LES VOUSSURES DÉPOSÉES DU PORTAIL CENTRAL DE LA CATHÉDRALE DE BOURGES (4)
par Fabienne JOUBERT
La crypte de la cathédrale de Bourges conserve, depuis le milieu du xixe siècle, dix statuettes provenant des voussures de la façade occidentale (2). Quatre autres statuettes de même origine se trouvent au Louvre depuis 1891 (3). Malgré un certain nombre de témoignages datant de l'époque des restaurations de la cathédrale, qui précisent tous qu'elles viennent du portail central (4), on a généralement admis, depuis l'étude de Boinet sur la sculpture de la façade, que certaines d'entre elles pouvaient provenir des portails Saint-Étienne et Saint-Ursin, à droite du portail central (5) : Boinet s'était en fait fondé sur les ressemblances qu'il relevait entre ces quelques figures et les deux archivoltes extérieures du portail Saint- Etienne, et la rangée externe du portail Saint-Ursin. Ces rapprochements stylistiques, d'ailleurs discutables, paraissent particulièrement fragiles puisque les sculptures en place dans ces portails ont été sévèrement restaurées : une analyse des textes concernant les restaurations s'impose donc pour définir l'origine exacte de ces voussures (6).
Si l'on avait déjà entrepris quelques réparations à la cathédrale en 1820-1821 (7), on ne commença
(1) Les cinq portails sont, de gauche à, droite : Saint-Guillaume, la Vierge, le Jugement dernier, Saint-Etienne et Saint-Ursin.
(2j Ces sculptures ont été mises en dépôt aux Musées du Berry en 1894, par décision ministérielle du 29 juin 1893. Nos D 894.2.8 à, 894.2.17 de l'Inventaire des objets entrés au Musée depuis le 5 août 1,883, série B. Je tiens à, exprimer ici toute ma reconnaissance à M. J. Favière, conservateur des Musées de Bourges, et à M. P. Bailly, son assistant, qui ont facilité dans cette étude — - comme généralement dans celles que je poursuis à Bourges — ■ mes recherches dans leurs dossiers de documentation.
(3) M. Aubert et M. Beaulieu, Musée national du Louvre. Description raisonnée des sculptures, I : Moyen Age, Paris, 1950, nos 163-166. Les nos 165 et 166 sont actuellement déposés dans les réserves du Musée.
(4) Voir par exemple le comte de Montalembert, Les artistes dominicains, dans Annales archéologiques, 1845, t. II, p. 241. Le rapport de Didron, alors secrétaire du Comité historique des Arts et Monuments, sur les travaux exécutés à la cathédrale de Bourges avant 1848, communiqué et annoté par O. Roger dans les Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, 1888-1889, t. XVI, p. 173-208, sur ce point précis, voir p. 181. A. de Girardct et H. Durand, La cathédrale de Bourges, 1849, p. 69. L'inventaire des objets entrés au Musée depuis 1883, déjà cité. Enfin la copie manuscrite des procès-verbaux des séances de la Société des Antiquaires du Centre (conservés aux Archives du Cher, réf. 2 F 586) du 4 mars 1891, à propos du transfert au Louvre de quatre de ces voussures, et Durocher, Notes sur la cathédrale de Bourges, dans la Revue du Centre, 1891, p. 323, à propos de ce même transfert.
(5) A. Boinet, Les sculptures de la cathédrale de Bourges (façade occidentale), supplément n° 1 à la Revue de l'art chrétien, 1912, p. 41-42, 46, 79-80. Cette hypothèse fut reprise au Louvre par P. Vitry, dans le Catalogue des sculptures du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes, lre partie, 1922, nos 108-110, puis M. Aubert et M. Beaulieu, op. cit., n08 163-165 ; deux de ces statuettes furent exposées lors de l'exposition Cathédrales en 1962, voir dans le catalogue les nos 97-98, où cette même origine leur est donnée. Enfin P. Chapu, Les sculptures du Moyen Age conservées dans les Musées de Bourges, thèse de l'École du Louvre dactylographiée, 1967, nos 14-20, 30-33.
(6) La thèse de Tania Rolph, soutenue à l'Université de Columbia en 1968, The West Portais of Bourges Cathedral and their sculpture, est restée inédite (elle a toutefois donné très brièvement les conclusions de son étude dans le catalogue de l'exposition The Renaissance of the twelfth Century, Museum of Art, Rhode Island School of design, Providence, Rhode Island, May 8-June 22, 1969, p. 169-171). Elle traite presque exclusivement de problèmes stylistiques (voir p. 4, note 1, p. 279, note 4, p. 284, note 1). Pourtant, dans ses notes et dans un Appendice, elle aborde brièvement le problème des restaurations, apportant généralement sans pièces justificatives le résultat de ses recherches. Ainsi, p. 107, note 1, propose-t-elle une restitution des quatorze voussures au portail central.
(7) Voir 1' « État des réparations à fairs à l'église cathédrale de Saint-Étienne », datant de 1810, dans le dossier V 99 des Archives du Cher, et les documents concernant les premiers travaux conservés aux Archives nationales, dossier F19 7656 : « Travaux exécutés à la cathédrale de Bourges de 1811 à 1850. » II s'agit d'un versement du Ministère des Beaux- Arts, da-