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Pa'iatua

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Le rituel pa'iatua, parfois orthographié pa'i-atua, est une cérémonie religieuse polynésienne, spécifique à Tahiti et aux îles de la Société. Consistant en un « rassemblement et déshabillage des Dieux »[1], la cérémonie était centrée autour des représentations divines to'o, tout particulièrement du dieu Oro[2]. Elle avait lieu sur un marae pour divers événements importants, allant des consécrations aux prières[1]. Décrite comme « la plus grande de toutes les cérémonies du marae »[1] ou encore comme « le rituel principal de la liturgie tahitienne de l'époque », elle est également la mieux documentée[3].

Définition

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Étymologie et graphies

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Selon Babadzan, qui se base sur les dictionnaires du tahitien des Andrews[4] et de Davies[5], pa'iatua se compose de deux mots : pa'i ou pai, l'enveloppe ou l'habillement, et atua, dieu(x). Combinés, ces deux mots désignent ainsi « l'enveloppage[réf. nécessaire] des dieux »[6].

Plusieurs graphies du terme ont existé, évoluant avec les époques. Ainsi en plus des formes pa'iatua et pa'i-atua couramment admises, on trouve souvent l'omission de l'apostrophe en pai-atua[1] et paiatua[7],[8],[9]. Pour les témoins du rituel, Jacques-Antoine Moerenhout parle de paa atoua[10] et William Ellis de paeatua ou pae atua[11].

Déroulement

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La description la plus détaillée de la cérémonie qui nous soit parvenue est celle de Teuira Henry, qui se base sur la description qui lui en aurait été faite par Pomare II, Mahine et des prêtres[12]. On en trouve également des mentions plus succinctes dans les écrits de Moerenhout[13], Ellis[14] ou Bovis[15].

Préparation

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Tenue rituelle tahitienne
Tenue rituelle tahitienne.

L'événement était annoncé à la population afin qu'elle s'y prépare : des restrictions sur l'usage du feu impliquait par exemple la préparation de nourriture en avance[16]. Le battement d'un gros tambour au début du rite annonçait d'ailleurs la fin des activités ordinaires[17]. Les prêtres s'isolaient et se prêtaient à un rituel spécifique lié à la solennité et au caractère hautement sacré de l'événement. Le grand chef et les prieurs se purifiaient également dans une moindre mesure[1].

Le rituel commençait par la préparation du lieu cérémoniel, le marae, dans une séquence préliminaire appelée vaere'a mara'e[6]. Le remplacement et la réparation des éléments s'y trouvant avaient lieu, notamment des pirogues ou des décorations du site[1]. Surtout, le marae était désherbé et nettoyé de ses ornements anciens par le roi (ari'i) et des personnes de haut rang. Les déchets étaient placés dans une fosse sacrée spécifique au site[18] : tiri a pera[19].

Juste avant que les processions ne commencent, les prêtres et les gardiens des marae (les 'opu-nui[20]) se retiraient dans le fare-ia-manaha — un édifice sacré orienté vers le marae où se trouvaient le to'o principal, les prêtres et les autres effigies[19] — pour leur dernier repas et pour revêtir leurs habits sacerdotaux[21]. Une première procession nocturne pouvait alors y commencer[19].

Cérémonie

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Procession nocturne

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La cérémonie s'ouvrait à la tombée de la nuit par la marche du clergé vers le marae. Menée par le grand-prêtre, il était suivi d'autres prêtres porteurs de Dieux messagers[21], vraisemblablement des ti'i[19]. Ceux-ci étaient ensuite disposés sur le pavage à côté de la première rangée des dalles de prière[21].

Une séquence de prières et de chants s'ouvrait alors. Étaient notamment récités la Bénédiction du marae et de l'autel de Maui[a] ainsi qu'une invocation préliminaire[b] . Les Dieux-messagers étaient ensuite déshabillés pendant qu'une injonction, l'« envoi des messagers »[c], adaptée au Dieu tutélaire invoqué lors de la cérémonie était chantée[22]. Ce déshabillage a suscité l'interrogation sur la nature réelle des ti'i impliqués ici. Ces figures ne sont en effet pas connues pour porter d'enveloppe, cette caractéristique étant plus spécifique aux to'o. Néanmoins, la nature de messager, destiné à aller chercher les dieux est spécifiquement dévolue aux ti'i et l'appellation réutilisée plusieurs fois dans le texte de Henry laissent effectivement penser que des ti'i étaient bel et bien enveloppés pour cette cérémonie, vraisemblablement dans des couches de tapa, de plumes et de cordelette sacrée[19].

Cette phase d'injonction durait la majeure partie de la nuit. L'aurore était ensuite accueillie par un autre chant[22] et marquait le début de la séquence principale[23].

Exposition des dieux

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To'o de la divinité Oro dans son enveloppe
To'o de la divinité Oro dans son enveloppe.

Avec l'arrivée du jour, le grand-prêtre commandait à aller chercher les dieux dans le fare-ia-manaha. Les prêtres s'y rendaient donc pour aller y retrouver l'ensemble des effigies qu'ils avaient rapportées ainsi que le Dieu tutélaire[24], le to'o auquel le marae est consacré, placé dans son arche[25].

Une procession solennelle, ordonnée hiérarchiquement, avaient alors lieu vers le marae[25]. Le grand-prêtre ouvrait le cortège, suivi du Dieu tutélaire dans son arche, portée au moyen de perches par quatre prêtres nommés « soigneurs du Dieu »[d]. Ceux-ci clamaient tout du long le ho-ho-atua, l'appel des Dieux. Derrière suivaient « les représentants des marae sociaux, ancestraux et royaux avec leurs Dieux inférieurs enveloppés [...] rejoints pendant la procession par les docteurs, les constructeurs de pirogues et les pêcheurs avec leurs Dieux également enveloppés. Les sorciers fermaient la marche »[24].

Arrivée au marae, l'arche était déposée dans la cour[e] tandis que le reste de la congrégation s'y ordonnait par rang[24]. Le point culminant de la cérémonie pouvait alors s'accomplir ainsi que le relate Henry : « Lorsque tout le monde était assis, le grand-prêtre ouvrait l’arche et sortait l’image sainte et, pendant qu’il la déshabillait sur la natte, les autres prêtres déshabillaient leurs images en chantant avec lui »[24]. Ce chant avait pour but de contenir la puissance des dieux alors qu'ils étaient ainsi exposés[23].

Échange des dieux

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Commençait alors la phase du tari-toara’a-atua dite d'échange des dieux. Exposé et débarrassé de ses plumes rouges et jaunes, le Dieu tutélaire se voyait présenter chacun à leur tour les autres dieux par leurs propriétaires. Ces derniers faisaient alors des offrandes d'amulettes et de plumes au grand-prêtre qui leur échangeait contre les siennes, le grand Dieu conférant ainsi de sa puissance aux dieux inférieurs. Là aussi, un ordre de présentation était respectée, tenant compte des images nouvellement créées ou de celles dérobées à un ennemi. Les enveloppes des dieux étaient également échangées avec des nouvelles. Les anciennes étaient conservées dans les marae respectifs des divinités[26].

Après quelques prières et sacrifices, notamment d'un cochon, les dieux étaient enveloppés à nouveau et ramenés dans le fare-ia-manaha. Le dieu tutélaire, ré-enveloppé également et replacé dans son arche, restait néanmoins sur le marae[27]. Avec l'odeur de la viande sacrifiée et le battement de tambours, la vie ordinaire des habitants pouvaient reprendre[28] mais la cérémonie n'était pas encore totalement terminée. Une dernière phase de prières et sacrifices était entamée, clairement délimitée[29] notamment par des invocations d'ouverture[30],[f] et de clôture[30],[g]. Elle visait à congédier les dieux, leur faisant reprendre leur place dans leur univers, contrairement au mélange que le rituel avait induit[29].

La cérémonie se terminait au battement du tambour avec le son de conques annonçant une fête que la population avait préparée. Les prêtres ramenaient quand à eux l'arche du Dieu tutélaire au fare-ia-manaha[31].

Fête de fin

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La population, à nouveau autorisée à rejoindre le marae[32], y rapportait divers artéfacts et victuailles destinés tant aux dieux qu'au clergé[33]. La population quittait peu après le marae pour s'adonner au festin préparé. Le clergé restait quant à lui au marae « pour partager leurs repas avec les Dieux dans une atmosphère de respect et de crainte »[34].

Notes et références

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  1. Respectivement Mâui-marae et Mâui-fatarau en tahitien
  2. appelée tarotaro
  3. tu’utu’ura’a ’arere en tahitien
  4. hi’i-atua en tahitien
  5. ’ava’a en tahitien
  6. toa’e en tahitien
  7. ripoa ou turue en tahitien

Références

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  1. a b c d e et f Henry 2004, p. 144.
  2. Babadzan 1981, p. 10.
  3. Babadzan 1981, p. 13.
  4. (en) Edmund Andrews et Irene Green Dwen Andrews, A comparative dictionary of the Tahitian language : Tahitian-English with an English-Tahitian finding list, Chicago, The Chicago Academy of Sciences, , 253 p. (lire en ligne), p. 110
  5. (en) Herbert John Davies, A Tahitian and English dictionary : with introductory remarks on the Polynesian language, and a short grammar of the Tahitian dialect: with an appendix containing a list of foreign words used in the Tahitian Bible, in commerce, etc., with the sources from whence they have been derived, Tahiti, London Missionary Society's Press, , 321 p. (lire en ligne), p. 181
  6. a et b Babadzan 1981, p. 14.
  7. Claude Robineau, Tradition et modernité aux îles de la Société, vol. 2 : Les racines, Bondy, Éditions de l'Office de la recherche scientifique et technique outre-mer, , 300 p. (ISSN 0376-1819, lire en ligne), p. 66
  8. Jean-François Baré, Le malentendu Pacifique : des premières rencontres entre Polynésiens et Anglais et de ce qui s'ensuivit avec les Français jusqu'à nos jours, Paris, Hachette, coll. « Histoire des gens », , 278 p. (ISBN 2-01-010377-7, lire en ligne), p. 137
  9. Oliver 1974, p. 112.
  10. Moerenhout 1837, p. 515.
  11. Ellis 1972, p. 189.
  12. Henry 2004, p. 186.
  13. Moerenhout 1837, p. 514-517.
  14. Ellis 1972, p. 212, 214.
  15. Edmond de Bovis (préf. Patrick O'Reilly), État de la société tahitienne à l'arrivée des Européens, Papeete, Société des études océaniennes, (1re éd. 1855), 74 p. (lire en ligne), p. 58-60
  16. Henry 2004, p. 145.
  17. Oliver 1974, p. 113.
  18. Henry 2004, p. 146.
  19. a b c d et e Babadzan 1981, p. 15.
  20. Henry 2004, p. 138.
  21. a b et c Henry 2004, p. 147.
  22. a et b Henry 2004, p. 149.
  23. a et b Oliver 1974, p. 116.
  24. a b c et d Henry 2004, p. 153.
  25. a et b Babadzan 1981, p. 16.
  26. Henry 2004, p. 154.
  27. Henry 2004, p. 155.
  28. Oliver 1974, p. 117.
  29. a et b Babadzan 1981, p. 17.
  30. a et b Henry 2004, p. 157.
  31. Henry 2004, p. 160.
  32. Henry 2004, p. 161.
  33. Oliver 1974, p. 118.
  34. Henry 2004, p. 162.

Bibliographie

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  • Alain Babadzan, « Les dépouilles des dieux : Essai sur la symbolique de certaines effigies polynésiennes », RES: Anthropology and Aesthetics, no 1,‎ , p. 8-39 (ISSN 0277-1322, JSTOR 20166653, lire en ligne)