervention traditionnelle sur un Monument historique, sans prendre en compte la spécificité de
l’objet et de sa logique constructive.

En 2002-2003, une nouvelle phase de travaux est lancée pour restaurer les façades du rez-de-
chaussée, afin de retrouver l’aspect d’origine masqué par un parement en briques ajouté au début
des années 1970. Par ailleurs, les études de 2003 consacrées à la remise en service du plancher
mobile (non réalisée) ont constatées un certain nombre de dysfonctionnement : en raison de travaux
menés au tournant des années 1970, le plancher a reçu des charges supplémentaires et n’est ainsi
plus mobile ; le pont transbordeur n’est plus non plus en état de fonctionnement.

Enfin, en 2005, un chantier de désamiantage a été mené, concernant les gaines et conduits, faux-
plafonds, blocs sanitaires, cadres de scène, projecteurs et cloisons mobiles.

3. DOCUMENTATION / ARCHIVES
Archives écrites, correspondance, etc. :
Archives d’architecture du XXe siècle de la Cité de l’architecture et du patrimoine : fonds Marcel
Lods, 323 AA.
Archives municipales de Clichy-la-Garenne.
Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France : dossier de protection au titre des
Monuments historiques ; Baptiste Hervé, La Maison du Peuple (Clichy). Étude préalable à la
restauration, Paris, 1991, DRAC Île-de-France, CRMH, Paris.
Dessins, photographies, etc. :
Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, fonds Jean Prouvé, 23 J
Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé.
Archives d’architecture du XXe siècle de la Cité de l’architecture et du patrimoine : fonds Marcel
Lods, 323 AA.
Photographies d’Olivier Nouyrit, 2018.
Autres sources, films, vidéos, etc. :
Cité de l’architecture et du patrimoine, galerie d’architecture moderne et contemporaine : Sylvain Le
Stum, maquette au 1/33ème, 2002-2004.

2 Catherine Dumont d’Ayot, Franz Graf, « Espace-temps : l’oubli d’une fonction. La Maison du peuple de Lods,
Beaudouin, Bodiansky et Prouvé à Clichy », Faces, La sauvegarde du moderne, n°42/43, automne-hiver 1997-98, p.
53-59.
4
Ill. 3. Maquette au 1/33ème présentée au sein de la galerie d’architecture moderne et contemporaine de la Cité de
l’architecture et du patrimoine. Sylvain Le Stum, 2002-2004, D.R.

Principales publications (par ordre chronologique) :

ARTICLES

« La maison du Peuple de Clichy », L’Architecture d’aujourd’hui, n°5, mai 1939.


« La maison du Peuple à Clichy », L’Ossature métallique, n°6, juin 1939.
« Maison du Peuple de Clichy », La Construction moderne, n°41, 17 septembre 1939.
« Le marché couvert de Clichy », La Technique des travaux, n°4, octobre 1939, p. 52.
« Constructions modernes », L’Encyclopédie de l’architecture, Tome XII, 1927-1939.
« Marché et Maison du Peuple à Clichy », L’Architecture d’aujourd’hui, n°3-4, 1940.
Marcel Lods, « De la paroi », L’Architecture française, Numéro spécial sur l’acier, n°44-45, juin-juillet
1944, p.23-28.
« Marché de Clichy », L’Architecture d’aujourd’hui, n°4, janvier 1946.
« Soudure et techniques connexes », n°718, juillet-août 1950, p. 141-148.
« Maison du Peuple et marché couvert à Clichy. 1939 », Technique et architecture, n°1, juin 1955.
K.L.B., « Clichy market: a Pioneer Convertible Building », The architectural Review, vol. 143, n° 853,
mars 1968, p. 233.
Manfred Schiedhelm, « Marcel Lods », Architectural Design, n°10, Vol. 44, 1974, p. 636-639.
Charlotte Ellis, « Prouvé’s peoples’ palace », The architectural review, n°1059, mai 1985, p.41-47.
Bruno Reichlin, « Maison du Peuple at Clichy: a Masterpiece of « Synthetic » Functionalism ? »,
Daidalos, n°18, 1985, p. 88-99.
Jean-Louis Cohen, « Architectures du Front populaire », Le mouvement social, n°146, janvier-mars
1989.
Hervé Baptiste, « La Maison du Peuple à Clichy, Hauts-de-Seine », in Monumental, n° 2, mars 1993,
p. 68-77.

5
Catherine Dumont d’Ayot, Franz Graf, « Espace-temps : l’oubli d’une fonction. La Maison du peuple
de Lods, Beaudouin, Bodiansky et Prouvé à Clichy », Faces, La sauvegarde du moderne, n°42/43,
automne-hiver 1997-98, p. 53-59.
Christian Enjoloras, « L'utile et le merveilleux », Monumental , 2000, p. 180.
« Béatrice Simonot raconte la Maison du Peuple », ClichyMag, Magazine de la ville, Clichy et les
projets de transports en Île-de-France, n°185, janvier 2011.
Caroline Bauer (présenté par), « Entretien avec Jean Prouvé, Nancy, le 8 juin 1982, par Jean-Marie
Helwig », Jean Prouvé de l’atelier à l’enseignement, transmission d’une culture technique, Cahiers
du LHAC, n°1, Nancy, Laboratoire d’Histoire de l’architecture contemporaine, 2014, p. 57-68.

OUVRAGES ET CHAPITRES D’OUVRAGES

Benedikt Huber, Jean-Claude Steinegger, Jean Prouvé : une architecture l’industrie, Zurich, Éditions
d’architecture Artemis, 1971.
Peter Sulzer, Jean Prouvé, Œuvre complète, Volume 2 : 1934-1944, Birkhäuser, Bâle, Suisse, 2000.
Jean-Claude Bignon et Catherine Coley, Jean Prouvé, entre artisanat et industrie, 1923-1939, Ecole
d’architecture de Nancy, 1990.
Bernard Toulier, « La maison du Peuple à Clichy : premier exemple de mur rideau en panneaux
préfabriqués. Restituer une machine architecturale aux multiples usages », Architecture et
patrimoine du XXe siècle en France, Editions du Patrimoine, 1999, p. 284-287.
Jean Prouvé, Constructeur 1901-1984, Ville de Nancy, RMN, 2001.
Jean Prouvé et Paris, Pavillon de l’Arsenal, mai-août 2001.
Catherine Dumont d’Ayot, Bruno Reichlin (dir.), Jean Prouvé, La poétique de l’objet technique, Vitra
Design Museum, 2004.
Béatrice Simonot, La maison du Peuple, Beaudouin, Lods, Prouvé, Bodiansky, un bijou mécanique,
Monographik Éditions, Pavillon Vendôme / Ville de Clichy-La-Garenne, 2010.
Franz Graf, « La restauration de la Maison du Peuple à Clichy : un point de vue critique », dans Id.,
Histoire matérielle du bâti et projet de sauvegarde, Lausanne, Presses Polytechniques et
universitaires romanes, 2014 (1ère parution en anglais en 2008), p. 347-359.
Olivier Cinqualbre, Jean Prouvé Bâtisseur, Collection Carnets d’architectes, Paris, Editions du
patrimoine, 2016.

TRAVAUX UNIVERSITAIRES

Ariela Katz, Maisons du Peuple: Modernity and Working Class Identity in French Architecture, 1919-
1940, thèse en histoire de l’architecture sous la direction de Jean-Louis Cohen, Institute of Fine Arts,
New York University, 2014.

Leila Beloucif, diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture et patrimoine, Ecole


nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, 2015.

6
4. DESCRIPTION DU BÂTIMENT
Entourée du boulevard du Général Leclerc, des rues Klock, Morillon et Martissot, la Maison du
Peuple est située en centre-ville, au sud-est de la ville de Clichy, proche du boulevard périphérique
délimitant Paris de la banlieue du département des Hauts-de-Seine. Elle s’installe à l’emplacement
du quadrilatère de l’ancien marché en plein-air et, dès sa construction, s’inscrit dans un tissu urbain
dense, composé majoritairement d’immeubles de ville de 5 niveaux.

De forme parallélépipédique, elle abrite d’une part, sur deux niveaux, les espaces principaux (qui ont
fonctions de marché, de salle des fêtes, de conférence ou de cinéma), et d’autre part, en partie
arrière, un volume entresolé afin d’accueillir à ses deux angles, les bureaux, escaliers, espaces de
service et sanitaires.

Ill. 4. Vue de l’animation du quartier, depuis le boulevard du général Leclerc, vers 1939.
Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé, D.R.

Par la mobilité de plusieurs éléments, les espaces peuvent être utilisés sous plusieurs
configurations, créant des liens entre ces différents volumes. Les transformations peuvent
s’appliquer sous trois grandes formes. La configuration de base prévoit l’installation du marché au
rez-de-chaussée, avec une double hauteur centrale et des galeries latérales au niveau supérieur.
Une première modulation peut être effectuée en fermant la trémie grâce à un plancher amovible, qui
permet de libérer l’espace où il était stocké pour créer une scène. Le nouvel espace formé sur ce
premier niveau permet ainsi d’utiliser l’espace comme salle des fêtes, en soirée notamment. Une
deuxième transformation permet d’encercler l’espace central de ce premier niveau, grâce à soixante
panneaux coulissants d’environ un mètre de largeur pour 7 mètres de hauteur, afin de proposer un
espace plus intime, adapté à des séances de cinéma ou des conférences. Enfin, la toiture mobile
permet d’ouvrir totalement l’édifice afin d’organiser des événements en plein air, par beau temps ou
en nocturne, mais permet également une bonne ventilation, notamment lors de l’utilisation du
marché.

7
Ill.5. Coupe transversale, 1939.
Dans « Le marché couvert de Clichy », La Technique des travaux, n°4, octobre 1939, p. 52. D.R.

Ill.6. Plans du rez-de-chaussée et des trois configurations différentes de l’étage, 1939.


Dans « La maison du Peuple à Clichy », L’Ossature métallique, n°6, juin 1939. D.R.

La Maison du Peuple est composée d’une structure métallique formée par deux cadres
longitudinaux, de 14 m de hauteur sur 47,5 m de longueur, parallèles entre eux et perpendiculaires à
la façade principale. Ils soutiennent une toiture en tôle, en partie coulissante. Des panneaux de
façades, assemblés à l’avance, sont fixés à la charpente générale, et proposent des parties pleines
en tôle et de larges parties vitrées. Les cloisons intérieures, en partie mobiles, sont composées par

8
le même type de panneaux. De nombreux autres éléments du bâtiment sont également en tôle
pliée : les portes, les escaliers, les divers habillages des poutres, des gaines de chauffage et
ventilations et cloisons du rez-de-chaussée.

Le montage et l’assemblage des éléments métalliques s’effectuent par soudure électrique pour les
ensembles non démontables, tels que l’ossature et les planchers fixes, et par fixation ou accrochage
pour les éléments démontables ou mobiles, comme les éléments de façades ou les cloisons (Ill. 5).

Les éléments métalliques de la construction – ceux de l’ossature et les éléments de remplissage en


tôle – ont été entièrement exécutés en usine. L’emploi d’éléments standards préfabriqués offre les
avantages de ce procédé nouveau, comme cela est décrit dans la revue Technique des travaux
d’octobre 1939 : « a) Contrôle rigoureux de la qualité (plus facile à exercer en usine que sur le
chantier) ; b) Gain de temps dans la fabrication et principalement dans la mise en œuvre ; c)
Suppression du gâchis ; d) Meilleur rendement sur le chantier3 ».

Ill. 7. Jean Prouvé soudant des éléments à l’intérieur de la Maison du Peuple, 1938.
Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé, D.R.

Ill. 8. Axonométries montrant d’une part, la disposition pour le marché avec les galeries latérales au niveau supérieur,
et d’autre part celle pour la salle de cinéma ou de conférences, 1939.
Dans « La maison du Peuple à Clichy », L’Ossature métallique, n°6, juin 1939. D.R.

3 « Le marché couvert de Clichy », La Technique des travaux, n°4, octobre 1939, p. 52.
9
5. RAISONS JUSTIFIANT LA SÉLECTION EN TANT QUE BÂTIMENT DE VALEUR REMARQUABLE
ET UNIVERSELLE

1. Appréciation technique :

C’est parce que la distinction peut s’établir entre l’usage, l’espace et le temps que ce projet est
singulier : « mettre ensemble différentes fonctions dans le même espace réclamait une organisation
particulièrement attentive du plan architectural et le développement de nouveaux mécanismes
complexes qui n’avaient jusque-là jamais été utilisés dans les édifices publics4 ». Superposer deux
activités principales en un seul bâtiment engage en effet la mise en place de techniques nouvelles
pour assurer ces différents usages. Il s’agit, comme l’évoque Bruno Reichlin, d’un « défi au savoir-
faire des architectes ». La mobilité de l’édifice, et ainsi la dissociation de l’espace (la salle des fêtes
et le marché) et de la fonction (fêter et faire du commerce) constitue ainsi pour Bruno Reichlin un
moment clef dans « la méthodologie de la pratique de la planification fonctionnaliste ».

Ill. 9. Schémas de principe des éléments mobiles. Sylvain Le Stum, 2001-2004, D.R.

4Bruno Reichlin, « Maison du Peuple at Clichy : a Masterpiece of « Synthetic » Functionalism ? », Daidalos, n°18,
1985, p. 88-99.
10
Afin d’assurer l’ensemble des différentes fonctions proposées par l’édifice, les concepteurs
s’attachent ainsi à réaliser des espaces modulables à partir de plusieurs dispositifs : le plancher
amovible, les cloisons coulissantes et le comble roulant. Quarante-cinq minutes permettent ainsi de
transformer le marché en salle des fêtes : il s’agit de fermer par un plancher roulant la grande
ouverture de la trémie centrale. L’ensemble du processus technique est décrit dans la revue
L’Ossature métallique en juin 1939 :

« La succession des opérations sera la suivante : On abaissera d’abord les deux balustrades éclipsables des
galeries marchandes qui se logent dans un vide prévu au-dessus des rails de roulement. On fera rouler le
pont roulant, en repos sous la scène, jusqu’en dessous de l’élément du plancher n°1, muni d’une balustrade
fixe et qui assurait le contact entre les deux galeries marchandes. En mettant en marche les 4 vérins à huile,
dont est muni le pont roulant, on soulève légèrement (quelques centimètres) l’élément de plancher n°1 qui
devient solidaire du pont roulant. Celui-ci est mis en route jusqu’à la façade avant du bâtiment. Par
abaissement des vérins, l’élément de plancher n°1 est remis en contact avec ses appuis fixes et constitue la
première travée du plancher de la salle des fêtes. La balustrade fixe est munie de trois parties ouvrantes à
double battant permettant d’accéder au grand balcon de la façade principale. Le pont, libéré, se remet en
marche vers l’arrière, roulant jusqu’à ce qu’il soit au contact de l’élément de plancher n°2 stocké dans
l’armoire. (…) le monte charge mis en mouvement en descente transporte le pont-roulant et le plancher. En
position inférieure, les rails mobiles viennent de nouveau dans le prolongement des rails fixes et le pont
roulant toujours chargé de son plancher se met en mouvement horizontalement vers la façade avant et vient
déposer le second élément du plancher à côté de l’élément n°1. On renouvelle autant de fois l’opération qu’il y
a d’éléments dans l’armoire5 ».

La transformation de la salle des fêtes en salle de cinéma se fait quant à elle en cinq minutes : il
s’agit d’amener en place les deux cloisons mobiles suspendues, déplacement qui se fait
automatiquement à l’aide de deux moteurs électriques. Enfin, l’utilisation du comble roulant se fait
selon un déplacement horizontal sur rails du comble vitré comportant deux fermes à deux versants.
Ce déplacement est assuré par un moteur électrique. L’ouverture totale se fait en une minute, soit
30 cm par seconde.

Les techniques employées sont d’avant-garde dans la mesure où le bâtiment offre l’un des premiers
exemples au monde de mur-rideau, grâce à ses panneaux de façades constitués de deux tôles
légèrement cintrées, maintenues par des ressorts et intégrant un isolant. Les façades de la Maison
du Peuple s’inscrivent dans la continuité des recherches menées par Jean Prouvé pour l’aéroclub
Roland-Garros de Buc (avec Eugène Beaudouin et Marcel Lods, 1935-1936). Elles emploient les
deux principaux types de murs rideaux qui seront mis en œuvre après-guerre : les façades-
panneaux et les façades-grilles6.

5« La maison du Peuple à Clichy », L’Ossature métallique, n°6, juin 1939.


6 Catherine Dumont d’Ayot, Franz Graf, « Espace-temps : l’oubli d’une fonction. La Maison du peuple de Lods,
Beaudouin, Bodiansky et Prouvé à Clichy », Faces, La sauvegarde du moderne, n°42/43, automne-hiver 1997-98, p.
56.
11
Ill. 10. Vues des panneaux de façades (1939) et de leur montage (vers 1938).
Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé, D.R.

Ill. 11. Comble roulant ouvert, 1939.


Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé, D.R.

2. Appréciation sociale :

La Maison du Peuple a été construite à la demande du maire de Clichy, sous le gouvernement du


Front Populaire. Charles Auffrey est un militant de la SFIO qui rejoint dans les années 1920 le parti
communiste français. D’emblée, l’architecture de la Maison du Peuple se présente comme ayant un

12
caractère social affirmé que soutient la politique du Front populaire. Il s’agit d’un nouveau
programme conçu comme un « avatar de la sociabilité ouvrière7 ».

Selon Jean-Louis Cohen, le recours à des formes nouvelles « pour la conception des opérations
urbaines et architecturales est une composante consciente de la politique de certains maires
socialistes8 ». Ici, il s’agit de réunir les habitants dans un même lieu et autour d’activités variées,
caractère que l’on retrouve dans le titre même donné à l’édifice. C’est avant tout un bâtiment pour le
peuple et pour les habitants de Clichy qui est érigé. Il vise alors à transformer le quotidien des
habitants, exprimé par l’aspect spectaculaire de la construction.

En articulant une composante culturelle et associative, le programme s’inscrit dans l’histoire plus
longue des maisons du Peuple, qui débute à la fin du XIXe siècle avec notamment celles de Lille ou
de Roubaix. Néanmoins, ces Maisons étaient construites en marge de l’urbanisation des villes. Avec
la Maison du Peuple de Clichy, c’est sa centralité urbaine qui en fait un objet monumental au cœur
de la ville moderne du Front Populaire.

3. Appréciation artistique et esthétique :

Les procédés techniques de préfabrication mis en œuvre au sein de la Maison du Peuple


deviennent des éléments définissant la valeur esthétique de l’ensemble. L’utilisation de nouvelles
techniques permet d’accorder une attention particulière à la lumière et de conférer à l’ensemble de
la construction une certaine légèreté.

Le principe d’efficience de la construction que Jean Prouvé a souhaité mettre en place tout au long
de sa carrière a engendré une esthétique de la construction qui lui est propre, diminuant à son
essence même le chemin entre l’objectif initial et la forme construite. La légèreté rendue possible
par cette économie de la matière se double, pour certains éléments, d’un effet de mouvement, de
glissement, pouvant aller jusqu’à la disparition, dans un véritable bâtiment devenu machine.

Cet effet de légèreté s’accompagne de l’omniprésence de la lumière qui inonde l’édifice, selon la
volonté initiale des concepteurs : « quelle que soit la saison, l’éclairage et l’aération pourront être
obtenus. On aura en été, un marché aussi bien ventilé et aussi clair que le marché en plein air
actuel. On aura en hiver un marché clair, parfaitement abrité9 ». La lumière naturelle y pénètre ainsi
de manière diffuse toute la journée10. Cet éclairage maximal est rendu possible grâce aux larges
baies présentes sur les quatre façades, mais également à l’éclairage zénithal. La toiture est en effet
considérée comme une façade à part entière, élément mobile indissociable du dispositif d’ensemble
de la Maison du Peuple. Le comble est constitué de deux éléments à deux pans entièrement vitrés,
pour une surface d’ouverture d’environ 300 m2. Il roule horizontalement sur des rails, dont le
mouvement est assuré par un système de moteurs électrique. Le sous-plafond du toit mobile est
translucide, grâce à l’utilisation de feuilles de rhodoïd ondulées.

7 Jean-Louis Cohen, « Des bourses du travail au temps des loisirs. Les avatars de la sociabilité ouvrière », dans
Collectif, Architecture pour le peuple. Maisons du Peuple. Belgique, Allemagne, Autriche, France, Grande Bretagne,
Italie, Pays-Bas, Suisse, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1984, p. 159-183.
8 Jean-Louis Cohen, « Architectures du Front populaire », Le mouvement social, n°146, janvier-mars 1989, p 6.

9 Eugène Beaudouin et Marcel Lods, lettre à M. Pardies, secrétaire général de la mairie de Clichy, 24 octobre 1935.

Dossier de protection au titre des Monuments historiques, Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France.
10 Franz Graf, « La restauration de la Maison du Peuple à Clichy : un point de vue critique », dans Id., Histoire

matérielle du bâti et projet de sauvegarde, Lausanne, Presses Polytechniques et universitaires romanes, 2014 (1ère
parution en anglais en 2008), p. 353.
13
L’éclairage artificiel complète ce dispositif : des projecteurs groupés sur les poteaux périphériques
sont dirigés vers le haut pour assurer un éclairage général indirect, par réflexion sur le plafond.
Ainsi, la « lumière de la salle occupée et ses ombres mobiles s’affiche en écran lumineux dans les
rues environnantes la nuit 11». Cet équipement est conçu par André Salomon, membre de l’Union
des Artistes Modernes et pionnier français de l’éclairage moderne. Le prolongement par la lumière
artificielle de la lumière naturelle de la journée est un dispositif que l’on retrouve notamment dans la
Maison de verre de Pierre Chareau (1928-1931), même si ici, les grandes façades vitrées
supplantent les carreaux de verre. L’harmonie entre les différentes sources de lumières qui
composent l’édifice est ainsi capitale. Elle s’inscrit dans une réflexion plus large menée par les
architectes modernes, à l’image de Robert Mallet-Stevens, pour qui, « l’architecte doit trouver dans
l’éclairagiste un collaborateur dans le meilleur sens du mot12 ».

Constituant un ilot ouvert sur ses quatre côtés, la Maison du Peuple s’ouvre sur son environnement,
tout en s’insérant dans le tissu urbain discrètement. Il respecte ainsi le gabarit uniforme des
immeubles alentours de la ville de Clichy. Cette discrétion urbaine contraste avec le caractère de
signal qu’il constitue par son programme au cœur de la ville. Associé à la possibilité de tourner
autour, il rappelle ainsi la situation du Centre Pompidou, dont la Maison du Peuple est à bien des
égards une des prémisses.

Ill. 12. Vue sur la verrière permettant un éclairage maximal de l’espace intérieur, vers 1939.
Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé, D.R.

11 Franz Graf, « La restauration de la Maison du Peuple à Clichy : un point de vue critique », Op. Cit. , p. 353.
12 Robert Mallet-Stevens, « L’éclairage et l’architecture moderne », Lux, n°1, janvier 1928, p. 6-9.
14
4. Arguments justifiant le statut canonique (local, national, international) :

La réception positive de l’édifice peut se mesurer par l’importance des articles publiés dans des
revues de choix. Dès sa livraison en 1939, L’architecture d’aujourd’hui, L’Architecture française, La
construction moderne, ou encore Technique et architecture placent la Maison du Peuple comme un
bâtiment majeur, en soulignant son caractère novateur. Lors d’une visite effectuée à Clichy, le
célèbre architecte américain Frank Lloyd Wright avait lui-même été stupéfié par l’innovation de
l’édifice, admettant l’avance de la France sur les Etats-Unis13. Cette reconnaissance s’est poursuivie
et la Maison du Peuple est citée depuis 80 ans dans les publications françaises comme
internationales, par les plus grands historiens et critiques d’architecture, de Reyner Banham14 à
Jean-Louis Cohen. Dans le cadre de l’ouverture de la Cité de l’architecture et du patrimoine en
2007, elle fait partie de la sélection d’édifices emblématiques intégrés à la galerie d’architecture
moderne et contemporaine, et fait ainsi l’objet de la création d’une maquette au 1/33ème.

Mentionnée dans toutes les histoires de l’architecture française et dans les plus grandes histoires de
l’architecture mondiale, à l’image de L’architecture moderne, une histoire critique de Kenneth
Frampton15, faisant jusqu’à aujourd’hui l’objet d’études monographiques16 comme de travaux
universitaires17, la Maison du Peuple illustre de manière emblématique la production de Jean
Prouvé18, comme celle de Beaudouin et Lods19. En 1968, la revue The Architectural Review
considère ainsi que « ce bâtiment aurait dû être pour la construction industrialisée ce que la villa
Savoye fut pour la Mouvement moderne20 ». Aujourd’hui encore, elle constitue un jalon pour penser
les grandes évolutions de l’architecture. Professeur invité sur une des cinq Chaires internationales
du Collège de France, Jean-Louis Cohen s’appuie sur la Maison du peuple dans la leçon inaugurale
qu’il donne en 2014. Rappelant le « constructeur génial qu’était Jean Prouvé », il présente l’édifice
comme un « cas idéal-typique de synchronie entre modernité et modernisation »21.

Faisant figure de modèle pour la construction de théâtres et de salles de spectacles jusque dans
l’histoire de la scénographie, la Maison du Peuple a également inspiré de nombreux concepteurs et

13 Caroline Bauer (présenté par), « Entretien avec Jean Prouvé, Nancy, le 8 juin 1982, par Jean-Marie Helwig », Jean
Prouvé de l’atelier à l’enseignement, transmission d’une culture technique, Cahiers du LHAC, n°1, Nancy,
Laboratoire d’Histoire de l’architecture contemporaine, 2014, p. 62.
14 Reyner Banham, « The Thin, bent detail », Architectural Review, Avril 1962, p. 249-252.

15 Kenneth Frampton, Modern architecture, a critical history, Londres, Thames & Hudson, 1980. Mais aussi dans

William J.R. Curtis, Modern Architecture since 1900, Paris, Éditions Phaidon, 1982, p. 376-377 et dans Michel
Ragon, Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes, tome 2, pratiques et méthodes, 1911-1971,
Paris, Casterman, 1972, p. 103-105.
16 Béatrice Simonot, La maison du Peuple, Beaudouin, Lods, Prouvé, Bodiansky, un bijou mécanique, Monographik

Éditions, Pavillon Vendôme / Ville de Clichy-La-Garenne, 2010.


17 Ariela Katz, Maisons du Peuple: Modernity and Working Class Identity in French Architecture, 1919-1940, thèse en

histoire de l’architecture sous la direction de Jean-Louis Cohen, Institute of Fine Arts, New York University, 2014 ;
Leila Beloucif, diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture et patrimoine, Ecole nationale
supérieure d’architecture de Paris-Belleville, 2015.
18 La maison du peuple fait la couverture de Peter Sulzer, Jean Prouvé, Œuvre complète, Volume 2 : 1934-1944,

Birkhäuser, Bâle, Suisse, 2000.


19 Elle est l’une des trois réalisations exposées par la Cité de l’architecture et du Patrimoine dans l’exposition Marcel

Lods (1891-1978). Visions croisées sur l’homme et l’œuvre, exposition en ligne, https://expositions-
virtuelles.citedelarchitecture.fr/expo_marcel_lods/00-OUVERTURE.html
20 K.L.B., « Clichy market: a Pioneer Convertible Building », The architectural Review, vol. 143, n° 853, mars 1968, p.

233. Cité dans Jean-Louis Cohen, L’architecture au XXe siècle en France, Modernité et continuité, Paris, Hazan,
2014, p. 106.
21 Jean-Louis Cohen, Architecture, modernité, modernisation, leçon inaugurale, Collège de France, 21 mai 2014.

15
annonce les recherches effectuées après-guerre sur les équipements polyvalents22. Le programme
avec ses espaces transformables est particulièrement apprécié dans les années 1960-1970 par le
groupe Archigram. Le thème de la mobilité de l’espace est fédératif pour les six architectes
composant les membres actifs de ce collectif. Ils mettent en place une théorie radicale de la
conception architecturale que viennent appuyer les notions de réseau, de « ville vivante » (Living
City, 1964), d’organique et de mécanique, où les unités d’habitations mobiles peuvent être posées
selon les besoins de l’usager. Kenneth Frampton souligne quant à lui que la Maison du Peuple,
« extraordinairement élégante et efficace23 », occupe une place importante pour la production du
mouvement high-tech. Renzo Piano et Richard Rogers s’en inspireront en effet pour la réalisation du
Centre Georges Pompidou24.

5. Evaluation du bâtiment en tant qu'édifice de référence dans l'histoire de l'architecture, en relation avec
des édifices comparables :

Ce bâtiment au programme novateur dans l’utilisation remarquable et ingénieuse des techniques de


construction métallique légère, est le premier bâtiment multifonctionnel transformable25. Il est un
témoignage iconique de la mécanisation de l’environnement des années 1930, par son architecture
innovante, mais également sa technicité : le progrès technique – ici la mécanique et
l’électromécanique – est ici conçu comme un moyen d’affranchissement de l’homme26.

Œuvre d’architectes, d’ingénieurs et de constructeurs renommés, la Maison du Peuple de Clichy est


unanimement reconnue et occupe une place importante dans l’histoire de l’architecture mondiale.
Selon Jean-Louis Cohen, elle « peut être considérée comme un chef-d’œuvre27 ». En tant que tel,
l’Etat français en a reconnu la valeur en 1983 en lui conférant le plus haut degré de protection
patrimoniale : le titre de Monument historique.

L’histoire même de la protection de la Maison du Peuple constitue un jalon dans la politique


française de sauvegarde du patrimoine, dont l’histoire séculaire est internationalement reconnue.
Une demande de protection au titre des Monuments historiques est en effet présentée dès 1963,
mais la procédure n’est pas poursuivie en raison de la trop grande jeunesse de l’édifice. Le bâtiment
se dégrade et Jean Prouvé s’offusque, en personne, au début des années 1980 de son état
d’abandon. Il alerte à plusieurs reprises la mairie de Clichy sur les dangers qui pèsent sur ce
« bâtiment exemplaire28 », mais sans succès.

22 Claude Loupiac, Christine Mengin, L’architecture moderne en France, 1889-1940, Paris, Éditions Picard, 1997,
p.179.
23 Kenneth Frampton, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, Thames & Hudson, 2006 (1ère édition en

langue anglaise en 1980), p. 223.


24 Bruno Reichlin, « Maison du peuple at Clichy, a masterpiece of “synthetic” functionalism? », Daidalos, n°18,

décembre 1985, p. 88-99.


25 Bruno Reichlin, « Maison du Peuple at Clichy : a Masterpiece of « Synthetic » Functionalism ? », Daidalos, n°18,

1985, p. 88-99.
26 Catherine Dumont d’Ayot, Franz Graf, « Espace-temps : l’oubli d’une fonction. La Maison du peuple de Lods,

Beaudouin, Bodiansky et Prouvé à Clichy », Faces, La sauvegarde du moderne, n°42/43, automne-hiver 1997-98, p.
56.
27 Jean-Louis Cohen, L’architecture au XXe siècle en France, Modernité et continuité, Paris, Hazan, 2014, p. 106.

28Lettre de Jean Prouvé, Paris, 7 octobre 1982. Dossier de protection au titre des Monuments historiques, Direction
régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France.
16
Dans leur fiche du 11 juin 1980 consacrée au recensement des Monuments anciens de la France, le
directeur régional des affaires cultures d’Ile-de-France, Jean-Claude Menou, et l’inspecteur général
des Monuments historiques, Yves-Marie Froidevaux, émettent un avis favorable à l’inscription au
titre des Monuments historiques de la Maison du peuple. Mais la commission supérieure ne se
prononce que sur les édifices dont les architectes sont décédés ; Eugène Beaudouin étant encore
vivant, la demande formulée n’est ainsi pas examinée par la séance du 25 mai 1981. Pourtant,
d’autres édifices ont déjà été inscrits du vivant de leurs architectes : la Cité radieuse de Marseille
réalisée par Le Corbusier, en 1964, et même l’école de plein air de Suresnes par les mêmes
architectes Beaudouin et Lods dès 1965.

Nommé ministre de la Culture en mai 1981, Jack Lang est sollicité sur cette affaire dès les premiers
mois de son mandat ; pour lui, la Maison du Peuple doit « être à tout prix sauvegardée29 ». En raison
d’importants travaux prévus par la municipalité socialiste de Gaston Roche, qui « risquent de porter
atteinte à l’intérêt incontestable de cet édifice », la Maison du Peuple est à nouveau soumise à
l’examen de la commission, qui propose en 1982, « à titre exceptionnel, une inscription à l’Inventaire
Supplémentaire des Monuments historiques »30.

C’est finalement sous le mandat de Jacques Delors, élu maire de Clichy en mars 1983, mais
également ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, sous la présidence de François
Mitterrand, que la protection est décidée. Par arrêté du 30 décembre 1983, la maison du Peuple est
ainsi classée comme Monument historique en totalité, soit le plus haut degré de protection étatique
pour un édifice. La Maison du Peuple constitue ainsi l’un des premiers bâtiments classés sous le
mandat de Jack Lang, qui inaugure le renouveau de la politique du patrimoine du XXe siècle.

Ill. 13. Vue sur la toiture depuis la rue Klock, 2018. Olivier Nouyrit, D.R.

29 Note manuscrite de Jack Lang à Florence Colin Goguel, sans date. Dossier de protection au titre des Monuments
historiques, Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France.
30 Avis d’Yves Boiret, inspecteur général des monuments historiques, Paris, 30 novembre 1982. Dossier de

protection au titre des Monuments historiques, Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France.
17
6. PHOTOGRAPHIES ET ARCHIVES VISUELLES
Liste des documents assemblés dans le dossier
1. Archives visuelles originales :

Ill. 4. Vue de l’animation du quartier, depuis le boulevard du général Leclerc, vers 1939. Centre
Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé.
Ill. 5. Coupe transversale, 1939. « Le marché couvert de Clichy », La Technique des travaux, n°4,
octobre 1939, p. 52.
Ill. 6. Plans du rez-de-chaussée et des trois configurations différentes de l’étage, 1939. « La maison
du Peuple à Clichy », L’Ossature métallique, n°6, juin 1939.
Ill. 7. Jean Prouvé soudant des éléments à l’intérieur de la Maison du Peuple, 1938. Centre
Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé.
Ill. 8. Axonométries montrant d’une part, la disposition pour le marché avec les galeries latérales au
niveau supérieur, et d’autre part celle pour la salle de cinéma ou de conférences. « La maison du
Peuple à Clichy », L’Ossature métallique, n°6, juin 1939.
Ill. 10. Vues des panneaux de façades (1939) et de leur montage (vers 1938). Centre Pompidou,
Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé.
Ill. 11. Comble roulant ouvert, 1939. Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds
Jean Prouvé.
Ill. 12. Vue sur la verrière permettant un éclairage maximal de l’espace intérieur, vers 1939. Centre
Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Jean Prouvé.
2. Photographies et dessins récents :

Ill.1. Vue sur la façade principale, rue du Général Leclerc, 2018. Olivier Nouyrit
Ill. 2. Vue à l’angle des rues Martissot et Morillon, 2018. Olivier Nouyrit
Ill. 3. Maquette au 1/33ème présentée au sein de la galerie d’architecture moderne et contemporaine
de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Sylvain Le Stum, 2002-2004.
Ill. 9. Schémas de principe des éléments mobiles. Sylvain Le Stum, 2001-2004.
Ill. 13. Vue sur la toiture depuis la rue Klock, 2018. Olivier Nouyrit

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Date : avril 2018
Rapporteur : Caroline Bauer et Marjorie Occelli, avec la collaboration de Bernard Toulier

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