AUBIGNÉ ET FRÈRE ANGE DE JOYEUSE : DERRIÈRE L’HOMME, LA RHÉTORIQUE

Un des bons moyens de ridiculiser un parti est de faire d’une de ses « icônes » – pour employer notre langage – un représentant incapable, cynique, incohérent, burlesque, selon l’opportunité. En concentrant sur Sancy les foudres destinées aux nouveaux convertis du Roi, de Du Perron et de l’ambition réunis, Aubigné a choisi une méthode, qu’il renouvelle au fil des anecdotes1 et qui se retrouve dans des morceaux de textes supposés tardifs. Les grands combats trouvent ainsi une illustration féroce et individualisée, tel le combat théorique d’Aubigné contre les méthodes de la prédication catholique déplacé sur la personne de Frère Ange, qu’il évoque dans Les avantures du baron de Faeneste. Faeneste IV, en termes d’édition, est un texte de 1630, et on n’oubliera pas qu’il est particulièrement violent contre le clergé en général sur un mode de plaisanterie qui choque les Genevois eux-mêmes. S’en prendre à Frère Ange en 1630 n’a plus aucun impact, que symbolique rétrospectivement. Par contre, on peut supposer, vu la clarté de sa documentation, que le morceau sort de l’expérience douloureuse à certains égards des années 1599-1602. Les aventures de Frère Ange sont une polémique enchâssée dans une autre polémique suivie : le prédicateur « prouve » la prédication catholique. C’est en effet l’époque où catholiques et protestants ne s’affrontent plus par la violence. Les guerres sont finies. En revanche, la controverse religieuse fait rage entre deux partis qui prétendent tous deux avoir raison, et que des conceptions différentes séparent radicalement2, y compris dans le domaine de la prédication. Or, Aubigné aborde directement ce sujet dans trois chapitres successifs du