中法对照:A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU III 追忆似水年华 第三卷(270)
Le Côté de Guermantes 盖尔芒特家那边
作者:Marcel Proust 马塞尔-普鲁斯特
Deuxième Partie 第二部
编辑整理:WANGGUOTONG
J’ai dit (et précisément c’était, à Balbec, Robert de Saint-Loup qui m’avait, bien malgré lui, aidé à en prendre conscience) ce que je pense de l’amitié : à savoir qu’elle est si peu de chose que j’ai peine à comprendre que des hommes de quelque génie, et par exemple un Nietzsche, aient eu la naïveté de lui attribuer une certaine valeur intellectuelle et en conséquence de se refuser à des amitiés auxquelles l’estime intellectuelle n’eût pas été liée. Oui, cela m’a toujours été un étonnement de voir qu’un homme qui poussait la sincérité avec lui-même jusqu’à se détacher, par scrupule de conscience, de la musique de Wagner, se soit imaginé que la vérité peut se réaliser dans ce mode d’expression par nature confus et inadéquat que sont, en général, des actions et, en particulier, des amitiés, et qu’il puisse y avoir une signification quelconque dans le fait de quitter son travail pour aller voir un ami et pleurer avec lui en apprenant la fausse nouvelle de l’incendie du Louvre. J’en étais arrivé, à Balbec, à trouver le plaisir de jouer avec des jeunes filles moins funeste à la vie spirituelle, à laquelle du moins il reste étranger, que l’amitié dont tout l’effort est de nous faire sacrifier la partie seule réelle et incommunicable (autrement que par le moyen de l’art) de nous-même, à un moi superficiel, qui ne trouve pas comme l’autre de joie en lui-même, mais trouve un attendrissement confus à se sentir soutenu sur des étais extérieurs, hospitalisé dans une individualité étrangère, où, heureux de la protection qu’on lui donne, il fait rayonner son bien-être en approbation et s’émerveille de qualités qu’il appellerait défauts et chercherait à corriger chez soi-même. D’ailleurs les contempteurs de l’amitié peuvent, sans illusions et non sans remords, être les meilleurs amis du monde, de même qu’un artiste portant en lui un chef-d’œuvre et qui sent que son devoir serait de vivre pour travailler, malgré cela, pour ne pas paraître ou risquer d’être égoïste, donne sa vie pour une cause inutile, et la donne d’autant plus bravement que les raisons pour lesquelles il eût préféré ne pas la donner étaient des raisons désintéressées. Mais quelle que fût mon opinion sur l’amitié, même pour ne parler que du plaisir qu’elle me procurait, d’une qualité si médiocre qu’elle ressemblait à quelque chose d’intermédiaire entre la fatigue et l’ennui, il n’est breuvage si funeste qui ne puisse à certaines heures devenir précieux et réconfortant en nous apportant le coup de fouet qui nous était nécessaire, la chaleur que nous ne pouvons pas trouver en nous-même.
我曾谈过我对友谊的看法(而且,正是罗贝-德-圣卢在巴尔贝克海滩无意中教会我这样认识的)。我认为友谊是微不足道的,因此,我很不理解某些天才人物,例如尼采,竟会幼稚地认为友谊具有一种精神价值,因而拒绝接受某些缺少精神价值的友谊。是的,当我看见有些人为了表示真诚,免除良心不安,竟会不再喜欢瓦格纳的音乐,看到他们认为真实可以用行动,尤其可以用友谊这个本质上模糊的和不恰当的方式表达出来,认为在听到卢浮宫失火的假消息时,可以擅离职守去会一个朋友,和他一起为这场火灾哭泣,每当我看到这些,总会感到无比吃惊。在巴尔贝克时,我就发现,和妙龄少女一起玩耍对精神生活的有害影响比友谊的影响要小,至少前者和精神生活无关,而友谊却竭力要我们牺牲——不是通过和艺术一样的手段——我们自己唯一真实的和不能与别人沟通的部分,要我们服从表面的“我”。真实的“我”可以在自己身上找到快乐,但表面的“我”却只能感到自己得到了外部的支持,受到了一个具有个性的外人的关照,从而找到了一种模模糊糊的同情,它为得到保护而喜不自胜,感到心安理得,舒适安逸,为发现自己的一些品质——他会把它们叫做缺点——而惊叹不已,并且努力改正。此外,蔑视友谊的人可以成为上流社会最好的朋友,但他们不抱任何幻想,而且会受到良心责备。这种艺术家是一个道理。艺术家是构思杰作的,他感到活着就应该工作,但尽管如此,为了不显得或可能显得自私,他和自己的生命献给一个无益的事业,而且,他不想为这个事业献身的理由越无私,就越勇敢地为它献出生命。但是,不管我对友谊有怎样的看法,即使认为它带给我的快乐不伦不类,介乎疲劳和厌烦之间,然而,再有害的饮料有时也能变成兴奋精神的宝物,给我们以必要的刺激,使我们得到自身得不到的热量。
J’étais bien éloigné certes de vouloir demander à Saint-Loup, comme je le désirais il y a une heure, de me faire revoir des femmes de Rivebelle ; le sillage que laissait en moi le regret de Mme de Stermaria ne voulait pas être effacé si vite, mais, au moment où je ne sentais plus dans mon cœur aucune raison de bonheur, Saint-Loup entrant, ce fut comme une arrivée de bonté, de gaieté, de vie, qui étaient en dehors de moi sans doute mais s’offraient à moi, ne demandaient qu’à être à moi. Il ne comprit pas lui-même mon cri de reconnaissance et mes larmes d’attendrissement. Qu’y a-t-il de plus paradoxalement affectueux d’ailleurs qu’un de ces amis — diplomate, explorateur, aviateur ou militaire — comme l’était Saint-Loup, et qui, repartant le lendemain pour la campagne et de là pour Dieu sait où, semblent faire tenir pour eux-mêmes, dans la soirée qu’ils nous consacrent, une impression qu’on s’étonne de pouvoir, tant elle est rare et brève, leur être si douce, et, du moment qu’elle leur plaît tant, de ne pas les voir prolonger davantage ou renouveler plus souvent. Un repas avec nous, chose si naturelle, donne à ces voyageurs le même plaisir étrange et délicieux que nos boulevards à un Asiatique. Nous partîmes ensemble pour aller dîner et tout en descendant l’escalier je me rappelai Doncières, où chaque soir j’allais retrouver Robert au restaurant, et les petites salles à manger oubliées. Je me souvins d’une à laquelle je n’avais jamais repensé et qui n’était pas à l’hôtel où Saint-Loup dînait, mais dans un bien plus modeste, intermédiaire entre l’hôtellerie et la pension de famille, et où on était servi par la patronne et une de ses domestiques. La neige m’avait arrêté là. D’ailleurs Robert ne devait pas ce soir-là dîner à l’hôtel et je n’avais pas voulu aller plus loin. On m’apporta les plats, en haut, dans une petite pièce toute en bois. La lampe s’éteignit pendant le dîner, la servante m’alluma deux bougies. Moi, feignant de ne pas voir très clair en lui tendant mon assiette, pendant qu’elle y mettait des pommes de terre, je pris dans ma main son avant-bras nu comme pour la guider. Voyant qu’elle ne le retirait pas, je le caressai, puis, sans prononcer un mot, l’attirai tout entière à moi, soufflai la bougie et alors lui dis de me fouiller, pour qu’elle eût un peu d’argent. Pendant les jours qui suivirent, le plaisir physique me parut exiger, pour être goûté, non seulement cette servante mais la salle à manger de bois, si isolée. Ce fut pourtant vers celle où dînaient Robert et ses amis que je retournai tous les soirs, par habitude, par amitié, jusqu’à mon départ de Doncières. Et pourtant, même cet hôtel où il prenait pension avec ses amis, je n’y songeais plus depuis longtemps. Nous ne profitons guère de notre vie, nous laissons inachevées dans les crépuscules d’été ou les nuits précoces d’hiver les heures où il nous avait semblé qu’eût pu pourtant être enfermé un peu de paix ou de plaisir. Mais ces heures ne sont pas absolument perdues. Quand chantent à leur tour de nouveaux moments de plaisir qui passeraient de même aussi grêles et linéaires, elles viennent leur apporter le soubassement, la consistance d’une riche orchestration. Elles s’étendent ainsi jusqu’à un de ces bonheurs types, qu’on ne retrouve que de temps à autre mais qui continuent d’être ; dans l’exemple présent, c’était l’abandon de tout le reste pour dîner dans un cadre confortable qui par la vertu des souvenirs enferme dans un tableau de nature des promesses de voyage, avec un ami qui va remuer notre vie dormante de toute son énergie, de toute son affection, nous communiquer un plaisir ému, bien différent de celui que nous pourrions devoir à notre propre effort ou à des distractions mondaines ; nous allons être rien qu’à lui, lui faire des serments d’amitié qui, nés dans les cloisons de cette heure, restant enfermés en elle, ne seraient peut-être pas tenus le lendemain, mais que je pouvais faire sans scrupule à Saint-Loup, puisque, avec un courage où il entrait beaucoup de sagesse et le pressentiment que l’amitié ne se peut approfondir, le lendemain il serait reparti.当然,我不会要求圣卢带我去见里夫贝尔的姑娘,尽管一小时以前我很想再见到她们。德-斯代马里亚夫人没有赴约在我身上留下的遗憾不愿意那么快就消失,但就在我感到心灰意懒,毫无趣味的时候,圣卢进来了,给我带来了慈爱、欢乐和生命,虽然现在它们还不属于我,但它们想把自己奉献给我,只求成为我身体的一部分。可是圣卢却不明白我为什么要发出感激的惊呼声,为什么感动得掉眼泪。此外,在我们的朋友中,有谁会比那些当外交家、探险家、飞行家,或者和圣卢一样当军人的朋友更令人难以置信地重感情呢?他们第二天就要动身去乡下,不知道还要上哪里,却把晚上奉献给我们,似乎想对这个晚上留下一个美好的印象,我们惊奇地看到,正因为这个印象难得而又短暂,就格外使他们感到甜蜜,但我们不明白,既然他们那样喜欢,为什么不让这个印象延长或者重复呢?同我们一起吃顿饭,这本来是一件极其普通的事,可这些旅行家们却会产生一种奇妙的快感,就和一个亚洲人看见我们的林荫大道时产生的感觉一样。我和圣卢一同出去吃晚饭。下楼时,我想起了东锡埃尔,每天晚上我都去那家饭店找罗贝,那些被我遗忘了的小餐室现在又浮现在我的眼前。我想起了一间小餐室,以前我从没有想起过,它不在圣卢包饭的那家旅馆里,而是在一家更简陋的客栈,有点象乡村旅馆,也有点象膳食公寓,女老板和她的一位女仆负责端饭上菜,侍候顾客。大雪把我困在那里了。再说,那天罗贝不去他的旅馆吃晚饭,我也就不想挪地方。我在楼上一间全木结构的小餐室里,人们给我端来了饭菜。晚饭时电灯灭了,女仆给我点上了两支蜡烛。我把盘子伸给她,假装看不清楚,在她往盘子里放土豆时,我象要给她指引方向似的,抓住了她赤裸的上臂,见她没有抽回去,我就在上面抚摸起来,然后一句话也不说,把她拉到我身边,吹灭蜡烛,叫她搜我的身,拿一些小费走。以后几天,我觉得,当我渴望得到肉体快感时,不仅想要那个女仆,而且想要那间与世隔绝的木结构小餐室。然而,直到我离开东锡埃尔,一直没有再回那里,而是每天晚上到圣卢和他朋友们吃饭的那间餐厅去,这是出于习惯,也是为了友谊。然而,即使是圣卢和他的朋友们包膳的那个旅馆,我也许久没想起了。我们很少充分享受生活。在夏日的黄昏或早早降临的冬夜,有许多时光我们没有好好利用,然而,我们本来是可以从中寻找一点儿安宁和快乐的。但是,这些时光不是绝对都浪费了。当新的快乐时刻开始以同样尖细的,线状的方式歌唱,时光就使它们具有和管弦乐一样丰富的基础和内容。时光就这样延伸出去,和一种典型的幸福挂上了钩,这种幸福我们隔一段时间才能遇到一次,但它们仍然继续存在;在眼下这个例子中,幸福意味着放弃其余一切,和朋友到一个舒适惬意的地方去吃晚饭,那里象一幅美丽的图画,铭刻着我们对往事的记忆,我们曾作过经常去光顾的许诺。这个朋友将用他的全部活力和真挚友情搅动我们死水般沉闷的生活,把一种颤栗的快乐传导给我们,平时,我们在社交活动中是得不到这样的快乐的。我们将只属于他一个人,向他宣誓忠于友谊。誓言产生于这个特殊的时刻,并将永远停留在这一刻,也许第二天就会被忘得一干二净,但我可以毫无顾虑地向圣卢宣这个誓,因为第二天,他就会带着友谊不可能持久的预感,勇敢而明智地离开巴黎。
Si en descendant l’escalier je revivais les soirs de Doncières, quand nous fûmes arrivés dans la rue brusquement, la nuit presque complète où le brouillard semblait avoir éteint les réverbères, qu’on ne distinguait, bien faibles, que de tout près, me ramena à je ne sais quelle arrivée, le soir, à Combray, quand la ville n’était encore éclairée que de loin en loin, et qu’on y tâtonnait dans une obscurité humide, tiède et sainte de Crèche, à peine étoilée çà et là d’un lumignon qui ne brillait pas plus qu’un cierge. Entre cette année, d’ailleurs incertaine, de Combray, et les soirs à Rivebelle revus tout à l’heure au-dessus des rideaux, quelles différences ! J’éprouvais à les percevoir un enthousiasme qui aurait pu être fécond si j’étais resté seul, et m’aurait évité ainsi le détour de bien des années inutiles par lesquelles j’allais encore passer avant que se déclarât la vocation invisible dont cet ouvrage est l’histoire. Si cela fût advenu ce soir-là, cette voiture eût mérité de demeurer plus mémorable pour moi que celle du docteur Percepied sur le siège de laquelle j’avais composé cette petite description — précisément retrouvée il y avait peu de temps, arrangée, et vainement envoyée au Figaro — des cloches de Martainville. Est-ce parce que nous ne revivons pas nos années dans leur suite continue jour par jour, mais dans le souvenir figé dans la fraîcheur ou l’insolation d’une matinée ou d’un soir, recevant l’ombre de tel site isolé, enclos, immobile, arrêté et perdu, loin de tout le reste, et qu’ainsi, les changements gradués non seulement au dehors, mais dans nos rêves et notre caractère évoluant, lesquels nous ont insensiblement conduit dans la vie d’un temps à tel autre très différent, se trouvant supprimés, si nous revivons un autre souvenir prélevé sur une année différente, nous trouvons entre eux, grâce à des lacunes, à d’immenses pans d’oubli, comme l’abîme d’une différence d’altitude, comme l’incompatibilité de deux qualités incomparables d’atmosphère respirée et de colorations ambiantes ? Mais entre les souvenirs que je venais d’avoir, successivement, de Combray, de Doncières et de Rivebelle, je sentais en ce moment bien plus qu’une distance de temps, la distance qu’il y aurait entre des univers différents où la matière ne serait pas la même. Si j’avais voulu dans un ouvrage imiter celle dans laquelle m’apparaissaient ciselés mes plus insignifiants souvenirs de Rivebelle, il m’eût fallu veiner de rose, rendre tout d’un coup translucide, compacte, fraîchissante et sonore, la substance jusque-là analogue au grès sombre et rude de Combray. Mais Robert, ayant fini de donner ses explications au cocher, me rejoignit dans la voiture. Les idées qui m’étaient apparues s’enfuirent. Ce sont des déesses qui daignent quelquefois se rendre visibles à un mortel solitaire, au détour d’un chemin, même dans sa chambre pendant qu’il dort, alors que debout dans le cadre de la porte elles lui apportent leur annonciation. Mais dès qu’on est deux elles disparaissent, les hommes en société ne les aperçoivent jamais. Et je me trouvai rejeté dans l’amitié. Robert en arrivant m’avait bien averti qu’il faisait beaucoup de brouillard, mais tandis que nous causions il n’avait cessé d’épaissir. Ce n’était plus seulement la brume légère que j’avais souhaité voir s’élever de l’île et nous envelopper Mme de Stermaria et moi. À deux pas les réverbères s’éteignaient et alors c’était la nuit, aussi profonde qu’en pleins champs, dans une forêt, ou plutôt dans une molle île de Bretagne vers laquelle j’eusse voulu aller, je me sentis perdu comme sur la côte de quelque mer septentrionale où on risque vingt fois la mort avant d’arriver à l’auberge solitaire ; cessant d’être un mirage qu’on recherche, le brouillard devenait un de ces dangers contre lesquels on lutte, de sorte que nous eûmes, à trouver notre chemin et à arriver à bon port, les difficultés, l’inquiétude et enfin la joie que donne la sécurité — si insensible à celui qui n’est pas menacé de la perdre — au voyageur perplexe et dépaysé. Une seule chose faillit compromettre mon plaisir pendant notre aventureuse randonnée, à cause de l’étonnement irrité où elle me jeta un instant. « Tu sais, j’ai raconté à Bloch, me dit Saint-Loup, que tu ne l’aimais pas du tout tant que ça, que tu lui trouvais des vulgarités. Voilà comme je suis, j’aime les situations tranchées », conclut-il d’un air satisfait et sur un ton qui n’admettait pas de réplique. J’étais stupéfait. Non seulement j’avais la confiance la plus absolue en Saint-Loup, en la loyauté de son amitié, et il l’avait trahie par ce qu’il avait dit à Bloch, mais il me semblait que de plus il eût dû être empêché de le faire par ses défauts autant que par ses qualités, par cet extraordinaire acquis d’éducation qui pouvait pousser la politesse jusqu’à un certain manque de franchise. Son air triomphant était-il celui que nous prenons pour dissimuler quelque embarras en avouant une chose que nous savons que nous n’aurions pas dû faire ? traduisait-il de l’inconscience ? de la bêtise érigeant en vertu un défaut que je ne lui connaissais pas ? un accès de mauvaise humeur passagère contre moi le poussant à me quitter, ou l’enregistrement d’un accès de mauvaise humeur passagère vis-à-vis de Bloch à qui il avait voulu dire quelque chose de désagréable même en me compromettant ? Du reste sa figure était stigmatisée, pendant qu’il me disait ces paroles vulgaires, par une affreuse sinuosité que je ne lui ai vue qu’une fois ou deux dans la vie, et qui, suivant d’abord à peu près le milieu de la figure, une fois arrivée aux lèvres les tordait, leur donnait une expression hideuse de bassesse, presque de bestialité toute passagère et sans doute ancestrale. Il devait y avoir dans ces moments-là, qui sans doute ne revenaient qu’une fois tous les deux ans, éclipse partielle de son propre moi, par le passage sur lui de la personnalité d’un aïeul qui s’y reflétait. Tout autant que l’air de satisfaction de Robert, ses paroles : « J’aime les situations tranchées » prêtaient au même doute, et auraient dû encourir le même blâme. Je voulais lui dire que si l’on aime les situations tranchées, il faut avoir de ces accès de franchise en ce qui vous concerne et ne point faire de trop facile vertu aux dépens des autres. Mais déjà la voiture s’était arrêtée devant le restaurant dont la vaste façade vitrée et flamboyante arrivait seule à percer l’obscurité. Le brouillard lui-même, par les clartés confortables de l’intérieur, semblait jusque sur le trottoir même vous indiquer l’entrée avec la joie de ces valets qui reflètent les dispositions du maître ; il s’irisait des nuances les plus délicates et montrait l’entrée comme la colonne lumineuse qui guida les Hébreux. Il y en avait d’ailleurs beaucoup dans la clientèle. Car c’était dans ce restaurant que Bloch et ses amis étaient venus longtemps, ivres d’un jeûne aussi affamant que le jeûne rituel, lequel du moins n’a lieu qu’une fois par an, de café et de curiosité politique, se retrouver le soir. Toute excitation mentale donnant une valeur qui prime, une qualité supérieure aux habitudes qui s’y rattachent, il n’y a pas de goût un peu vif qui ne compose ainsi autour de lui une société qu’il unit, et où la considération des autres membres est celle que chacun recherche principalement dans la vie. Ici, fût-ce dans une petite ville de province, vous trouverez des passionnés de musique ; le meilleur de leur temps, le plus clair de leur argent se passe aux séances de musique de chambre, aux réunions où on cause musique, au café où l’on se retrouve entre amateurs et où on coudoie les musiciens de l’orchestre. D’autres épris d’aviation tiennent à être bien vus du vieux garçon du bar vitré perché au haut de l’aérodrome ; à l’abri du vent, comme dans la cage en verre d’un phare, il pourra suivre, en compagnie d’un aviateur qui ne vole pas en ce moment, les évolutions d’un pilote exécutant des loopings, tandis qu’un autre, invisible l’instant d’avant, vient atterrir brusquement, s’abattre avec le grand bruit d’ailes de l’oiseau Roch. La petite coterie qui se retrouvait pour tâcher de perpétuer, d’approfondir, les émotions fugitives du procès Zola, attachait de même une grande importance à ce café. Mais elle y était mal vue des jeunes nobles qui formaient l’autre partie de la clientèle et avaient adopté une seconde salle du café, séparée seulement de l’autre par un léger parapet décoré de verdure. Ils considéraient Dreyfus et ses partisans comme des traîtres, bien que vingt-cinq ans plus tard, les idées ayant eu le temps de se classer et le dreyfusisme de prendre dans l’histoire une certaine élégance, les fils, bolchevisants et valseurs, de ces mêmes jeunes nobles dussent déclarer aux « intellectuels » qui les interrogeaient que sûrement, s’ils avaient vécu en ce temps-là, ils eussent été pour Dreyfus, sans trop savoir beaucoup plus ce qu’avait été l’Affaire que la comtesse Edmond de Pourtalès ou la marquise de Galliffet, autres splendeurs déjà éteintes au jour de leur naissance. Car, le soir du brouillard, les nobles du café qui devaient être plus tard les pères de ces jeunes intellectuels rétrospectivement dreyfusards étaient encore garçons. Certes, un riche mariage était envisagé par les familles de tous, mais n’était encore réalisé pour aucun. Encore virtuel, il se contentait, ce riche mariage désiré à la fois par plusieurs (il y avait bien plusieurs « riches partis » en vue, mais enfin le nombre des fortes dots était beaucoup moindre que le nombre des aspirants), de mettre entre ces jeunes gens quelque rivalité.如果说下楼的时候我重温了东锡埃尔的夜晚,那么,当我们来到街上,看见夜黑得几乎伸手不见五指,雾浓得似乎盖住了路灯,走到跟前才依稀可辨微弱的灯光时,我眼前突然重现了某天晚上我到达贡布雷的情景:那时贡布雷的街上相隔老远才有一盏路灯,我在象马槽那样潮湿、温暖和神圣的黑夜中摸索着前进,难得看见一盏路灯,却只有一支大蜡烛的亮度。那时贡布雷的夜景(我已经记忆模糊)和我刚才从窗帘上方又一次看见的里夫贝尔的暮色相比,差距多大啊!当我觉察到这些差距时,我感到一阵兴奋,如果此时只有我一个人,这种兴奋情绪会给我带来许多启迪,使我在找到我那看不见的禀赋——我这本书就是一部寻找禀赋的历史——之前,少走多少弯路。如果今晚就能找到我的禀赋,那么,这辆马车对我来说要比贝斯比埃大夫的马车更值得纪念(那次,我在贝斯比埃的马车上写了一篇描述马丹维尔教堂钟楼的短文,恰好前不久把它找出来了,改了改,寄给了《费加罗》报,但却石沉大海,杳无消息)。为什么会有这样的差距呢?是因为我们的记忆对于过去岁月的回忆不是连贯的,一天接一天的,而是固定在某个凉爽的或太阳照射的上午或傍晚,接受某个孤立的、偏远的、封闭和静止的风景区的庇护,把其他一切都忘得一干二净之缘故?是因为那些不仅在外界,而且在我们的梦幻和性格中渐渐产生的变化——梦幻和性格千变万化,不知不觉地把我们带进了不同的生活阶段——已被消除的缘故?如果我们回忆起不同岁月的一件往事,由于中间存在着记忆的空白,隔着遗忘的高墙,我们觉得这件往事和其他往事之间仿佛隔着万丈深渊,就象是两个无从比较的东西,一个是可呼吸的空气,另一个是周围的色彩,互不相容,势不两立。但是,我此刻感到,在我刚才相继回忆起来的有关贡布雷、东锡埃尔和里夫贝尔的往事之间,不只是存在着时间的差距,而且还存在着不同世界的差距,它们的组成物质各不相同。如果我想在一件作品中,采用在我看来刻着我在里夫贝尔全部记忆的物质,那么,我就必须在至今一直和贡布雷灰暗的粗陶相类似的物质中加进玫瑰花的成分,使之骤然变得透明、密实,铮铮有声,赏心悦目。但是,罗贝向马车夫做了交待后,上车坐到我身边来了。刚才我脑子里涌现出来的那些思绪转眼间就消失了。它们宛如女神,偶尔屈尊俯就地出现在一条路的拐弯处,向一个孤独的凡人显形,甚至在他睡觉的时候来到他的卧室,站在门口给他报喜讯。但只要来第二个人,女神就会即刻消失,因为聚集在一起的人是看不见女神的。我又被裹进了友谊中。 罗贝来我家时告诉我,外面的雾很大,可在我们谈话之际,雾变得越来越大。我曾盼望布洛尼林园岛上能出现轻雾,把我们——我和德-斯代马里亚夫人——紧紧裹住,但我现在看到的远不是轻雾了。两步以外的路灯变得暗淡无光,因此,夜黑沉沉的,我仿佛来到了原野上,森林中,更确切地说,来到了一个我刚才无限向往的布列塔尼湿润的海岛上。我感到我好象在北方的一条海岸上,迷失了方向,要经过无数次生死考验才能找到一家荒僻的小客栈;雾不再是我们苦苦寻找的海市蜃楼了,它变成了一种我们奋力搏斗的危险。在找到道路和平安抵港之前,我们将历尽千难万险,饱尝人间忧愁,最后才能找到安全,尝到安全给一个流落异国、处境窘迫的旅行者带来的快乐。身处安全中的人是不知道失去安全的痛苦的。在我们冒险奔向饭店的途中,只有一件事差点儿扫了我们的兴,因为这事使我又惊又气。“你知道,”圣卢对我说,“我对布洛克讲了,你并不那么喜欢他,你觉得他很俗气。我就是这样的人,喜欢干脆,”他洋洋得意而又不容置辩地作结论说。我一下愣住了。因为我对圣卢一向很信任,对他的友谊从来都很相信,可他却对布洛克说这样的话,背叛了我们的友谊;况且,我觉得,不论是从他的缺点,还是从他的优点考虑,他都不应该这样说,他受过良好的教育,非常注重礼貌,按说讲话不应该这样直率。他这种洋洋得意的神情难道是为了掩饰他在承认一件他很清楚没有做过的事时感到的局促不安吗?是无意识的流露,还是一种愚蠢的行为,把我尚未发觉的他的一个缺点视作美德?是他一时生我的气才说了我几句坏话,还是他突然生布洛克的气,想对他说些不愉快的事,甚至不惜把我也牵连上?此外,当他对我说这些粗野庸俗的话时,他的脸上出现了许多弯弯曲曲的线条,这种可怕的表情他很少有,我一生中只见他有过一、两次。线条先从脸中间展开,到嘴边后,把嘴唇扭歪,使嘴上闪现出一种卑鄙而丑恶的,无疑是祖先遗传下来的几乎是兽性的表情。这时候(这样的时刻每隔两年才有一次),他的自我也许部分消失了,一位祖先的个性暂时在他身上显示出来。罗贝的“我喜欢干脆”这句话,也和他的得意神情一样,会引起怀疑,招致谴责。我想对他说,如果您喜欢干脆,就应该在涉及到你自己时,表现得坦率、真诚,而不要损人利己,往自己脸上贴金。但是马车已经在饭店门口停下了。饭店闪闪发光的大玻璃门面,终于冲破黑暗,给黑夜带来了一点儿光明。由于店里射出舒适的光,浓雾仿佛成了随主人喜怒哀乐的仆人,春风满面地走到人行道上,为你指明入口处;它呈现出细腻的虹色光环,犹如给希伯来人引路的光柱,指出哪里是大门。况且,顾客中有的是希伯来人。因为很久以来,布洛克和他的朋友们每天晚上都要到这里来聚会,象守斋时那样——封戒期一年也才有一次——饿得头昏眼花,狂饮咖啡,奢谈政治,以满足自己的好奇心。任何一种精神刺激都赋予习惯以一种最高的价值和品质。习惯与精神刺激息息相关,因此,没有一种稍为强烈一些的爱好不在自己周围组成一个小社会,共同的爱好使这个社会的成员团结一致,每一个成员在生活中都竭力想得到其他成员的尊重。在这里,甚至在外省的一个小城镇里,你会找到一些狂热的音乐爱好者;他们把最好的时光和大部分钱财都化费在看室内音乐会,参加音乐漫谈会,去咖啡馆和音乐爱好者聚会,同音乐家接触。另一些人热爱飞行,心想博得机场大厦顶层的玻璃墙酒巴间的老侍者的好评;酒巴间不透风,老侍者躲在里面就和躲在灯塔的玻璃小屋里一样,可以在一个此刻不放飞的飞行员陪同下,观看一个驾驶员在空中翻筋斗,而另一个驾驶员,刚才还无影无踪,此刻突然着陆,摔倒在地,象神话中的大鹏,隆隆地震颤着双翼。那些对左拉诉讼案感兴趣的人也喜欢光顾这个咖啡馆。为了尽量延长和加深旁听庭审时产生的激动,他们常来这里聚会。但他们受到另一部分顾客,受到那些贵族子弟的歧视。贵族们聚集在第二咖啡厅,与第一咖啡厅之间只隔一层用风景挂毯作装饰的矮墙。他们视德雷福斯及其拥护者为叛徒,尽管二十五年后——在这期间,他们来得及澄清自己的思想,重审派也成为历史上受人尊重的派别——他们的儿子,不管是拥护布尔什维克的,还是跳华尔兹舞的,在回答“文人”对他们的提问时,可能会公开宣称,如果他们生活在那个时代,肯定会站在德雷福斯一边,尽管他们对德雷福斯案的来龙去脉几乎一无所知,正如他们对曾经显赫一时,但在他们降世的那天早已失去光辉的埃德蒙-德-布达蓬斯伯爵夫人或加利费侯爵夫人一无所知一样。在这浓雾笼罩的夜晚,聚集在这个咖啡馆里的贵族,那些日后可能成为事后重审派的年轻文人的父亲,还都是些毛头小伙子。当然,他们的家庭都希望自己的儿子与一个富家小姐结婚,但这对谁都还没成为现实。这样一个对象同时有好几个人追求(也有好几个“高门鼎贵的小姐”可供选择,但有丰厚嫁妆的人家毕竟比求婚者少得多),眼下还处在酝酿阶段,只满足于让这些年轻人互相竞争。
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