CHAPITRE 12
Item 190
LUPUS RYTHMATEUX DISSMIN
UE7. Inammation - Immunopathologie
N 190. Lupus rythmateux dissmin. Syndrome des anti-phospholipides
OBJECTIFS
Diagnostiquer un lupus rythmateux dissmin et un syndrome des anti-phospholipides
Dcrire les principes du traitement et de la prise en charge au long cours.
En ce qui concerne le rein :
savoir diagnostiquer une nphropathie lupique ;
analyser et hirarchiser les manifestations devant faire voquer la nphropathie lupique,
argumenter les procdures diagnostiques (biopsie rnale) ;
connatre les signes de gravit cliniques et histologiques de la nphropathie lupique et le pronostic ;
argumenter les principes du traitement et de la surveillance au long cours dune nphropathie
lupique.
Lupus signie loup en latin.
Lruption cutane du visage rappelle les masques de loup ports lors du carnaval de Venise.
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UE7.
Inammation - Immunopathologie
I.
MCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES
Le LED est une maladie systmique auto-immune :
systmique car latteinte peut toucher plusieurs organes ;
auto-immune car cette maladie est secondaire une activation du systme
immunitaire contre les antignes du soi.
Le LED saccompagne dune hyperactivit lymphocytaire T et B conduisant la
production dauto-anticorps dirigs contre de nombreux auto-antignes qui peuvent
tre des molcules intracellulaires, membranaires ou des protines plasmatiques (les
anticorps anti-ADN double brin sont impliqus dans latteinte rnale). La liaison
des auto-anticorps aux antignes cibles forme des complexes immuns circulants et
tissulaires. Ces complexes immuns activent le systme immunitaire avec notamment
la voie classique du complment, les cellules leucocytaires (monocyte/macrophage,
polynuclaire, cellules NK). Ces processus inammatoires sont responsables des
lsions tissulaires.
De nombreux facteurs gntiques, hormonaux et environnementaux contribuent au
dclenchement et lentretien de la maladie.
A.
Facteurs gntiques
Le risque de dvelopper un lupus pour la fratrie dun malade est de lordre de 4-6 %.
Le risque de dvelopper un lupus chez un jumeau monozygote dun malade lupique
est de 30-50 %.
Le lupus systmique nest pas monognique. Plusieurs gnes ou loci ont t impliqus. Par exemple, le dcit gntique en composs prcoces de la voie classique du
complment (C1q, C2, C3, ou C4) augmente le risque de dvelopper une maladie
lupique (pourrait tre responsable dun dfaut dlimination des complexes immuns).
B.
Facteurs hormonaux
En tmoignent : la prvalence fminine, le rle dclenchant de la grossesse ou des
traitements inducteur de lovulation et de la pilule stroprogestative.
C.
Facteurs environnementaux
Rle dclenchant de certains mdicaments, des rayons ultraviolets.
II. DONNES PIDMIOLOGIQUES
Le LED est une des connectivites les plus frquentes mais demeure une maladie rare :
incidence du lupus 4 pour 100 000/an ;
prvalence du lupus 40 pour 100 000 ;
incidence de latteinte rnale 0,4 pour 100 000/an ;
prvalence de latteinte rnale 4 pour 100 000.
Le LED survient 9 fois sur 10 chez la femme. Il dbute gnralement chez la femme en
priode dactivit ovarienne (frquence maximum entre 10 et 40 ans). La prvalence
est plus leve chez les sujets non caucasiens (noirs et asiatiques).
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III. DIAGNOSTIC DU LUPUS SYSTMIQUE
Le diagnostic repose sur un faisceau darguments clinico-biologiques. Les manifestations cliniques et biologiques ont permis dtablir des critres conus pour la
classication des patients. Nanmoins ces critres sont actuellement souvent utiliss
pour le diagnostic. La prsence dau moins 4 critres parmi les 11 critres proposs
par lARA (Association des rhumatologues amricains) permet le diagnostic de LED
avec une sensibilit et une spcicit de 96 %.
1. ruption malaire en aile de papillon.
2. ruption de lupus discode.
3. Photosensibilit.
4. Ulcration buccales ou nasopharynges.
5. Polyarthrite non rosive.
6. Pleursie ou pricardite.
7. Atteinte rnale : protinurie > 0,5/j ou cylindre dhmaties ou de leucocytes.
8. Atteinte neurologique : convulsion ou psychose.
9. Atteinte hmatologique :
anmie hmolytique,
ou leucopnie < 4 000/mm3 2 reprises,
ou lymphopnie < 1 500/mm3 2 reprises,
ou thrombopnie < 100 000/mm3.
10. Auto-anticorps :
anti-DNA,
ou anti-Sm,
ou anticoagulant circulant de type lupique ou anticorps anti-cardiolipine
ou fausse srologie syphilitique (VDRL + et TPHA-).
11. Prsence de FAN (sans mdicament inducteur).
IV. MANIFESTATIONS VISCRALES
La symptomatologie est trs varie. Le LED est une maladie chronique qui volue
par pousses de gravit variable. Chaque atteinte viscrale peut inaugurer la maladie,
ou apparatre au cours de lvolution. Latteinte peut tre monosymptomatique,
ou au contraire polyviscrale. La prsentation la plus classique associe des signes
gnraux, une atteinte cutane et articulaire, des anomalies hmatologiques et la
prsence dauto-anticorps :
signes gnraux (75-100 % des patients) : vre, anorexie-amaigrissement, asthnie ;
manifestations cutanes : elles sont prsentes dans 50-80 % des cas. Elles inaugurent laection une fois sur quatre.
On distingue les lsions cutanes du lupus rythmateux dissmin (ou lupus systmique)
des lsions du lupus cutan chronique (= lupus discode) qui est une maladie essentiellement
dermatologique.
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A.
Les lsions cutanes du lupus rythmateux dissmin
ruption rythmateuse ou maculo-papuleuse, nement squameuse, non prurigineuse, prdominant sur les zones exposes (visage, dcollet, membres). Lruption
malaire en vespertilio (chauve-souris) ou en ailes de papillon est la manifestation
cutane la plus vocatrice du LED (gure 1).
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Figure 1. Lruption malaire en vespertilio (chauve-souris)
ou en ailes de papillon.
Une alopcie di use plus ou moins marque avec cheveux ns et fragiles est frquente.
Ulcrations buccales, gnitales.
Signes de vascularite ou de thrombose (SAPL) : purpura, ncrose distale des extrmits, livdo, ulcre
Limmunouorescence directe permet de mettre en vidence des dpts dIgG et de
complment la jonction dermo-pidermique dans 50-100 % des cas lorsque la biopsie est
ralise en peau malade, et dans 50 % des cas en peau saine non expose. En peau saine,
cet examen est trs discriminatif et peut-tre un outil du diagnostic
B.
Les lsions cutanes du lupus discode
Lupus discode : rythme circonscrit avec un aspect papulo-squameux en priphrie et dont
le centre subit une volution atrophique (gure 2). Ces lsions, uniques ou multiples, bien
limites, sigent surtout au visage. Le lupus discode du cuir chevelu peut tre responsable
dune alopcie cicatricielle (en plaque). Lvolution est chronique, bnigne, marque de
pousses souvent lies lexposition solaire. Le passage au lupus systmique est rare.
Figure 2. Lupus discode.
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C.
Manifestations articulaires
Elles sont retrouves dans 90-100 % des cas.
Il peut sagir de simples arthralgies (25 %) ou darthrites vraies (71 %) :
polyarthrite ou oligoarthrite souvent bilatrale et symtrique avec par ordre de
frquence : main (interphalagienne proximale > mtacarpo-phalangienne, (Interphalagienne distale possible) > poignet > genoux > chevilles > coudes > paules ;
les dformations sont rares ; elles sont dues des luxations (et non une destruction) qui peuvent simuler celles de la polyarthrite rhumatode (mains de Jaccoud) ;
les radiographies ne montrent pas de destructions articulaires.
Tnosynovites et ruptures tendineuses.
Ostoncroses aseptiques.
Myosite/myalgies.
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D.
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Manifestations rnales
La frquence de latteinte rnale est estime 10 20 % en France (variabilit gographique
avec plus de 50 % en Asie ou en Amrique Centrale).
1. Clinique
Latteinte rnale est le plus souvent asymptomatique et doit tre systmatiquement
recherche par une bandelette urinaire ou valuation du rapport Protinurie/cratininurie sur chantillon durine tous les 3 6 mois au cours du suivi dune maladie
lupique.
Dans 50 % des cas, latteinte rnale apparat au cours de la premire anne de la
maladie. Parfois, elle est inaugurale (il faut rechercher systmatiquement une maladie
lupique lorsquun syndrome glomrulaire est dcouvert chez une femme en priode
dactivit ovarienne +++).
La frquence de latteinte rnale est accrue au cours de lupus prsentant des signes
dactivit immunologique (taux danticorps anti-ADN levs, hypocomplmentmie
de consommation).
Le tableau comporte une protinurie glomrulaire (parfois minime : signicative
ds 0,5 g/g de cratininurie ou 0,5 g/j) plus ou moins une hmaturie microscopique.
Dans 50 % des cas, la glomrulopathie lupique est rvle par un syndrome nphrotique presque toujours impur (hmaturie et/ou HTA et/ou insu sance rnale).
Lhmaturie microscopique est inconstante.
Une insu sance rnale rapidement progressive peut parfois survenir voire un
syndrome de glomrulonphrite rapidement progressive.
2. Indication de la ponction biopsie rnale
Au cours dune maladie lupique, la prsence :
dune protinurie isole 0,5 g/j (ou 0,5 g/g de cratinurie) ;
dune hmaturie microscopique associe une protinurie ;
dun syndrome nphrotique ;
dune insusance rnale ;
doit faire raliser une ponction biopsie rnale (PBR). La PBR permettra didentier
lune des 6 varits de GN lupique. Chaque varit de GN lupique a un pronostic et
un traitement dirent.
3. Nphropathies lupiques
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Glomrulonphrites lupiques (tableau 1 et gures 3 et 4)
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Tableau 1 : Classication des GN lupiques daprs lINS/RPS (Internal Society of Nephrology/Renal
Pathology Society) 2003
Classe
Description
Rein normal en MO
dpts immuns
dans le msangium en IF
II
GN msangiale
dpts immuns
dans le msangium
Hypercellularit msangiale
III
IV
VI
GN prolifrative focale
Focale = < 50 %
des glomrules atteints
Lsions actives (A) :
Prolifration endocapillaire
prolifration extracapillaire
dpts immuns
dans le msangium
ET capillaires
sous-endothliaux
thrombi intracapillaire
ou chronique (C)
GN prolifrative diffuse
Diffuse > 50 %
des glomrules atteints
Atteinte segmentaire (S)
ou globale (G)
Lsions actives (A) :
Prolifration endocapillaire
prolifration extracapillaire
dpts immuns
dans le msangium
ET capillaires
sous-endothliaux
thrombi intracapillaire
ou chronique (C)
GN extramembraneuse
(peu ou pas de prolifration
endocapillaire)
GN sclrosante
stade cicatriciel
dune classe III ou IV
> 90 % des glomrules
sclross
Clinique
Pronostic
Traitement
excellent
abstention
excellent
abstention
O
15 %
hmaturie
protinurie
25 %
hmaturie
correct
protinurie
20 %
voluent
en classe IV
SN
IR
Si activit (A) :
Induction
avec
Strodes
+ cyclophosphamide
(Endoxan) i.v.
ou MMF (Cellcept) po
puis entretien avec
50 %
10 %
hmaturie
Rserv
Strodes (faible dose)
protinurie
+ MMF ou Azathioprine
IR
(survie
rnale
= 70 %
5 ans)
hmaturie
Bon en
labsence
de SN
SN frquent
protinurie
SN trs
frquent
IRC
Mais 20 %
de risque
dinsufsance
rnale
10 ans si SN
persistant
IR terminale
+ hydroxychloroquine
Si SN :
Strodes
+ Cyclophosphamide i.v.
ou Azathioprine po
ou MMF po
ou Ciclosporine
Prparation
la dialyse
et la transplantation
SN = syndrome nphrotique, GN = glomrulonphrite, IR = insufsance rnale
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Prolifration endocapillaire : prolifration des cellules
rsidentes rnales et inltration leucocytaire dans les
capillaires glomrulaires
Prolifration extracapillaire : prolifration des cellules
pithliales dans la chambre urinaire (croissants).
Latteinte peut tre segmentaire (S ; une partie du glomrule),
globale (G ; lensemble du glomrule), focale (< 50 %
des glomrules) ou diffuse (> 50 % des glomrules).
Dpts abondants dont la localisation intra-glomrulaire
peut tre :
msangiale (toujours) ;
sous-endothliale (en dedans de la membrane basale
glomrulaire, entre la membrane basale glomrulaire
et les cellules endothliales) ;
intracapillaire (thrombi-intracapillaires) ;
extramembraneux (en dehors de la membrane
basale glomrulaire).
Ces dpts sont des complexes immuns contenant de
lIgG+++, IgM, IgA, C3, C4, et C1q. Ils sont identis
par limmunouorescence (Figure 4).
157
GLOSSAIRE
1. Aspect en wire-loops : lorsque les dpts endomembraneux sont abondants, ils paississent la
paroi capillaire, donnant un aspect danses de l de
fer (wire-loops en anglais).
2. Les corps hmatoxyliques de Gross : rarement trouvs
et seulement dans les cas orides, cest la seule lsion
pathognomonique du lupus. Ce sont des dbris
nuclaires dans les zones de prolifration.
3. Dpts endomembraneux : dpts situs en dedans de
la membrane basale glomrulaire. Ils comprennent les
dpts sous-endothliaux, msangiaux et intracapillaires.
4. Lsions actives (A) : prolifration endo-capillaire,
croissant cellulaire, corps hmatoxyliques de Gross,
ncrose brinode, dpts sous-endothliaux (+/aspect
en wire-loops, thrombi intra-capillaires.
5. Lsion chronique (C) : croissant breux, glomrulosclrose
= cicatrice des lsions actives.
Prolifration endocapillaire segmentaire
Ncrose fibrinode
Figure 3. Glomrulonphrite lupique stade III (A)
Figure 4. Immunouorescence montrant des dpts dIgG
endomembraneux (msangiaux et paritaux) dans le cas A
et des dpts dIgG extramembraneux dans le cas B.
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4. Traitement de latteinte rnale (cf. tableau 1)
5. Pronostic
Critres de mauvais pronostic rnal :
dbut avant 15 ans ;
sujet noir ;
classe IV ;
lsions chroniques lhistologie ;
insusance rnale initiale ;
non-rponse au traitement : persistance des signes de nphropathie (persistance
de la protinurie) ;
rechute rnale.
20-25 % des nphropathies lupiques voluent vers linsusance rnale terminale.
La maladie steint le plus souvent aprs le dbut de lpuration extrarnale. Elle
rcidive rarement sur le greon rnal (< 5 %).
E.
Manifestations neuropsychiatriques : 25-75 % des patients
Crise convulsive motrice gnralise.
Dcits moteurs centraux (hmiplgie, monoplgie), mylite transverse.
Atteinte des nerfs crniens.
Neuropathies priphriques, plus rares : Mono/multinvrite, polynvrite, syndrome
de Guillain-Barr.
Mningite aseptique.
Troubles psychotiques et autres manifestations psychiatriques (syndrome dpressif,
anxit).
Le diagnostic est clinique le plus souvent. La PL montre des anomalies dans un tiers
des cas (hyperprotinorachie, prsence de lymphocytes ou polynuclaires en nombre
modr, parfois hypoglycorachie sans infection). Les lsions de vascularite crbrale
peuvent tre mises en vidence par lIRM.
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F.
Manifestations cardiovasculaires
Pricardite (20-40 %), trs corticosensible.
Myocardite : trouble du rythme, trouble de la conduction, insusance cardiaque.
Le plus souvent, elle est sans traduction clinique.
Endocardite : endocardite dite de Liebmann et Sacks. Trs souvent associe la
prsence danticorps anti-phospholipides (APL). Elle peut se traduire par un soue
vasculaire. Elle peut se compliquer dune gree oslrienne.
HTA, surtout en cas datteinte rnale ou de syndrome des APL.
Syndrome de Raynaud (20-30 % des cas).
Phlbo-thromboses, trs souvent associes la prsence dAPL.
Athrosclrose acclre favorise par la corticothrapie, le syndrome inammatoire,
voire les anticorps anti-phospholipides. Survient aprs plusieurs annes dvolution
de la maladie. Linsusance coronarienne est au premier plan.
G.
Manifestations respiratoires
Pleursie (25-50 %) : exsudative et lymphocytaire ; trs corticosensible, doit faire
liminer une origine infectieuse ou une embolie pulmonaire.
Pneumonie lupique non infectieuse (trs rare).
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Hmorragie intra-alvolaire.
HTA pulmonaire.
Embolie pulmonaire en cas de SAPL.
H.
Manifestations digestives
Ascite, pancratite, perforation intestinale par vascularite msentrique, cholcystite
acalculeuse.
I.
Manifestations hmatologiques
Organomgalie : adnopathies (20-60 %), splnomgalie (10-20 %).
Anmie :
inammatoire le plus souvent ;
hmolytique avec Coombs positif (rare) ;
microangiopathie thrombotique (trs rare) ;
rythroblastopnie.
Leucopnie (20-80 %) ; Le plus souvent il sagit dune lymphopnie (secondaire la
prsence danticorps lymphocytotoxiques).
Thrombopnie :
aigu, priphrique :
auto-immune avec test de Dixon positif,
microangiopathie thrombotique (trs rare) ;
chronique au cours du SAPL.
Syndrome dactivation macrophagique.
J.
Grossesse
Le risque davortement spontan, de mort ftale, daccouchement prmatur et de
pr-clampsie est augment chez les malades lupiques.
Le risque de pousse de la maladie est augment lors du dernier trimestre et du postpartum, surtout si la grossesse survient alors que le lupus nest pas stabilis. En cas de
lupus non stabilis, il faut recommander une contraception ecace. Les strognes
sont contre-indiqus car ils risquent de dclencher une pousse de la maladie. La
contraception fait donc appel en priorit aux progestatifs de synthse. Les grossesses
doivent tre programmes et faire lobjet dun suivi troit (grossesse risque) et
multidisciplinaire (suivi spcique). Elles ncessitent ladaptation du traitement
avec des mdicaments compatibles (strodes, azathioprine (Imurel), ciclosporine
et hydroxychloroquine sont compatibles), larrt des mdicaments incompatibles
(cyclophosphamide, MMF (Cellcept), IEC) et ladjonction de traitement (aspirine
faible dose voire anticoagulant).
Le risque de BAV chez le nouveau-n est augment en cas de prsence dauto-anticorps
anti-SSA chez la mre.
Le risque daccident obsttrical augmente avec la prsence danticoprs anti-phopholipides et est lev en cas de syndrome des anti-phospholipides.
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V. BIOLOGIE
A.
Syndrome inammatoire
Au cours des pousses de la maladie, il existe presque toujours un syndrome inammatoire avec augmentation de la VS et anmie inammatoire.
La CRP slve peu. Son augmentation doit faire rechercher une complication infectieuse.
Llectrophorse peut montrer une hypoalbuminmie, une hypera2 et une hypergammaglobulinmie.
B.
Auto-anticorps
Les anticorps anti-noyaux (FAN = facteur anti-nuclaire) : ils sont dtects par immunouorescence indirecte sur des coupes de foie de rat ou sur des cellules tumorales
humaine en culture (gure 5). La uorescence peut tre homogne, priphrique ou
mouchete. Leur prsence titre lev (> 1/160e) est constante mais peu spcique.
En eet, ces anticorps sont retrouvs dans de nombreuses autres pathologies immunitaires. Ils ont une valeur diagnostique mais sont de peu dintrt au cours du suivi
(titre non corrl aux pousses).
Certains anticorps sont spciques du lupus (anti-ADN et anti-Sm).
La prsence danticorps anti-DNA natif (ADN double brin ou bicatnaire) est
moins frquente (60-85 %) mais trs spcique du LED. Ils se recherchent par le test
radioimmunologique de FARR, limmunouorescence sur Crithidia luciliae, ou en
test ELISA. Leur titre slve avec lactivit du lupus et ils constituent un outil de
suivi, et en particulier de latteinte rnale.
Les anticorps anti-Sm sont peu frquents (20 %) mais trs spciques.
De nombreux autres anticorps non spciques du lupus peuvent tre rencontrs :
anticorps anti-antigne nuclaires solubles (anti-SSA, anti-SSB, anti-RNP),
anticoagulant circulant, anti-plaquettes, anti-Ig (Facteur rhumatode), cryoglobulinmie,
etc.
4
3
2
1
Figure 5. Dtection danticorps anti-nuclaire
parimmunouorescence indirecte sur une culture de cellule Hep-2.
C.
Complment
Les pousses lupiques sont trs souvent associes une activation de la voie classique du
complment : chute du CH50, et des fractions C3 et C4. Leur dosage est donc un outil
de suivi. (Une diminution isole en C4 peut toutefois tre le seul tmoin dun dcit
constitutionnel en C4).
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VI. FORMES CLINIQUES PARTICULIRES
A.
Lupus induits (ou lupus mdicamenteux)
Ladministration prolonge de certains mdicaments peut induire un lupus (isoniazide,
minocycline, phnothiazines, -bloquant, quinine, phnytone, propylthiouracile,
anti-TNF, interferon ).
La symptomatologie peut associer manifestations gnrales, atteintes rhumatologiques,
atteintes cutanes, et atteintes pricardiques ou pleuro-pulmonaires.
Les atteintes rnales et neurologiques sont exceptionnelles.
B.
Formes associes
Le LED peut tre associ :
un syndrome de Gougerot-Sjgren ;
une cryoglobulinmie ;
un syndrome de Sharp ;
une connectivite mixte associant lupus-polymyosite ou lupus-sclrodermie.
VII. VOLUTION
Le LED est une maladie chronique qui volue par pousses de gravit variables.
Entre les pousses, les phases de rmission sont plus ou moins longues.
La maladie est plus svre en cas :
de dbut pdiatrique ;
chez les sujets noirs ;
chez les hommes.
Lactivit de la maladie sattnue aprs la mnopause.
Sans traitement, le lupus systmique met en jeu le pronostic vital. Historiquement
les glomrulonphrites prolifratives avec activit (classe IVA daujourdhui) taient
associes une mortalit > 90 % deux ans aprs leur diagnostic.
Le taux de survie 5 ans est suprieur 90 %. Le taux de survie 20 ans est de 80 %.
Les causes de mortalit prcoce sont :
pousse lupique incontrle ;
thrombose (SAPL) ;
infection (complication du traitement).
La principale cause de mortalit long terme est cardiovasculaire (infarctus et accident crbral vasculaire). Lathrosclrose acclre est en partie lie lutilisation
des corticodes. Viennent ensuite les cancers et les infections.
Les causes de morbidit long terme sont :
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une nouvelle pousse de la maladie ;
une squelle dune pousse (insusance rnale chronique, hmiplgie) ;
maladies cardiovasculaires (AVC, angor) ;
atteintes osseuses (ostoporose, fracture, ostoncrose aseptique) ;
susceptibilit aux infections ;
trouble de la mmoire ;
noplasie (pas de lien direct avec le lupus).
Les traitements utiliss pour prvenir la morbidit et la mortalit court terme
participent la morbidit et mortalit long terme.
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VIII. TRAITEMENT
Le traitement doit tre adapt la forme clinique et la svrit de la maladie. Il doit
tre ecace et le moins toxique possible. Les formes viscrales graves doivent tre
traites rapidement et ecacement de faon limiter les squelles. Tout traitement
immunosuppresseur excessif devra tre vit.
A.
Traitement de fond et traitement
des formes mineures cutano-articulaires
Il repose les anti-malariques de synthse ; hydroxychloroquine (PLAQUENIL) qui
ncessite une surveillance ophtalmologique. Latteinte articulaire est accessible aux
AINS.
En cas de rsistance de latteinte articulaire au traitement AINS-hydroxychloroquine,
une corticothrapie complmentaire faible dose est associe.
En cas de rsistance de latteinte cutane au traitement par hydroxychloroquine, un
traitement dermatologique spcique tel que la thalidomide est associ.
Hydroxychloroquine et corticothrapie faible posologie constituent le traitement
de fond pour contrler et prvenir les rechutes de ces formes ainsi que celle des
formes plus svres.
B.
Le traitement des formes viscrales
Il comprend deux tapes :
Un traitement dinduction qui doit tre susamment ecace pour contrler une
pousse aigu et viter ses squelles.
Ce traitement comprend en gnral des corticodes per os forte dose (prednisone
CORTANCYL 0,5 1 mg/kg/j) et parfois des perfusions intraveineuses de
methylprednisolone (15 mg/kg).
Dans les formes viscrales graves (par exemple les glomrulonphrites classe III IV
avec activit, certaines atteintes neurologiques) un immunosuppresseur est associ
aux corticodes : cyclophosphamide (ENDOXAN) par voie IV discontinue ou
mycophnolate moftil (CELLCEPT) per os.
Le traitement dinduction dure quelques mois (3 6 mois) au cours desquels la
posologie de corticode est progressivement diminue.
Un traitement dentretien qui fait suite au traitement dinduction.
Son but est de prvenir les rechutes.
Il associe 1) une corticothrapie faible dose, 2) de lhydroxychloroquine (PLAQUENIL)
et 3) un immunosuppresseur (en cas dutilisation dun immunosuppresseur pendant
la phase dinduction) type azathioprine (IMUREL) ou mycophnolate moftil
(CELLCEPT). Le traitement dentretien est poursuivi plusieurs annes.
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C.
Les traitements et mesures associs
Photoprotection +++.
Prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire (HTA, dyslipidmie, tabac).
Prvention des complications de limmunodpression (vaccination contre le pneumocoque, contre la grippe, traitement des foyers infectieux).
Prvention des complications de la corticothrapie (rgime dsod et sans sucre
rapide, vitamine D + calcium biphosphonate).
Contraception sans strogne : progestatifs (actate de chlomadinone LUTERAN)
en priode de pousse ou en cas dutilisation de mdicament tratogne (thalidomide,
mycophnolate moftil, IEC, ARAII).
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Chapitre 12 Item 190
Programmation et encadrement des grossesses.
Soutien psychologique.
Dclaration ALD.
ducation thrapeutique.
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IX. SURVEILLANCE
La surveillance est clinique et biologique, systmatique, vie, en milieu spcialis.
Une rascension du titre de certains auto-anticorps (anti-DNA) et une diminution du
complment en priode de rmission doivent faire craindre une rechute, et doivent
inciter rapprocher la surveillance clinique.
X. SYNDROME DES ANTI-PHOSPHOLIPIDES (SAPL)
Le SAPL est une thrombophilie dont la physiopathologie est encore mal comprise.
Les anticorps anti-phospholipides contribuent directement et indirectement une
hypercoagulabilit chez certains patients.
Le lupus est parfois associ un SAPL, chez 10 15 % des patients, linverse, le SAPL
peut tre associ au LED ou une autre connectivite, ou tre isol (SAPL primaire).
Lorsquassocies, les deux maladies sont indpendantes.
Le SAPL est dni par lassociation de :
thromboses artrielles ou veineuses et/ou dvnements obsttricaux (avortements
rptition, mort ftale, clampsie) ;
et des anticorps antiphospholipide de type anticoagulant circulant lupique ou
anticardiolipine, ou anti-2GPI, retrouvs plusieurs recherches successives.
Le SAPL peut donner de nombreuses autres manifestations, en particulier cutanes
(livedo) ou cardiaques (valvulopathies surtout mitrales).
Les lsions rnales associes au SAPL peuvent tre :
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une nphropathie vasculaire aigu proximale : des thromboses des artres ou
des veines rnales ;
une nphropathie vasculaire distale aigu de type microangiopathie thrombotique
qui peut sintgrer un syndrome catastrophique des anti-phospholipides et/
ou une nphropathie vasculaire chronique.
Le traitement de SAPL consiste en :
un traitement symptomatique de ses complications (traitement anti-hypertenseur
en cas dHTA secondaire une atteinte rnale, traitement local des manifestations cutanes) et ;
un traitement assurant la prophylaxie secondaire des nouvelles manifestations :
traitement anticoagulant vie pour prvenir les nouveaux accidents thrombotiques
et programmation et prise en charge spcialise des grossesses.
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Fiche ash
q
Le LED est une maladie systmique auto-immune.
Le LED est la plus frquente des connectivite frquente (prvalence = 40/100 000).
Le LED survient 9 fois sur 10 chez une femme en priode dactivit ovarienne.
A. Manifestations cliniques
q
Multisystmiques. Signes gnraux (vre, asthnie, amaigrissement) quasi constants.
Atteintes
Frquence
Manifestations cliniques
Cutanes
50-80 %
Articulaires
90-100 %
Rnales
10-20 %.
Particularits
ruption rythmateuse visage
Alopcie
Ulcrations buccales, gnitales
distinguer du Lupus
discode (localis et isol)
Polyarthrite ou oligoarthrite :
main > poignet > genoux
> chevilles > coudes > paules
Tnosynovites
Ostoncroses
Traitement par antipaludens,
AINS
CS (I S) si associes
formes svres (atteintes
rnales, neurologiques,
vascularites)
Protinurie, hmaturie,
syndrome nphrotique,
insufsance rnale rapidement
progressive
Neuropsychiatriques
25-75 %
Cardiovasculaires
20-40 %
Pulmonaires
25-50 %
Digestives
rares
Hmatologiques
20-60 %
6 classes histologiques
Classe III et IV =
nphropathies lupiques
prolifratives Classe V
= GEM
Traitement par CS +IS
dans les classes III, IV
avec activit et V avec SN
Crise convulsive
Dcit moteur central
Neuropathies priphriques
Troubles psychotiques
Vascularite crbrale mise en
vidence par lIRM (indication
de traitement par CS, IS +/
changes plasmatiques)
Pricardite
Myocardite
Endocardite de Liebmann et Sacks
Syndrome de Raynaud
Phlbo-thromboses
Rponse aux CS
Pleursie
Hmorragie intra-alvolaire
HTAp
Perforation intestinale (vascularite)
Pancratite
Adnopathies-splnomgalie
Anmie (hmolytique
avec Coombs +)
Leucopnie
Thrombopnie (auto-immune
ou associe MAT)
Syndrome dactivation
macrophagique
CS = corticostrodes ; IS = immunosuppresseurs.
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B. Signes biologiques
q
Syndrome inammatoire :
pousses de la maladie : augmentation de la VS et anmie inammatoire ;
la CRP slve peu (si oui rechercher infection associe).
Auto-anticorps :
FAN = facteur anti-nuclaire : titre lev (> 1/160) constant mais peu spcique, intrt pour le
diagnostic ;
Ac anti-DNA natif : moins frquent (60-85 %) mais trs spcique, indicateur de lactivit du lupus.
Recherche par : RIA (FARR), IF (Crithidia luciliae), ou ELISA ;
anticorps anti-Sm peu frquents (20 %) mais trs spciques ;
autres anti-anticorps : anti-SSA, anti-SSB, anti-RNP, anticoagulant circulant, anti-plaquettes, facteur
rhumatode, cryoglobulinmie.
Complment :
activation de la voie classique : chute de CH50, C3 et C4 ;
intrt pour le suivi : consommation = activit du lupus.
C. Diagnostic = 4 Critres de lARA
D. volution
q
Chronique, volue par pousses.
Survie 5 ans > 90 % (mortalit : pousse lupique incontrle, thrombose (SAPL), infection).
Survie 20 ans = 80 % (mortalit cardiovasculaire).
Risques de complications lies au traitement ++.
E. Traitement
q
Moyens : AINS, antipaludens, corticostrodes, immunosuppresseurs (cyclophosphamide, MMF,
azathioprine).
Traitement de fond : strodes faible dose et hydroxychloroquine
Traitement dinduction : Strodes forte dose et immunosuppresseurs (cyclophosphamide et MMF)
Traitement dentretien : Strodes faible dose et immunosuppresseur (Azathioprine ou MMF)
Indications :
formes mineures : Traitement de fond +/ AINS ;
formes viscrales : Traitement de fond + traitement dattaque puis traitement dentretien.
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